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Date : 20081024

Dossier : T-1439-07

Référence : 2008 CF 1198

Ottawa (Ontario), le 24 octobre 2008

En présence de monsieur le juge Zinn

 

 

ENTRE :

 

ASTRAL MEDIA RADIO INC., CTV LIMITÉE,

 CORUS ENTERTAINMENT INC.,

 ROGERS MEDIA INC. et STANDARD RADIO INC.

 

 

demanderesses

et

 

LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DES AUTEURS,

COMPOSITEURS ET ÉDITEURS DE MUSIQUE et

LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DE GESTION DES DROITS VOISINS

 

défenderesses

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le Règlement sur la définition de recettes publicitaires porte un nom quelque peu trompeur. 

 

[2]               La question en litige entre les parties est fondamentalement de savoir si une station de radio qui à la fois produit et diffuse une annonce publicitaire pour un client dans le cadre d’un contrat clés en mains peut exclure la valeur des services de production qu’elle a fournis du calcul de ses recettes publicitaires.

 

[3]               Pour les motifs qui vont suivre, je suis d’avis qu’il n’y a pas lieu d’inclure dans les « recettes publicitaires » dans une telle situation la valeur des services de production. Par jugement sommaire, par conséquent, je rends jugement déclaratoire en ce sens en faveur des demanderesses.

 

Contexte

[4]               Les demanderesses sont toutes des radiodiffuseurs commerciaux qui exercent leurs activités et diffusent en divers lieux au Canada en vertu de licences délivrées par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes.

 

[5]               La Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (la SOCAN), défenderesse, est une société de gestion visée à l’article 67 de la Loi sur le droit d’auteur, L.R.C. 1985, ch. C-42. La SOCAN accorde des licences et perçoit des redevances au profit de compositeurs et d’éditeurs de musique. La Société canadienne de gestion des droits voisins (la SCGDV) est également une défenderesse et une société de gestion visée à l’article 67 de la Loi sur le droit d’auteur. La SCGDV accorde des licences et perçoit des redevances au profit d’artistes-interprètes musicaux et de propriétaires d’enregistrements sonores.

 

[6]               Les demanderesses diffusent de la musique nécessitant le paiement de redevances à la SOCAN et à la SCGDV. Ces deux dernières, en vertu de l’article 67.1 de la Loi sur le droit d’auteur, déposent des projets de tarifs des redevances à être versées par ceux qui, comme les demanderesses, diffusent auprès du public des œuvres musicales, des prestations d’interprètes et des enregistrements sonores. Les tarifs proposés par les défenderesses sont soumis à l’examen et à l’approbation de la Commission du droit d’auteur. Une fois approuvés, les tarifs sont publiés dans la Gazette du Canada.

 

[7]               En vertu de l’article 68.1 de la Loi sur le droit d’auteur, les tarifs approuvés de la SCGDV étaient calculés en fonction des « recettes publicitaires » des radiodiffuseurs. Aux termes de cet article, la Commission pouvait, par règlement, définir les « recettes publicitaires ». Avant 2003, les tarifs approuvés de la SOCAN pour les radiodiffuseurs commerciaux se fondaient sur les « recettes brutes » de ces derniers. En 2005, la Commission du droit d’auteur a homologué un tarif unique quant aux redevances payables à la SOCAN et à la SCGDV pour les années 2003 à 2007 (la décision de 2005). Le tarif harmonisé devait se fonder sur les recettes publicitaires, telles que définies au Règlement sur la définition de recettes publicitaires, DORS/98-447 (le Règlement). Bien que rien dans la présente affaire n’en dépende, la décision de 2005 a été annulée pour motifs insuffisants par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt L’Association canadienne des radiodiffuseurs c. La Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique et al., 2006 CAF 337. Par décision datée du 22 février 2008, par conséquent, la Commission du droit d’auteur a de nouveau homologué les tarifs des radiodiffuseurs commerciaux pour 2003 à 2007, sans les modifier, mais en énonçant de meilleurs motifs.

 

[8]               Les dispositions pertinentes du Règlement sont les suivantes :

2. (1) Pour l’application du paragraphe 68.1(1) de la Loi sur le droit d’auteur, « recettes publicitaires » s’entend du total, net de taxes et des commissions versées aux agences de publicité, des contreparties en argent, en biens ou en services, reçues par un système pour annoncer des biens, des services, des activités ou des événements, pour diffuser des messages d’intérêt public ou pour des commandites.

 

(2) Aux fins du calcul des recettes publicitaires, les biens et services sont évalués à leur juste valeur marchande.

 

2. (1) For the purposes of subsection 68.1(1) of the Copyright Act, “advertising revenues” means the total compensation in money, goods or services, net of taxes and of commissions paid to advertising agencies, received by a system to advertise goods, services, activities or events, for broadcasting public interest messages or for any sponsorship.

 

 

 

(2) For the purpose of calculating advertising revenues, goods and services shall be valued at fair market value.

 

 

La Commission du droit d’auteur a promulgué en 1998 le Règlement, qui a été publié dans la Gazette du Canada, partie II, vol. 132, n° 19.

 

[9]               Avant de promulguer le Règlement, la Commission du droit d’auteur, par avis daté du 24 septembre 1997, a publié un projet de définition de « recettes publicitaires », le décrivant en tant que projet de règlement et commentaires, qu’elle a fait circuler auprès des parties intéressées pour commentaires. Le libellé du projet de règlement différait légèrement de celui du règlement finalement promulgué en 1998. Les dispositions pertinentes du projet de règlement étaient les suivantes :

 

1. « Recettes publicitaires » s’entend du total, net de taxes et des commissions versées aux agences de publicité, des contreparties en argent, en biens ou en services, reçues par un système de transmission par ondes radioélectriques pour annoncer des biens, des services, des activités ou des événements, pour diffuser des messages d’intérêt public ou pour des commandites.

2. Pour les fins du présent règlement:

 

a) les contreparties en biens et services sont évaluées à leur juste valeur marchande;

 […]

1. Advertising revenues” means the total value, net of taxes and of commissions paid to advertising agencies, of compensations, whether in monies, goods or services, received by a wireless transmission system to advertise goods, services, activities or events, for broadcasting public interest messages or for any sponsorship.

2. For the purposes of these regulations,

 

(a) goods and services are valued at their fair market value;

 […]

 

[10]           Le Règlement, lorsqu’il a été promulgué et publié, était accompagné d’un Résumé de l’étude d’impact de la réglementation (le REIR). Le REIR publié avec le Règlement renvoyait comme numérotation aux dispositions du projet de règlement plutôt que du Règlement selon la version publiée dans la Gazette du Canada. Dans le REIR, on déclarait notamment ce qui suit :

La Commission entend que toute recette publicitaire, quelle qu’elle soit, fasse partie de l’assiette tarifaire. Comme il s’agit d’un marché en constante évolution, il semble préférable d’opter pour une définition de portée générale tout en surveillant la réaction à long terme dans ce marché.

La Commission désire par ailleurs exclure de l’assiette tarifaire les revenus qui, clairement, ne sont pas des recettes publicitaires. Le règlement y arrive en parlant, à l’article 1, de « contreparties... reçues... pour annoncer des biens, des services, des activités ou des événements, pour diffuser des messages d’intérêt public ou pour des commandites », ce qui exclut a) les recettes d’abonnement, b) les recettes de production, et c) les recettes provenant de la fourniture de locaux ou de personnel à des fins de production.

Quant aux contreparties en nature, le paragraphe 2a), en prévoyant que les biens et services sont évalués à leur juste valeur marchande, permet de traiter équitablement de toutes les autres préoccupations formulées à cet égard.

L’article 1 et l’alinéa 2a) [paragraphes 2(1) et 2(2) du règlement] du règlement, lus ensembles, permettent au système d’exclure de l’assiette tarifaire la juste valeur marchande des services de production fournis dans le cadre de contrats « clés en mains », en vertu desquels le système fournit des services de production autant que de publicité.

[Non souligné dans l’original.]

 

The Board intends that all forms of advertising revenues be included in the rate base. Given the ongoing evolution in this market, it seems preferable to adopt a general definition and see how the market develops in the long run.

 

The Board also intends to exclude from the rate base revenues that are clearly not advertising revenues. The Regulations achieve this through the reference, in section 1, to “compensations ... received ... to advertise goods, services, activities or events, for broadcasting public interest messages or for any sponsorship”. This excludes from the rate base (a) subscription revenues, (b) production revenues and, (c) revenues for leasing personnel or space for the purposes of production.

 

As to compensations in kind, paragraph 2(a), which provide that goods and services are valued at their fair market value, is sufficient to deal fairly with all the other concerns raised in this respect.

 

Section 1 and paragraph 2(a) [i.e. subsections 2(1) and 2(2) of the Regulations] of the Regulations, when read together, also allow a system to exclude from the rate base the fair market value of the production services provided under a “key in hands” contract pursuant to which the system provides both advertising and production services.

(emphasis added)

 

Lorsqu’il est question de contrats « key in hands » (clés en mains) dans la version anglaise du REIR, l’on fait allusion à ce qu’on désigne plus communément en anglais des contrats « turn-key » (aussi clés en mains) ou « bundled » (regroupés). 

 

[11]           Les radiodiffuseurs commerciaux passent des annonces publicitaires. Leurs clients sont soit des agences de publicité qui achètent du temps d’antenne pour leurs propres clients, soit les entreprises mêmes qui font l’objet d’annonces (les annonceurs). On traite dans la présente action des recettes obtenues directement d’annonceurs par les stations de radio.

 

[12]           Les annonceurs peuvent demander du temps d’antenne à un diffuseur en disposant déjà de matériel prêt à être diffusé, tout comme le font les agences de publicité. Ils peuvent également demander du temps d’antenne à un diffuseur sans disposer de matériel prêt à être diffusé. Dans ce dernier cas, ils souhaitent que le diffuseur les aide en produisant pour eux du matériel. C’est alors qu’on a affaire aux contrats clés en mains mentionnés précédemment. Selon la preuve, les stations de radio proposent et facturent aux annonceurs un prix unique pour la production et la diffusion d’un message publicitaire. Les frais et dépenses engagés par la station pour produire l’annonce publicitaire ne sont pas ventilés ni facturés individuellement à l’annonceur, et la station de radio ne présente pas non plus à leur égard des relevés de compte distincts. La contrepartie reçue par la station en lien avec ces frais et dépenses est désignée sous le nom de recette de production.

 

[13]           Avant la décision de 2005, les demanderesses calculaient les redevances à verser en fonction du montant total touché dans le cadre de contrats de publicité, ce qui comprenait la valeur de tous les services de production connexes fournis par le diffuseur lui-même. Après la décision de 2005, les demanderesses ont conclu qu’il faudrait exclure de l’assiette des recettes servant à calculer les redevances payables à la SCGDV et à la SOCAN les frais liés à tous les services de production fournis aux annonceurs. Les demanderesses estiment qu’en fonction de cette interprétation du Règlement, elles ont versé trop de redevances, à la SCGDV depuis 1998, et à la SOCAN depuis 2003. 

 

[14]           Bien qu’estimant avoir mal calculé le montant des redevances payables et verser ainsi un montant trop élevé aux défenderesses, les demanderesses ont continué de verser des redevances en fonction du montant total des recettes touchées dans le cadre de contrats de publicité, de crainte qu’une déduction unilatérale des recettes de production ne les expose à une action en application du paragraphe 38.1(4) de la Loi sur le droit d’auteur. Cette disposition confère en effet à une société de gestion un recours assez exceptionnel lorsqu’une partie n’a pas payé les « redevances applicables ». Elle prévoit qu’au lieu de se prévaloir de tout autre recours, la société de gestion peut alors choisir de recouvrer des dommages-intérêts préétablis dont le montant, de trois à dix fois le montant de ces redevances, est déterminé selon ce que le tribunal estime équitable en l’occurrence. Même si les demanderesses se disent assurées de la justesse de leur interprétation, soit qu’il convient de déduire les frais de production des recettes totales touchées dans le cadre de contrats de publicité clés en mains, leur assurance n’est pas telle qu’elles veuillent risquer, en cas d’interprétation erronée, la condamnation au paiement de dommages-intérêts si élevés.

 

[15]           Depuis février 2006, des négociations sont engagées entre les parties quant au calcul des recettes publicitaires. Les défenderesses soutiennent pour leur part qu’il n’y a pas lieu pour une station de radio de déduire ses frais de production des recettes publicitaires qu’elle touche.

 

[16]           En juillet 2006, Standard Radio Inc., l’une des demanderesses, a demandé à la Commission du droit d’auteur, dans l’espoir de voir régler le différend, d’interpréter le Règlement sur la définition de recettes publicitaires.  Le 30 novembre 2006, la Commission a rejeté la demande pour motifs de compétence.

 

[17]           Le vice-président Stephen J. Callary, dans des motifs concordants, a dit convenir que la Commission n’avait pas compétence pour rendre la décision demandée, mais il a néanmoins formulé des commentaires sur la question d’interprétation en litige. Il a déclaré qu’à son « avis, la juste valeur marchande des services de production peut être déduite des revenus tirés des contrats clé en mains ». M. Callary, par ailleurs, était président de la formation de la Commission qui a rendu la décision de 2005.

 

[18]           La présente instance a été introduite par les demanderesses en août 2007. Dans son cadre, les demanderesses sollicitent la seule réparation suivante :

[traduction]

a.             un jugement déclaratoire portant que le Règlement sur la définition de recettes publicitaires, DORS/98-447, autorise les radiodiffuseurs à déduire la juste valeur marchande de tous les services de production fournis aux annonceurs des recettes publicitaires auxquelles ces services sont liés et en fonction desquelles des redevances sont payables en vertu du Tarif de la SCGDV pour la radio commerciale pour les années 1998‑2002 et du Tarif SOCAN‑SCGDV pour la radio commerciale 2003‑2007;

 

b.            les autres réparations et ordonnances jugées nécessaires à la mise en œuvre d’un tel jugement déclaratoire par la Cour.

 

 

[19]           La SOCAN a présenté une requête en radiation de la déclaration au motif que la Cour n’avait pas compétence pour accorder la réparation recherchée. Elle n’a pas obtenu gain de cause. Dans ses motifs de l’ordonnance datés du 3 décembre 2007, la protonotaire Milczynski a statué qu’il n’était pas : [traduction] « évident et manifeste que la Cour fédérale n’a pas compétence en application de l’article 20 de la Loi sur les Cours fédérales et de l’article 37 de la Loi sur le droit d’auteur pour trancher les questions soulevées dans la déclaration ou pour accorder la réparation recherchée ».

 

[20]           Les défenderesses ont ensuite déposé leurs défenses. Les deux défenderesses ont sollicité par demande reconventionnelle a) un jugement déclaratoire portant que le Règlement requiert d’inclure tous les montants reçus dans le cadre de contrats clés en mains aux fins du calcul des « recettes publicitaires », et b) subsidiairement, si la Cour devait conclure que les demanderesses ont le droit de déduire la juste valeur marchande des services de production fournis de leurs recettes publicitaires respectives, des jugements déclaratoires se rapportant à la comptabilisation de la juste valeur marchande du temps d’antenne associé aux contrats clés en mains ainsi qu’à la méthodologie de calcul appropriée. Dans leurs réponses et défenses reconventionnelles du 21 janvier 2008, les demanderesses ont soutenu que la demande de jugement déclaratoire présentée dans les demandes reconventionnelles ne s’appuyait sur aucun fondement en fait ou en droit.

 

[21]           La présente requête en jugement sommaire est appuyée du témoignage par affidavit de Gary Maavara, vice-président et chef du contentieux chez Corus Entertainment Inc., l’une des demanderesses. Ce témoignage a trait aux taux de redevances dans le passé, aux contrats clés en mains ainsi qu’aux étapes du différend opposant les diffuseurs à la SOCAN et à la SCGDV.

 

[22]           Pour sa part, la SOCAN a déposé un affidavit de Rob Young, conseiller-médias auprès de PHD Canada. L’affidavit de M. Young traite principalement des modes d’obtention de recettes publicitaires par les stations de radio ainsi que des types de contrats conclus par ces dernières. M. Young a déclaré qu’à sa connaissance, [traduction] « les stations de radio ne facturent pas d’honoraires distincts ou additionnels aux annonceurs sans intermédiaire pour la production de leurs messages publicitaires dans le cadre de contrats clés en mains. Pour un achat équivalent, le montant de la facture est le même pour un annonceur sans intermédiaire qui dispose d’un message publicitaire prêt à être diffusé et pour un autre qui souhaite un contrat clés en mains ».

 

[23]           La SCGDV a quant à elle déposé un affidavit de Alan Mak, comptable au sein du cabinet Rosen & Associates.  M. Mak a attesté du fait que, du point de vue comptable, [traduction] « les recettes ne sont pas définies en fonction des types de frais engagés; les recettes (ou sources ou types de revenus) sont établies et imputées à des fins comptables au type d’activité rémunératrice approprié » et « rien ne permet de croire que les demanderesses tirent de services de production des recettes se distinguant des recettes publicitaires ».

 

Questions en litige

[24]           Les parties ont soulevé les questions qui suivent.

a.             La Cour a-t-elle compétence pour connaître de l’action des demanderesses? 

b.            Le critère pour l’obtention d’un jugement sommaire en application de l’article 213 des Règles des Cours fédérales a-t-il été respecté, ou existe-t-il de véritables questions litigieuses?

c.             La Cour devrait-elle exercer son pouvoir discrétionnaire et ne pas rendre un jugement déclaratoire?

d.            Quelle preuve convient-il que la Cour prenne en compte pour décider de l’interprétation à donner au Règlement?

e.             Quelle interprétation convient-il de donner au Règlement?

 

Analyse

La Cour a-t-elle compétence pour connaître de l’action des demanderesses? 

[25]           Les défenderesses soutiennent que la Cour n’a pas compétence pour accorder la réparation recherchée par les demanderesses. Selon elles, seule la Cour d’appel fédérale a compétence à cet égard en application de l’article 28 de la Loi sur les Cours fédérales. L’on peut résumer par les énoncés qui vont suivre l’argumentation avancée par les défenderesses.

a.             La portée du jugement déclaratoire dépassera les seuls intérêts des demanderesses.

b.            Il s’agit d’une réparation mettant en cause un intérêt légitime tant de la Commission du droit d’auteur que du procureur général du Canada.

c.             Si la demande de jugement déclaratoire était présentée devant une cour supérieure provinciale, la pratique de celle-ci ne permettrait pas nécessairement la participation de la Commission du droit d’auteur et du procureur général du Canada.

d.            Le législateur a écarté l’éventualité d’une telle anomalie en adoptant les articles 18, 18.1 et 28 de la Loi sur les Cours fédérales, qui permettent qu’un jugement déclaratoire soit rendu contre un office fédéral par voie de demande de contrôle judiciaire.

e.             Lorsqu’une demande de contrôle judiciaire est présentée, signification doit en être donnée au procureur général, qui peut, comme la Commission du droit d’auteur, prendre part à l’instance.

f.              La Commission du droit d’auteur est un office fédéral mentionné au paragraphe 28(1)  de la Loi sur les Cours fédérales, de sorte que la Cour d’appel fédérale a compétence exclusive pour accorder la réparation demandée.

 

[26]           Il y a plus d’une faille dans cette argumentation, la faille fondamentale étant toutefois que les demanderesses ne recherchent pas réparation contre la Commission du droit d’auteur ni ne demandent le contrôle de sa décision; elles sollicitent plutôt l’interprétation d’un règlement. Or ce n’est pas là une procédure de la nature d’un contrôle judiciaire faisant s’engager la compétence de la Cour d’appel fédérale en application de l’article 28 de la Loi sur les Cours fédérales. Il n’est pas demandé à la Cour d’exercer d’une quelconque manière sa compétence de surveillance, et l’action intentée ne constitue pas une contestation indirecte d’une décision de la Commission du droit d’auteur, comme tel était le cas dans la décision SOCAN c. Maple Leaf Sports and Entertainment Ltd.,  2005 CF 640, où l’on a conclu que les allégations en cause pouvaient être invoquées uniquement dans le cadre d’un contrôle judiciaire. Je suis sur ce point totalement d’accord avec la prétention des demanderesses selon laquelle [traduction] « si l’interprétation d’un règlement constitue une décision “contre” le délégué qui l’a promulgué, l’article 18 de la Loi sur les Cours fédérales requerrait, selon les défenderesses, que tout règlement fédéral soit interprété uniquement par voie de contrôle judiciaire, et que le délégué et le procureur général soient parties à toute instance où l’on doit procéder à une telle interprétation ».

 

[27]           Les défenderesses ont également soutenu que ce que les demanderesses sollicitaient tombait sous le coup de l’alinéa 18.1(4)c) de la Loi sur les Cours fédérales, puisque ce qui était en fait prétendu c’était que la Commission du droit d’auteur avait « rendu une décision ou une ordonnance entachée d’une erreur de droit, que celle-ci soit manifeste ou non au vu du dossier ». Or les demanderesses, comme celles-ci se sont empressées de le souligner, n’ont laissé entendre d’aucune manière que la Commission avait commis une erreur de droit en rendant la décision concernant le tarif des redevances à verser aux défenderesses; si tel avait été le cas, les demanderesses auraient plutôt sollicité le contrôle de la décision initiale de la Commission.

 

[28]           Bien que la Cour d’appel fédérale ait compétence exclusive quant au contrôle judiciaire d’une ordonnance ou d’une décision de la Commission du droit d’auteur, ce n’est pas là le fondement de la présente instance. Il s’agit plutôt en l’espèce d’une action visant l’obtention d’un jugement déclaratoire. Or l’article 64 des Règles des Cours fédérales prévoit bien expressément que, si à l’égard d’une question la Cour a par ailleurs compétence, il ne peut être fait opposition à celle-ci au motif que l’obtention d’un jugement déclaratoire est la seule réparation demandée.

 

[29]           Il est clair, à mon avis, que la Cour a bel et bien compétence relativement à l’objet de la présente demande, le fondement en étant prévu comme suit à l’article 37 de la Loi sur le droit d’auteur :

37. La Cour fédérale, concurremment avec les tribunaux provinciaux, connaît de toute procédure liée à l’application de la présente loi, à l’exclusion des poursuites visées aux articles 42 et 43.

 

37. The Federal Court has concurrent jurisdiction with provincial courts to hear and determine all proceedings, other than the prosecution of offences under section 42 and 43, for the enforcement of a provision of this Act or of the civil remedies provided by this Act.

 

 

[30]           On pourrait considérer quelque peu ambiguë les mots dans la version anglaise « all proceedings […] for the enforcement of a provision of this Act », et ainsi en donner une interprétation soit restrictive, soit libérale, tel qu’en attestent les observations présentées antérieurement par les parties dans le cadre de la requête en radiation des défenderesses. Toutefois, il ressort clairement du libellé de la version française de l’article 37 que la Cour connaît de toute procédure liée à l’application de la Loi sur le droit d’auteur.

 

[31]           Selon la règle d’interprétation du sens commun à laquelle la Cour suprême du Canada a souscrit dans l’arrêt R. c. Daoust, [2004] 1 R.C.S. 217, 2004 CSC 6, s’il y a ambiguïté dans une version de la disposition en cause et pas dans l’autre, il faut favoriser la version qui n’est pas ambiguë. Il s’agit, en l’espèce, de la version française.

 

[32]           Comme la prise du Règlement sur la définition de recettes publicitaires est autorisée par le paragraphe 68.1(3) de la Loi sur le droit d’auteur, je suis d’opinion que l’interprétation du Règlement a trait directement à l’application de la Loi elle-même.

 

[33]           Je signale, finalement, que cette opinion est étayée par la décision Sullivan Entertainment Inc. c. Anne of Green Gables Licensing Authority Inc. et al., [2000] A.C.F. n° 1683. Dans  cette affaire, le juge Muldoon a statué que l’article 64 des Règles des Cours fédérales et l’article 55 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13, conféraient à la Cour fédérale le pouvoir de rendre un jugement déclaratoire en ce qui concerne la Loi sur les marques de commerce. Le libellé de l’article 55 de cette loi, reproduit ci-après, est analogue à celui de l’article 37 de la Loi sur le droit d’auteur :

55. La Cour fédérale peut connaître de toute action ou procédure en vue de l’application de la présente loi ou d’un droit ou recours conféré ou défini par celle-ci.

 

55. The Federal Court has jurisdiction to entertain any action or proceeding for the enforcement of any of the provisions of this Act or of any right or remedy conferred or defined thereby.

 

 

 

[34]           Je conclus, par conséquent, que la Cour a compétence quant à l’objet de la présente action. Je suis en outre d’avis qu’en l’espèce, la Cour peut rendre le jugement déclaratoire demandé.

 

[35]           Bien que les jugements déclaratoires visant des dispositions législatives aient habituellement trait à leur validité, les cours peuvent, sur demande d’une partie intéressée, rendre des jugements déclaratoires qui portent sur leur interprétation. Lazar Sarna présente comme suit, avec concision et exactitude, cet aspect des jugements déclaratoires dans son ouvrage The Law of Declaratory Judgments, 3e éd., pages 136 et 137 :

 [traduction]

Le pouvoir de contrôle judiciaire de la législation ne se restreint pas, bien sûr, aux simples questions de validité. Sur l’initiative d’un demandeur intéressé, une cour peut interpréter un libellé ambigu, clarifier des définitions et résoudre les contradictions existant entre diverses dispositions ou lois afin d’établir quels sont les droits exacts des parties à l’instance. Il ne suffit manifestement pas pour le demandeur, à cet égard, de simplement soumettre à la cour une copie du texte législatif en cause. Afin d’inscrire en contexte pour le juge les droits en litige, le demandeur doit, par voie d’affidavit ou de témoignage, présenter une preuve quant au statut, à l’activité en cause, et aux conditions applicables, en fonction du texte législatif ou de ce qu’il est censé réglementer.

 

[36]           Les affidavits déposés par les parties démontrent hors de tout doute qu’une question se pose véritablement quant à l’interprétation qu’il convient de donner à la définition de « recettes publicitaires » dans le Règlement  . Il ressort également de la preuve que les demanderesses sont touchées directement et de manière importante par le Règlement et qu’elles ont donc intérêt à ce qu’il soit correctement interprété. Pour ces raisons, les demanderesses ont qualité pour intenter la présente action visant l’obtention d’un jugement déclaratoire, et la Cour a compétence pour accorder pareille réparation.

 

Le critère pour l’obtention d’un jugement sommaire a-t-il été respecté, ou existe-t-il de véritables questions litigieuses?

[37]           Comme l’a fait remarquer le juge Slatter de la Cour d’appel de l’Alberta dans l’arrêt Tottrup c. Clearwater (Municipal District n° 99), [2006] A.J. n° 1532 : [traduction] « Les procès ont principalement pour objet de trancher des questions de fait […] On n’y recourt habituellement pas pour apporter réponse à des questions de droit. » Le jugement sommaire est utile comme outil, tant pour les parties que pour la cour, dans les cas où l’on n’a pas à statuer sur les faits. Les procès font dépenser beaucoup d’argent aux parties, et beaucoup de temps à celles-ci et à la cour. Toutes les fois qu’on peut les éviter, on devrait le faire.

 

[38]           À l’alinéa 216(2)b) des Règles des Cours fédérales est énoncé le principe selon lequel, lorsque la Cour est uniquement saisie d’une question de droit, elle peut rendre un jugement sommaire :

216 (2) Lorsque, par suite d’une requête en jugement sommaire, la Cour est convaincue que la seule véritable question litigieuse est :

[…]

 

b) un point de droit, elle peut statuer sur celui-ci et rendre un jugement sommaire en conséquence.

216 (2) Where on a motion for summary judgment the Court is satisfied that the only genuine issue is

 

[…]

 

(b) a question of law, the Court may determine the question and grant summary judgment accordingly.

 

[39]           La seule question soulevée dans la demande des demanderesses concerne la juste interprétation du Règlement, et c’est là une question de droit. Ainsi, dans la mesure où un procès n’est pas nécessaire pour statuer sur les faits, j’estime qu’il s’agit en l’espèce d’une situation où il convient de rendre un jugement sommaire.

 

[40]           Les défenderesses soutiennent toutefois que des faits importants étaient en litige nécessitant un règlement par procès. Elles ont formulé leur prétention comme suit :

[traduction]

En premier lieu, la Cour doit trancher s’il est démontré en preuve que les stations de radio commerciales engagent bel et bien des « frais de production » en vue de générer des « recettes publicitaires ». En second lieu, la Cour doit décider de l’interprétation qu’il convient de donner à l’expression « recettes publicitaires » dans le Règlement, puis s’il est admissible de déduire quoi que ce soit de cette recettes.

 

Une preuve des faits et du contexte est nécessaire pour trancher les deux questions, qui constituent de véritables questions litigieuses.

 

Il serait purement théorique de procéder à l’interprétation législative de l’expression « recettes publicitaires » sans savoir si elle est applicable aux pratiques courantes de l’industrie. En l’espèce, il n’y a aucun dossier de preuve ou quant au contexte permettant valablement d’établir si les stations engagent véritablement des frais de production, ou si des recettes de production sont tirées indépendamment de la vente de temps d’antenne. Trancher la question de droit sans prendre en compte ces questions connexes constituerait un exercice purement théorique.

 

[41]           En faisant valoir la nécessité d’un procès pour que la Cour établisse si des « frais de production » sont engagés pour produire une annonce prête à être diffusée, les défenderesses ne voient pas l’essentiel. Des frais sont manifestement liés à la production de la bande magnétique ou du disque sur lequel l’annonce est enregistrée, ne serait-ce que les frais d’acquisition de la bande ou du disque. Ces frais sont des frais de production. Et il peut y avoir d’autres frais de production, comme les frais d’utilisation de temps studio, la rétribution versée pour les voix hors-champ ainsi que les droits d’auteur pour la musique utilisée pendant l’annonce. Les demanderesses ne demandent toutefois pas à la Cour de définir les éléments constitutifs des « frais de production ». Elles demandent plutôt à la Cour de déclarer que ces frais, quels qu’ils puissent être, ne doivent pas être inclus aux fins du calcul des « recettes publicitaires ». Cela requiert d’interpréter le Règlement, et non pas de tenir un procès. Et il découle de l’existence de tels frais que la question d’interprétation soulevée par les demanderesses n’est nullement théorique ou hypothétique.

 

[42]           Les défenderesses soutiennent en outre que, pour statuer sur le sens à donner au Règlement, la Cour doit être saisie d’une preuve quant à la façon dont le temps d’antenne est vendu, dont les services de production sont fournis aux clients et dont les stations traitent les recettes tirées du temps d’antenne. Elles font valoir l’importance d’une telle preuve pour bien comprendre le contexte dans lequel est appliqué le Règlement. Les affidavits déposés traitent, entre autres, de ces questions. Les défenderesses prétendent toutefois que les témoignages par affidavit produits ne sont pas exempts de contradictions, et qu’un procès est donc requis pour que la Cour puisse tirer des conclusions quant à la crédibilité. Je ne partage pas cet avis.

 

[43]           Rien dans cette preuve par affidavit, même si on devait y ajouter des détails lors d’un procès, n’aide ni ne pourrait aider le moindrement à interpréter correctement le Règlement. Il convient de noter à cet égard que les divers déposants ont été contre-interrogés par la partie adverse. Les défenderesses ont présenté une requête afin qu’il soit ordonné au déposant des demanderesses de répondre à des questions auxquelles on s’était opposé lors du contre-interrogatoire. Certaines des questions avaient trait aux méthodes de facturation dans le cadre des contrats clés en mains. La protonotaire Milczynski a rejeté la requête dans son entier. Elle a statué que les réponses aux questions posées ne changeraient rien quant aux questions à trancher en l’espèce, et les défenderesses n’ont pas interjeté appel de sa décision.

 

[44]           Bien que le contexte importe aux fins de l’interprétation des dispositions législatives en cause, les activités d’affaires quotidiennes des stations de radio commerciales ne sont pas un élément de ce contexte, ou si elles en sont, ce n’est que dans un sens très restreint. Le principe moderne énoncé par Driedger en la matière (Construction of Statutes (2e éd. 1983), à la page 87) , tel qu’il a été cité et approuvé par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27, au paragraphe 21, c’est qu’ « il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur ». En l’espèce, pareil contexte ressort des éléments dont la Cour dispose. Dans la mesure en outre où il importe de comprendre les activités générales d’une station de radio commerciale en matière de publicité, de tels renseignements aussi sont disponibles.

 

[45]           À mon avis, par conséquent, il n’y a pas en l’espèce de véritables questions litigieuses pouvant empêcher de rendre un jugement sommaire.

 

La Cour devrait-elle exercer son pouvoir discrétionnaire et ne pas rendre un jugement déclaratoire?

[46]           Les défenderesses soutiennent que la Cour ne devrait pas exercer le pouvoir discrétionnaire dont elle dispose de rendre le jugement déclaratoire demandé parce qu’il s’agirait, ce faisant, de se prononcer sur une question théorique ou abstraite. Aucune preuve ne démontre, selon elles, que les demanderesses ont bel et bien engagé des frais de production ou tiré des recettes de production, de sorte que la question posée est de nature hypothétique. Cette prétention a déjà été examinée et rejetée.

 

[47]           Les défenderesses maintiennent également que la Cour ne devrait pas exercer son pouvoir discrétionnaire parce que le jugement déclaratoire serait sans portée pratique et ne mettrait pas un terme aux différends opposant les parties. Je conviens que rendre le jugement déclaratoire demandé ne règlerait pas toutes les questions en litige entre les parties. Si le jugement déclaratoire était rendu, en particulier, les parties pourraient fort bien diverger d’opinion quant à l’évaluation des services de production. Toutefois, donner l’interprétation qu’il convient au Règlement constitue la première étape nécessaire au règlement des différends entre les parties. Si l’interprétation proposée par les défenderesses était retenue, sous réserve d’appel, cela mettrait un terme à toutes les questions en litige concernant le calcul de l’assiette tarifaire. Si c’est plutôt l’interprétation des demanderesses qui était retenue, cela écarterait tout au moins le premier obstacle à franchir et permettrait aux parties de s’approcher d’un règlement de la question du calcul des frais de production. Je suis par conséquent d’avis que rendre le jugement déclaratoire demandé aurait des conséquences pratiques sur les questions en litige entre les parties.

 

[48]           Dans leur exposé des arguments, les défenderesses ont en outre prétendu que, si la Cour rendait un jugement déclaratoire, cela n’écarterait pas le risque pour les demanderesses de se voir infliger la pénalité prévue au paragraphe 38.1(4) de la Loi sur le droit d’auteur, de sorte que le jugement déclaratoire serait sans effet. Elles ont ainsi écrit :

[traduction]

Les demanderesses laissent aussi entendre qu’un jugement déclaratoire règlerait également la question en empêchant d’une manière ou d’une autre leur condamnation à des dommages-intérêts préétablis […]

 

En réalité, toutefois, si les demanderesses recalculaient unilatéralement les droits de licence (et, vraisemblablement, exigeaient soit le remboursement de tout prétendu « paiement en trop », soit la déduction de celui-ci de droits futurs), les défenderesses disposeraient toujours du droit de réclamer en justice et de recouvrer des dommages‑intérêts préétablis advenant que les droits de licence ne soient pas payés conformément au tarif. Cette situation ne changera pas, même si la Cour devait rendre le jugement déclaratoire demandé.

 

[49]           Cette prétention, comme les autres, semble avoir pour prémisse qu’il ne convient jamais de rendre un jugement sommaire à moins qu’il ne règle toutes les questions en litige entre les parties. Or tel n’est assurément pas le cas. Il est utile, en soi, qu’une ou plus d’une question en litige soit réglée, même si d’autres ne le sont pas encore. Cette prétention fait également abstraction du fait que la seule réclamation des demanderesses dans la présente action concerne l’obtention d’un jugement déclaratoire. Si cela leur est accordé par jugement sommaire, par conséquent, on aura disposé entièrement de la demande des demanderesses dans la présente affaire. Les défenderesses, pour leur part, pourront toujours poursuivre leurs demandes reconventionnelles, si cela n’est pas incompatible avec tout jugement rendu, de sorte qu’elles ne subiront aucun préjudice. On doit alors se demander en de telles circonstances pourquoi les demanderesses devraient avoir à attendre le règlement complet de toutes les questions en litige (dans et hors le cadre de la présente action) et, ce qui importe tout autant, pourquoi l’on devrait ainsi faire perdre son temps et ses ressources à la Cour pour un litige donnant toute apparence d’être fort long et envenimé.

 

[50]           Je suis convaincu que l’intérêt de la justice commande que, si cela convient par ailleurs, la Cour rende le jugement déclaratoire demandé plutôt que de prolonger le différend entre les parties et d’en retarder le règlement. Toute solution pacifique commence par un premier pas.

 

Quelle preuve convient-il que la Cour prenne en compte pour décider de l’interprétation à donner au Règlement?

 

[51]           Les défenderesses soutiennent que le REIR [traduction] « ne fait pas partie du Règlement, n’a pas force obligatoire et ne peut, au-delà des termes mêmes du Règlement, servir à démontrer des éléments additionnels ». Au soutien de leur prétention, elles citent R. Sullivan, Sullivan and Driedger on the Construction of Statutes, 5e éd. (Markham, Butterworths, 2002), aux pages 621 à 626. Bien que d’accord avec le principe général énoncé par les défenderesses, je dois souligner que les passages cités de l’ouvrage Sullivan and Driedger on the Construction of Statutes se rapportent aux directives données par les personnes chargées de l’application d’un texte législatif. Une directive ce n’est pas la même chose qu’un REIR, dont le texte accompagne la première publication du Règlement.

 

[52]           France Houle, dans son article « Regulatory History Material as an Extrinsic Aid to Interpretation :  An Empirical Study on the use of RIAS by the Federal Court of Canada » publié dans le Canadian Journal of Administrative Law & Practice, vol. 19, 2006, a décrit l’origine des REIR. La genèse des REIR remonte à 1986, lorsque le gouvernement fédéral a approuvé une politique requérant que les personnes devant établir des règlements nouveaux ou révisés analysent leurs incidences socio‑économiques. Conformément au processus approuvé, un projet de règlement doit être accompagné d’un REIR, les parties intéressées pouvant par la suite formuler leurs commentaires. La version finale du règlement est enfin publiée dans la Gazette du Canada accompagnée du REIR. 

 

[53]           Les demanderesses n’ont pas donné à entendre que le REIR accompagnant le Règlement était déterminant quant à l’interprétation à en donner. Elles ont plutôt soutenu qu’il convenait pour la Cour de consulter et de prendre en compte les résumés de l’impact de la réglementation, tout comme une cour prend en compte les débats parlementaires, les délibérations des comités parlementaires ainsi que les autres rapports précédant l’adoption d’une disposition donnée. Les demanderesses ont cité un certain nombre de décisions où la Cour suprême du Canada, la Cour d’appel fédérale et la Cour ont pris en compte un REIR (Friesen c. Canada, [1995] 3 R.C.S. 103; Bristol-Myers Squibb Co. c. Canada (Procureur général), [2005] 1 R.C.S. 533; Bayer Inc. c. Canada (Procureur général) (1999), 87 C.P.R. (3d) 293 (C.A.F.); SmithKline Beecham Pharma Inc. c. Apotex Inc. (1999), 3 C.P.R. (4th) 22 (C.F. 1re inst.); et Merck & Co. c. Canada (Procureur général), [1999] A.C.F. n° 1825.

 

[54]           Dans SmithKline Beecham Pharma Inc. c. Apotex Inc., la juge McGillis a décrit succinctement comme suit l’objet et l’utilité d’un résumé de l’étude d’impact de la réglementation :

Pour déceler l’intention qu’avait le législateur en édictant le paragraphe 6(7) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), il est utile d’examiner la situation à l’origine de son adoption ainsi que le Résumé de l’étude d’impact de la réglementation qui a été rédigé dans le cadre de son processus réglementaire. Le Résumé de l’étude d’impact de la réglementation, qui accompagne le règlement sans toutefois en faire partie, révèle les intentions du législateur et renferme des « renseignements sur l’objet et l’effet du règlement proposé » [voir le jugement Teal Cedar Products (1977) Ltd. c. Canada, [1989] 2 C.F. 135, à la page 140 (C.F. 1re inst.).

 

[55]           Bien qu’il ne lie pas la Cour, le REIR peut ainsi, en révélant l’intention de l’autorité réglementaire, servir d’outil pour l’interprétation de dispositions réglementaires.

 

[56]           Les demanderesses font également valoir les motifs concordants du vice-président Callary dans la décision par laquelle la Commission du droit d’auteur a rejeté la demande d’interprétation du Règlement présentée par Standard Broadcasting. L’on peut utiliser ces motifs, selon les demanderesses, comme outil d’interprétation. L’avocat des demanderesses a toutefois volontiers reconnu dans sa plaidoirie qu’il ne se fondait guère sur ces motifs pour aider à interpréter le Règlement. Je ne me fonde aucunement sur ces motifs, pour ma part, pour les raisons que je vais indiquer.

 

[57]           Premièrement, il s’agissait manifestement de remarques incidentes, la Commission ayant statué qu’elle n’avait pas compétence pour rendre l’ordonnance demandée. Deuxièmement, la décision a été rendue sans que les parties au litige aient présenté une argumentation détaillée sur la juste interprétation du Règlement. Troisièmement, bien que le vice-président ait été membre de la formation de la Commission ayant statué à l’origine sur le tarif pour les années 2003 à 2005, il n’était qu’un des trois membres de la formation et ses commentaires, bien qu’ils puissent correspondre à ce qu’il estimait être l’intention de celle-ci, n’en n’expriment pas nécessairement le point de vue dans son ensemble. L’on peut noter à cet égard que Mme Charron était également membre de la formation dans les deux décisions et que, toutefois, elle n’a pas souscrit aux commentaires du vice-président sur l’intention de la première formation.

 

[58]           Quant aux affidavits déposés dans le cadre de la présente requête, je n’y attache non plus aucun poids dans la mesure où ils visent à interpréter le Règlement ou dans la mesure où ils reposent sur l’interprétation du Règlement par le déposant lui-même. Il y a de nombreuses raisons pour n’accorder aucun poids aux affidavits, la principale étant toutefois que les déposants n’ont aucune compétence particulière en matière d’interprétation législative et qu’en fait, ils s’adonnent à des commentaires sur ce que, précisément, la Cour a à déterminer.

 

Quelle interprétation convient-il de donner au Règlement?

[59]           J’aborde la question de la juste interprétation du Règlement en me guidant sur l’approche adoptée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), précité. Dans cet arrêt, le sens ordinaire des dispositions en cause paraissait limiter l’obligation de verser une indemnité de licenciement et de cessation d’emploi aux employeurs ayant effectivement licencié leurs employés, les employeurs ayant fait faillite n’étant pas visés. Le juge Iacobucci a conclu qu’un tel sens était incompatible avec l’objet de la loi. Il était absurde, selon lui, que les employés congédiés la veille de la faillite aient droit aux indemnités, et que ceux congédiés le lendemain n’y aient pas droit. Le juge a par conséquent rejeté parce qu’incomplète la méthode fondée sur le sens ordinaire. Il s’est alors tourné vers la méthode d’interprétation législative de Driedger déjà mentionnée, méthode qu’il a utilisée.

 

 

[60]           Le juge Iacobucci a également fait remarquer que, selon « un principe bien établi en matière d’interprétation législative, le législateur ne peut avoir voulu des conséquences absurdes ». Le principe a été décrit comme suit :

D’après Côté, op. cit. [Pierre-André Côté, Interprétation des lois, 2éd. (Cowansville, Qué. : Yvon Blais, 1990)], on qualifiera d’absurde une interprétation qui mène à des conséquences ridicules ou futiles, si elle est extrêmement déraisonnable ou inéquitable, si elle est illogique ou incohérente, ou si elle est incompatible avec d’autres dispositions ou avec l’objet du texte législatif (aux pp. 430 à 432).  Sullivan partage cet avis en faisant remarquer qu’on peut qualifier d’absurdes les interprétations qui vont à l’encontre de la fin d’une loi ou en rendent un aspect inutile ou futile (Sullivan, Construction of Statutes, op. cit., à la p. 88) [Ruth Sullivan, Driedger on the Construction of Statutes, 3e éd. (Toronto : Butterworths, 1994)].

 

[61]           Il est par conséquent nécessaire d’examiner l’objet du Règlement, l’intention de la Commission du droit d’auteur en le promulguant ainsi que le contexte où s’inscrivent les termes en cause, et de ne pas adopter une interprétation qui produise des conséquences absurdes.

 

[62]           Lorsqu’on examine l’objet du Règlement sur la définition de recettes publicitaires et l’intention visée, il importe de se rappeler que ce règlement n’a pas un caractère autonome. Le règlement précise l’assiette servant au calcul du tarif versé aux défenderesses. Il est donc important de l’examiner dans ce contexte. La Commission du droit d’auteur a décrit les tarifs comme établissant une « rémunération équitable » pour les compositeurs, éditeurs et propriétaires d’enregistrements sonores. La juste interprétation, par conséquent, ne doit pas rendre le tarif partial en faveur soit des radiodiffuseurs, soit des titulaires de droits d’auteur.

 

[63]           Il y a également lieu de noter que la Commission du droit d’auteur étant un tribunal spécialisé, notamment quant aux activités d’affaires des stations de radio commerciales, elle est présumée savoir comment celles-ci font de la publicité pour leurs clients et comment elles facturent de tels services. La description faite par la Commission du droit d’auteur dans le REIR qu’elle a rédigé fait ressortir ses connaissances dans le domaine.

 

[64]           Il n’est pas contesté que des annonces publicitaires sont préparées en vue d’être diffusées par les stations de radio. Dans certains cas, ainsi, le client se présente à une agence de publicité, qui va préparer ou produire la copie numérique de l’annonce qu’une station de radio va diffuser. L’agence négocie avec la station, qu’elle rémunère directement pour ce service, puis elle facture son client. Les parties ne contestent nullement que les recettes touchées par la station de radio pour diffuser l’annonce (déduction faite des taxes et des commissions) constituent des recettes publicitaires. Tel qu’il découle du paragraphe 2(1) du Règlement, le tarif sera versé en fonction de ce montant net. Deux faits sont dignes de mention à cet égard. Premièrement, aucune preuve présentée à la Cour ne démontre que les défenderesses reçoivent des agences de publicité des droits quelconques prévus au tarif sur les honoraires facturés par les agences à leurs clients pour la préparation ou la production des copies numériques. Deuxièmement, on ne désignera habituellement pas en tant que recettes publicitaires les recettes tirées par une agence de ses services de préparation et de production. À mon avis, on ne dira pas que les agences de publicité génèrent par leur travail des recettes publicitaires, mais bien plutôt des recettes de production, comme elles produisent mais ne diffusent pas les annonces concernées.

 

[65]           Nul ne conteste non plus que, dans certains cas, aucune agence de publicité n’entre en jeu. Il en est ainsi lorsque la station de radio, en plus de diffuser une annonce publicitaire, joue également le rôle d’une agence en produisant la copie numérique de l’annonce à diffuser. La station pourrait – ce qu’elle ne fait toutefois pas d’après le dossier – facturer le client de manière distincte pour ces services. Si la station devait ventiler les frais de production et les frais de diffusion et les facturer séparément, il serait absurde, à mon avis, de conclure que les recettes tirées de la production de l’annonce constituent des recettes publicitaires. Cela serait absurde selon moi parce que si la station produisait l’annonce mais ne procédait pas à sa diffusion, en d’autres termes si elle ne faisait pas davantage qu’une agence publicitaire, elle ne recevrait pas d’argent pour « annoncer des biens, des services, des activités ou des événements » tel qu’il est décrit dans le Règlement. Il serait ainsi absurde qu’une station de radio soit traitée différemment d’une agence de publicité pour fournir exactement de mêmes services.

 

[66]           Les défenderesses soutiennent pour deux raisons que toutes les recettes touchées par une station de radio sont des recettes publicitaires. Premièrement, les stations ne facturent pas leurs clients séparément pour les frais de production. Deuxièmement, elles facturent un même montant aux clients, qu’elles produisent ou non l’annonce. Je ne suis toutefois pas convaincu que l’une ou l’autre raison justifie l’adoption par la Cour du point de vue souhaité.

 

[67]           Selon moi, qu’une station choisisse ou non de ventiler les frais de production lorsqu’elle facture son client ne doit modifier en rien la façon de qualifier les recettes touchées. S’il en était autrement, le résultat absurde et inéquitable en serait qu’une station facturant séparément les deux composantes paierait moins de droits aux défenderesses qu’une station ne facturant pas séparément les services de production. Chacune de ces stations fournit les mêmes services et touche pour ceux-ci les mêmes recettes globales; malgré cela, selon l’interprétation des défenderesses, l’une devrait payer davantage que l’autre de droits prévus au tarif. Un tel résultat serait absurde.

 

[68]           Pour la même raison, si une station choisit de facturer à un client un même montant pour la diffusion d’une annonce, que la station l’ait ou non produite, cela me semble n’avoir aucune incidence sur la façon appropriée de qualifier les recettes qu’elle touche. Si la station ne produit pas l’annonce, c’est alors à juste titre que toutes les recettes touchées sont considérées comme des recettes produites par la diffusion de l’annonce, c.-à-d. des recettes publicitaires. Si, plutôt, la station produit l’annonce mais facture le même montant qu’elle l’aurait fait sans l’avoir produite, il n’en demeure pas moins que des frais de production sont engagés (d’un montant dont il sera traité plus loin), et qu’il convient de déduire des recettes touchées pour la diffusion de l’annonce – les recettes publicitaires – le montant de ces frais.

 

[69]           En résumé, on en arrive à un résultat absurde si l’on interprète le Règlement comme requérant d’une station de radio qu’elle inclue dans ses recettes publicitaires la totalité du montant facturé au client, sans pouvoir déduire aucunement les frais de ses services de production. Le Règlement autorise donc les stations de radio, selon moi, à déduire les frais et dépenses de production engagés relativement à des annonces des recettes tirées de leur diffusion.

 

[70]           La justesse de cette interprétation est étayée par le REIR, qui constitue la meilleure preuve de l’intention de la Commission du droit d’auteur lorsqu’elle a rédigé le Règlement.

 

[71]           Les demanderesses soutiennent que ce que le Règlement autorise une station à déduire pour les services de production fournis pour une annonce dans le cadre d’un contrat clés en mains c’est la juste valeur marchande de ces services. Elles se fondent à cet égard sur le paragraphe 2(2) du Règlement, qui prévoit : « Aux fins du calcul des recettes publicitaires, les biens et services sont évalués à leur juste valeur marchande ».

 

[72]           L’objet au premier abord du paragraphe 2(2) semble être la juste évaluation des biens et services reçus par une station de radio en contrepartie de ses services de publicité, aux fins du calcul du « total […] des contreparties » visé au paragraphe 2(1). Les demanderesses soutiennent, toutefois, que le paragraphe 2(2) vise également l’évaluation des recettes de production touchées dans le cadre de contrats clés en mains.

 

[73]           Il n’est pas clair, à mon avis, si l’on entendait que le paragraphe 2(2) ait la portée la plus restreinte ou la plus large. Certains pourraient soutenir que, si les rédacteurs du Règlement avaient souhaité que l’objet du paragraphe soit uniquement l’évaluation des biens et services reçus par une station en contrepartie de la diffusion d’annonces – la contrepartie en nature –, ils auraient rédigé cette disposition en conséquence. Dans les circonstances, il convient de s’en rapporter à des sources externes pouvant aider à comprendre l’intention des rédacteurs du Règlement. Le REIR, dont voici un extrait, constitue la meilleure preuve de cette intention :

L’article 1 et l’alinéa 2a) [paragraphes 2(1) et 2(2) du règlement] du règlement, lus ensembles, permettent au système d’exclure de l’assiette tarifaire la juste valeur marchande des services de production fournis dans le cadre de contrats « clés en mains », en vertu desquels le système fournit des services de production autant que de publicité.

 

Section 1 and paragraph 2(a) [i.e. subsections 2(1) and 2(2) of the Regulations] of the Regulations, when read together, also allow a system to exclude from the rate base the fair market value of the production services provided under a “key in hands” contract pursuant to which the system provides both advertising and production services.

 

 

Il n’est pas surprenant à ce sujet que la Commission du droit d’auteur, en autorisant une station à exclure les recettes liées à ses frais de production, ait prévu que ceux-ci devaient être évalués à leur juste valeur marchande. Si elle ne l’avait pas fait, il aurait été loisible à un radiodiffuseur de leur attribuer une valeur lui permettant de payer des droits moindres que ceux prévus au tarif.

 

[74]           Par conséquent, lorsqu’une station de radio diffuse une annonce produite dans le cadre d’un contrat clés en mains, l’on n’a pas à inclure aux fins du calcul des recettes publicitaires la juste valeur marchande des frais et dépenses engagés pour sa production. Les recettes touchées qui correspondent à ces frais et dépenses ne sont pas des recettes publicitaires au sens du Règlement – il s’agit plutôt de recettes de production.

 

[75]           Pour ces motifs, la Cour rendra un jugement déclaratoire quant au sens à donner au Règlement, d’une forme toutefois légèrement différente de celle demandée par les demanderesses.

 

[76]           La requête en jugement sommaire est accueillie. Les demanderesses ont droit à leurs dépens.
JUGEMENT

 

LA COUR STATUE :

1.         Jugement sommaire est rendu en faveur des demanderesses.

 

2.         Le Règlement sur la définition de recettes publicitaires, DORS/98-447, autorise un radiodiffuseur à exclure la juste valeur marchande des services de production qu’il fournit à un annonceur des recettes qu’il tire de la diffusion de l’annonce à laquelle se rapportent ces services de production et à l’égard desquelles des redevances doivent être payées en vertu du Tarif de la SCGDV pour la radio commerciale pour les années 1998-2002 et du Tarif SOCAN‑SCGDV pour la radio commerciale 2003-2007.

 

3.         Les demanderesses ont droit à leurs dépens.

                                                                                                                 « Russel W. Zinn »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                T-1439-07

 

INTITULÉ :                               ASTRAL MEDIA RADIO INC. ET AL. c.

                                                    LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DES AUTEURS, COMPOSITEURS ET ÉDITEURS DE MUSIQUE ET AL.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :         TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :       LE 7 OCTOBRE 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                      LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :               LE 24 OCTOBRE 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Mark. S. Hayes

 

POUR LES DEMANDERESSES

Gilles M. Daigle

D. Lynne Watt

 

Nina Perfetto

POUR LA SOCAN, DÉFENDERESSE

 

 

POUR LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DE

GESTION DES DROITS VOISINS, DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Blake, Cassels & Graydon S.E.N.C.R.L./s.r.l.

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDERESSES

Gowling Lafleur Henderson S.E.N.C.R.L.

Ottawa (Ontario)

 

Fogler, Rubinoff LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR LA SOCAN, DÉFENDERESSE

 

 

POUR LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DE

GESTION DES DROITS VOISINS, DÉFENDERESSE

 

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