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Date : 20081104

Dossier : IMM-1607-08

Référence : 2008 CF 1228

Ottawa (Ontario), le 4 novembre 2008

En présence de madame la juge Dawson

 

ENTRE :

 

SUBRAMANIAM SUBAHARAN

 

 

demandeur

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]        La demande du demandeur visant un bref de mandamus est accueillie parce que l’attente en question est plus longue que ce que la nature du processus exige à première vue, ni le demandeur ni son avocat ne sont responsable du contretemps et le ministre n’a pas fourni de justification satisfaisante pour ce contretemps.

 

[2]        Le 17 octobre 2004, Rajaluxmy Subaharan (une résidente permanente au Canada) a parrainé la demande de résidence au Canada de son époux, Subramaniam Subaharan. Bien que la demande de parrainage ait été d’abord refusée par le bureau des visas à Colombo, au Sri Lanka, le 20 mars 2006, la Section d'appel de l'immigration (la Section) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a accueilli l’appel interjeté contre cette décision de refus. Le bureau des visas a alors repris le traitement de la demande. Plus de deux années et demie se sont écoulées depuis lors.

 

[3]        Citoyenneté et Immigration Canada déclare qu'en ce moment, le bureau des visas à Colombo finalise dans un délai de six mois 50 pour cent des demandes de résidence permanente qu'il reçoit dans la catégorie du regroupement familial (époux et conjoints de fait). De plus, 80 pour cent des demandes sont finalisées en neuf mois. Le site Internet avertit le public que les délais de traitement affichés ne sont qu’une indication des délais de traitement, qui peuvent varier.

 

[4]        La demande de M. Subaharan a été compliquée par le fait que, le 27 juin 2000, il a été déclaré coupable, à Hong Kong, de l'infraction de possession d'un faux document de voyage. Il a été condamné à une peine de six mois d’emprisonnement. Il dit qu'il a été arrêté pendant qu'il était en correspondance vers les États‑Unis pour y présenter une demande d'asile.

 

[5]        Aucun affidavit n'a été déposé pour le compte du ministre, mais il semble que, d'après les notes du Système de traitement informatisé des dossiers d'immigration (les notes du STIDI), sa déclaration de culpabilité ait fait surgir la possibilité que M. Subaharan fût interdit de territoire au Canada. Les notes du STIDI font mention du fait que le 14 août 2006, le bureau des visas a demandé qu’on lui fasse parvenir de Hong Kong [traduction] « l’acte d'accusation et la déclaration de culpabilité ».

 

[6]        Au 7 novembre 2006, le bureau des visas avait reçu deux lettres du service de police de Hong Kong. Dans l'une, on disait ne pas pouvoir affirmer que M. Subaharan n'avait pas de déclaration de culpabilité à Hong Kong. Dans l'autre, on affirmait que, le 27 juin 2000, M. Subaharan avait été condamné à une peine d’emprisonnement de six mois relativement à l'infraction de possession d'un faux document de voyage. On mentionnait que cela avait trait au sous‑alinéa « 42(2)c)(i) ch. 115 ».

 

[7]        Par la suite, les notes du STIDI révèlent une confusion au bureau des visas. Le 31 juillet 2007, une entrée est rédigée comme suit : [traduction] « l’interessé a-t-il été déclaré coupable ou seulement accusé? Quelle a été l’issue des accusations? [Nous] avons besoin de réponses pour prendre une décision. » Les réponses avaient été reçues antérieurement du service de police de Hong Kong.

 

[8]        Le 19 février 2008, l'entrée suivante a été faite dans les notes du STIDI :

aurions BESOIN DES RENSEIGNEMENTS SUIVANTS DE HONG KONG :

-         L’INTERESSÉ A-T-IL ÉTÉ ACCUSÉ OU DÉCLARÉ COUPABLE?

-         QUELLE EN A ÉTÉ L'ISSUE?

-         aurions AUSSI BESOIN DU LIBELLÉ EXACT DU SOUS‑ALINÉA 42(2)c)(i) ch. 115 DU CODE CRIMINEL DE HONG KONG AFIN DE TROUVER L'INFRACTION ÉQUIVALENTE DANS LE CODE CRIMINEL DU CANADA.

 

[9]        Le 4 mars 2008, le bureau des visas au Sri Lanka a envoyé un courriel au bureau des visas du Canada à Hong Kong. On pouvait y lire :

Le sujet est un demandeur dans la catégorie du regroupement familial (premier alinéa).

 

Nous avons un rapport de la police (voir pièce jointe) dans lequel on peut lire que le sujet était en possession d'un faux document de voyage et qu'il a été emprisonné pendant six mois. Il avait été accusé en application du sous‑alinéa 42(2)c)(i) ch. 115.

 

Dans le but de poursuivre le traitement de l'affaire, le personnel chargé du traitement des dossiers a besoin des renseignements suivants :

 

-         Le demandeur a-t-il été accusé ou déclaré coupable?

-         Quelle en a été l'issue?

-         Le libellé exact du sous‑alinéa 42(2)c)(i) ch. 115 du Code criminel de Hong Kong afin de trouver l'infraction équivalente dans le Code criminel du Canada.

 

Nous vous serions très reconnaissants de votre aide dans la présente affaire.

 

[10]      Le 6 mars 2008, le texte de la disposition pertinente du Code criminel de Hong Kong a été reçu de la mission de Hong Kong.

 

[11]      Les notes du STIDI ne révèlent aucun progrès important après cela.

 

[12]      Comme question de droit, les parties ont convenu que les principes qui régissent l'octroi d'un bref de mandamus sont ceux qui ont été énoncés par la Cour d'appel fédérale dans Apotex Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 C.F. 742. En outre, les parties ont convenu que le principe particulier à la présente affaire est l’exigence que le demandeur établisse l'existence d'un droit clair d'obtenir l'exécution de l'obligation qu’il réclame et, plus particulièrement, que le demandeur établisse que le délai raisonnable d'exécution de l'obligation est révolu.

 

[13]      Lorsque la Cour examine si la période de temps écoulée est déraisonnable, elle applique le critère en trois volets énoncé par ma collègue la juge Tremblay-Lamer dans la décision Conille c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 C.F. 33. Une période de temps est jugée déraisonnable lorsque :

 

(1)               la période en question a été plus longue que ce que la nature du processus exige à première vue;

(2)               le demandeur et son avocat ne sont pas responsables du contrretemps;

(3)               l'autorité responsable du contretemps ne l'a pas justifié de façon satisfaisante.

 

[14]      En l'espèce, aucune question n'est soulevée sur le deuxième volet du critère.

 

[15]      Le temps écoulé, à ce jour, de plus de deux ans et demi depuis que la Section d'appel de l'immigration a accueilli l'appel excède de beaucoup les délais de traitement habituels. Depuis une longue période de temps (soit depuis le 7 novembre 2006), le bureau des visas posséde déjà la plupart des renseignements qu’il désire avoir. Le bureau des visas a mis du 7 novembre 2006 au 6 mars 2008 pour obtenir le libellé d'une partie d'une loi d’intérêt public. Après le 6 mars 2008, il n'y a aucune preuve que quelque effort que ce soit ait été fait pour le traitement des renseignements qui ont été obtenus, et pour que le bureau des visas prenne une décision à ce sujet.

 

[16]      Il ne ressort pas des notes du STIDI que le bureau des visas ait demandé d'autres renseignements. Le ministre n'a pas fourni de preuve à cet égard.

 

[17]      Compte tenu de la preuve, je conclus que le délai a excédé celui qui est nécessaire à première vue et qu'il n'y a pas de justification satisfaisante pour le contretemps. La demande de contrôle judiciaire sera donc accueillie.

 

[18]      M. Subaharan demande que je lui adjuge les dépens.

 

[19]      Dans Uppal c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2005] A.C.F. no 1390, la Cour a écrit ce qui suit aux paragraphes 5 et 6 :

5.         De manière générale, la demande d'autorisation et la demande de contrôle judiciaire introduites dans le contexte de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), ne donnent pas lieu à une adjudication des dépens. En effet, selon l'article 22 des Règles de la Cour fédérale en matière d'immigration et de protection des réfugiés, DORS/2002-232 (les Règles), « sauf ordonnance contraire rendue par un juge pour des raisons spéciales », les instances introduites en application des Règles ne donnent pas lieu à des dépens.

6.         Selon la jurisprudence de la Cour relative à cet article et à celui qui l'a précédé, même si la Cour conclut que l'émission d'un bref de mandamus est justifiée, l'octroi de cette mesure ne justifie pas, en soi, l'adjudication de dépens. Voir, par exemple, Kalachnikov c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2003), 236 F.T.R. 142 (1re inst.). Chaque demande d'adjudication des dépens est étudiée au cas par cas.

 

[20]      Bien que la demande de M. Subaharan n'ait pas été traitée avec célérité, je n'ai pas été convaincue que le traitement de la demande a été si lent qu'il donne lieu à des circonstances spéciales et à l’adjudication de dépens. Il n'y a pas de preuve qu'il y a eu une conduite inéquitable, abusive, inconvenante ou empreinte de mauvaise foi. Il ne sera pas adjugé de dépens.

 


 

JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.         elle délivre un bref de mandamus qui exige que le défendeur traite la demande de résidence permanente au Canada de M. Subaharan conformément au droit et à la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, et conformément aux conditions suivantes :

(i)                  Le défendeur traitera la demande de résidence permanente au Canada présentée par M. Subaharan et lui communiquera une décision relativement à sa demande dans les 90 jours suivant la date du présent jugement.

(ii)                La période de prise de décision pourra être prorogée par la Cour, sur requête présentée par le défendeur, si le défendeur demande une telle prorogation avant l'expiration du délai de 90 jours, et si le défendeur est en mesure de faire la preuve que ce délai supplémentaire est requis en raison de circonstances indépendantes de sa volonté.

 

2.                  Il n’est pas adjugé de dépens.

« Eleanor R. Dawson »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Laurence Endale, LL.M., M.A.Trad.jur.

 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-1607-08

 

INTITULÉ :                                                   SUBRAMANIAM SUBAHARAN c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Toronto (Ontario)

 

 

DATE DE L'AUDIENCE :                           Le 2 octobre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          La juge Dawson

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 4 novembre 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

Max Berger                                                      POUR LE DEMANDEUR

 

Leanne Briscoe                                                 POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Max Berger                                                      POUR LE DEMANDEUR

Société professionnelle d'avocats

Avocats

Toronto (Ontario)

 

 

John H. Sims, c.r.                                             POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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