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Date : 20081113

Dossier : IMM-2265-08

Référence : 2008 CF 1259

Toronto (Ontario), le 13 novembre 2008

En présence de monsieur le juge Hughes

 

 

ENTRE :

KARLA DEL CARMEN HERNANDEZ GONZALEZ

demanderesse

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La demanderesse, d'âge adulte, est Mexicaine. Elle est entrée au Canada en provenance du Mexique le 20 janvier 2007 et a présenté une demande d'asile deux jours plus tard. L'audition de sa demande d’asile s'est tenue le 9 janvier 2008; la demanderesse a témoigné avec l'aide d'un interprète qui parle anglais et espagnol. Dans une décision écrite du 30 avril 2008, la demande d'asile de la demanderesse fut rejetée. Il s’agit du contrôle judiciaire de cette décision de rejet.

 

[2]               Pour les motifs exposés ci-après, je rejetterai la demande de contrôle judiciaire.

[3]               La demanderesse soutient, et je suis d’accord avec elle, que même si de nombreuses questions ont été soulevées, la seule question décisive était de savoir s'il existait une possibilité de refuge intérieur (la PRI), et en particulier, si la demanderesse, qui avait résidé à San Rafael, à Veracruz et plus tard à Xalapa, pouvait s'installer dans le District fédéral de Mexico et y vivre en sécurité.

 

[4]               Selon le témoignage de la demanderesse, elle a vécu avec son conjoint de fait à San Rafael. Il la battait et cela lui a causé une fausse couche. La demanderesse allègue qu'elle a dénoncé cet homme à la police, mais que les policiers n'ont rien fait et que le harcèlement a continué, qu’il y a même eu une fois où l'homme a tenté de l’écraser avec son camion et qu’elle a dû être hospitalisée. La demanderesse soutient qu'une fois de plus, elle a dénoncé l'homme à la police qui, encore une fois, n'a rien fait. La demanderesse a déménagé à Xalapa et a sollicité l'aide d'un psychologue. Son conjoint de fait a continué à la menacer par téléphone. La demanderesse est donc venue au Canada. Le commissaire a admis ce témoignage sans faire de commentaires. Le témoignage doit être considéré comme crédible.

 

[5]               Le commissaire a décidé que la demande d'asile de la demanderesse devait être rejetée parce qu'il existait une possibilité de refuge intérieur à Mexico. À la page 11 de ses motifs, le commissaire a déclaré ce qui suit :

En tenant compte de toute la preuve, le tribunal reconnaît qu’il peut y avoir des régions du Mexique où des efforts sérieux ne sont pas faits pour fournir une protection adéquate en raison de la criminalité et de la corruption, mais le tribunal choisit de s’appuyer sur la preuve selon laquelle le Mexique, en particulier le District fédéral, qui comprend Mexico, fait des efforts sérieux pour régler ces problèmes.

 

Compte tenu de l’analyse présentée ci-dessus, le tribunal estime qu’il n’existe pas de possibilité sérieuse que la demandeure d’asile soit persécutée advenant son retour au Mexique et son déménagement à Mexico. Cela répond au premier volet du critère relatif à la PRI.

 

 

[6]               Il est de droit constant que lorsque la Commission examine la possibilité de refuge intérieur, elle doit s’assurer qu'il existe dans leur propre pays un refuge sûr où les demandeurs ne seraient pas persécutés, auquel cas, ils sont tenus de s'en prévaloir à moins qu'ils puissent démontrer qu'il est objectivement déraisonnable de leur part de le faire; voir Sanchez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2007 CAF 99, au paragraphe 16.

 

[7]               La Cour d’appel fédérale, dans Carrillo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CAF 94, a procédé à l’examen de la question de la protection de l’État et a écrit aux paragraphes 17 à 19 qu'il incombe au demandeur de produire les éléments de preuve quant à l'insuffisance de la protection de l'État, et qu’il doit également convaincre le juge des faits que les éléments de preuve produits établissent l'insuffisance de la protection de l'État. Du paragraphe 20 au paragraphe 26, la cour a écrit que le juge des faits doit apprécier la preuve selon une norme de preuve qui n’est pas plus exigeante que la norme habituelle de prépondérance des probabilités.

 

[8]               En l'espèce, le commissaire a exposé en détail les bases sur lesquelles la preuve avait été analysée quant à la situation à Mexico et quant aux préoccupations de la demanderesse sur l’accueil que la police avait réservé à ses dénonciations et sur l'influence que son ex-conjoint de fait pouvait avoir eue sur la police.

 

[9]               Les motifs du commissaire exposent avec une précision raisonnable la preuve documentaire dont il a tenu compte et ils établissent suffisamment qu’il a examiné le témoignage donné par la demanderesse et les autres preuves en l’espèce, et qu’il a ainsi tiré une conclusion mûrement réfléchie prenant en compte l’ensemble de la preuve.

 

[10]           Il est évident que le commissaire était conscient de l'obligation d'analyser non seulement les lois et les organisations qui pouvaient avoir été mises en place, mais aussi la question de savoir si elles fournissaient une protection suffisante. Des statistiques sous forme de pourcentages sont exposées, à la page 7 des motifs du commissaire, sur les endroits où les personnes qui vivent dans le District fédéral sollicitent de l'aide, non seulement de la part des bureaux des substituts du procureur général, mais également d’autres organismes. Les motifs de la Cour d'appel fédérale au paragraphe 34 de l'arrêt Carrillo, précité, énoncent qu'il faut tenir compte non seulement de la protection qui doit être offerte par les services de police, mais également de la protection qui est offerte par d’autres organismes. Le commissaire l'a fait.

 

[11]           Au vu de l’arrêt de la Cour suprême du Canada Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, je conclus qu'il était raisonnable que le commissaire décide qu'il n'y avait pas de possibilité sérieuse que la demanderesse soit persécutée si elle était renvoyée au Mexique et qu'elle vivait à Mexico.

 

[12]           L'avocat de la demanderesse a soulevé une autre question, basée sur le deuxième volet de l'analyse qui doit être faite relativement à une PRI, soit la question de savoir s'il était raisonnable de demander à la demanderesse de rechercher une PRI à Mexico. Le rapport d’une psychologue, Mme Pilowsky, qui a examiné la demanderesse, affirme que si la demanderesse était renvoyée au Mexique (probablement n’importe où au Mexique, y compris à Mexico), elle serait en proie à des accès d'anxiété aigus ainsi qu’à une grave incapacité à composer avec la peur paralysante qu'elle vivrait une fois de retour au Mexique. Le commissaire a déclaré qu'il n'y avait pas de preuve convaincante qu'il n'y aurait pas de traitement accessible pour la demanderesse au Mexique; il a souligné que la demanderesse s'était déjà prévalue de tels traitements auparavant au Mexique. Le commissaire a conclu que la demanderesse, une personne raisonnablement bien instruite, pouvait trouver du travail à Mexico et qu'il y avait des preuves que ses parents l'aideraient financièrement. Le commissaire a conclu qu'on ne causerait pas de préjudice indu à la demanderesse si on lui demandait de vivre seule à Mexico.

 

[13]           Une fois de plus, étant donné la norme de contrôle établie dans Dunsmuir, les conclusions du commissaire font partie des issues raisonnables possibles et elles ne devraient pas être annulées.

 

[14]           La demande sera rejetée. L’affaire reposant sur des faits qui lui sont propres, il n’y a aucune question à certifier. Il n’y a aucune raison spéciale d’adjuger des dépens.

 


 

JUGEMENT

 

Pour les motifs exposés :

LA COUR STATUE que :

1.                  la demande est rejetée;

2.                  il n'y a pas de question à certifier;

3.                  aucuns dépens ne sont adjugés.

 

 

« Roger T. Hughes »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Laurence Endale, LL.M., M.A.Trad.jur.

 

 

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                               IMM-2265-08

 

INTITULÉ :                                              KARLA DEL CARMEN HERNANDEZ GONZALEZ

       c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

       DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                        Toronto (Ontario)

 

DATE DE L'AUDIENCE :                      Le 12 novembr2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                     Le juge Hughes

 

DATE DES MOTIFS :                             Le 13 novembre 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

 

J. Byron Thomas

POUR LA DEMANDERESSE

 

Neal Samson

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

J. Byron Thomas

Avocat

 

POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

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