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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20081021

Dossier : IMM-628-08

Référence : 2008 CF 1186

Ottawa (Ontario), le 21 octobre 2008

En présence de monsieur le juge Martineau

 

ENTRE :

RENATA RUIZ LORANCA et

ALEJANDRO GONZALEZ RIVA

demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

 ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La présente demande de contrôle judiciaire, déposée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi) porte sur une décision, rendue le 11 décembre 2007, par laquelle Lourdes Hernandez, agente des visas à l’ambassade du Canada au Mexique (l’agente des visas), a rejeté la demande de visa de résident permanent des demandeurs (la décision contestée).

 

[2]               La demanderesse principale, Renata Ruiz Loranca (Mme Ruiz Loranca), est de nationalité mexicaine et est arrivée au Canada en avril 2004 munie d’un permis de travail à titre de comptable. Le demandeur, Alejandro Gonzalez Riva (M. Gonzalez Riva), est aussi de nationalité mexicaine et son arrivée au Canada remonte au 10 avril 2000. Il a demandé l’asile en qualité de réfugié au sens de la Convention le 15 septembre 2000. 

 

[3]               Le 21 août 2004, les demandeurs se sont mariés. Entre-temps, le 3 juin 2003, la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a rejeté la demande d’asile de M. Gonzalez Riva. Par la suite, le 5 septembre 2003, la Cour a rejeté la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de la décision de la Commission présentée par le demandeur. Le 25 mai 2004, M. Gonzalez Riva a présenté une demande d’examen des risques avant renvoi (l’ERAR). Le 17 novembre 2004, sa demande d’ERAR a été rejetée. Il a donc reçu l’ordre de se présenter pour son renvoi du Canada. Le 8 décembre 2004, il a quitté le Canada, comme il lui avait été ordonné. Il n’est pas revenu au Canada.

 

[4]                Le 10 mai 2005, les demandeurs ont présenté une demande de visas de résident permanent, alléguant que Mme Ruiz Loranca appartenait à la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) en tant que comptable et que M. Gonzalez Riva était à sa charge. En août 2006, on a décidé que Mme Ruiz Loranca possédait suffisamment de points pour obtenir un visa de résidente permanente. Le 12 septembre 2007, M. Gonzalez Riva a présenté une demande d’autorisation de revenir au Canada (l’ARC). Cette demande a été rejetée le 10 décembre 2007. Le 11 décembre 2007, l’agente des visas a rejeté la demande de visa de résident permanent des demandeurs puisqu’elle les a jugés tous les deux interdits de territoire. 

 

[5]               En me fondant sur la jurisprudence de la Cour, j’ai conclu que la norme de contrôle applicable à la décision d’un agent des visas est celle de la décision raisonnable, sauf pour ce qui est des pures questions de droit : Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] A.C.S. n9 (QL). Dans la présente affaire, la décision contestée doit être maintenue, puisqu’elle est fondée sur la preuve au dossier, qu’elle n’est pas contraire à la loi, et qu’elle est par ailleurs raisonnable dans les circonstances. En outre, l’agente des visas n’a pas manqué aux principes d’équité procédurale comme l’ont allégué les demandeurs.

 

[6]               Premièrement, malgré les arguments habiles présentés par l’avocat des demandeurs, je suis d’avis que l’agente des visas pouvait légalement conclure que les demandeurs étaient interdits de territoire au Canada du fait que M. Gonzalez Riva devait présenter une demande d’autorisation de revenir au Canada. Le 9 janvier 2001, une mesure d’interdiction de séjour conditionnelle a été prise contre M. Gonzalez Riva, étant donné qu’il a été jugé admissible à déposer une demande d’asile en qualité de réfugié au sens de la Convention. Conformément aux paragraphes 224(2) et 240(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement), entré en vigueur le 28 juin 2002, la mesure d’interdiction de séjour conditionnelle est devenue une mesure d’expulsion trente jours après que la mesure de renvoi fut devenue exécutoire (voir Revich c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] A.C.F. no 1057, 2005 CF 852).

 

[7]               La demande d’autorisation et de contrôle judiciaire présentée par M. Gonzalez Ruiz à l’encontre de la décision de la Commission a été rejetée le 5 septembre 2003. Par conséquent, la mesure de renvoi prise contre M. Gonzalez Riva est devenue une mesure d’expulsion le 6 octobre 2003 ou vers cette date. Trente jours plus tard, la mesure de renvoi est devenue exécutoire. Pour satisfaire aux exigences imposées par la Loi, M. Gonzalez Riva a été interdit de revenir au Canada, sauf autorisation du ministre ou de son délégué (paragraphe 52(1) de la Loi). À son tour, compte tenu de l’interdiction de territoire frappant M. Gonzalez Riva, Mme Ruiz Loranca a également été jugée interdite de territoire (les alinéas 41a) et 42a) de la Loi).

 

[8]               Deuxièmement, les demandeurs contestent également la justification invoquée pour rejeter la demande d’ARC de M. Gonzalez Riva. Cependant, la légalité de la décision concernant la demande d’ARC n’a en fait pas été soulevée devant la Cour. Les demandeurs ne peuvent attaquer de façon incidente la décision du délégué du ministre en soutenant que l’agente des visas avait le droit de la rejeter (notamment au motif que le délégué du ministre aurait manqué à son obligation d’équité procédurale). L’agente des visas n’était tout simplement pas habilitée légalement à vérifier la décision relative à la demande d’ARC et à examiner la justification invoquée à l’appui de cette décision.

 

[9]               Troisièmement, je suis aussi d’avis que l’agente des visas n’a pas manqué aux principes d’équité procédurale, et je rejette les allégations des demandeurs à cet égard. L’agente des visas n’était pas obligée d’offrir la possibilité aux demandeurs de formuler une demande, en application de l’article 25 de la Loi, visant à les dispenser des exigences prévues par la Loi pour des motifs d’ordre humanitaire. La Loi ou son Règlement ne prévoit aucune exigence de ce genre et, selon la jurisprudence de la Cour, il est déjà établi qu’un agent des visas n’a pas l’obligation légale d’informer un demandeur de résidence permanente de tous les autres recours possibles. Cela dit, je suis conscient que, dans certains cas, un agent puisse juger approprié d’accorder une dispense de son propre chef, mais ne pas le faire ne constituerait pas une erreur susceptible de contrôle. (Rani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] A.C.F. n1477, aux paragraphes 36 à 40; Mustafa c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2006] A.C.F. no 1377, aux paragraphes 13 à 16, 2006 CF 1092.)

 

[10]           Quatrièmement, les demandeurs ne sont pas privés de la possibilité d’exercer un recours administratif. Par exemple, il est possible que, dans certaines situations, la délivrance d’un permis de séjour temporaire (le PST) puisse être appropriée même en l’absence d’une demande CH. À cet égard, les Directives intérimaires aux agents de CIC concernant l’examen de demandes fondées sur des circonstances d’ordre humanitaire (au Canada), de Citoyenneté et Immigration Canada, tirées du Bulletin opérationnel 021-le 22 juin 2006, indiquent, au paragraphe 7, que « [s]i un membre de la famille du demandeur qui figure sur la demande de résidence permanente ne peut l’obtenir car il fait l’objet d’une interdiction de territoire, l’agent autorisé peut décider de lui délivrer un PST et d’attribuer la résidence permanente au demandeur principal et aux autres membres de la famille ». Cette solution pourrait s’avérer raisonnable dans la présente affaire. Cependant, tel que l’a mentionné l’avocat du défendeur à l’audience, [traduction] « on n’obtient rien avec rien ». Ainsi, puisque aucune erreur susceptible de contrôle n’a été établie, la Cour doit s’abstenir d’intervenir lorsque l’agente des visas exerce les pouvoirs que lui confèrent la Loi et son Règlement.

 

[11]           Compte tenu de ce qui précède, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Les avocats conviennent que cette affaire ne soulève pas de question de portée générale.

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n’est certifiée.

 

« Luc Martineau »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Caroline Tardif, LL.B., B.A. Trad.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-628-08

 

INTITULÉ :                                       RENATA RUIZ LORANCA et

ALEJANDRO GONZALEZ RIVA

c. MCI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 9 octobre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE MARTINEAU

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 21 octobre 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Alvaro Carol

416-322-2822

POUR LES DEMANDEURS

 

Michael Butterfiled

416-954-8227

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Alvaro Carol

Avocat

Toronto (Ontario) 

 

POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims

Sous-procureur général du Canada

Bureau régional de l’Ontario

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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