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Date : 20081106

Dossier : IMM-2152-08

Référence : 2008 CF 1245

Toronto (Ontario), le 6 novembre 2008

En présence de monsieur le juge Hughes

 

 

ENTRE :

ALFREDO SOLIS BOTELLO, MARIA ISABEL OERTEGA BALTIERRA

ALFREDO ANTONIO SOLIS ORTEGA, RODRIGO SOLIS ORTEGA et

MARITZA MONSTSERRATT SLOIS ORTEGA représentés par leur tuteur à l’instance

MARIA ISABEL OERTEGA BALTIERRA

demandeurs

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Les demandeurs forment une famille comprenant le père (M. Botello), la mère (Mme Baltierra) et trois enfants mineurs. Ils sont tous citoyens du Mexique, pays qu’ils ont fuit en 2006 pour venir au Canada, où ils ont présenté des demandes d’asile. Une audience a été tenue au sujet de ces demandes les 15 et 17 avril 2008, lesquelles ont été rejetées dans une décision écrite datée du 24 avril 2008. Il s’agit du contrôle judiciaire de cette décision.

 

[2]               Pour les motifs qui suivent, je conclurai au rejet de la demande. Aucune question ne sera certifiée et aucuns dépens ne seront adjugés.

 

[3]               L’avocate des demandeurs a soulevé un certain nombre de questions concernant la décision contestée, à savoir :

  1. La Commission a‑t‑elle complètement négligé d’examiner les demandes des enfants et leur a‑t‑elle nié le droit à une audience équitable?
  2. La Commission a‑t‑elle tiré des conclusions abusives et injustifiées, ou tirées sans tenir compte de la preuve, étant donné :

a)      qu’elle a, sur le fondement de conclusions d’« experts », négligé des éléments de preuve documentaire sans qu’il y ait de témoignage ou de preuve d’expert?

b)      qu’elle a négligé des éléments de preuve documentaire et la corroboration de l’épouse?

c)      qu’elle n’a pas apprécié des éléments de preuve qui n’avaient pas été estimés non crédibles.

  1. La Commission a‑t‑elle commis une erreur en tirant ses conclusions d’invraisemblance.
  2. La Commission a‑t‑elle fait preuve d’une trop grande méticulosité quant à des considérations sans importances, qu’elle a ensuite utilisées comme fondement pour miner la crédibilité générale des demandeurs?
  3. La Commission a‑t‑elle nié le droit à une audience équitable aux demandeurs?

 


La question en litige no 1 – la conclusion relative aux enfants

[4]               Les demandeurs soutiennent qu’on ne peut trouver dans les motifs du commissaire, dont la décision est contestée, aucune mention particulière relative à quelque allégation ou circonstance que ce soit au sujet des enfants. Cependant, au début de ses motifs, le commissaire a affirmé qu’il rejetait les demandes des demandeurs et il les nomme tous un à un. À la fin de ses motifs, il a affirmé qu’il était convaincu que le demandeur principal n’était pas un témoin crédible et que les demandeurs n’avaient pas établi qu’il y avait une possibilité sérieuse qu’ils soient persécutés ou que, selon la prépondérance de la preuve, ils soient exposés personnellement à une menace à leur vie, à un risque de traitements ou peines cruels et inusités, ou à un risque de torture dans quelque région que ce soit du Mexique.

 

[5]               L’examen du dossier de la Cour et du dossier du tribunal révèle que les enfants n’ont pas présenté de demandes distinctes. Le Formulaire de renseignements personnels de chaque enfant (le FPR) renvoie seulement au FRP de leur père : [traduction] « Voir le récit circonstancié qui se trouve dans le FRP de mon père. » Au début de l’audience, l’avocate des demandeurs, en leur nom, a demandé à ce que les enfants n’y assistent pas et qu’ils attendent à l’extérieur; leur mère a été chargée de protéger leurs intérêts. Aucune autre observation n’a été faite au sujet des enfants. Aucune preuve déposée n’établit un lien entre des incidents qui seraient survenus aux enfants, tel un accident d’automobile mineur, et les allégations présentées par les parents en appui à une demande d’asile crédible.

 

 

[6]               Les circonstances en l’espèce sont très différentes de celles décrites par le juge Kelen dans ses motifs de la décision Gonsalves c. Canada (MCI), 2008 CF 844, paragraphes 27 à 29, décision sur laquelle l’avocate des demandeurs s’est fondée. Dans cette décision, le juge Kelen a pris soin de mentionner qu’il y avait une preuve considérable corroborant les mauvais traitements et les préjudices subis par les enfants, dont une menace d’agression sexuelle.

 

[7]               Je ne vois ici aucune erreur susceptible de contrôle en ce qui concerne la façon dont la demande des enfants a été examinée par le commissaire.

 

Les questions en litige nos 2, 3 et 4 : les conclusions du commissaire

 

[8]               Les questions en litige 2, 3 et 4, de la façon que les a formulées l’avocate des demandeurs, constituent essentiellement une même question, à savoir : les conclusions relatives à la preuve tirées par le commissaire étaient‑elles raisonnables?

 

[9]               Comme l’a établi la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick [2008] 1 R.C.S. 190, lorsqu’un tribunal tire des conclusions relatives à la preuve qui relèvent de son domaine d’expertise, elles doivent être contrôlées selon la raisonnabilité, et la Cour doit accorder de la déférence au tribunal, dont l’expertise porte justement sur la question contestée. Dans l’arrêt Aguebor c. Canada (MCI) (1993), 160 N.R. 315, la Cour d’appel fédérale a conclu que les questions relatives à la preuve, notamment les questions de crédibilité, appartiennent à l’expertise particulière du Tribunal dont il est question en l’espèce, la Commission, et qu’elles ne devraient pas être modifiées à la légère.

 

[10]           À maintes reprises, le commissaire a affirmé dans ses motifs qu’il estimait que la preuve déposée n’était par vraisemblable, qu’elle ne pouvait pas être acceptée et qu’elle n’était pas crédible. L’avocate des demandeurs n’a souligné aucun élément qui établirait que de telles conclusions n’étaient pas raisonnables et, lors de l’examen du dossier du tribunal, je n’en ai relevé aucun.

 

[11]           L’avocate des demandeurs soutient que la conclusion du commissaire quant au rapport psychologique concernant la mère est erronée. Le commissaire a affirmé ce qui suit :

Je reconnais que la demandeure d’asile présente des problèmes d’ordre psychologique, comme l’atteste le rapport du spécialiste. Compte tenu du manque de preuves crédibles, je ne peux accepter que ces problèmes découlent des événements décrits à l’auteur dudit rapport. Le conseil a fait valoir que les faits relatés dans le rapport en question reposaient sur l’exposé circonstancié initial qui a été communiqué à l’auteur du rapport.

 

Encore une fois, l’importance que je suis disposé à accorder à ce rapport ne suffit pas à dissiper les préoccupations qui subsistent quant à la crédibilité du demandeur d’asile ou à établir à lui seul le bien-fondé de la demande d’asile.

 

 

[12]           Autrement dit, le commissaire a accepté que la mère avait des problèmes psychologiques, mais il n’était pas convaincu que ces problèmes avaient été causés par les faits qui étaient allégués à l’appui de la demande d’asile. Il a donné peu de poids au rapport du psychologue parce que le rapport était fondé sur des faits qui étaient censés s’être produits à Mexico, faits dont le psychologue n’avait aucune connaissance directe.

 

[13]           Je conclus donc que, en ce qui concerne les questions en litige 2, 3 et 4, aucune erreur susceptible de contrôle n’a été commise.

 

La question en litige no 5 – L’audience équitable

 

[14]           Premièrement, sur le fondement d’un affidavit déposé par la mère devant la Cour, les demandeurs ont soutenu dans leurs observations écrites, mais non dans leurs observations orales, qu’ils n’ont pas eu droit à une audience équitable parce que la traduction de l’interprète espagnol‑anglais qui avait participé à la première journée d’audience n’était pas exacte et complète.

 

[15]           Deuxièmement, dans les observations écrites, mais non dans les observations orales, les demandeurs ont allégué que le commissaire avait organisé la première journée d’audience sans demander aux demandeurs quels étaient leurs préférences et leurs besoins. Les demandeurs ont soutenu que le commissaire [traduction] « n’avait dans l’idée que de rejeter notre demande », qu’il était accusateur et hostile et qu’il a finalement semblé désintéressé.

 

[16]           Premièrement, en ce qui concerne l’interprète espagnol‑anglais présent lors du premier jour d’audience, il n’y a aucune mention selon laquelle une objection a été soulevée à ce sujet par les demandeurs ou en leur nom lors de l’audience ou à tout moment avant que soit rendue la décision du commissaire. L’avocate des demandeurs a été incapable de souligner quelque erreur que ce soit dans la transcription qui aurait soulevé une réserve quelconque en ce qui concerne l’interprétation. Je ne vois aucune erreur susceptible de contrôle ni aucun motif qui justifierait l’annulation de la décision du commissaire à ce sujet.

 

[17]           Deuxièmement, en ce qui concerne la conduite du commissaire, encore une fois, aucune objection n’a été soulevée lors de l’audience ou à tout moment avant que soit rendue la décision du commissaire au sujet de toute réserve qu’auraient pu avoir les demandeurs à cet égard. En ce qui concerne l’ajournement à la fin de la première journée d’audience, il est très clair, particulièrement aux pages 60 et 61 de la transcription, que le commissaire a discuté de l’ajournement avec l’avocate des demandeurs et qu’il lui a demandé de combien de temps elle aurait besoin lors de la prochaine audience. L’avocate a demandé à ce que la reprise de l’affaire soit fixée à une autre date, et elle a affirmé qu’une heure devrait suffire pour conclure. Les demandeurs et leur avocate ont été consultés de façon adéquate et appropriée. Je ne vois aucune erreur susceptible de contrôle ni aucun motif qui justifierait l’annulation de la décision du commissaire.

 

Conclusion

 

[18]           Pour ces motifs, je conclus que rien ne justifie l’infirmation de la décision rendue par le commissaire le 24 avril 2008. La présente affaire repose sur les faits, et il n’en découle aucune question de droit de portée générale qui justifierait la certification d’une question quelconque. Les dépens ne seront pas adjugés.


JUGEMENT

Pour les motifs exposés :

LA COUR STATUE :

1.      que la demande est rejetée;

2.      qu’il n’y a aucune question à certifier;

3.      qu’aucuns dépens ne sont adjugés.

 

« Roger T. Hughes »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jean-François Martin, LL.B., M.A. Trad. jur.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-2152-08

 

INTITULÉ :                                                   ALFREDO SOLIS BOTELLO, MARIA ISABEL OERTEGA BALTIERRA ALFREDO ANTONIO SOLIS ORTEGA, RODRIGO SOLIS ORTEGA ET MARITZA MONSTSERRATT SLOIS ORTEGA représentés par leur tuteur en l’instance MARIA ISABEL OERTEGA BALTIERRA c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 6 NOVEMBRE 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE HUGHES

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 6 NOVEMBRE 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

Amina Sherazee

 

POUR LES DEMANDEURS

Leena Jaakkimainen

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

 

Amina Sherazee

Avocate

Toronto (Ontario)

 

 

 

POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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