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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20080721

Dossier : T‑1321‑97

Référence : 2008 CF 892

Ottawa (Ontario), le 21 juillet 2008

En présence de madame la juge Johanne Gauthier

 

 

 

 

ENTRE :

ELI LILLY AND COMPANY

et ELI LILLY CANADA INC.

demanderesses

- et -

 

APOTEX INC.

défenderesse

 

ET ENTRE :

APOTEX INC.

demanderesse reconventionnelle (défenderesse)

- et -

 

 

 

ELI LILLY AND COMPANY

et ELI LILLY CANADA INC.

 

défenderesses reconventionnelles (demanderesses)

 

et

 

SHIONOGI & CO. LTD.

 

défenderesse reconventionnelle

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE MODIFIÉS

 

[1]               SUR requête présentée par Apotex en vue d’obtenir sur étude du dossier écrit une ordonnance prévoyant que les documents énumérés à l’« Annexe A » de son dossier de requête (avec les modifications suivant sa lettre datée du 11 juillet 2008) seront considérés comme confidentiels et mis sous scellés conformément aux articles 151 et 152 des Règles des Cours fédérales;

 

[2]               APRÈS avoir examiné les documents produits par les parties, notamment la plus récente correspondance, à l’exception de la longue liste de parties de la transcription de la présente instance qui sera traitée dans une ordonnance distincte après qu’Apotex aura révisé la liste en question en prenant en compte la présente ordonnance;

 

[3]               APRÈS AVOIR CONSTATÉ que, plus tôt dans la présente instance, la Cour a décidé que l’ordonnance de confidentialité rendue en vue de protéger des documents désignés qui ont été produits et échangés avant l’instruction ne s’appliquait pas aux documents déposés comme pièces au cours de l’instruction, entre autres parce que, à l’étape de l’instruction, l’article 151 exige que la Cour examine séparément chacun des documents pour lesquels une ordonnance est sollicitée afin d’évaluer s’il satisfait au critère énoncé par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Sierra Club du Canada c. Canada, [2002] 2 R.C.S. 522, lequel critère ne s’applique pas à l’étape préalable à l’instruction;

 

[4]               Étant donné que la Cour doit maintenant appliquer ce critère, il convient de reproduire les passages les plus saillants de cet arrêt :

53. Pour appliquer aux droits et intérêts en jeu en l’espèce l’analyse de Dagenais et des arrêts subséquents précités, il convient d’énoncer de la façon suivante les conditions applicables à une ordonnance de confidentialité dans un cas comme l’espèce :

 

Une ordonnance de confidentialité en vertu de la règle 151 ne doit être rendue que si :

 

a)         elle est nécessaire pour écarter un risque sérieux pour un intérêt important, y compris un intérêt commercial, dans le contexte d’un litige, en l’absence d’autres options raisonnables pour écarter ce risque;

 

b)         ses effets bénéfiques, y compris ses effets sur le droit des justiciables civils à un procès équitable, l’emportent sur ses effets préjudiciables, y compris ses effets sur la liberté d’expression qui, dans ce contexte, comprend l’intérêt du public dans la publicité des débats judiciaires.

 

54. Comme dans Mentuck, j’ajouterais que trois éléments importants sont subsumés sous le premier volet de l’analyse. En premier lieu, le risque en cause doit être réel et important, en ce qu’il est bien étayé par la preuve et menace gravement l’intérêt commercial en question.

 

 

55. De plus, l’expression « intérêt commercial important » exige une clarification. Pour être qualifié d’« intérêt commercial important », l’intérêt en question ne doit pas se rapporter uniquement et spécifiquement à la partie qui demande l’ordonnance de confidentialité; il doit s’agir d’un intérêt qui peut se définir en termes d’intérêt public à la confidentialité. Par exemple, une entreprise privée ne pourrait simplement prétendre que l’existence d’un contrat donné ne devrait pas être divulguée parce que cela lui ferait perdre des occasions d’affaires, et que cela nuirait à ses intérêts commerciaux. Si toutefois, comme en l’espèce, la divulgation de renseignements doit entraîner un manquement à une entente de non‑divulgation, on peut alors parler plus largement de l’intérêt commercial général dans la protection des renseignements confidentiels. Simplement, si aucun principe général n’entre en jeu, il ne peut y avoir d’« intérêt commercial important » pour les besoins de l’analyse. Ou, pour citer le juge Binnie dans F.N. (Re), [2000] 1 R.C.S. 880, 2000 CSC 35, par. 10, la règle de la publicité des débats judiciaires ne cède le pas que « dans les cas où le droit du public à la confidentialité l’emporte sur le droit du public à l’accessibilité » (je souligne).

 

56. Outre l’exigence susmentionnée, les tribunaux doivent déterminer avec prudence ce qui constitue un « intérêt commercial important ». Il faut rappeler qu’une ordonnance de confidentialité implique une atteinte à la liberté d’expression. Même si la pondération de l’intérêt commercial et de la liberté d’expression intervient à la deuxième étape de l’analyse, les tribunaux doivent avoir pleinement conscience de l’importance fondamentale de la règle de la publicité des débats judiciaires. Voir généralement Eli Lilly and Co. c. Novopharm Ltd. (1994), 56 C.P.R. (3d) 437 (C.F. 1re inst.), p. 439, le juge Muldoon.

 

57. Enfin, l’expression « autres options raisonnables » oblige le juge non seulement à se demander s’il existe des mesures raisonnables autres que l’ordonnance de confidentialité, mais aussi à restreindre l’ordonnance autant qu’il est raisonnablement possible de le faire tout en préservant l’intérêt commercial en question.

 

 

[5]               APRÈS AVOIR PRIS EN COMPTE le fait que le seul élément de preuve déposé au soutien de la présente requête consiste en un affidavit de M. Bernard Sherman signé le 20 juin 2008;

 

[6]               Dans cet affidavit, M. Sherman mentionne quatre catégories de documents. La première catégorie, comprenant les documents numérotés de 1 à 26 sur la liste, est décrite comme des documents d’application de la réglementation ou des extraits de tels documents préparés par Apotex et présentés à Santé Canada. Ils incluent tous, selon M. Sherman, des renseignements confidentiels de nature exclusive d’Apotex et de ses fournisseurs, dont la divulgation porterait préjudice aux deux parties.

 

[7]               À la suite d’un examen initial de ces documents, la Cour a indiqué à l’avocat d’Apotex que seulement quelques‑uns d’entre eux semblaient contenir des renseignements substantiels. Par conséquent, la liste a été nettement réduite. Pour une raison quelconque, elle inclut encore des documents qui ont déjà fait l’objet d’une ordonnance de confidentialité (TX‑126, TX‑129, TX‑157, TX‑168, TX‑317, TX‑167) lorsqu’ils ont été déposés comme pièces au moment où Mme Parra, la représentante de Santé Canada, a témoigné à l’égard du contenu de la fiche maîtresse du médicament applicable. À ce moment, les deux parties ont convenu que tous les documents déposés par cette représentante devraient être considérés comme confidentiels afin de maintenir l’intégrité du système de réglementation. La Cour était en outre d’avis que de façon générale, dans une affaire privée comme celle en l’espèce, l’intérêt du public au maintien de la confidentialité de documents contenant des renseignements de nature exclusive déposés auprès de l’organisme de réglementation l’emporte sur l’intérêt du public à la publicité des débats judiciaires.

 

[8]               Cela ne devrait toutefois pas être interprété comme une reconnaissance selon laquelle tous les renseignements inclus dans de tels documents sont en soi confidentiels.

 

[9]               À l’égard du reste des documents dans cette première catégorie, soit les documents TX‑1538, TX‑1539, TX‑142 et TX‑143, Lilly s’oppose à ce que soit accordée l’ordonnance sollicitée. Toutefois, après avoir examiné en détail les documents en question, la Cour est convaincue qu’ils satisfont au critère énoncé dans l’arrêt Sierra Club, et ces documents devraient être traités conformément aux articles 151 et 152 des Règles.

 

[10]           Monsieur Sherman n’a apparemment pas examiné la deuxième catégorie de documents (27 à 46 et 96 à 106), car il fonde sur des renseignements tenus pour véridiques sa déclaration selon laquelle les documents inclus dans cette catégorie contiennent des renseignements confidentiels se rapportant au procédé de synthèse par lequel le céfaclor ou le produit de céfaclor d’Apotex est fabriqué et à son fabricant.

 

[11]           Au paragraphe 6 de son affidavit, M. Sherman fait ensuite une déclaration très générale selon laquelle les renseignements se rapportant au procédé de synthèse par lequel un ingrédient pharmaceutique actif est fabriqué constituent un secret commercial important et représentent des renseignements de nature exclusive qui sont étroitement liés aux intérêts commerciaux d’Apotex et de ses fournisseurs. Après avoir déclaré que les renseignements se rapportant aux formules du céfaclor d’Apotex sont aussi sensibles pour Apotex, M. Sherman a ensuite affirmé que [traduction] « ces renseignements ne sont pas disponibles pour le public et sont conservés sur une base strictement confidentielle ». On ne sait pas avec certitude si cette dernière phrase renvoie seulement aux formules d’Apotex ou si elle renvoie également à la déclaration générale à l’égard des procédés de synthèse utilisés par Apotex et ses fournisseurs. Si elle vise à s’appliquer à la façon selon laquelle les renseignements sont traités par chacun des fournisseurs d’Apotex au sein de leur propre entreprise, il n’y a aucun détail ni aucune explication quant à savoir comment M. Sherman pouvait objectivement s’assurer que c’était effectivement ce qui se passait à l’égard des renseignements mêmes contenus dans les documents de cette catégorie. Il se pourrait bien qu’il s’agisse simplement de son évaluation subjective de la situation. Quoi qu’il en soit, il est clair par exemple que contrairement à la déclaration de M. Sherman, le deuxième document énuméré dans cette catégorie (numéro 28, W‑18), lequel reproduit sur un tableau blanc le diagramme du procédé de Kyong Bo, ne contient pas de renseignements qui ne sont pas disponibles pour le public ou qui sont conservés de façon strictement confidentielle; ce procédé est public depuis plusieurs années à titre d’« Annexe B » à la Déclaration déposée par Lilly en 1997. Dans ces circonstances, l’importance pouvant être accordée à la déclaration de M. Sherman est largement diminuée.

 

[12]           Lilly a en outre mis en doute le caractère confidentiel des renseignements détenus par le deuxième fournisseur d’Apotex parce qu’elle avait en sa possession une lettre qui décrivait de façon très détaillée un des procédés utilisés par ce fournisseur (TX‑160). Bien que ce document, daté du 12 juin 1996, n’ait pas été déposé comme pièce parce que l’avocat de Lilly ne pouvait pas établir qui avait reçu ce document chez Lilly, il soulève néanmoins certaines questions à l’égard de la façon selon laquelle le fournisseur traitait les renseignements y contenus. De façon évidente, cela ne fait une fois de plus qu’illustrer, à mon avis, l’insuffisance d’une déclaration creuse n’étant assortie d’aucun détail quant au fondement sur lequel M. Sherman a établi que les deux fournisseurs présentant un intérêt ont traité les renseignements expressément en cause en l’espèce comme des renseignements confidentiels.

 

[13]           Dans la présente affaire, la Cour est dans une situation quelque peu différente que dans de nombreuses autres affaires traitant de questions similaires en ce qu’elle a eu l’avantage d’entendre un grand nombre de témoignages à l’égard des procédés des fournisseurs. Par exemple, les deux procédés auxquels on renvoie en les nommant « D » et « E » semblent avoir été élaborés dans le seul but d’éviter la contrefaçon des brevets en cause dans la présente instance. Il est plus ou moins non contesté que l’un des procédés décrits dans les documents (procédé E) a peu de valeur pratique ou commerciale maintenant que tous les brevets en cause dans la présente instance sont expirés; il produit des rendements moindres, ce qui entraîne des coûts de production plus élevés et une augmentation du prix de vente. Cela fournit de façon certaine le contexte de la déclaration de M. Sherman selon laquelle ces renseignements à l’égard des procédés précis sont des secrets commerciaux importants (au paragraphe 6) ou qu’ils constituent [traduction] « des renseignements confidentiels privés et précieux » (au paragraphe 11).

 

[14]           Monsieur Sherman déclare en outre que les fournisseurs d’Apotex, lorsqu’ils ont fourni à la société des renseignements se rapportant à leurs procédés de fabrication du céfaclor, ont demandé instamment que ces renseignements soient considérés comme confidentiels, et il dit qu’Apotex a consenti à cette demande. De nouveau, il s’agit d’une déclaration très générale et M. Sherman ne donne aucun détail quant à la façon selon laquelle de telles ententes ont été conclues ni quant au moment où elles l’ont été. On pourrait raisonnablement tenir pour acquis du fait de l’utilisation des mots [traduction] « demandé instamment » que des discussions très précises ont eu lieu à cet égard.

 

[15]           Une seule entente écrite a été produite lors de l’instruction (TX‑1656, dont il sera traité plus loin), mais elle couvre un procédé qui est décrit comme étant les renseignements de nature exclusive d’Apotex.

 

[16]           Monsieur Sherman n’explique pas non plus ce qu’aurait couvert l’engagement décrit au paragraphe 7. Cet engagement s’appliquait-il seulement à des données techniques fournies en vue de permettre à Apotex de déposer les documents réglementaires et de répondre à ses demandes à cet égard dans le cours habituel des affaires?

 

[17]           Il convient en outre de mentionner à la présente étape qu’Apotex n’a fourni aucun détail quant à savoir quels passages de l’un quelconque des documents énumérés (qui incluent un certain nombre de rapports d’experts) feraient partie de la description de ce que sont des [traduction] « renseignements se rapportant aux procédés de fabrication du céfaclor ». Il y a en fait une rupture entre l’affirmation de M. Sherman et la compilation faite par quelqu’un d’autre que lui de la liste de documents contenant des renseignements devant demeurer confidentiels selon l’entente intervenue. Pour que la Cour accorde du poids à l’affirmation de M. Sherman, il aurait fallu qu’il examine lui‑même les documents afin de s’assurer qu’ils contenaient effectivement des renseignements faisant partie de ce qu’il comprenait être l’entente.

 

[18]           Selon le dossier dont elle disposait, la Cour n’est pas prête à accepter que des documents du type de la lettre de deux pages envoyée à Apotex par Kyong Bo (déposée comme document TX‑622), fournie à l’avocat d’entreprise d’Apotex en réponse à sa demande à l’égard du fondement de l’allégation du fournisseur voulant qu’il ait obtenu le droit d’utiliser le « procédé Shionogi », constituent [traduction] « des renseignements sur le procédé se rapportant à la fabrication du céfaclor » qui seraient couverts par ce qu’on appelle « l’engagement de confidentialité » décrit au paragraphe 7 de l’affidavit.

 

[19]           On a soulevé à un certain moment un argument voulant que le nom même du fournisseur d’Apotex devrait être considéré comme confidentiel. On ne sait pas avec certitude si cette position a été complètement abandonnée (il n’y a rien d’autre qui justifierait l’inclusion du document 29); si ce n’est pas le cas, il convient de mentionner que le nom Kyong Bo apparaît dans le dossier public à titre de fournisseur d’Apotex depuis au moins 1997 et que le nom de son autre fournisseur a été mentionné dans au moins une ordonnance antérieure de la Cour (celle du juge Hugessen, datée du 26 juillet 2000) et dans un compte rendu de la Cour qui est disponible pour le public. La Cour conclut qu’Apotex ne s’est pas acquittée de son fardeau d’établir, selon la prépondérance des probabilités, l’existence d’un risque sérieux. Ainsi, l’intérêt du public à la publicité des débats judiciaires doit l’emporter.

 

[20]           Passant à la pièce TX‑1656, il s’agit d’un contrat d’une page (comportant une annexe d’une page) signé en mars 1998, à savoir plusieurs mois après que le fournisseur en cause a commencé à fournir du céfaclor à Apotex. Ce contrat ne peut être assujetti à l’engagement décrit au paragraphe 7 de l’affidavit de M. Sherman, étant donné que le procédé qu’il décrit ne constitue pas, selon M. Sherman, des renseignements de nature exclusive du fournisseur. En fait, le contrat prévoit expressément que le fournisseur s’engage à protéger la confidentialité du procédé et à utiliser le procédé seulement pour produire du céfaclor pour Apotex, et M. Sherman lui‑même a témoigné lors de l’instruction qu’il a inscrit sur l’annexe la note [traduction] « propriété confidentielle d’Apotex Inc.[1] ».

 

[21]           Monsieur Sherman ne précise pas dans son affidavit comment ou pourquoi le fait même qu’Apotex a conclu un contrat avec ce fournisseur, qui rend clairement public le fait qu’il produit du céfaclor, entraînerait un risque sérieux pour ses intérêts commerciaux. En fait, le contrat lui‑même, bien qu’il traite de la question de la confidentialité, ne prévoit pas que ses modalités (contrairement au procédé énoncé à l’annexe A) doivent demeurer confidentielles.

 

[22]           Comme le soutenait Lilly, il est également difficile de comprendre comment la référence à l’utilisation des indications se rapportant à des brevets qui font tous partie du domaine public de même que la description d’un procédé qui faisait entièrement partie de l’état antérieur de la technique, selon ce que les experts d’Apotex ont déclaré dans leurs témoignages (annexe A), pourraient constituer des renseignements confidentiels dont la divulgation causerait un préjudice à Apotex. C’est particulièrement exact lorsqu’on examine la preuve mentionnée précédemment à l’égard du caractère peu pratique et de la valeur commerciale de ce procédé, maintenant que les brevets en cause sont tous expirés et que les concurrents d’Apotex ont tous accès à des procédés supérieurs et moins coûteux de production du céfaclor. La situation à cet égard est maintenant différente de celle qui existait en 1998 lorsque le contrat a été conclu et que la note a été ajoutée.

 

[23]           La faiblesse de la preuve produite au soutien de la requête à cet égard, appréciée en tenant compte de la preuve fournie à l’instruction, m’amène à conclure qu’Apotex n’a pas établi selon la prépondérance des probabilités qu’elle satisfait à la première partie du critère à l’égard de ce document.

 

[24]           À l’égard du document TX‑135, la Cour est convaincue que les renseignements qu’il contient (indiquant le solvant précis utilisé par Kyong Bo) ont été divulgués à Apotex seulement en vue des dépôts pour la réglementation et devraient être considérés comme confidentiels. Cela va plus loin que les renseignements de nature plus générale divulgués dans le document W‑18.

 

[25]           Bien que le contexte dans lequel la description du procédé du document TX‑158 a été fournie ne soit pas aussi clair, et que la preuve de l’existence d’un risque sérieux soit faible compte tenu de la nature des renseignements, la Cour est néanmoins prête à admettre que ces renseignements satisfont au critère applicable.

 

[26]           À l’égard du W‑17, le titre sur le tableau blanc sera retranché, non pas parce que le nom du fournisseur est confidentiel (selon ce qui a été discuté), mais parce que cela constitue une option raisonnable qui prévient quelque risque sérieux quant aux intérêts commerciaux évoqués par Apotex. En effet, la description très générale des composés du W-17 ne divulgue rien de plus que ce qui fait déjà partie du domaine public au moyen des divers brevets en cause dans la présente affaire.

 

[27]           La pièce TX‑159 est la réponse du fournisseur d’Apotex aux demandes d’information faites par l’avocat d’entreprise d’Apotex qui tentait de déterminer si le procédé du fournisseur constituerait vraisemblablement une contrefaçon de certains des brevets en cause. Apotex avait initialement invoqué un privilège découlant de la loi à l’égard de ce document (en vue du litige) et avait obtenu une ordonnance à cet égard, mais avait décidé un certain temps avant l’instruction de renoncer à ce privilège. Le document fournit des renseignements à l’égard de tests effectués et de certains paramètres mesurés aux fins de comparaison avec les données des brevets de Lilly.

 

[28]           Une fois de plus, la preuve n’est pas suffisante pour établir que les caractéristiques du composé testé par le fournisseur sont des renseignements qui font partie de la description contenue dans les paragraphes 6 ou 7 de l’affidavit de M. Sherman. Toutefois, la Cour est disposée à retrancher du document les renseignements décrivant directement l’actuel procédé de fabrication, à la page 2, à partir de la phrase « please note » jusqu’à la page 4 inclusivement, de même qu’à supprimer les deux mots se trouvant avant le mot « complex » dans les premières phrases des paragraphes 1(1), 2, 3 et 4.

 

[29]           À l’égard des documents portant les numéros 96 à 105, il s’agit tous de rapports d’experts traitant de beaucoup plus que des renseignements décrits dans l’affidavit de M. Sherman. De nouveau, étant donné qu’Apotex a adopté la position voulant qu’il n’existe aucune option raisonnable autre que le scellé de ces rapports dans leur ensemble, elle n’a pas précisé quels paragraphes entraîneraient selon elle un risque sérieux quant à ses intérêts commerciaux.

 

[30]           À mon avis, il serait contraire aux principes de la publicité et de la transparence du processus judiciaire que de sceller un rapport en entier simplement parce qu’une annexe ou un paragraphe contient ce que M. Sherman décrit comme [traduction] « des renseignements confidentiels et précieux » dont la divulgation porterait préjudice à Apotex.

 

[31]           Ainsi, chaque document a été examiné séparément et seules les parties qui satisfaisaient au critère applicable seront retranchées ou scellées (dans le cas des annexes). Dans le document 105 (A‑15), qui traite seulement de la validité des brevets en cause, on n’a trouvé aucun renseignement potentiellement confidentiel.

 

[32]           Finalement, la Cour souligne qu’elle a déjà rendu une ordonnance suivant l’article 151 des Règles à l’égard du document TX‑340 (les parties s’entendaient à cet égard).

 

[33]           Cela nous amène aux deux dernières catégories de documents dont la première consiste en des documents produits par un des fournisseurs d’Apotex, un peu avant l’instruction, pour qu’ils soient déposés en preuve par deux employés de ce fournisseur qui devaient témoigner au cours de l’instruction. Les autres documents (G‑1 à G‑35) sont des documents présentés par Glopec, l’agent canadien du même fournisseur, après qu’il eut été cité comme témoin par Lilly de même que par Apotex.

 

[34]           Monsieur Sherman a joint trois lettres à son affidavit. La première, provenant de l’avocat du fournisseur, est adressée à Lilly et à Apotex. Elle énonce que le témoignage et les documents à produire [traduction] « du moins en partie » traiteront [traduction] « de données relatives à la fabrication du céfaclor qui constituent des secrets commerciaux étroitement liés aux intérêts commerciaux [du fournisseur] ». Il faut souligner qu’au moment où cette lettre a été écrite, l’avocat du fournisseur n’avait pas encore assemblé les documents en question, et il demandait qu’on lui confirme que le témoignage et les documents seraient assujettis aux modalités d’une ordonnance de protection valide. Il semblait également qu’il serait probablement présent lors de l’instruction.

 

[35]           Apotex a confirmé qu’elle coopérerait (probablement en désignant les documents faisant l’objet de l’ordonnance en cours et en déposant la présente requête) et qu’elle était satisfaite de voir que ces documents seraient protégés. Lilly n’a donné aucune réponse et elle s’oppose actuellement à ce que la présente requête soit accueillie, en particulier compte tenu de la preuve présentée au soutien de la requête, laquelle est à son avis manifestement insuffisante pour servir de fondement à l’ordonnance sollicitée.

 

[36]           À ce moment, la Cour avait déjà informé les parties qu’elle doutait sérieusement qu’une ordonnance de confidentialité rendue avant l’instruction s’applique à l’étape de l’instruction. La meilleure entente qu’il pouvait y avoir consistait à protéger la confidentialité des documents n’ayant pas été déposés comme pièces ou à solliciter une ordonnance de la Cour, laquelle est la seule instance pouvant véritablement accorder une ordonnance à cet égard.

 

[37]           Il est évident que le fournisseur était mieux placé que l’était Apotex pour présenter les éléments de preuve détaillés nécessaires au soutien d’une requête visant la confidentialité. Le fournisseur aurait pu présenter des observations ou une requête en vue d’obtenir l’ordonnance maintenant sollicitée, mais il ne l’a pas fait.

 

[38]           Quant à Glopec, son avocat a informé les parties, en leur envoyant un message électronique, que le dossier de son client contient des renseignements confidentiels du fabricant et du fournisseur et que [traduction] « par conséquent » il doit être considéré comme confidentiel. Bien que l’avocat mentionne que les documents sont fournis étant entendu qu’ils sont assujettis à l’ordonnance de protection en vigueur, il est clair que, en l’absence d’une requête présentée à la Cour par Glopec le matin où il était prévu que M. Singh témoigne, son client était tenu de répondre aux assignations délivrées par les parties. Il semble que les parties n’ont pas répondu à ce message électronique.

 

[39]           Quoi qu’il en soit, on ne sait pas avec certitude si Apotex soutient que la correspondance en soi crée un engagement de confidentialité analogue à celui dont il est traité dans l’arrêt Sierra Club, et que cela évite au fournisseur lui‑même d’établir que les renseignements contenus dans les documents sont d’une telle nature que leur préservation constitue un intérêt important justifiant une protection.

 

[40]           Je ne crois pas que ce soit le cas étant donné qu’il me semble qu’il faut tenir compte du contexte dans lequel un tel engagement est pris. Cela dit, la Cour n’a pas à statuer sur cette question parce que même si c’était le cas, il faut toujours établir que le risque est « réel et sérieux » et qu’il constitue une « menace sérieuse » quant à l’intérêt commercial en question.

 

[41]           Les documents désignés comme Satpute‑1 et Satpute‑2 ne contiennent pas de [traduction] « données relatives à la fabrication du céfaclor » par ce fournisseur. Ils renvoient à d’anciens lots de production de la présérie du produit faits au moyen d’un procédé que le fournisseur ne trouvait pas pratique. Ils reflètent également des discussions survenues dans le contexte de l’élaboration du « procédé qui ne constitue pas une contrefaçon » discuté dans le TX‑1656. Au mieux, on pourrait soutenir qu’ils se rapportent en grande partie au procédé décrit dans le contrat à cet égard; par conséquent, ils ne devraient pas être traités d’une façon différente. Pour les nombreux motifs expliqués précédemment, je suis d’avis que la preuve est simplement insuffisante pour permettre à la Cour de conclure à l’existence d’un risque sérieux quant à un important intérêt.

 

[42]           À l’opposé, le document Satpute‑3 contient effectivement des données relatives à un procédé de fabrication quant au produit intermédiaire clé utilisé pour produire le céfaclor. La Cour est convaincue que ces renseignements devraient être considérés comme confidentiels. Toutefois, sa conclusion à cet égard ne s’applique pas à la première page de ce document qui ne contient aucun renseignement technique à l’exception d’une référence au nom du produit intermédiaire. La Cour ne dispose pas de suffisamment d’éléments de preuve pour conclure que le fournisseur considère et traite ces renseignements comme des « secrets commerciaux de nature exclusive », et n’a de façon certaine aucune indication que la divulgation de ces seuls renseignements créerait un risque sérieux à l’égard de quelque intérêt commercial important.

 

[43]           De nouveau, il aurait été nécessaire d’avoir de la part du fournisseur lui‑même des éléments de preuve plus détaillés pour appuyer une telle conclusion étant donné que ce composé et son nom semblent faire partie du domaine public.

 

[44]           J’estime en outre que rien ne permet de justifier que soit rendue une ordonnance de confidentialité à l’égard des documents Patil‑1, Patil‑4, Patil‑5, Patil‑6, Glopec‑1 à Glopec‑13, Glopec‑28, Glopec‑29, Glopec‑30, Glopec‑32 et Glopec‑33, qui sont essentiellement des lettres d’une page ne contenant aucun renseignement de la nature décrite dans la lettre de l’avocat du fournisseur ou dans l’affidavit de M. Sherman (paragraphes 6 à 11).

 

[45]           Cependant, j’ai conclu que les documents Patil‑2, Patil‑3, Patil‑7, Patil‑9, Patil‑10, ainsi que les documents Glopec‑15, Glopec‑16 et Glopec‑35 (à l’exception de la première page de ces cinq dernières pièces) contiennent des renseignements importants à l’égard du procédé du fournisseur et qu’Apotex a satisfait au critère permettant d’obtenir l’ordonnance sollicitée.

 

[46]           Pour le même motif que celui énoncé à l’égard de la première page du document Satpute‑3, je suis d’avis que les documents Glopec‑31, Glopec‑34, Glopec‑14, la première page du document Glopec‑15 et la première page du document Patil‑10 ne devraient pas faire l’objet d’une ordonnance de confidentialité.

 

[47]           Je crois que j’ai maintenant traité de tous les documents restants sur la liste d’Apotex.

 

[48]           Apotex n’a pas demandé de dépens et elle a indiqué qu’elle s’opposait à une telle demande de la part de Lilly. La Cour considère qu’aucuns dépens ne devraient être adjugés à l’égard de la présente requête, mais elle réserve le droit de Lilly d’en déférer à la Cour lorsqu’elle débattra de la question des dépens à la fin de la présente instance.


 

ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE :

a) La présente requête est accueillie en partie. Les pièces suivantes ou les parties y désignées doivent être considérées comme confidentielles conformément aux articles 151 et 152 des Règles :

 

TX 1538;

TX 1539;

TX‑141;

TX‑142;

TX‑143;

TX‑134 (lettre datée du 21 juillet 1995);

TX‑135;

TX‑158;

Patil‑2;

Patil‑3;

Patil‑7;

Patil‑9 (à l’exception de la première page);

Patil‑10 (à l’exception de la première page);

Glopec‑15 (à l’exception de la première);

Glopec‑16 (à l’exception de la première page);

Glopec‑35 (à l’exception de la première page);

Satpute‑3 (à l’exception de la première page);

 

b) En outre, les parties indiquées des documents suivants doivent être retranchées des exemplaires conservés dans le dossier public et certaines annexes doivent être scellées, à savoir :

 

TX‑159 : la page 2, à partir de la phrase « please note » jusqu’à la page 4 inclusivement (retranchée), de même que les deux mots se trouvant avant le mot « complex » dans les premières phrases des paragraphes 1(1), 2, 3 et 4;

 

Glopex‑19 : idem;

 

Glopec‑17 : à la page 1, la première phrase sous le titre « With regard to Step V », et la page 2 au complet;

 

Glopec‑18 : idem;

 

Glopec‑20 : le diagramme sous forme de schéma au paragraphe A);

 

Glopec‑21 : idem;

 

Glopec—22 : les paragraphes A, B et D (retranchés);

 

Glopec‑23 : à partir de la phrase « With regard to Step IIIA » jusqu’aux mots « and while » à la 6e ligne du paragraphe débutant par « With regard to Step IIIb » (partie retranchée);

 

Glopec‑24 : idem;

 

Glopec‑25 : à la page 1, le premier paragraphe sous le titre « With regard to step IIIb » (retranché);

 

E‑1 : les paragraphes 59 à 93 (retranchés) et les pièces  B, C, D, E (scellées);

 

A‑1 : idem;

 

E‑2 : pièces 1, 2 (scellées)  ;

 

E‑3 : pièces B et C (scellées);

 

E‑5 : les paragraphes 36 à 39 (retranchés) et les pièces B et C (scellées);

 

E‑11 : le paragraphe 11, la citation au paragraphe 13 (retranchée), les pièces B, C, D (scellées);

 

TX‑1764 : le paragraphe 24, la première phrase du paragraphe 47 (retranchés).

 

 

 

« Johanne Gauthier »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

 

Danièle Laberge, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T‑1321‑97

 

INTITULÉ :                                       Eli Lilly and Company et al

                                                            c.

                                                            Apotex Inc.

 

 

REQUÊTE JUGÉE SANS COMPARUTION DES PARTIES

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LA JUGE GAUTHIER

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 21 juillet 2008

 

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Gowlings Lafleur Henderson LLP

Avocats

160, rue Elgin, bureau 2600,

Ottawa (Ontario)  K1P 1C3

 

POUR LES DEMANDERESSES (DÉFENDERESSES RECONVENTIONNELLES)

Goodmans LLP

Avocats

250, rue Yonge, bureau 2400

Toronto (Ontario)  M5B 2M6

 

POUR LA DÉFENDERESSE (DEMANDERESSE RECONVENTIONNELLE)

Smart & Biggar

55, rue Metcalfe, bureau 900

C.P. 2999, succursale D

Ottawa (Ontario) K1P 5Y6

POUR LA DÉFENDERESSE RECONVENTIONNELLE

 

 

                                                                                   



[1] Si comme le soutiennent les experts d’Apotex, le procédé « E » est essentiellement le même que le procédé « D », il faut se demander si le procédé « E » est également la propriété d’Apotex, et non celle du fournisseur.

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