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Date : 20081024

Dossier : T-650-08

Référence : 2008 CF 1193

Ottawa (Ontario), le 24 octobre 2008

En présence de monsieur le juge Beaudry

 

 

ENTRE :

SHAHZAD HOOSHANG BAKHT

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La présente demande, déposée en application du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. 1985, ch. C-29 (la Loi) et de l’article 21 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C., 1985, ch. F-7, par Shahzad Hooshang Bakht (le demandeur), vise à interjeter appel de la décision de la juge de la citoyenneté, Renata Brum Bozzi (la juge), rendue le 26 février 2008, par laquelle elle a conclu que le demandeur ne satisfaisait pas à la condition de résidence prévue à l’alinéa 5(1)c) de la Loi pour se voir accorder la citoyenneté canadienne.

 

 

 

I.          Le contexte factuel

[2]               Le demandeur est un citoyen de l’Inde qui est entré pour la première fois au Canada le 13 août 1996 en tant que résident permanent. Il a demandé la citoyenneté le 4 août 2006.

 

[3]               Son épouse et ses enfants sont des citoyens canadiens qui résident au Canada dans une résidence dont le demandeur et son épouse sont propriétaires.

 

[4]               La période pertinente dans l’examen de la demande de résidence au Canada du demandeur s’étend du 4 août 2002 au 6 août 2006. Le demandeur compte 1 460 jours de résidence durant cette période.

 

[5]               Le demandeur a déclaré avoir été absent à quatre reprises au cours de la période requise de quatre ans :

a)         Du 7 octobre 2002 au 27 avril 2003 = 202 jours pour voyages d’affaires;

b)         Du 20 septembre 2003 au 14 avril 2004 = 207 jours pour voyages d’affaires;

c)         Du 28 mars 2005 au 25 avril 2005 = 28 jours pour prendre soin de son frère malade;

d)         Du 27 septembre 2005 au 23 juin 2006 = 269 jours pour prendre soin de son frère malade.

 

[6]               Le demandeur a déclaré 706 jours d’absence. Il a été effectivement présent au Canada pendant 754 jours et il lui manque un nombre important de 341 jours pour atteindre les 1 095 jours de présence effective requise par la Loi.

 

[7]               Le demandeur a comparu avant le 17 janvier 2008 à une audience au cours de laquelle il a témoigné qu’il est copropriétaire d’un restaurant familial en Inde appelé « New York Restaurant and Bar ». Lorsqu’il est en Inde, il travaille comme superviseur dans ce restaurant.

 

[8]               Le demandeur a aussi témoigné qu’il avait fait de longs voyages lorsqu’il travaillait dans un  restaurant au Canada appelé « Bombay Behl » en vue d’effectuer des achats pour ce restaurant.

 

[9]               Il se rend également en Inde où il reste pendant de longues périodes pour prendre soin de son frère qui souffre d’une cirrhose du foie. Étant donné qu’il est l’aîné de la famille, le demandeur voyage en Inde pour aider sa belle-sœur et ses trois enfants et pour apporter un soutien moral à son frère et sa famille.

 

[10]           À l’audience, le demandeur a présenté des copies de ses passeports, ainsi que les originaux de tous ses passeports, à l’exception de son passeport qui vise la période pertinente pour déterminer sa résidence. Il a déclaré avoir oublié ce passeport en Inde. La juge n’a pas été en mesure de comparer le passeport original avec les copies pour confirmer que les absences du demandeur se limitaient à celles alléguées.

 

II.        Décision faisant l’objet du contrôle

[11]           La juge a rejeté la demande du demandeur et a conclu qu’il n’avait pas résidé au Canada, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, pendant au moins trois ans en tout, pour satisfaire à la condition de résidence prévue à l’alinéa 5(1)c) de la Loi.

 

[12]           La juge a affirmé que, selon son interprétation de la récente jurisprudence, le facteur le plus important à prendre en compte lors de l’examen de la condition de résidence consiste à déterminer si le demandeur a établi sa présence au Canada parce qu’il y a vécu et qu’il s’y trouvait effectivement (Pourghasemi (Re), 62 F.T.R. 122 (CFPI)).

 

[13]           La juge a également reconnu que la présence effective du demandeur pendant toute la période de 1 095 jours prévue par la Loi n’est pas toujours requise dans certaines circonstances exceptionnelles. Elle n’a trouvé aucune preuve de pareilles circonstances qui pourrait être considérée comme une situation particulière et inhabituelle de détresse, ou comme des services exceptionnels rendus au Canada (paragraphes 5(3) et 5(4) de la Loi). Le demandeur a choisi de rendre visite à sa parenté tout en sachant que cela aurait une incidence négative sur sa condition de résidence, et le moment du dépôt de sa demande a également été son choix. La juge a conclu qu’il n’y avait aucune raison de déroger à la condition de présence effective dans le cas du demandeur.

 

III.       Questions en litige

[14]           La présente demande soulève les questions suivantes :

a)                  La juge de la citoyenneté a-t-elle commis une erreur en omettant d’énoncer clairement le critère qui avait été appliqué pour déterminer la résidence?

b)                  La juge de la citoyenneté a-t-elle suffisamment motivé sa décision?

 

[15]           Le présent appel devra être rejeté pour les motifs qui suivent.

 

IV.       Dispositions législatives pertinentes

[16]           L’article 21 de la Loi sur les Cours fédérales,  L.R.C., 1985, ch. F-7 et le paragraphe 15(4) de la Loi sur la citoyenneté confèrent au demandeur le droit d’interjeter appel de la décision du juge de la citoyenneté :

21. La Cour fédérale a compétence exclusive en matière d'appels interjetés au titre du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté.

21. The Federal Court has exclusive jurisdiction to hear and determine all appeals that may be brought under subsection 14(5) of the Citizenship Act.

 

14. (5) Le ministre et le demandeur peuvent interjeter appel de la décision du juge de la citoyenneté en déposant un avis d’appel au greffe de la Cour dans les soixante jours suivant la date, selon le cas :

 

 

a) de l’approbation de la demande;

 

                                                  b) de la communication, par courrier ou tout autre moyen, de la décision de rejet.

14. (5) The Minister or the applicant may appeal to the Court from the decision of the citizenship judge under subsection (2) by filing a notice of appeal in the Registry of the Court within sixty days after the day on which

 

(a) the citizenship judge approved the application under subsection (2); or

 

(b) notice was mailed or otherwise given under subsection (3) with respect to the application.

 

 

 

 

 

[17]           La condition de résidence est établie à l’alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté :

5. (1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois :

 

c) est un résident permanent au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, la durée de sa résidence étant calculée de la manière suivante :

 

 

(i) un demi-jour pour chaque jour de résidence au Canada avant son admission à titre de résident permanent,

 

 

 

 

 

(ii) un jour pour chaque jour de résidence au Canada après son admission à titre de résident permanent;

5. (1) The Minister shall grant citizenship to any person who

 

 

(c) is a permanent resident within the meaning of subsection 2(1) of the Immigration and Refugee Protection Act, and has, within the four years immediately preceding the date of his or her application, accumulated at least three years of residence in Canada calculated in the following manner:

 

(i) for every day during which the person was resident in Canada before his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one-half of a day of residence, and

 

(ii) for every day during which the person was resident in Canada after his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one day of residence;

 

 

[18]           Le juge de la citoyenneté peut prendre en considération les situations particulières et exceptionnelles énumérées aux paragraphes 5(3) et 5(4) de la Loi :

5. (3) Pour des raisons d’ordre humanitaire, le ministre a le pouvoir discrétionnaire d’exempter :

a) dans tous les cas, des conditions prévues aux alinéas (1)d) ou e);

 

b) dans le cas d’un mineur, des conditions relatives soit à l’âge ou à la durée de résidence au Canada respectivement énoncées aux alinéas (1)b) et c), soit à la prestation du serment de citoyenneté;

 

 

c) dans le cas d’une personne incapable de saisir la portée du serment de citoyenneté en raison d’une déficience mentale, de l’exigence de prêter ce serment.

5. (3) The Minister may, in his discretion, waive on compassionate grounds,

 

(a) in the case of any person, the requirements of paragraph (1)(d) or (e);

 

(b) in the case of a minor, the requirement respecting age set out in paragraph (1)(b), the requirement respecting length of residence in Canada set out in paragraph (1)(c) or the requirement to take the oath of citizenship; and

 

(c) in the case of any person who is prevented from understanding the significance of taking the oath of citizenship by reason of a mental disability, the requirement to take the oath.

 

 

5. (4) Afin de remédier à une situation particulière et inhabituelle de détresse ou de récompenser des services exceptionnels rendus au Canada, le gouverneur en conseil a le pouvoir discrétionnaire, malgré les autres dispositions de la présente loi, d’ordonner au ministre d’attribuer la citoyenneté à toute personne qu’il désigne; le ministre procède alors sans délai à l’attribution.

 

5. (4) In order to alleviate cases of special and unusual hardship or to reward services of an exceptional value to Canada, and notwithstanding any other provision of this Act, the Governor in Council may, in his discretion, direct the Minister to grant citizenship to any person and, where such a direction is made, the Minister shall forthwith grant citizenship to the person named in the direction.

 

V.        Analyse

A.        Norme de contrôle

[19]           La question de savoir si le demandeur a établi qu’il avait été effectivement présent au Canada pour une durée de 1 095 jours est une question de fait. Les parties conviennent, et je reconnais, que la conclusion de la juge sur ce point est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable qui a récemment été énoncée (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190; Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 763, [2008] A.C.F. no 964 (QL)). La norme de contrôle applicable à un manquement à l’obligation d’agir équitablement est celle de la décision correcte.

 

1.         La juge de la citoyenneté a-t-elle bien énoncé le critère qu’elle a appliqué à l’égard du demandeur?

[20]           Le demandeur allègue qu’il est bien établi en droit qu’en règle générale la Loi sur la citoyenneté devrait être interprétée de façon libérale (Canada (Secrétaire d’État) c. Man, 6 F.T.R. 222, 2 Imm. L.R. (2d) 256 (C.F. 1re inst.) et que la Cour applique cette interprétation libérale depuis la décision Re Papadogiorgakis, [1978] 2 C.F. 208 (C.F. 1re inst.).

 

[21]           Malgré la jurisprudence qui indique que la preuve de résidence d’une personne peut être établie que pour une courte période, selon le critère « qualitatif » (Cheung (Re), 32 F.T.R. 245 (C.F. 1re inst.); Lau (Re), 34 F.T.R. 81 (C.F. 1re inst.), la juge a conclu en l’espèce qu’il était inapproprié d’appliquer cette interprétation libérale et elle a préféré avoir recours au critère « quantitatif » et davantage restrictif. Le demandeur soutient que ce choix de critère constitue une erreur susceptible de contrôle, surtout parce qu’il avait demandé que le premier soit appliqué sachant qu’il ne pourrait pas satisfaire au second.

 

[22]           Le demandeur reconnaît qu’il appartient au juge de choisir l’interprétation la plus appropriée qu’il convient d’appliquer pour déterminer ce qu’est la preuve de la condition de résidence. Cependant, le demandeur fait valoir que si l’explication de la juge est insuffisante, cela constitue une erreur susceptible de contrôle (Haj-Kamali c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 102, 154 A.C.W.S. (3d) 1017).

 

[23]           Le demandeur allègue qu’il y avait des facteurs qui permettaient d’appliquer une interprétation libérale en l’espèce. Lui et son épouse sont propriétaires d’une résidence au Canada depuis 2002, et son épouse et ses deux enfants sont des citoyens canadiens qui résident au Canada. Le demandeur a de plus d’importants intérêts commerciaux au Canada. Il affirme qu’il considère le Canada comme son chez-soi et qu’il a quitté le pays seulement pour s’occuper de son frère malade et pour des raisons d’affaires.

 

[24]           En outre, la juge elle-même a déclaré : « Je n’ai aucun doute que M. Bakht fera un jour un très bon citoyen canadien […] » Le demandeur soutient donc que la décision de ne pas appliquer l’interprétation libérale était déraisonnable.

 

[25]           Selon le défendeur, il est clair que la juge a appliqué le critère de la présence effective énoncé dans la décision Pourghasemi (Re), précitée. Dans ses motifs, la juge a expliqué que la présence effective n’est pas nécessairement requise comme preuve de résidence. Néanmoins, dans l’affaire qui nous occupe, elle a décidé d’appliquer le critère relatif à la présence effective, ce qui lui était loisible de faire puisqu’elle a la prérogative d’adopter l’approche qui lui convient au moment de déterminer si un demandeur satisfait aux conditions de la Loi en matière de résidence (Rizvi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1641, 144 A.C.W.S. (3d) 608; Wang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 FC 390, 166 A.C.W.S. (3d) 220; Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 267, 112 A.C.W.S. (3d) 827; Lam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 164 F.T.R. 177, 87 A.C.W.S. (3d) 432) (C.F. 1re inst.).

 

[26]           Le défendeur ajoute que la Cour a reconnu, tout comme la juge, que la jurisprudence a créé une forte inférence que la présence au Canada au cours de trois des quatre ans doit être prolongée (Rizvi, précitée; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Lu 2001 CFPI 640, 106 A.C.W.S. (3d) 786; Zhang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 197 F.T.R. 225 (C.F. 1re instance).

 

[27]           Selon le défendeur, la question de savoir si le demandeur a établi qu’il avait été effectivement présent au Canada pour une durée 1 095 jours est une question de fait. La juge a tenu compte de tous les facteurs pertinents quant à la demande de citoyenneté du demandeur. Cependant, elle a conclu qu’il n’avait pas été effectivement présent au Canada pendant le nombre de jours requis. Cette décision est étayée par la preuve, et la juge pouvait raisonnablement en arriver à cette conclusion.

 

[28]           Dans la décision Lam, précitée, le juge Lutfy, avant qu’il devienne juge en chef, avait écrit au paragraphe 14 :

[…] À mon avis, le juge de la citoyenneté peut adhérer à l’une ou l’autre des écoles contradictoires de la Cour, et, s’il appliquait correctement aux faits de la cause les principes de l’approche qu’il privilégie, sa décision ne serait pas erronée. […]

 

[29]           Ce passage a été cité maintes fois depuis la décision Lam, plus récemment dans Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 763, [2008] A.C.F. n964 (QL).

 

[30]           La Cour est d’avis que, indépendamment de ce qui est sollicité par un demandeur, le juge de la citoyenneté a le pouvoir et la discrétion de choisir l’un des critères pourvu que le critère choisi soit appliqué correctement aux faits de l’affaire.

 

[31]           En l’espèce, la juge a décidé d’appliquer le critère de la présence effective. La Cour conclut que, compte tenu des faits de la présente affaire, la décision est fondée en fait et en droit et qu’elle est donc raisonnable. Le demandeur n’a pas fourni suffisamment d’éléments de preuve pour que sa situation soit considérée comme particulière ou exceptionnelle dans l’examen visant à déterminer s’il a satisfait à la condition de résidence prévue par la Loi.

 

2.         La juge de la citoyenneté a-t-elle suffisamment motivé sa décision?

[32]           Le demandeur affirme avec raison que l’obligation de fournir suffisamment de motifs est nécessaire pour assurer l’équité de la procédure (Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817; Adu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 FC 565, 139 A.C.W.S. (3d) 164).

 

[33]           Le demandeur soutient que les motifs en l’espèce comportent des lacunes parce qu’ils n’exposent pas explicitement le critère utilisé par la juge et qu’ils n’expliquent pas clairement pourquoi cette dernière a conclu à l’absence d’une situation particulière ou exceptionnelle qui aurait exigé l’application d’une interprétation libérale dans la présente affaire.

 

[34]           Le défendeur allègue que la lettre de refus de la juge informe clairement le demandeur du choix du critère de résidence et des raisons pour lesquelles le critère a été choisi, ainsi que les raisons pour lesquelles le demandeur n’y a pas satisfait. Les motifs de la juge doivent dénoter une compréhension de la jurisprudence, être intelligibles pour les parties et suffire pour permettre un examen valable de la décision en appel. La juge est tenue d’exposer suffisamment en détail les éléments de preuve à l’appui de ses conclusions pour montrer qu’elle agit dans les limites de sa compétence et non contrairement à la loi. Cependant, le défendeur souligne que la juge n’est pas tenue de faire mention dans sa décision de tous les éléments de preuve puisqu’elle est présumée les avoir tous examinés (Ahmed c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI  1067, 225 F.T.R. 215; Lam, précitée; Cheung, précitée).

 

[35]           Le défendeur explique que la Cour doit adopter une approche fonctionnelle à l’égard de l’obligation de fournir des motifs. Un appel fondé sur des motifs insuffisants ne sera accueilli que si le demandeur démontre qu’il a été lésé dans son droit de solliciter un contrôle judiciaire, ce qui lui aurait permis de présenter une contestation fondée sur l’insuffisance des motifs. Le défendeur soutient que le demandeur n’a pas établi qu’il avait subi un tel préjudice en l’espèce (Za’rour c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 1281, 321 F.T.R. 120; R. c. Dinardo, 2008 CSC 24, 374 N.R. 198).

 

[36]           J’ai déjà conclu que la juge a exposé de manière explicite le critère qu’elle a appliqué pour déterminer si le demandeur avait satisfait à la condition de résidence prévue par la Loi. En outre, la juge a affirmé qu’elle avait examiné les faits de la présente affaire et qu’elle avait conclu qu’aucune  [traduction] « preuve de l’existence de circonstances exceptionnelles ne pourrait être considérée comme une situation particulière et inhabituelle de détresse, ou comme des services exceptionnels rendus au Canada ». Les motifs doivent expliquer aux parties pourquoi la juge a décidé comme elle l’a fait et ils doivent également suffire pour permettre à la Cour de remplir ses fonctions d’appel.

 

[37]           Dans l’arrêt R. c. Sheppard, [2002] 1 R.C.S. 869, la Cour suprême du Canada a conclu que l’insuffisance des motifs ne crée pas un droit d’appel distinct qui constitue automatiquement une erreur susceptible de contrôle. La Cour a déclaré que « l’obligation de donner des motifs, peu importe le contexte dans lequel elle est invoquée, devrait recevoir une interprétation fonctionnelle et fondée sur l’objet » (voir également R. c. Kendall, 75 O.R. (3d) 565 (C.A.de l’Ont.)). La partie qui  cherche à faire annuler une décision en invoquant l’insuffisance des motifs doit établir que les lacunes que comportent les motifs lui ont causé un préjudice dans l’exercice de son droit d’appel.

 

[38]           Dans la présente affaire, la juge a expliqué que le demandeur [traduction] « avait choisi de rendre visite à sa parenté tout en sachant que cela aurait une incidence négative sur sa condition de résidence. Le moment du dépôt de sa demande a également été son choix ». Cette explication des raisons pour lesquelles la juge a rendu cette décision est suffisante pour permettre un examen valable en appel sur la question du caractère raisonnable de sa décision.

 

[39]           L’intervention de la Cour n’est pas justifiée.

 

 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que l’appel soit rejeté.

 

« Michel Beaudry »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Caroline Tardif, LL.B., B.A. Trad.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-650-08

 

INTITULÉ :                                       SHAHZAD HOOSHANG BAKHT et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                  Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 21 octobre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Beaudry

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 24 octobre 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Wennie Lee                                                                              POUR LE DEMANDEUR

 

Jennifer Dagsvik                                                                       POUR LE DÉFENDEUR

                                                                                               

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Martinello & Associates                                                            POUR LE DEMANDEUR

Don Mills (Ontario)

 

John H. Sims, c.r.                                                                     POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

 

 

 

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