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Date : 20081001

Dossier : T-1122-06

Référence : 2008 CF 1075

Dans l’affaire de la Loi de l’impôt sur le revenu,

- et -

Dans l’affaire d’une cotisation ou des cotisations établies par le ministre du Revenu national en vertu d’une ou plusieurs des lois suivantes : la Loi de l’impôt sur le revenu, le Régime de pensions du Canada, la Loi sur l’assurance-emploi,

 

ENTRE :

DANIEL HAZAN

6521, Chemin Merton

Côte Saint-Luc

Province de Québec

H4V 1C4

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

Le juge Pinard

 

[1]                           Il s’agit ici d’une requête par Daniel Hazan en vertu du paragraphe 225.2(8) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.) (la Loi), pour réviser l’ordonnance prononcée par mon collègue le juge Michel Shore le 11 juillet 2006.

 

[2]                           Daniel Hazan (« le requérant ») est un homme d’affaires de Côte-St-Luc, province de Québec. Suite à une vérification par l’Agence du revenu du Canada (« l’Agence »), le revenu du requérant pour chacune des années 2001 et 2002 a été redressé de la façon suivante :

-  Pour l’année 2001, le requérant avait déclaré un revenu total de 9 672 $; la vérification a déterminé un revenu imposable révisé de 375 295 $.

-  Pour l’année 2002, le requérant avait déclaré un revenu de 9 759 $; la vérification a déterminé un revenu imposable révisé de 208 899 $.

 

[3]                           Subséquemment, le requérant s’est opposé aux avis de cotisation datés du 31 janvier 2005, pour le revenu supplémentaire ainsi attribué à ses années d’imposition 2001 et 2002. En août 2006, l’Agence a envoyé au requérant un Avis de ratification des cotisations en question.

 

[4]                           Le 4 février 2005, le juge von Finckenstein a déterminé selon la déclaration solennelle de François Bacave, agent de recouvrement au bureau des services fiscaux de l’Agence, qu’il existait des motifs raisonnables de croire que l’octroi à monsieur Hazan d’un délai pour payer la somme demandée en compromettrait le recouvrement. Il a ainsi autorisé l’exécution immédiate de toutes et chacune des mesures visées aux alinéas a) à g) du paragraphe 225.1(1) de la Loi afin de garantir le paiement de 233 668,81 $, la cotisation pour les années 2001 et 2002. Cette ordonnance du juge von Finckenstein n’a pas été contestée.

 

[5]                           En janvier 2006, l’Agence a procédé à la vérification des revenus pour l’année d’imposition 2003. Le 17 mai 2006, un avis de cotisation pour la somme de 111 507,61 $ a été émis contre le requérant qui s’y est opposé par un avis d’opposition daté du 4 août 2006.

[6]                           Le 11 juillet 2006, le juge Shore a rendu l’ordonnance visée par la présente demande de révision, ordonnance autorisant l’Agence à prendre immédiatement toutes et chacune des mesures visées aux alinéas a) à g) du paragraphe 225.1(1) de la Loi, ou l’une ou plusieurs d’entres elles, afin de percevoir et/ou garantir le paiement par Daniel Hazan d’une somme de 111 507,61 $, plus intérêts, réclamée par l’Agence pour l’année 2003. La Cour a conclu, sur la base des déclarations solennelles de messieurs François Bacave et Pierre Léger, qu’il existait des motifs raisonnables de croire que l’octroi à monsieur Hazan d’un délai pour payer ladite somme en compromettrait le recouvrement en tout ou en partie. L’autorisation a été fournie par la Cour ex parte, conformément au paragraphe 225.2(2) de la Loi.

 

* * * * * * * *

 

[7]                           Les dispositions suivantes de la Loi sont pertinentes :

  152. (8) Sous réserve des modifications qui peuvent y être apportées ou de son annulation lors d’une opposition ou d’un appel fait en vertu de la présente partie et sous réserve d’une nouvelle cotisation, une cotisation est réputée être valide et exécutoire malgré toute erreur, tout vice de forme ou omission dans cette cotisation ou dans toute procédure s’y rattachant en vertu de la présente loi.

  152. (8) An assessment shall, subject to being varied or vacated on an objection or appeal under this Part and subject to a reassessment, be deemed to be valid and binding notwithstanding any error, defect or omission in the assessment or in any proceeding under this Act relating thereto.

 

 

  225.2 (1) Au présent article, « juge » s’entend d’un juge ou d’un juge local d’une cour supérieure d’une province ou d’un juge de la Cour fédérale.

 

  (2) Malgré l’article 225.1, sur requête ex parte du ministre, le juge saisi autorise le ministre à prendre immédiatement des mesures visées aux alinéas 225.1(1)a) à g) à l’égard du montant d’une cotisation établie relativement à un contribuable, aux conditions qu’il estime raisonnables dans les circonstances, s’il est convaincu qu’il existe des motifs raisonnables de croire que l’octroi à ce contribuable d’un délai pour payer le montant compromettrait le recouvrement de tout ou partie de ce montant.

 

[…]

 

  (8) Dans le cas où le juge saisi accorde l’autorisation visée au présent article à l’égard d’un contribuable, celui-ci peut, après avis de six jours francs au sous-procureur général du Canada, demander à un juge de la cour de réviser l’autorisation.

 

[…]

 

  (11) Dans le cas d’une requête visée au paragraphe (8), le juge statue sur la question de façon sommaire et peut confirmer, annuler ou modifier l’autorisation et rendre toute autre ordonnance qu’il juge indiquée.

  225.2 (1) In this section, “judge” means a judge or a local judge of a superior court of a province or a judge of the Federal Court.

 

 

  (2) Notwithstanding section 225.1, where, on ex parte application by the Minister, a judge is satisfied that there are reasonable grounds to believe that the collection of all or any part of an amount assessed in respect of a taxpayer would be jeopardized by a delay in the collection of that amount, the judge shall, on such terms as the judge considers reasonable in the circumstances, authorize the Minister to take forthwith any of the actions described in paragraphs 225.1(1)(a) to 225.1(1)(g) with respect to the amount.

 

[…]

 

  (8) Where a judge of a court has granted an authorization under this section in respect of a taxpayer, the taxpayer may, on 6 clear days notice to the Deputy Attorney General of Canada, apply to a judge of the court to review the authorization.

 

[...]

 

  (11) On an application under subsection 225.2(8), the judge shall determine the question summarily and may confirm, set aside or vary the authorization and make such other order as the judge considers appropriate.

 

 

 

 

* * * * * * * *

 

 

 

[8]                           Dans ses prétentions écrites, le requérant résume ses arguments ainsi :

La preuve soumise au soutien de la requête pour autorisation d’exécution immédiate n’est pas convaincante et n’établie (sic) pas hors de tous soupçons que l’intimée tente de soustraire ses biens à la créance du requérant.

 

L’intimée a certes vendu certaines de ces propriétés et obtenu divers prêts, mais il n’était pas difficile de retracer ces fonds ni de les percevoir. M. Daniel Hazan n’a jamais tenté de camoufler ces transactions. L’intimée n’a posé aucun geste laissant croire à la mise en œuvre de scénarios dans le but se (sic) soustraire ses actifs de la créance du requérant.

 

 

 

[9]                           Finalement, il prétend : « Nous soumettons que la requête pour autorisation d’exécution immédiate était excessive, abusive et basée sur des préjugés défavorables ».

 

[10]                       À l’audition devant moi, le procureur du requérant a réitéré essentiellement les mêmes arguments, corrigeant toutefois son tir quant au fardeau de la preuve qu’impose le paragraphe 225.2(2) de la Loi au ministre.

 

[11]                       Je ne peux souscrire aux prétentions du requérant voulant que le ministre n’ait pas démontré qu’il existe des motifs raisonnables de croire que lui octroyer un délai pour payer la somme réclamée compromettrait le recouvrement de tout ou une partie de ce montant.

 

[12]                       Dans Le ministre du Revenu national et 514659 B.C. Ltd., 2003 CFPI 148, mon collègue le juge François Lemieux, s’appuyant sur une décision de la Cour d’appel fédérale, précise le fardeau imposé au ministre par le paragraphe 225.2(2) de la Loi comme suit :

[6]     J’interprète les mots « motifs raisonnables de croire » comme établissant une norme de preuve qui « sans être une prépondérance des probabilités, suggère néanmoins la croyance légitime à une possibilité sérieuse en raison de preuves dignes de foi » (voir paragraphe 28 de l’arrêt Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Qu, [2002] 3 C.F. 3 (C.A.)).

 

 

 

[13]                       À mon sens, la preuve présentée par le requérant contribuable ne suscite aucun doute raisonnable quant à la suffisance des éléments de preuve initialement produits par le ministre au soutien de sa requête ex parte (voir La Reine c. Satellite Earth Station Technology Inc., [1989] 2 C.T.C. 291, (1989), 30 F.T.R. 94). D’ailleurs, tous les avis de cotisation émis à l’encontre du requérant devaient alors être présumés valides et exécutoires (paragraphe 152(8) de la Loi).

 

[14]                       C’est donc fondamentalement à la lumière de cette preuve, qui émane clairement des paragraphes 2 à 54 de la déclaration solennelle de l’agent de recouvrement François Bacave, datée du 1er février 2005, des paragraphes 2 à 15 de la déclaration solennelle de l’agent de recouvrement Pierre Léger, datée du 29 juin 2006 et de la preuve documentaire à laquelle ces déclarations réfèrent, que je dois conclure au défaut par le requérant de me satisfaire que le ministre n’a pas repoussé son fardeau en vertu du paragraphe 225.2(2) de la Loi.

 

[15]                       De toute façon, le requérant n’a apporté lui-même aucune preuve pertinente et suffisante pour me satisfaire que le ministre ne pouvait être convaincu de l’existence de motifs raisonnables de croire, i.e. que le ministre ne pouvait avoir une « croyance légitime à une possibilité sérieuse en raison de preuves dignes de foi », que l’octroi au requérant d’un délai pour payer le montant en cause compromettrait le recouvrement de tout ou partie de ce montant. À mon avis, les preuves avancées par le ministre de l’historique de l’interaction entre l’Agence et le requérant depuis 1990 sont largement suffisantes pour soutenir le critère de l’article 225.2 de la Loi. Le requérant ne présente aucune explication crédible pour des agissements fiscaux clairement non-orthodoxes. D’ailleurs, le reproche qu’il fait au ministre d’avoir réutilisé la déclaration solennelle de monsieur Bacave pour obtenir l’ordonnance en 2005 et en 2006 n’a aucun fondement. Les motifs retirés de la déclaration sont aussi pertinents pour les deux requêtes. Je note que les faits soulevés dans la déclaration solennelle plus récente de monsieur Bacave (en date du 15 août 2008) révèlent un comportement depuis juillet 2006 de la part de monsieur Hazan qui s’accorde avec celui décrit auparavant. Quant à l’allégation de monsieur Léger, au sujet de l’emprunt de 50 000 $ fait par le requérant auprès de sa sœur Yvonne, le requérant présente une explication alternative, mais je ne suis pas satisfait que cela rende celle offerte par monsieur Léger non crédible.

 

[16]                       Il est vrai que dans sa déclaration solennelle originale, l’agent de recouvrement Bacave indique que, compte tenu des agissements antérieurs du requérant, il est « possible » à ce dernier de faire à nouveau publier un lien sur sa résidence dans le but d’en réduire ou d’en supprimer l’équité. Toutefois, c’est au juge saisi de la requête faite en vertu du paragraphe 225.2(2) de la Loi qu’il appartient de déterminer, à la lumière de l’ensemble de la preuve qui lui est présentée, le sérieux de cette possibilité, ce qu’il a fait en exprimant, dans son ordonnance :

     Il existe des motifs raisonnables de croire que l’octroi à M. Daniel Hazan d’un délai pour payer la susdite somme en compromettrait le recouvrement en tout ou en partie.

 

 

 

[17]                       Dans les circonstances, il ne m’apparaît pas opportun d’intervenir et la requête en révision doit être rejetée. Il n’y a pas d’adjudication de dépens en faveur du ministre, ce dernier n’en ayant pas demandés.

 

 

« Yvon Pinard »

Juge

 

Ottawa (Ontario)

Le 1er octobre 2008

 

 


 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-1122-06

 

INTITULÉ :                                       Dans l’affaire de la Loi de l’impôt sur le revenu et DANIEL HAZAN

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 17 septembre 2008

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :  Le juge Pinard

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 1er octobre 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

 

Me Henri Simon

 

 

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Me Julie Mousseau

 

 

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

Simon & Associés

Montréal (Québec)

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

 

 

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

 

 

 

 


 

 

 

Date : 20081001

Dossier : T-1122-06

Ottawa (Ontario), ce 1e jour d’octobre 2008

En présence de monsieur le juge Yvon Pinard

 

Dans l’affaire de la Loi de l’impôt sur le revenu,

- et -

Dans l’affaire d’une cotisation ou des cotisations établies par le ministre du Revenu national en vertu d’une ou plusieurs des lois suivantes : la Loi de l’impôt sur le revenu, le Régime de pensions du Canada, la Loi sur l’assurance-emploi,

 

CONTRE :

DANIEL HAZAN

6521, Chemin Merton

Côte Saint-Luc

Province de Québec

H4V 1C4

 

ORDONNANCE

 

 

            La requête en révision est rejetée, sans frais.

 

 

« Yvon Pinard »

Juge

 

 

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