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Date : 20081107

Dossier : IMM-4729-08

Référence : 2008 CF 1248

[TRADUCTION FRANÇAISE]

ENTRE :

TAMAR BEDROS MAZAKIAN

PATILE MEGUERDI BERBERIAN

ET PARDY BERBERIAN

 

demanderesses

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeurs

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LE JUGE LEMIEUX

 

Introduction

  • [1] Le vendredi 31 octobre 2008, après avoir entendu les parties en français, j’ai accordé un sursis à l’exécution de la mesure de renvoi au Liban visant les demanderesses et prévue plus tard cet après-midi, motifs à suivre. Les présents motifs sont rendus en anglais pour le bénéfice de la demanderesse principale, Tamar Mazakian, une citoyenne du Liban, et des deux autres demanderesses, sa fille Patile, âgée de 19 ans et sa fille Pardy, âgée de 14 ans, également toutes deux citoyennes du Liban.

 

  • [2] Les demanderesses contestent, dans leur demande de contrôle judiciaire sous-jacente, la décision rendue le 23 octobre 2008 par une agente d’exécution (l’agente), qui a refusé de surseoir à l’exécution de la mesure de renvoi du Canada dont elles font l’objet.

 

  • [3] Il est bien établi que l’agent chargé des renvois dispose d’un pouvoir discrétionnaire limité pour surseoir à l’exécution d’une mesure d’expulsion légale, en raison du libellé du paragraphe 48(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la Loi), qui prescrit : « L’étranger visé par la mesure de renvoi exécutoire doit immédiatement quitter le territoire du Canada, la mesure devant être appliquée dès que les circonstances le permettent ».

 

  • [4] Il est également bien établi que l’incapacité d’une personne à voyager est une exception reconnue à l’obligation qu’une mesure de renvoi contre elle soit exécutée (Ramada c. Canada (Solliciteur général), [2005] A.C.F. no 1384). Dans le contexte d’une décision de renvoyer des enfants dans le but d’exécuter une ordonnance de renvoi, la jurisprudence de la Cour veut que l’agent des renvois n’ait pas l’obligation de procéder à une analyse en profondeur de l’intérêt supérieur des enfants, mais qu’il doive examiner les intérêts des enfants afin de vérifier s’il existe des circonstances personnelles suffisamment importantes pour justifier un sursis, comme la nécessité de terminer l’année scolaire (voir Natoo c. Canada (Sécurité publique et de la Protection civile), 2007 CF 402, au paragraphe 16).

 

  • [5] La principale question dans la présente demande de sursis est de savoir si l’agente a commis une erreur en refusant de différer le renvoi des demanderesses compte tenu des faits au dossier concernant la santé mentale de la demanderesse principale et des facteurs importants touchant ses filles.

 

  • [6] Plus précisément, la fragilité de la santé psychologique de la demanderesse principale était connue de l’agente, qui avait reçu un avis du médecin agréé Walter Waddell de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) le 16 septembre 2008, selon lequel elle n’était pas en état de voyager à ce moment compte tenu de son instabilité psychologique montrant un risque élevé de suicide.

 

Rappel des faits

  • [7] Les demanderesses sont entrées au Canada en tant qu’unité familiale après que le mari de la demanderesse principale, M. Meguerdij Berberian, le père de Patile et Pardy, eut obtenu un permis de travail. Les demanderesses l’accompagnaient, entrant au Canada avec des visas de visiteur.

 

  • [8] En août 2003, M. Berberian est retourné au Liban, dans le but de présenter une autre demande de permis de travail, laquelle a été rejetée par les autorités canadiennes. Il n’est pas revenu au Canada et selon la demanderesse principale, ils sont séparés. Les demanderesses ont prolongé sans autorisation leur visa de visiteur et (1) en décembre 2004 ont demandé l’asile en raison de leur origine ethnique arménienne et de leur appartenance à la religion chrétienne. Ces demandes ont été rejetées le 13 juillet 2005; l’autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire de cette décision n’a pas été demandée. (2) Le 7 novembre 2007, les demanderesses ont présenté une demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR), laquelle a été rejetée le 26 février 2008 et aucune demande d’autorisation de contrôle judiciaire n’a été déposée devant un juge de notre Cour.

 

  • [9] Le dossier indique également que le 13 juin 2008, le bureau de CIC à Montréal a reçu de la part de la demanderesse principale une demande de résidence permanente au Canada fondée sur des considérations d’ordre humanitaire (demande CH), laquelle a été examinée par CIC à Vegreville, en Alberta, et renvoyée à Montréal le 24 juillet 2008 pour décision, laquelle est toujours en attente. Leur demande pour des considérations d’ordre humanitaire a été déposée le 10 juin 2008 par Raed Mahko, consultant en immigration, qui a expliqué à CIC qu’un avocat radié du barreau avait précédemment reçu le mandat de la demanderesse principale de déposer une demande CH le 26 février 2008, mais avait omis d’exécuter ce mandat.

 

  • [10] La première d’une série d’entrevues entre l’agente et la demanderesse principale, dans le but de fixer une date pour le renvoi des demanderesses du Canada, a eu lieu le 29 avril 2008. Durant cette rencontre, elle a été informée de la décision défavorable concernant l’ERAR. Elle a demandé que ses filles soient autorisées à terminer leur année scolaire, demande qui a été accueillie par l’agente. Leur départ du Canada était prévu le 15 juillet 2008 et une entrevue de suivi pour s’assurer que les documents de voyage appropriés avaient été remplis était prévue le 15 mai 2008.

 

  • [11] Le 12 mai 2008, l’agente a été informée par la sœur de la demanderesse principale que Mme Mazakian avait été hospitalisée et qu’un travailleur social serait présent à l’entrevue prévue le 15 mai, laquelle avait été reportée à plus tard dans la journée. Cette entrevue a eu lieu et les notes de l’agente indiquent que la demanderesse principale était incapable de répondre aux questions ou de comprendre ce qui se passait. L’agente a demandé au travailleur social de lui fournir des certificats médicaux afin de lui permettre de demander conseil à Ottawa.

 

  • [12] Le 2 juillet 2008 dans la matinée, l’agente a envoyé au Dr Waddell des documents médicaux à examiner afin qu’il puisse la conseiller concernant le renvoi. Le Dr Waddell a répondu rapidement le même jour, lui fournissant l’avis suivant :

 

  [traduction] J’ai examiné les rapports, les divers documents et les notes joints à votre télécopie du 2 juillet 2008 (17 + 1 pages). En résumé, Mme Mazakian a souffert d’un trouble de stress aigu avec idéation suicidaire à la suite de l’ordonnance d’expulsion. Elle a été brièvement hospitalisée et le traitement de sa dépression aiguë a commencé à l’hôpital. On lui a conseillé de prendre deux mois de congé de son travail et un suivi en clinique externe a été organisé.

 

  Les troubles de stress aigus et la dépression aiguë peuvent être traités à l’aide de médicaments. Je serais prêt à écrire au psychiatre responsable pour solliciter son aide afin de déterminer quelle pourrait être la durée du traitement de la maladie aiguë. Toutefois, j’aurais besoin d’un consentement signé.

 

  L’Association du Transport Aérien International (IATA) suggère certaines précautions concernant le renvoi de patients suicidaires. Je peux vous les remettre ou les résumer pour vous, si vous décidez d’aller de l’avant avec la mesure d’expulsion.

 

  Veuillez communiquer avec moi pour obtenir d’autres renseignements.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

  • [13] Le même jour, l’agente a convoqué la demanderesse principale à une entrevue le 18 juillet 2008, laquelle a été reportée au 12 août 2008 à la demande de M. Mahko qui l’a informée que Mme Mazakian devait voir son médecin, qui était en vacances durant la semaine du 14 juillet 2008, et qu’il lui fournirait cette évaluation médicale, ce qu’il a fait le 31 juillet 2008.

 

  • [14] Le rapport médical fourni par M. Mahko était rédigé par le psychiatre Randolph et est daté du 21 juillet 2008. Il indique que Mme Mazakian a eu une première évaluation le 3 juin 2008 avec des rendez-vous de suivi prévus le 13 juin, le 7 juillet et le 18 juillet 2008.

 

  • [15] Le rapport indique que Mme Mazakian souffre d’un trouble de stress aigu et qu’elle respecte son traitement et sa médication. Le Dr Randolph indique : [traduction] « Jusqu’en avril 2008, la patiente était une mère au travail fonctionnant très bien », mais [traduction] « depuis qu’elle a reçu l’avis selon lequel elle et ses deux filles seront légalement expulsées vers le Liban, elle a été incapable de fonctionner ». Elle est [traduction] « anxieuse, souffre d’insomnie, a des sentiments de désespoir, a des cauchemars, en plus d’idées suicidaires ». Le rapport mentionne que [traduction] « la question du suicide a été abordée de même que ses conséquences sur ses filles ».

 

  • [16] Le 8 août 2008, l’agente a envoyé au Dr Waddell le consentement de la demanderesse principale, autorisant le Dr Waddell à discuter de son cas avec son psychiatre. Sur la page de présentation de la télécopie, l’agente a écrit au Dr Waddell [traduction] « elle est prête à être renvoyée, mais avant d’aller de l’avant avec la mesure d’expulsion, j’aimerais avoir votre avis sur la question de savoir si elle est capable ou non de voyager. Tout ce que vous pouvez me dire m’aidera ».

 

  • [17] Le 12 août 2008, l’entrevue prévue a eu lieu entre la demanderesse principale et l’agente. Mme Mazakian a apporté un nouveau rapport médical et une copie d’une lettre qui indiquait qu’elle avait présenté une demande CH. Elle a dit à l’agente que son état de santé ne lui permettait pas de voyager. L’agente lui a dit qu’elle solliciterait l’opinion du Dr Waddell et qu’on communiquerait avec elle; elle lui a dit : « Si notre médecin juge qu’elle est apte à voyager nous réserverons les billets au prochain rendez-vous. »

 

  • [18] Le dossier montre qu’il y a eu des échanges entre le Dr Waddell et la directrice de la clinique externe de psychiatrie de l’hôpital St. Mary, la Dre Rita Kuyumjian, qui le 9 septembre 2008 a écrit au Dr Waddell : [traduction]

 

Je ne crois pas que Mme Mazakian soit en état de s’envoler pour le Liban en ce moment. Elle continuerait de présenter un risque suicidaire ÉLEVÉ si elle devait être renvoyée au Liban. L’accès aux services de santé au Liban est très dispendieux et elle n’aurait pas les moyens de se le permettre. Nous croyons qu’elle a besoin de médicaments et de soins psychiatriques au Canada.

 

[...]

 

Toutefois, elle n’est pas suffisamment bien pour quitter nos soins et présente un risque de suicide trop élevé pour être expulsée du Canada pour l’instant. Je n’ai aucun contact dans les cliniques psychiatriques du Liban et le principal problème est qu’elle ne peut se payer des soins médicaux là-bas.

 

[...]

 

En résumé, je ne crois pas que Mme Mazakian devrait quitter le Canada, en raison de son état mental et psychologique. Elle continue de présenter un risque de suicide extrêmement élevé. Je pense qu’il faudrait lui donner la possibilité de demeurer au Canada où sa famille et elle fonctionnent bien en société.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

  • [19] La Dre Kuyumjian a également dit au Dr Waddell que Mme Mazakian avait [traduction] « répondu partiellement à l’utilisation de médicaments ».

 

  • [20] Le 9 septembre 2008, le Dr Waddell a envoyé le message suivant par télécopie à la Dre Kuyumjian :

 

Je vous remercie de votre réponse rapide à ma télécopie, envoyée il y a une semaine. La courtoisie professionnelle est grandement appréciée. Je prends avis de votre opinion, selon laquelle elle n’est pas suffisamment bien pour voyager en ce moment. Toutefois, j’ai été heureux d’apprendre qu’elle a montré des signes d’amélioration grâce à un traitement intensif et j’espère que cela se poursuivra. À mon avis, elle devrait se conformer à la loi canadienne et accepter son renvoi quand elle sera suffisamment bien. Après, elle pourrait présenter une demande de résidence permanente, accompagnée d’un examen médical. Ses problèmes de santé mentale n’empêcheraient pas son admission, s’ils sont résolus de manière appropriée. Un report prolongé d’une ordonnance de renvoi valide (en raison de menaces de suicide) ne semble pas bénéfique. Merci encore de votre patience et d’avoir pris le temps de prendre en considération mon opinion. Veuillez agréer,

 

[Non souligné dans l’original.]

 

  • [21] Le 16 septembre 2008, le Dr Waddell a envoyé à l’agente le message suivant :

 

[traduction] Nancy, J’ai reçu une réponse de la Dre Kuyumjian le même jour où j’ai écrit. En bref, elle ne considère pas que Mme Mazakian est suffisamment bien pour voyager en ce moment. Toutefois, elle a montré certains signes d’amélioration avec le traitement; je lui ai écrit de nouveau. Lisa est de retour demain. Je lui demanderai de vous envoyer des copies de notre correspondance. À mon avis, le Liban fournit d’excellents soins médicaux et psychiatriques. Salutations,  Walter

 

  • [22] Après avoir reçu ce message par télécopie du Dr Waddell, l’agente a fait le commentaire suivant, selon les notes au dossier :

 

16 septembre 2008 : courriel de Dr Waddell m’avisant que bien que le médecin de Mme Mazakian considère qu’elle n’est pas assez bien pour voyager, il indique que le Liban possède un excellent traitement médical/psychiatrique. Il indique également qu’il m’enverra la documentation. [Non souligné dans l’original.]

 

  • [23] Le 30 septembre 2008, l’agente a convoqué la demanderesse principale à une entrevue pour le 14 octobre 2008, entrevue à laquelle elle a assisté avec M. Mahko.

 

  • [24] La note au dossier de l’agente indique que M. Mahko a verbalement demandé que le renvoi soit différé, afin de permettre à Mme Mazakian de continuer à recevoir un suivi médical au Canada et à Patile et Pardy de terminer leur école. Cette demande a été rejetée par l’agente. Sa note au dossier concernant la rencontre du 14 octobre 2008 se lit ainsi :

 

14 octobre 2008 : Rencontre avec Madame Mazakian. Je l’avise qu’elle doit maintenant quitter le Canada. Elle me demande de laisser ses filles finir l’année scolaire. Je l’avise qu’elle devait quitter à la fin de l’année scolaire 2007-2008 et que je lui avais déjà accordé un sursis administratif à cet effet. Je refuse donc de prolonger le renvoi. Madame déclare qu’elle doit avoir un suivi médical. J’informe madame que selon l’opinion d’Ottawa, le Liban a un excellent système de santé. Elle répond que cela coûte cher. Je lui indique qu’elle doit quitter avec ses enfants maintenant. Je demande à madame si elle veut acheter ses billets d’avions. Elle déclare qu’elle n’en a pas les moyens. J’effectue donc une réservation pour le 31 octobre 2008. Convocation aéroport remise. Madame n’a pas de questions.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

  • [25] Le 16 octobre 2008, l’agente a reçu de l’assistante du Dr Waddell, Lisa Racine, une télécopie à laquelle était jointe une lettre de la Dre Kuyumjian datée du 9 septembre, de même que la réponse par télécopie du Dr Waddell à la psychiatre datée du même jour. La note au dossier de l’agente sur ce point se lit ainsi : [traduction]

 

16 octobre: Fax reçu de Dr Waddell indiquant qu’il estime qu’un prolongement au renvoi (par menace de suicide) ne serait guère bénéfique à madame Mazakian.

 

  • [26] Le 19 octobre 2008, la demanderesse principale a été vue aux urgences de l’Hôpital du Sacré-Cœur et il semble qu’elle ait été admise à l’hôpital.

 

  • [27] Le 22 octobre 2008, M. Mahko a écrit à l’agente pour demander un sursis administratif pour les motifs suivants :

 

… premièrement, le syndrome de stress-traumatique qui s’est manifesté à plusieurs reprises chez la demandeure principale, depuis l’annonce de son renvoi du Canada; deuxièmement, on ne saurait faire abstraction de l’intérêt supérieur des enfants dans cette affaire; troisièmement, et pour tout dire, il n’y aurait, qu’à travers la demande C.H. soumise par les demandeurs, que l’intérêt supérieur des enfants pourrait être connu et pleinement apprécié.

 

  • [28] Il a aussi affirmé que la demande CH n’était pas une demande en retard étant donné le défaut du représentant de la demanderesse principale de suivre ses instructions pour le dépôt de cette demande. Le dossier de la demanderesse indique que parmi les pièces jointes envoyées à l’agente se trouvait une photocopie de la visite de la demanderesse principale à l’Hôpital du Sacré-Cœur le 19 octobre 2008, mais la lettre de présentation de M. Mahko n’attire pas précisément l’attention de l’agente sur ce point.

 

  • [29] Le 23 octobre 2008, l’agente a refusé le sursis administratif dans les termes suivants :

 

J’ai pris connaissance de la demande de reporter le renvoi en vertu de l’article 25(1) et après avoir évalué la situation, j’en suis arrivé à la conclusion qu’il s’agit d’un cas où les circonstances ne justifient pas que l’on reporte le renvoi. Le renvoi aura lieu le 31 octobre 2008 tel qu’entendu le 14 octobre 2008.

 

Analyse

  • [30] La Cour suprême du Canada dans l’arrêt RJR-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311, a précisé et expliqué le critère en trois volets pour accorder un redressement interlocutoire : (1) une question sérieuse à juger; (2) l’existence d’un préjudice irréparable pour le demandeur; (3) la prépondérance des inconvénients.

 

(1) Question sérieuse à juger

  • [31] Dans l’arrêt RJR-MacDonald, précité, les juges Sopinka et Cory, parlant au nom de la Cour suprême, ont exprimé le point de vue que c’est le juge de la requête qui devrait trancher cette question selon « un examen extrêmement restreint du fond de l’affaire » et « [s]auf lorsque la demande est futile ou vexatoire », le juge devrait en général procéder à l’examen du critère du préjudice irréparable et du critère de la prépondérance des inconvénients.

 

  • [32] À mon avis, les demanderesses satisfont au premier critère d’une question sérieuse à juger. Je suis convaincu que le dossier divulgué dans les présents motifs fait ressortir une possibilité sérieuse que l’agente ait entravé son pouvoir discrétionnaire ou mal interprété la preuve dont elle disposait quant à l’état psychologique de la demanderesse principale relativement à sa capacité de voyager, ou encore l’avis du Dr Waddell. De plus, l’agente ne s’est pas penchée sur les allégations de la demanderesse, selon lesquelles les soins médicaux au Liban sont dispendieux et qu’il lui serait difficile pour cette raison d’y avoir accès. Il convient également de se demander si l’agente a suffisamment pris en considération l’intérêt supérieur des filles, dans le contexte restreint enseigné par la jurisprudence.

 

(2) Préjudice irréparable

  • [33] Un préjudice irréparable est un préjudice qui ne pourrait être compensé par l’octroi de dommages-intérêts. La démonstration d’un préjudice irréparable ne peut être spéculative. Selon la prépondérance des probabilités, la demanderesse principale a prouvé qu’elle subirait un préjudice irréparable. En raison de la faiblesse de sa condition mentale, sa vie est en jeu et, dans les circonstances, l’intérêt supérieur des enfants l’est aussi.

 

(3) Prépondérance des inconvénients

  • [34] L’existence d’une question sérieuse à juger et d’un préjudice irréparable ayant été prouvée, la prépondérance des inconvénients joue en faveur des demanderesses (voir Natoo, précité, au paragraphe 38).

 

  • [35] Je dirai un mot à propos de deux points soulevés par l’avocate des ministres. Elle a affirmé que la conséquence de ma décision équivalait à accorder aux demanderesses une injonction permanente concernant leur renvoi du Canada. Je ne peux pas accepter cette affirmation. Le sursis est principalement motivé par la santé mentale existante de la demanderesse principale en ce qui a trait à son incapacité de voyager en fonction de l’état actuel de la preuve dont je dispose et de la disponibilité d’établissements de santé pour elle au Liban. Le sursis est accordé en attendant que la demande d’autorisation soit accueillie, et si c’est le cas, en attendant une décision relativement au contrôle judiciaire.

 

  • [36] Le second point de l’avocate des défendeurs était que les demanderesses ne se sont pas acquittées du fardeau qui leur incombait parce que le dossier montre en l’espèce que l’incapacité de voyager était périmée. Je rejette également cette prétention. L’avis que l’agente a reçu du Dr Waddell, et envoyé par télécopie par Lisa Racine le 16 octobre 2008, était que Mme Mazakian était incapable de voyager. L’agente a également obtenu des renseignements subséquents de son admission aux urgences d’un hôpital le 19 octobre 2008.

 

 

« François Lemieux »

_____________________________

  Juge

 

Ottawa (Ontario)

Le 7 novembre 2008


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :  IMM-4729-08

 

INTITULÉ :  TAMAR BEDROS MAZAKIAN et al. c.

  LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION et al.

 

LIEU DE L’AUDIENCE 

PAR TÉLÉCONFÉRENCE :  OTTAWA ET MONTRÉAL

 

DATE DE 

L’AUDIENCE PAR

TÉLÉCONFÉRENCE :  LE 31 OCTOBRE 2008

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :  LE JUGE LEMIEUX

 

DATE DES MOTIFS :  LE 7 NOVEMBRE 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Luc R. Desmarais

 

POUR LES DEMANDERESSES

Michèle Joubert

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Luc R. Desmarais

Montréal (Québec)

 

POUR LES DEMANDERESSES

John H. Simms, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

 

 

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