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Date : 20081014

Dossier : IMM-1610-08

Référence : 2008 CF 1160

Ottawa (Ontario), le 14 octobre 2008

En présence de monsieur le juge Martineau

 

ENTRE :

MAHAD MAHDI

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire, présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), d’une décision défavorable rendue le 29 février 2008 par L. Krajcovic, agent d’examen des risques avant renvoi (l’agent d’ERAR).

 

[2]               Le demandeur, Mahad Mahdi, est né le 6 juin 1964 à Mogadishu, en Somalie et est citoyen de ce pays. Le 14 juillet 1995, il est arrivé au Canada et a demandé l’asile en qualité de réfugié au sens de la Convention. Il a allégué craindre avec raison d’être persécuté du fait de son appartenance à un groupe et des opinions politiques qu’on lui impute.

 

[3]               Le 28 novembre 1997, la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a rejeté la demande du demandeur. La Commission a jugé que le demandeur n’était pas un témoin « crédible ni digne de foi relativement à des aspects essentiels de sa demande d’asile ». En outre, la Commission a reconnu l’appartenance du demandeur au clan abgal. Cependant, elle a conclu qu’elle ne disposait d’aucun élément de preuve convaincant selon lequel les Abgals en Somalie sont exposés à un risque sérieux de persécution en raison de leur appartenance à un clan.

 

[4]               Quelque dix années plus tard, le 11 octobre 2007 plus précisément, le demandeur a présenté une demande d’ERAR sans produire de preuve supplémentaire à l’appui. Le 29 février 2008, l’agent d’ERAR a rendu une décision défavorable et conclu que le demandeur n’avait pas réussi à établir qu’il craignait avec raison d’être persécuté ou qu’il serait exposé à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités.

 

[5]               La conclusion générale de l’agent d’ERAR est rédigé comme suit :

[traduction]

[…]

Je reconnais que les conditions ayant cours en Somalie ne sont pas faciles. Cependant, comme l’a indiqué la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Ward, la communauté internationale n’avait pas l’intention d’offrir un refuge à toutes les personnes qui souffrent. Le droit international relatif aux réfugiés est plutôt assujetti à des limitations et certaines suppliques peuvent être exclues de la protection internationale même si elles semblent mériter cette protection. Le risque que court le demandeur s’il retournait en Somalie ne fait pas partie des risques prévus dans les articles 96 ou 97 de la LIPR et, par conséquent, le demandeur n’est pas un réfugié au sens de la Convention ou une personne à protéger.

 

Je conclus qu’il n’existe pas plus qu’une simple possibilité que le demandeur soit persécuté s’il retournait en Somalie. À mon avis, il est moins probable que le contraire que le demandeur serait exposé à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités en Somalie.

 

[6]               Le demandeur sollicite maintenant le contrôle judiciaire des conclusions de l’agent d’ERAR, faisant valoir qu’en tant que membre du clan abgal et rapatrié en Somalie, il a qualité d’une personne à protéger. Malgré le fait que la Commission a conclu qu’il manquait de crédibilité, bien qu’aucune nouvelle preuve n’ait été produite à l’appui de la demande d’ERAR, le demandeur allègue que l’agent d’ERAR n’a pas pris en compte certains éléments de preuve documentaire facilement accessibles. L’avocat du demandeur affirme que ces éléments de preuve montrent qu’un effort délibéré est actuellement fait pour cibler des civils en raison de leur appartenance au clan opposé et qu’il y a une lutte à l’intérieur du clan abgal, et ce, même entre les membres de la majorité du clan, et que des personnes sont ciblées du fait de leur appartenance au clan. La preuve indique également que les autorités en Somalie considèrent souvent les rapatriés comme des terroristes, et que ces rapatriés sont donc susceptibles de menaces de mort étant donné qu’ils sont perçus comme des riches ou des traîtres.

 

[7]               En m’appuyant sur la jurisprudence de la Cour, je suis arrivé à la conclusion que la norme de contrôle applicable aux conclusions d’un agent d’ERAR, sauf lorsque celles-ci soulèvent de pures questions de droit, est celle de la décision raisonnable : Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] A.C.S. no 9 (QL) (l’arrêt Dunsmuir). Dans cet arrêt, au paragraphe 47, la Cour a fourni des instructions utiles sur l’application de la norme de la décision raisonnable. Le caractère raisonnable tient à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à « l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ». La Cour s’abstiendra d’intervenir dans l’examen de la preuve de l’agent d’ERAR, à moins qu’il puisse être établi de façon concluante que ce dernier n’a pas pris en compte une preuve du risque très pertinente ou l’a arbitrairement écartée (Da Mota c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2008] A.C.F. no 509, 2008 CF 386, au paragraphe 15), ce qui n’est pas le cas dans la présente instance.

 

[8]               Je suis entièrement d’accord avec le défendeur pour dire que le fardeau de la preuve incombe au demandeur (Bayavuge c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2008] A.C.F. no 111, aux paragraphes 42 à 49, 2007 CF 65). Il est évident que le demandeur n’a tout simplement pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, qu’il s’exposerait à un danger ou un risque au sens des articles 96 et 97 de la Loi. Le demandeur n’a déposé aucun document supplémentaire à l’appui de sa demande d’application d’ERAR. La conclusion de l’agent d’ERAR repose sur la preuve documentaire et est raisonnable dans les circonstances. Contrairement aux prétentions du demandeur, après avoir examiné la preuve documentaire sur le site Web de la Commission, ainsi que la preuve documentaire à laquelle l’agent d’ERAR a fait référence, je conclus que l’agent d’ERAR a bel et bien tenu compte de la version à jour de la preuve documentaire sur laquelle le demandeur cherche maintenant à s’appuyer. En évaluant le risque que court le demandeur, l’agent d’ERAR a tenu compte de la directive opérationnelle de novembre 2007 du Home Office du Royaume‑Uni (le Royaume-Uni (R.‑U.)). 12 novembre 2007 : Home Office. Border and Immigration Agency. Operational Guidance Note : Somalia). Ce document reposait à son tour sur des renseignements contenus dans la version mise à jour du rapport de novembre 2007 du Home Office du Royaume‑Uni sur la situation du pays (le Royaume-Uni (R.‑U.)). 12 novembre 2007. IND-RDS COI Service. Somalia Country of Origin Information Report). On cite la position du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (le HCR des Nations Unies) sur le renvoi des demandeurs d’asile refusés. Sa conclusion est la suivante : [traduction] « [nous] n’acceptons donc pas la conclusion du HCR des Nations Unies, fondée sur la vue d’ensemble de la situation générale, selon laquelle il est dangereux pour toutes les personnes qui se sont vu refuser une forme quelconque de protection internationale de retourner en Somalie. »

 

[9]               En l’espèce, la conclusion générale de l’agent d’ERAR constitue l’une des issues possibles acceptables, et le demandeur n’a pas réussi à démontrer qu’elle était déraisonnable. Selon la preuve documentaire, on trouve des « renseignements plus ou moins contradictoires » sur la situation en matière de sécurité à l’égard des Somaliens ordinaires (y compris les membres de certains clans) et de ceux qui sont rapatriés en Somalie. Ni le document sur lequel s’appuie ici le demandeur, ni la version à jour invoquée par l’agent d’ERAR, établit de manière concluante que les membres du clan abgal ou les rapatriés sont à l’heure actuelle personnellement exposés à un risque ou recherchés en Somalie. On peut comprendre que le demandeur ne veuille pas retourner en Somalie en raison de la guerre en cours et des conditions générales dans le pays. Cependant, le demandeur n’a pas fondé sa demande sur l’article 96 de la Loi, ni n’est visé par l’article 97 de la Loi (qui exige que le risque soit personnel plutôt que général). Il n’y a pas plus qu’une simple possibilité que le demandeur soit exposé à de la persécution advenant un retour en Somalie et, au vu des faits présentés et des conditions actuelles dans le pays, la crainte du demandeur ne constitue pas un risque personnel.

 

[10]           La présente demande doit être rejetée. Les avocats conviennent que la présente affaire ne soulève pas de question de portée générale et aucune question ne sera énoncée par la Cour.


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question n’est certifiée.

« Luc Martineau »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Caroline Tardif, LL.B., B.A. Trad.

 


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1610-08

 

INTITULÉ :                                       MAHAD MAHDI c. MCI

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 8 octobre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE MARTINEAU

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 14 octobre 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Jack Martin

416-351-8600

 

POUR LE DEMANDEUR

Rhonda Marquis

416-952-4640

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Jack Martin

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims

Sous-procureur général du Canada

Bureau régional de l’Ontario

POUR LE DÉFENDEUR

 

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