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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20081008

Dossier : IMM-1210-08

Référence : 2008 CF 1144

Ottawa (Ontario), le 8 octobre 2008

En présence de monsieur le juge Orville Frenette

 

ENTRE :

PICKTON ALFANSO EARL

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La présente demande de contrôle judiciaire, présentée en application de l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), vise une décision par laquelle une agente des visas a conclu le 21 janvier 2008 que le demandeur ne satisfaisait pas à l’obligation de résidence au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés, et elle a refusé de substituer sa propre appréciation de l’aptitude du demandeur à réussir son établissement économique au Canada aux critères prévus.

 

CONTEXTE

[2]               Le demandeur, son épouse et son fils sont tous citoyens de la Jamaïque. Ils sont au Canada depuis 2001 grâce à des visas de résidents temporaires. Le demandeur occupe un poste de pasteur au sein d’une congrégation à Scarborough, pour lequel il est autorisé à travailler sans permis en vertu du paragraphe 186(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés.

 

[3]               Le demandeur a sollicité la qualité de résident permanent au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés en avril 2006. Il avait demandé dans ses observations que les études de son épouse soient prises en compte dans le calcul de l’attribution des points. En février 2008, il a également demandé qu’on procède à une substitution d’appréciation en application du paragraphe 76(3) du Règlement.

 

DÉCISION

[4]               L’agente a souligné que l’épouse du demandeur détenait un diplôme en études bibliques de l’International School of Ministry et un grade d’associé en études bibliques de la Vision International University. Elle a expliqué que ni l’un ni l’autre de ces diplômes ne répondait à la définition de « diplôme » prévue à l’article 73 du Règlement et ne leur a attribué aucun point au titre de la capacité d’adaptation énoncée à l’article 83.

 

[5]               L’agente a ensuite examiné la demande de substitution d’appréciation et précisé que la preuve relativement à ce poste de pasteur, y compris le nom officiel de l’église pour laquelle le demandeur prétendait avoir occupé ce poste, n’était pas claire. Elle a donc refusé de substituer son appréciation de l’aptitude du demandeur à réussir son établissement économique au Canada aux critères prévus.

 

NORME DE CONTRÔLE

[6]               Étant donné que la décision de l’agente relative à la demande de substitution de l’appréciation de l’aptitude du demandeur à réussir son établissement économique est de nature discrétionnaire, il faut faire preuve d’une grande retenue, et la décision ne sera annulée que si elle n’appartient pas aux issues possibles raisonnablement acceptables (Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, (2008) 1 R.C.S. 190).

 

Question A – Les études de l’épouse du demandeur

[7]               Le demandeur affirme que son épouse a obtenu un grade d’associé en études bibliques de la Vision International University et un diplôme en études bibliques de l’International School of Ministry.

 

[8]               Le demandeur allègue que l’agente a commis une erreur à cet égard puisqu’elle n’a pas fait de recherche approfondie sur ces diplômes avant de conclure qu’il n’y avait aucune preuve que les établissements en question étaient accrédités.

 

[9]               Le défendeur soutient que l’agente a bien vérifié dans sa recherche le statut de ces établissements en consultant des sites Web officiels dont les renseignements sont généralement reconnus comme exacts.

 

ANALYSE

[10]           La preuve révèle que l’agente a consulté des sources gouvernementales vérifiables et fiables qui sont régulièrement utilisées pour vérifier si des établissements d’enseignement sont accrédités par le pays de délivrance des documents. 

 

[11]           Plus particulièrement, l’agente a fait une recherche sur les établissements susmentionnés en consultant les sites Web « U.S. Department of Education Database of Accredited Postsecondary Institutions and Programs » et « Service Ontario Website » et le propre site Web de la Vision International University (www.vision.edu).

 

[12]           Les établissements susmentionnés ne figuraient nulle part sauf sur le site Web de la Vision International University.

 

[13]           Cet établissement n’est pas accrédité par un organisme d’accréditation reconnu par le Département américain de l’éducation ou par le Conseil sur l’accréditation des établissements d’enseignement supérieur.

 

[14]           Le demandeur n’a produit aucune preuve qui allait à l’encontre des résultats de cette recherche. Il est possible de soutenir que des « coupures de presse et des documents provenant de sources telles que les rapports du Département d’État des États-Unis » ne sont pas nécessairement la « meilleure preuve », mais la Cour peut en tenir compte et décider de la fiabilité et du poids à leur accorder (Beloya c. Canada (MCI) 2005 CF 1092, au paragraphe 16).

 

[15]           Cependant, une telle documentation, même si elle est contestée, ne peut tout bonnement être écartée, sauf si elle est jugée non fiable ou sans valeur probante.

 

[16]           Dans la présente affaire, on ne peut faire abstraction de la vérification faite par l’agente sur des sites Web officiels et reconnus. Les appréciations de l’agente reposent sur cette vérification, selon laquelle les établissements d’enseignement susmentionnés ne sont pas accrédités et que, par conséquent, ils ne peuvent satisfaire à la définition prévue à l’article 73 du Règlement et, puisqu’elle n’a pas été contredite, elle n’est donc pas contestée.

 

[17]           La décision de l’agente de ne pas attribuer de point pour le facteur des études de l’épouse appartient aux issues possibles, acceptables ou raisonnables, pouvant se justifier au regard de la preuve (Dunsmuir, précité).

 

Question B – Substitution d’appréciation conformément au « paragraphe 76(3) du Règlement »

Disposition législative

Substitution de l’appréciation de l’agent à la grille

(3) Si le nombre de points obtenu par un travailleur qualifié — que celui-ci obtienne ou non le nombre minimum de points visé au paragraphe (2) — ne reflète pas l’aptitude de ce travailleur qualifié à réussir son établissement économique au Canada, l’agent peut substituer son appréciation aux critères prévus à l’alinéa (1)a).

Circumstances for officer's substituted evaluation

(3) Whether or not the skilled worker has been awarded the minimum number of required points referred to in subsection (2), an officer may substitute for the criteria set out in paragraph (1)(a) their evaluation of the likelihood of the ability of the skilled worker to become economically established in Canada if the number of points awarded is not a sufficient indicator of whether the skilled worker may become economically established in Canada.

 

[18]           Le demandeur soutient que l’agente n’a pas tenu compte de la preuve présentée à l’appui de la demande de résidence permanente et de la demande de substitution d’appréciation qui lui aurait permis d’obtenir le nombre de points qui lui manquait. Un demandeur peut demander que des études soient considérées comme un substitut pour compenser son résultat inférieur au 67 points requis, si ce résultat insuffisant ne reflète pas son aptitude en tant que travailleur qualifié à réussir son établissement économique au Canada. Le demandeur allègue que l’agente n’a pas tenu compte de la preuve à cet égard et qu’elle a donc commis une erreur susceptible de contrôle (Lam c. Canada (MCI) (1998), F.T.R. 316 no 1239 et Yan c. Canada (MCI) (2003) A.C.F. no 655, au paragraphe 24).

[19]           Le défendeur réplique que l’agente a bel et bien tenu compte de la preuve, plus particulièrement de l’expérience du demandeur en tant que pasteur au Canada.

[20]           L’agente a conclu que l’emploi du demandeur [traduction] « ne reflétait pas fidèlement son aptitude à réussir son établissement économique et, par conséquent, n’a pas recommandé que l’on substitue l’appréciation du facteur études en sa faveur » (notes du STIDI, dossier du demandeur, page 1042).

[21]           La décision relève clairement de l’exercice du pouvoir discrétionnaire de l’agente, et elle suit la directive de l’arrêt Dunsmuir, puisqu’elle appartient aux issues raisonnables au regard des faits; en conséquence, aucun motif ne saurait valablement justifier un contrôle judiciaire.

DISCUSSION

[22]           Comme il a été dit précédemment, l’agente a consulté des sources gouvernementales vérifiables et fiables qui sont régulièrement utilisées pour vérifier si des établissements d’enseignement sont accrédités par le pays de délivrance des documents.

[23]           Dans cette ère technologique, les renseignements qui figurent sur des sites Web officiels sont couramment invoqués par le gouvernement, les entreprises, l’industrie et les établissements d’enseignement. Ainsi, les agents des visas ou de la Section de l’immigration ont raison d’utiliser ces sites sinon le processus de demandes serait indûment retardé. Évidemment, ces renseignements peuvent être contestés, mais s’ils ne le sont pas, ils peuvent être invoqués.

[24]           Dans le présent cas, la recherche faite par l’agente était acceptable, demeurant incontestée, et le pouvoir discrétionnaire qu’elle a exercé en examinant la preuve, pour vérifier la validité et l’authenticité des diplômes délivrés par les établissements et pour évaluer s’il y avait lieu de substituer son appréciation des points en fait attribués, est justifié.

CONCLUSION

[25]           En somme, la décision de l’agente appartient aux issues possibles au regard de la preuve et doit être respectée selon Dunsmuir (précité).

[26]           La demande doit donc être rejetée.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
  2. Aucune question n’a été soumise pour certification.

 

 

« Orville Frenette »

Juge suppléant

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Caroline Tardif, LL.B., B.A.Trad.


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1210-08

 

INTITULÉ :                                       PICKTON ALFANSO EARL

                                                            c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 1er octobre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge suppléant Frenette

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 8 octobre 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Mariana Brankovic

POUR LE DEMANDEUR

PICKTON ALFANSO EARL

 

Bernard Assan

POUR LE DÉFENDEUR

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’ IMMIGRATION

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Mariana Brankovic

c/o Niren & Associates

20, ave Eglinton Ouest, bureau 2202, C.P. 2023

Toronto (Ontario)  M4R 1K8

POUR LES DEMANDEURS

 

 

 

 

 

Ministère de la Justice

Tour Exchange

30, rue King Ouest, bureau 3400

C.P. 36

Toronto (Ontario)  M5X 1K6

Fax : (416) 954-8982

POUR LE DÉFENDEUR

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’ IMMIGRATION

 

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