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Date : 20081020

Dossier : IMM-5235-07

Référence : 2008 CF 1169

Ottawa (Ontario), le 20 octobre 2008

En présence de monsieur le juge suppléant Tannenbaum

 

 

ENTRE :

RAVICHANDRAN SELVARASA

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               M. Selvarasa, le demandeur, demande le contrôle judiciaire de la décision négative concernant sa demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR). Il prétend craindre d’être persécuté par les Tigres de libération de l’Eelam tamoul (les TLET) et l’armée du Sri Lanka.

 

[2]               En passant par le Ghana et Dubay, le demandeur a voyagé du Sri Lanka aux États-Unis, où il est arrivé le 22 septembre 2006 et a demandé l’asile. Les autorités américaines l’ont arrêté et détenu pour fraude et utilisation frauduleuse de documents officiels sous un autre nom. Il était connu sous quatre noms différents. En juillet 2007, sa sœur, qui a acquis la résidence permanente au Canada par le parrainage conjugal, a fourni une caution et il a été libéré à la condition de se présenter aux responsables de l’immigration pour son renvoi. Plutôt que de se conformer à cette condition, il est entré au Canada avec un passeur et a demandé l’asile. Sa demande a été considérée irrecevable en raison de l’Entente sur les tiers pays sûrs entre le Canada et les États-Unis et il est retourné aux États-Unis.

 

[3]               M. Selvarasa est ensuite retourné illégalement au Canada et a de nouveau demandé l’asile à Montréal. La demande a encore été considérée irrecevable et il a été détenu par les autorités canadiennes de l’Immigration parce qu’on croyait qu’il ne se présenterait pas pour son expulsion. Il a par la suite demandé l’examen des risques avant renvoi (ERAR), demande qui a été rejetée le 4 décembre 2007.

 

[4]               L’agente a mentionné qu’elle devait examiner et prendre en compte tous les éléments de preuve, puisque M. Selvarasa n’avait pas obtenu d’audience devant la Commission de l’immigration et du statut de réfugié et, par conséquent, l’alinéa 113a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, 2001, ch. 27 (la LIPR), ne s’appliquait pas.  Elle a accepté son identité, mais a estimé qu’il n’avait pas fourni suffisamment d’éléments de preuve pour montrer qu’il était personnellement la cible des autorités et qu’il serait ainsi en danger à son retour.  L’agente a donc conclu séparément qu’il n’y avait pas plus qu’une simple possibilité que M. Selvarasa soit exposé à un risque pour chacun des motifs invoqués : son extorsion par les TLET; sa vulnérabilité psychologique et physique; et les mesures de représailles à son endroit en tant que demandeur d’asile débouté.

 

 

 

[5]               Deux questions ont été soumises à la Cour :

a.       L’agente a-t-elle commis une erreur en ne prenant pas en considération la description par le demandeur des incidents de persécution qui l’ont mené à fuir le Sri Lanka, laquelle figure à la page 48 de son dossier?

b.      L’agente a-t-elle commis une erreur en prenant en compte avec réserve les documents du site Internet Tamilnet.com parce qu’elle affirmait que le site Web appartenait à un groupe pro-Tamoul favorable à l’idée d’un pays indépendant pour les Tamouls?

 

[6]               La Cour peut accorder une réparation lorsqu’une décision est inique, arbitraire ou prise sans tenir compte des éléments de preuve. La réparation est donc accordée naturellement lorsqu’un tribunal fait abstraction d’une preuve substantielle qui va à l’encontre de la décision finale. La Cour soutient que plus un élément de preuve est fondamental à la demande, plus il est important que le tribunal le prenne en compte : Cepeda-Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998), 157 F.T.R. 35. La Cour ne devrait pas modifier les conclusions factuelles générales qui sont raisonnables.

 

[7]               Le demandeur allègue que l’agente a commis une erreur en ne prenant pas en considération les déclarations faites à la page 48 de son dossier concernant sa persécution antérieure. Le défendeur prétend en retour que cette page n’était pas incluse dans sa demande d’ERAR et, ainsi, qu’elle n’a pas été produite en preuve devant l’agente. Son omission de le mentionner ne peut être considéré comme erroné. Les parties ont déposé des affidavits appuyant leurs positions respectives, lesquelles sont directement contradictoires.

[8]               Il est malheureux qu’aucun des déposants n’ait été contre-interrogé sur son affidavit, car la Cour n’a alors pas la possibilité de voir si la contradiction pourrait être résolue d’une quelconque manière.  Ceci n’ayant pas été fait, il revient à la Cour de décider quelle version des évènements elle préfère à l’autre : Molnar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 479.

 

[9]               Dans le cas présent, l’agente d’ERAR soutient dans son affidavit qu’elle a examiné le contenu des documents de la demande d’ERAR dont elle disposait lorsqu’elle a étudié le cas de M. Selvarasa et que la page en litige n’était pas incluse. L’affidavit de la personne qui a aidé M. Selvarasa à préparer ses observations concernant l’ERAR déclare que la page était incluse et qu’il est [traduction] « inconcevable » qu’elle ait été oubliée. Étant donné que l’agente d’ERAR disposait du dossier à examiner, je préfère sa version des évènements et je soutiens qu’elle n’a pas commis d’erreur en ne prenant pas en considération un élément de preuve dont elle ne disposait pas.

 

[10]           En concluant que la version de l’agente d’ERAR (que la page 48 n’était pas incluse dans la demande d’ERAR) est préférable à celle de M. Sivagnanam, qui a aidé le demandeur à préparer la demande, je relève ce qui suit :

·        Le dossier de demande du demandeur, en sa page 47 quant à la question 50, indique ceci : [traduction] « Veuillez vous référer à la déclaration ci‑annexée. » La page 48 qui suit, à mon avis, n’est pas une déclaration qui est annexée à la demande d’ERAR.

·        La demande d’ERAR se termine à la page 49 du dossier de demande. Les pages 52 à 57 du dossier de demande sont, à mon avis, une déclaration qui peut être décrite à juste titre comme annexée à la demande, et je suis convaincu que la mention [traduction] « Veuillez vous référer à la déclaration ci‑annexée. » renvoie aux pages 52 à 57, qui sont (1) une déclaration et (2) annexées à la demande. À mon avis, la page 48 n’est pas une déclaration annexée à la demande.

 

En conséquence, je suis convaincu, suivant la prépondérance des probabilités, que la page 48 ne faisait pas partie du dossier présenté à l’agente d’ERAR.

 

[11]           Je fais remarquer que l’argument du défendeur selon lequel M. Selvarasa est libre de faire une autre demande d’ERAR et de mettre tous les éléments de preuve, en supposant qu’ils incluent la page actuellement en litige, à la disposition de cette agente semble être incorrecte en droit. Alors que, généralement, les demandeurs d’asile qui n’ont pas obtenu d’audience devant la Commission de l’immigration et du statut de réfugié ne sont pas assujettis à l’exigence de l’alinéa 113a) concernant les « nouveaux éléments de preuve », M. Selvarasa n’avait techniquement pas droit, d’entrée de jeu, à un examen du risque posé par son renvoi parce que sa demande d’asile était irrecevable au titre de l’alinéa 101(1)e) de la LIPR. Les dispositions pertinentes se lisent comme suit :

101. (1) La demande est irrecevable dans les cas suivants :

 

e) arrivée, directement ou indirectement, d’un pays désigné par règlement autre que celui dont il a la nationalité ou dans lequel il avait sa résidence habituelle;

 

 

 

 

112. (1) La personne se trouvant au Canada et qui n’est pas visée au paragraphe 115(1) peut, conformément aux règlements, demander la protection au ministre si elle est visée par une mesure de renvoi ayant pris effet ou nommée au certificat visé au paragraphe 77(1).

 

(2) Elle n’est pas admise à demander la protection dans les cas suivants :

 

b) sa demande d’asile a été jugée irrecevable au titre de l’alinéa 101(1)e);

 

101. (1) A claim is ineligible to be referred to the Refugee

Protection Division if

 

(e) the claimant came directly or indirectly to Canada from a country designated by the regulations, other than a country of their nationality or their former habitual residence;

 

 

 

 

112. (1) A person in Canada, other than a person referred to in subsection 115(1), may, in accordance with the regulations, apply to the Minister for protection if they are subject to a removal order that is in force or are named in a certificate described in subsection 77(1).

 

 

(2) Despite subsection (1), a person may not apply for protection if

 

(b) they have made a claim to refugee protection that has been determined under paragraph 101(1)(e) to be ineligible;

 

[12]           L’agente d’ERAR n’aurait manifestement pas dû examiner la présente demande d’ERAR. Cela dit, elle n’a pas commis d’erreur en ne prenant pas en considération un document dont elle ne disposait pas. Par conséquent, la décision sera maintenue.

 

[13]           Le demandeur fait aussi valoir que l’agente d’ERAR a commis une erreur en accordant peu d’importance aux documents qu’il a fournis à partir du site Web Tamilnet.com. Il allègue qu’il n’y a aucun élément de preuve appuyant l’affirmation de l’agente d’ERAR que le site Tamilnet.com appartient à un groupe pro-Tamoul favorable à l’idée d’un pays indépendant pour les Tamouls. De plus, le demandeur prétend que le site est un grand distributeur de nouvelles sur les questions concernant le conflit au Sri Lanka et qu’il aurait dû être pris en compte sans réserve. Il soutient aussi que l’agente d’ERAR a commis une erreur susceptible de contrôle en ne se référant pas à des documents particuliers quant aux conditions dans le pays.

 

[14]           Le défendeur réplique que l’agente d’ERAR était libre de préférer certains éléments de preuve à d’autres, particulièrement parce qu’elle a expliqué, dans le cas présent, la raison pour laquelle elle l’avait fait. L’agente ajoute que le rapport du département d’État des États-Unis qu’elle a inscrit comme l’une des sources officielles consultées indique que Tamilnet.com est un site des TLET. Sa conclusion que Tamilnet.com appartient à un groupe pro-Tamoul favorable à l’idée d’un pays indépendant était fondée sur son évaluation de la preuve dont elle disposait, et la Cour ne devrait pas procéder à un réexamen de cette preuve.

 

[15]           Je suis d’accord avec le défendeur que l’agente d’ERAR disposait d’une preuve lui permettant de conclure que Tamilnet.com était un site appartenant aux TLET et de prendre en compte avec une certaine réserve les documents provenant de cette source. Je signale qu’elle n’a pas refusé de prendre l’élément de preuve en considération; elle l’a simplement pris en compte à la lumière de son origine et par rapport à des sources qu’elle jugeait plus dignes de foi. Il lui était loisible de procéder ainsi et la Cour n’annule pas l’évaluation de la preuve faite par l’agente.

 

[16]           La présente demande est rejetée. Les parties n’ont soumis aucune question pour certification et les faits n’en soulèvent aucune.

 

 

 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

 

 

 

« Louis S. Tannenbaum »

Juge suppléant

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-5235-07

 

INTITULÉ :                                       RAVICHANDRAN SELVARASA c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 11 septembre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge suppléant Tannenbaum

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 20 octobre 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Max Berger

 

                              POUR LE DEMANDEUR

Jennifer Dagsvik

 

                              POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Max Berger Professional Law

Corporation

Avocats

Toronto (Ontario)

 

                              POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

                              POUR LE DÉFENDEUR

 

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