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Date : 20081113

Dossier : IMM-2274-08

Référence : 2008 CF 1258

Toronto (Ontario), le 13 novembre 2008

En présence de monsieur le juge Hughes

 

 

ENTRE :

RICHARDO ALBERTO ANAYA AYALA

demandeur

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur est un Mexicain adulte. Il est arrivé au Canada en provenance du Mexique et il a présenté une demande d’asile. Sa demande a été examinée par un commissaire de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission), qui a rejeté la demande par une décision écrite du 29 avril 2008. Il s’agit du contrôle judiciaire de cette décision.

 

[2]               Je conclus que la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.

 

[3]               La question décisive sur laquelle le commissaire a fondé sa décision était de savoir s’il existait une possibilité de refuge intérieur au Mexique (la PRI), où le demandeur pouvait vivre sans possibilité sérieuse d’être persécuté. Le commissaire a conclu, sur la base de la preuve dont il disposait, que Mexico offrait une telle possibilité.

 

[4]                En l’espèce, le demandeur, qui est raisonnablement bien instruit, était un employé de Pemex, une société dirigée par l’État qui détient le monopole en matière pétrolière. Il y travaillait comme cadre.  Il a commencé à s'occuper d’activités syndicales et, selon lui, cela aurait été à l’origine du harcèlement subi et des coups reçus. Il s’est enfui dans une autre ville, Monterrey, où le harcèlement aurait continué.  Il affirme que son ex‑épouse a failli être écrasée par une voiture, un incident qui serait lié au harcèlement, mais il n’a présenté aucune preuve pour établir l’existence d’un lien entre le harcèlement et l’incident. Le demandeur affirme qu’il a peur que le harcèlement continue même s’il devait habiter à Mexico.

 

[5]               Dans l’arrêt Carrillo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CAF 94, la Cour d’appel fédérale a procédé à l’examen de la question de la protection de l’État et a écrit aux paragraphes 17 à 19 qu’il incombe au demandeur de produire les éléments de preuve quant l’insuffisance de la protection de l’État et qu’il doit également convaincre le juge des faits que les éléments de preuve produits établissent l’insuffisance de la protection de l’État. Du paragraphe 20 au paragraphe 26, la cour a écrit que le juge des faits doit apprécier la preuve selon une norme de preuve qui n’est pas plus exigeante que la norme habituelle de prépondérance des probabilités.

 

[6]               Le même critère s’applique à l’analyse de la possibilité de refuge intérieur (la PRI). Dans Villa c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2008 CF 1229, j’ai écrit à propos d’une affaire dans laquelle une commissaire n’avait pas correctement mis en balance la preuve pertinente et n’avait pas tenu compte des éléments de preuve pertinents ou du moins n’avait pas mentionné dans ses motifs les documents sur lesquels elle s’était fondée, sauf pour des notes de bas de page qui faisaient référence à une liasse de documents.

 

[7]               L’avocat du demandeur soutient que, lorsque le commissaire est parvenu à la décision qui fait l’objet du présent contrôle, il n’a pas pris en compte des éléments de preuve pertinents, il a tenu compte de documents sans importance et il a tiré des conclusions de fait qui n’étaient pas étayées par la preuve.

 

[8]               Lorsque la Cour contrôle la façon dont le commissaire a examiné la preuve, elle peut s’appuyer en bonne partie sur l’arrêt de la Cour suprême du Canada dans Boulis c. Canada (MMI), [1974] R.C.S. 875, et en particulier sur les motifs rendus par le juge Laskin lorsqu’il a énoncé dans sa conclusion qu’il ne fallait « pas examiner ses motifs [de la Commission] à la loupe, il suffit qu’ils laissent voir une compréhension des questions […] ».

 

[9]               La Cour peut aussi s’appuyer sur les motifs succincts rendus par la Cour d’appel fédérale le 18 juillet 1994 dans Zhou c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] A.C.F. no 1087. Dans cet arrêt, le juge Linden s’exprimant pour la Cour a déclaré que « la Commission a le droit de s’appuyer sur la preuve documentaire de préférence au témoignage du demandeur de statut. La Commission n’a aucune obligation générale de préciser expressément les éléments de preuve documentaire sur lesquels elle pourrait se fonder ».

 

[10]           J’ai fait observer dans Villa c. Canada (MCI), 2008 CF 1229, que la Commission devait examiner la preuve fournie par le demandeur et mettre en balance les autres éléments de preuve dans l’affaire, en général des documents, et, au moyen de quelques exemples suffisamment précis, donner une indication dans ses motifs qu’elle avait bien procédé à l’examen de la preuve et montrer quels éléments de preuve elle estimait déterminants. Toutefois, il ne s’agit pas d’une invitation lancée aux avocats pour qu’ils examinent la preuve à la loupe afin d’y trouver certaines déclarations qui tendraient à étayer une conclusion différente. Lors d’un contrôle judiciaire, les critères utilisés par la Cour sont de savoir si, prises dans leur ensemble, les conclusions sont raisonnables. Bien entendu, les questions de droit doivent être contrôlées selon la décision correcte, mais encore une fois, il ne s’agit pas d’une invitation lancée aux avocats pour qu’ils soutiennent que constitue une question de droit le fait de ne pas mentionner une preuve ou de ne pas énoncer dans les motifs de la décision toute la preuve ou de parvenir à une décision sur ce que la preuve entraîne comme conclusion.

 

[11]           Lorsque la Cour conclut, soit de ce qui se trouve dans les motifs de la Commission, soit de ce qui ne s’y trouve pas, qu’une preuve réellement importante n’a pas été prise en compte ou a été mal comprise, la Cour peut intervenir, si ce qui a été fait ou ce qui n’a pas été fait a probablement eu une conséquence importante relativement aux conclusions tirées par le commissaire.

 

[12]           En l’espèce, je conclus qu’il n’y avait pas d’éléments de preuve pertinents dont le commissaire apparemment, n’aurait pas tenu compte ou aurait mal compris qui auraient ou pourraient vraisemblablement avoir une conséquence importante sur ses conclusions.

 

[13]           L’avocat du demandeur a soutenu que, dans ses motifs, le commissaire affirme que Mexico est une destination touristique et qu’elle baigne dans une atmosphère où la criminalité est combattue par les autorités, qui veulent s’assurer que le tourisme y prospère. L’avocat soutient qu’il n’y a pas de base à cette déclaration dans le dossier.

 

[14]           Tout comme la Cour, un commissaire a le droit de mentionner des lieux communs et des faits bien connus. Le fait que Mexico est une destination touristique est un fait de cette nature. Bien que ce soit peut‑être logique, conclure qu’il y a donc un effort qui est fait pour combattre la criminalité va au-delà du lieu commun ou bien du fait connu. Toutefois, étant donné toutes les autres conclusions relatives à Mexico dans les motifs de la Commission qui sont étayées par la preuve, cette conclusion particulière n’a pas ou n’a vraisemblablement pas eu une conséquence importante sur le résultat.

 

[15]           En l’espèce, le commissaire a fait attention; non seulement il a énoncé correctement le droit applicable, mais il a aussi exposé dans ses motifs les divers éléments de preuve dont il a tenu compte pour parvenir à la conclusion que Mexico offrait une PRI appropriée. Je conclus que sa décision était raisonnable selon les normes établies par la Cour suprême du Canada dans Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9; elle ne sera donc pas annulée par le présent contrôle judiciaire.

 

[16]           L’affaire reposant sur des faits qui lui sont propres, aucune question ne sera certifiée. Il n’y a aucune raison spéciale d’adjuger des dépens.

 


 

JUGEMENT

 

            Pour les motifs exposés ci‑dessus :

LA COUR STATUE que :

1.                  la demande est rejetée;

2.                  il n’y a pas de question à certifier;

3.                  aucuns dépens ne sont adjugés.

 

« Roger T. Hughes »

Juge

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Laurence Endale, LL.M., M.A.Trad.jur.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

Dossier :                                              IMM-2274-08

 

INTITULÉ :                                             RICARDO ALBERTO ANAYA AYALA c.

                                                                  LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

                                                                  DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                        TORONTO (ONTARIO)

 

 

DATE DE L'AUDIENCE :                      Le 12 novembr2008      

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                      Le juge Hughes

 

 

DATE DES MOTIFS :                             Le 13 novembre 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

 

Aisling Bondy

POUR LE DEMANDEUR

 

Amina Riaz

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

Aisling Bondy

Avocat

 

POUR LE DEMANDEUR

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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