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Date : 20081020

Dossier : IMM-1282-08

Référence : 2008 CF 1170

Ottawa (Ontario), le 20 octobre 2008

En présence de monsieur le juge Louis S. Tannenbaum

 

 

ENTRE :

 

DANIEL SUPPIAH, DILRY MASHUDA DANIEL, PRAVIN JOASH DANIEL et

AVINASH AARON DANIEL

demandeurs

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Les demandeurs sont une famille de quatre Tamouls du Sri Lanka. Ils habitaient à Colombo où le demandeur adulte travaillait pour une entreprise qui fournissait des matériaux, y compris des gilets pare-balles, aux forces de sécurité sri-lankaises. Après, selon les allégations, s’être fait extorquer de l’argent par des militants tamouls et avoir été recherchée par l’armée, la famille s’est enfuie au Canada en 2001 et a présenté une demande d’asile.

 

[2]               La Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté le 22 janvier 2003 la demande présentée par les demandeurs au motif que leurs allégations de persécution et de crainte n’étaient pas crédibles. En novembre 2006, les demandeurs ont déposé une demande d’examen des risques avant renvoi (l’ERAR). La décision défavorable relative à l’ERAR, rendue le 4 février 2008, fait l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[3]               L’agente d’ERAR a accordé peu de poids à la nouvelle preuve présentée par les demandeurs, puisqu’elle ne provenait pas de parties désintéressées et que certains des événements décrits antérieurs à l’audience relative à leur demande d’asile n’avaient pas été invoqués devant la SPR. L’agente a également évalué les documents sur la situation dans le pays et elle a jugé que les demandeurs ne se trouvaient pas dans une situation semblable à celle dans laquelle se trouvaient les personnes exposées à un risque, parce qu’ils venaient de Colombo et parce qu’elle avait conclu qu’ils n’étaient recherchés ni par les militants tamouls ni par les autorités sri‑lankaises. L’agente a donc conclu que les demandeurs n’étaient pas personnellement exposés à un risque de persécution ou de peines cruelles et inusitées.

 

[4]               Les demandeurs soutiennent que l’agente a commis une erreur :

a.       en rejetant la nouvelle preuve qu’ils ont présentée à l’appui de leur demande; et

b.      en omettant de fournir un fondement probatoire clair justifiant les conclusions qu’elle a tirées suivant l’article 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR).

 

[5]               L’appréciation de la preuve constitue le domaine d’expertise principal des agents d’ERAR, et la Cour annule les décisions qu’ils prennent à cet égard uniquement lorsqu’elles sont déraisonnables. En évaluant le caractère raisonnable des conclusions de fait, la Cour est guidée par l’alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, qui lui permet de prendre des mesures si l’office fédéral a rendu sa décision de façon abusive ou arbitraire, ou sans tenir compte de la preuve.

 

[6]               Les demandeurs soulignent que l’agent d’ERAR peut uniquement examiner une nouvelle preuve en vertu de l’alinéa 113a), c’est-à-dire une preuve survenue depuis l’audience relative à la demande d’asile du demandeur ou qui n’était alors pas normalement accessible. Ils font valoir que l’agente d’ERAR qui a traité leur demande a rejeté de façon déraisonnable la preuve nouvelle, supplémentaire et crédible qu’ils ont fournie, leur enlevant ainsi toute possibilité de voir leur demande accueillie.

 

[7]               Les demandeurs soutiennent aussi que le fait que la preuve ne provienne pas de parties désintéressées ne constitue pas un fondement clair permettant de conclure qu’on ne peut s’appuyer sur celle-ci. Ils font valoir que l’agente d’ERAR aurait dû leur accorder une entrevue au motif qu’elle avait tiré les conclusions relatives à la crédibilité de la décision de la SPR, et qu’elle semblait juger que leurs documents étaient frauduleux : Masongo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 39.

 

[8]               Le défendeur soutient pour sa part que l’agente n’a pas rejeté la nouvelle preuve présentée par les demandeurs, mais qu’elle lui a raisonnablement accordé peu de poids, et que la Cour ne devrait pas intervenir. Le défendeur souligne aussi que la décision Masongo n’est d’aucun secours aux demandeurs, puisqu’elle établit que les documents censés avoir été délivrés par une autorité étrangère sont présumés valides à moins d’une preuve contraire. Les documents en l’espèce proviennent de la famille des demandeurs et non du gouvernement sri-lankais.

 

[9]               Le défendeur fait aussi valoir que l’agente d’ERAR n’a commis aucune erreur en faisant référence aux conclusions relatives à la crédibilité tirées par la SPR sans accorder une entrevue aux demandeurs. Selon lui, les demandeurs n’ont fourni aucune preuve permettant de rétablir leur crédibilité, et l’agente avait le droit de tirer les conclusions qu’elle a tirées.

 

[10]           Les affirmations des demandeurs ne résistent pas à un examen approfondi. L’agent d’ERAR est chargé d’apprécier la nouvelle preuve et de décider du poids devant lui être accordé. La Cour ne devrait pas annuler de telles conclusions, sauf si elles n’appartiennent pas aux issues raisonnables. En l’espèce, l’agente pouvait raisonnablement accorder le poids qu’elle a accordé à la nouvelle preuve et sa décision sera maintenue.

 

[11]           Les demandeurs soutiennent ensuite que l’agente d’ERAR n’a pas fourni de fondement probatoire clair permettant de conclure qu’ils ne couraient pas de risque objectif de persécution suivant l’article 97 de la LIPR. En fait, selon eux, l’agente n’a pas procédé à une analyse distincte des risques qu’ils couraient suivant l’article 97 en évaluant les risques courus par les personnes se trouvant dans une situation semblable à la leur. Ils font également valoir que l’omission d’évaluer les risques courus par les deux demandeurs mineurs constituait une erreur.

 

[12]           Le défendeur prétend que l’omission pour les demandeurs de démontrer qu’ils craignent subjectivement d’être persécutés peut vouloir dire qu’ils n’ont pas établi non plus qu’ils craignent d’être personnellement persécutés suivant l’article 97 de la LIPR : Alas c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1441. Selon lui, l’agente a conclu que la preuve montrait que les Tamouls exposés à un risque objectif de persécution ne se trouvaient pas dans une situation semblable à celle dans laquelle se trouvaient les demandeurs parce que les demandeurs venaient d’ailleurs au pays et n’intéressaient ni l’armée sri‑lankaise ni les TLET. De plus, ajoute-t-il, les risques courus par les enfants n’ont pas été invoqués séparément de ceux auxquels seraient exposés leurs parents, de sorte que l’agente d’ERAR n’a pas commis d’erreur en n’en traitant pas.

 

[13]           Encore une fois, je ne trouve aucune erreur dans la décision de l’agente. L’appréciation suivant l’article 97 vise à protéger les personnes qui ne répondent pas à la définition de réfugié au sens de la Convention, mais qui sont véritablement exposées à un risque de persécution en raison de leur situation personnelle. Pour déterminer si une telle protection est justifiée, l’agent d’ERAR doit tenir compte de tout acte de persécution que les demandeurs ont personnellement subi ainsi que de tout acte de persécution subi par des personnes se trouvant dans une situation semblable à celle des demandeurs et qui peuvent donc les représenter. À cet égard, il est essentiel que l’identité des « personnes se trouvant dans une situation semblable » ressemble le plus possible à celle des demandeurs, d’un point de vue ethnique, géographique ou autre.

 

[14]           Dans son examen de la preuve objective, l’agente a dûment tenu compte de la situation personnelle des demandeurs et a expliqué en quoi les Tamouls exposés à un risque objectif de persécution au Sri Lanka étaient différents des demandeurs. À mon sens, sa décision n’a rien de déraisonnable et ne doit pas être annulée.

 

[15]           Pour ce qui est de l’omission d’examiner les risques courus par les enfants, il est clair que l’agente d’ERAR n’est tenue d’examiner que les risques invoqués par les demandeurs. En l’espèce, on n’a pas prétendu que les enfants couraient des risques distincts de ceux auxquels seraient exposés leurs parents. L’agente n’a donc pas commis d’erreur en examinant simultanément toutes les demandes et en arrivant à ce qui a déjà été jugé comme une décision raisonnable.

 

[16]           Pour les motifs qui précèdent, la présente demande est rejetée.

 

[17]           Aucune question de portée générale n’a été soumise aux fins de certification.

 


 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

« Louis S. Tannenbaum »

Juge suppléant

 

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1282-08

 

INTITULÉ :                                       DANIEL SUPPIAH ET AUTRES c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 16 SEPTEMBRE 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE SUPPLÉANT TANNENBAUM

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       LE 20 OCTOBRE 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Robert Blanshay

 

POUR LES DEMANDEURS

David Knapp

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Robert I. Blanshay

Canadian Immigration Lawyers

 

POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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