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Date : 20080917

Dossier : IMM-405-08

Référence : 2008 CF 1044

Montréal (Québec), le 17 septembre 2008

En présence de l'honorable Maurice E. Lagacé 

 

ENTRE :

Monica Desire RODRIGUEZ REYNA

partie demanderesse

 

et

 

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

partie défenderesse

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Introduction

[1]               La demanderesse sollicite, en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), le contrôle judiciaire de la décision rendue le 24 décembre 2007 par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission), de ne pas lui reconnaître ainsi qu’à son fils Juan Carlos la qualité de « réfugié », ni celle de « personne à protéger » conformément au sens des articles 96 et 97 de la Loi et, en conséquence, d’avoir rejeté leur demande d’asile.

 

[2]               Le fils Juan Carlos n’étant pas partie à la demande de contrôle judiciaire que présente sa mère, celle-ci ne saurait obtenir pour celui-ci les conclusions recherchées, alors que le fils ne conteste pas la décision de la Commission.

 

II.         Les faits

 

[3]               Citoyenne du Mexique, la demanderesse, madame Monica Desire Rodriguez Reyna, allègue craindre son ex-conjoint, qui l’aurait agressée de façon répétitive durant la vie de couple, et ce, jusqu’à ce qu’elle le quitte en 1995 avec ses enfants pour aller habiter dans une autre ville.

 

[4]               Onze ans après sa séparation, soit le 6 juillet 2006, la demanderesse obtient son passeport.

 

[5]               Deux jours plus tard, soit le 8 juillet 2006, à la sortie d’un supermarché, la demanderesse aurait rencontré son ancien conjoint qui l’aurait de nouveau agressée et menacée. Le lendemain de ce nouvel incident, la demanderesse aurait déposé une plainte à la police contre son ex-conjoint.

 

[6]               Le 10 juillet 2006, sans attendre le résultat de sa plainte, la demanderesse quitte son pays avec sa fille Asgar Manitu (21 ans) et son fils Francisco (16 ans), tandis que sa fille aînée, Karla (24 ans) choisit de demeurer au Mexique.

 

[7]               Dès leur arrivée au Canada, le 10 juillet 2006,  la demanderesse et ses deux enfants réclament l’asile mais le 28 mai 2007, Asgar abandonne sa demande d’asile au motif qu’elle désire retourner au Mexique.

 

III.       Décision de la Commission

 

[8]               Après avoir considéré et commenté les principaux éléments de la preuve et mis en relief les contradictions et incohérences dans le témoignage de la demanderesse et celui de son fils, et l’invraisemblance de la séquence des évènements survenus entre le 6 juillet et le 10 juillet 2006, la Commission juge leur récit non crédible, n’accepte pas les allégations de menaces de mort qu’aurait proféré l’ex-conjoint le 8 juillet 2006, et ne croit pas que leur refoulement dans le pays d’origine mettrait en danger leur sécurité et leur vie. Le tribunal décide que les demandeurs ne possèdent ni la qualité de « réfugié » et ni celle de « personne à protéger » au sens de la Loi. En conséquence, il rejette leur demande d’asile.

 

IV.       Questions en litige

 

[9]               La Commission a-t-elle commis une erreur déraisonnable dans son appréciation négative de la crédibilité de la demanderesse en lui refusant le statut de réfugiée et de personne à protéger et en décidant qu’elle n’aurait pas à subir des traitements cruels et inusités si elle devait retourner au Mexique ?

 

V.        Prétentions des parties

 

[10]           La demanderesse reproche principalement à la Commission d’avoir erré en ne lui accordant aucune crédibilité et d’avoir totalement ignoré les Directives sur les revendicatrices du statut de réfugie craignant d’être persécutées en raison de leur sexe (« Directives ») ainsi que la preuve corroborant son témoignage.

 

[11]           Le ministre défend pour sa part les conclusions tirées par la Commission de la preuve qu’elle lui appartenait d’analyser et d’apprécier à la lumière de son expertise, et conséquemment il ne relève aucun motif valable pouvant justifier cette Cour d’intervenir.

 

VI.       La norme de contrôle

 

[12]           Les décisions des tribunaux administratifs sont assujetties dorénavant à deux normes : celle de la décision correcte et celle de la décision raisonnable. Les cours doivent traiter avec déférence les décisions des tribunaux administratifs spécialisés bénéficiant d’une certaine expertise dans les affaires où s’exerce leur juridiction. (Voir Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 (Dunsmuir)

 

[13]           La norme de la décision raisonnable s’applique au présent cas et n’ouvre pas la porte à une plus grande intervention. Il faut donc se demander si la décision contestée est raisonnable, compte tenu de la justification de la décision, et de l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir, ci-dessus, par. 47).

 

[14]           À l’intérieur de cette norme de contrôle, la Cour peut-elle conclure que la Commission erre lorsqu’elle décide que la demanderesse n’est ni une réfugiée et ni une personne à protéger, au sens de la Loi?

 

VII.      Analyse

 

[15]           Partant du fait que la Commission ne commente pas dans sa décision certaines parties de la preuve que la demanderesse considère plus importantes au soutien de ses prétentions que celles retenues par la Commission pour conclure comme elle le fait, la demanderesse lui reproche de n’avoir pas considéré toute la preuve qu’elle se devait de considérer, et partant qualifie sa décision de déraisonnable.

 

[16]           Cet argument de la demanderesse ignore toutefois la présomption voulant que la Commission ait considéré toute la preuve présentée (Florea c. Canada (ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. no 598 (C.A.) (QL). Il oublie aussi que lorsque la Commission conclut qu’un revendicateur d’asile n’est pas crédible, comme c’est le cas ici, elle n’a pas l’obligation d’expliquer pourquoi elle n’accorde aucune valeur probante aux documents qui soutiennent les allégations contraires jugées par elle non crédibles ou fiables (Ahmad c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 471, au par. 26).

 

[17]           En tentant de convaincre la Cour que la Commission erre dans les inférences négatives qu’elle tire de la preuve et touchant à sa crédibilité, la demanderesse cherche en fait à justifier les parties de preuve que la Commission écarte parce qu’elle les juge non fiables ou insatisfaisantes. N’oublions pas que la demanderesse a eu toute l’opportunité de présenter pleinement son récit à la Commission et de la convaincre, mais malheureusement elle n’a pas réussi.

 

[18]           Il n’appartient pas à cette Cour à ce stade-ci de reprendre l’exercice, d’apprécier la preuve de nouveau et de substituer son opinion à celle de la Commission. La Commission bénéficie de l’avantage d’une expertise, et surtout de l’avantage unique d’avoir entendu la demanderesse et son fils sur leur revendication et récit. Elle demeure sûrement mieux qualifiée que cette Cour pour juger de la  crédibilité à accorder à la demanderesse et son fils.

 

[19]           La Cour doit seulement vérifier si la décision de la Commission est justifiée et raisonnable dans le sens indiqué par l’arrêt Dunsmuir, précité. Les décisions touchant à la crédibilité constituent "l'essentiel du pouvoir discrétionnaire des juges des faits" et doivent recevoir une déférence considérable à l'occasion d'un contrôle judiciaire. Elles ne sauraient être infirmées à moins qu'elles ne soient abusives, arbitraires ou rendues sans tenir compte des éléments de preuve (Siad c. Canada (Secrétaire d'État) (C.A.), [1997] 1 C.F. 608, 67 A.C.W.S. (3d) 978, au para. 24; Dunsmuir, précité).

[20]           La demanderesse prétend que l’omission de la Commission, dans son analyse de la crédibilité de la demanderesse de référer spécifiquement aux Directives, constitue une erreur justifiant l’intervention de la Cour.

 

[21]           Toutefois, il ne suffit pas de constater l’omission de la Commission de référer spécifiquement dans sa décision à ces Directives. Encore faut-il démontrer en quoi la Commission ne les a pas suivi. Le silence de la Commission à cet égard ne permet pas pour autant de conclure que la Commission n’a pas suivi et considéré ces Directives lors de l’audition et l’analyse du dossier. Ce qui importe, c’est que les motifs de la décision témoignent de la sensibilité de la Commission envers la demanderesse et que la preuve soutienne suffisamment sa conclusion (Kaur c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2006 CF 1066, au para. 12 et 15, 163 A.C.W.S. (3d) 444).

 

[22]           Or en espèce, la demanderesse n’a pas démontré en quoi la Commission n’a pas fait montre de la sensibilité requise, tandis que la preuve soutient suffisamment sa conclusion, de sorte que l’intervention de cette Cour se justifie difficilement.

 

[23]           En concluant sur cette affaire, la Commission s’est penchée sur les explications de la demanderesse et de son fils au cours de leur témoignage et n’a pas cru les motifs invoqués pour  quitter le Mexique et venir réclamer l’asile au Canada, et ceci en raison d’incohérences, de contradictions et d’invraisemblances dans leur récit, sans compter la séquence des derniers évènements survenus au Mexique. N’ayant pas l’obligation d'accepter toutes les explications données par la demanderesse,  la Commission pouvait rejeter celles qu'elle estimait ne pas être crédibles et rejeter les explications qu’elle estime non satisfaisantes  (Aguebor c. Canada (ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (C.A.F.), [1993] A.C.F. no 732, 42 A.C.W.S. (3d) 886; Rathore c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1996] A.C.F. no 42 (1re inst.) (QL)).

 

[24]           De l’avis de la Cour, la preuve justifiait la Commission de conclure au manque de crédibilité de la demanderesse et de son fils, de décider qu’ils n’avaient pas démontré qu’ils se qualifiaient comme réfugié et /ou personne à protéger  au sens de la Loi, et de rejeter leur demande d’asile.

 

[25]           Par conséquent, la Cour conclut que la décision n’est pas déraisonnable ce qui entraîne le rejet de la demande de révision. Aucune question importante de portée générale n’ayant été proposée, aucune question ne sera certifiée.

 

 

 


 

JUGEMENT

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

REJETTE  la demande de contrôle judiciaire.

 

 

 

« Maurice E. Lagacé »

Juge suppléant


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-405-08

 

INTITULÉ :                                       MONICA DESIRE RODRIGUES REYNA

                                                            c. MCI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 8 septembre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LAGACÉ J.S.

 

DATE DES MOTIFS :                      le 17 septembre 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Stéphanie Valois

 

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Me Patricia Nobl

 

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Me Stéphanie Valois

Montréal (Québec)

 

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur general du Canada

Montréal (Québec)

 

 

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

 

 

 

 

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