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Date : 20080930

Dossier : T-470-08

                                                                                                                Référence : 2008 CF 1091

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 30 septembre 2008

En présence de madame la protonotaire Milczynski

 

ENTRE :

TEVA NEUROSCIENCE G.P.-S.E.N.C.

demanderesse

 

et

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               TEVA NEUROSCIENCE G.P.-S.E.N.C. (« Teva ») sollicite le contrôle judiciaire d’une décision rendue le 25 février 2008 par le Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés à l’effet que le médicament Copaxone de Teva était vendu à un prix excessif et de l’ordonnance finale et des motifs du Conseil datés du 12 mai 2008 ordonnant à Teva de faire un paiement à Sa Majesté la Reine du chef du Canada.

[2]               Dans sa requête, Teva demande la permission de déposer des parties de l’affidavit qui appuie sa requête et de son dossier de requête, conformément à la règle 152 des Règles des Cours fédérales, et de modifier le calendrier dans cette affaire. Teva a déposé le consentement du défendeur et un projet d’ordonnance. Pour les motifs qui suivent, cependant, la requête est rejetée.

[3]               La règle 152 des Règles des Cours fédérales prévoit que lorsqu’un document ou un élément matériel doit être considéré comme confidentiel, en vertu d’une règle de droit ou parce que la Cour l’a ordonné, la partie qui le dépose peut le faire de telle manière que le public n’a pas accès à cette partie du dossier de la Cour.  

[4]               En vertu de la règle 151 des Règles, avant de rendre une telle ordonnance extraordinaire, la Cour doit être convaincue de la nécessité de considérer les documents ou éléments matériels comme confidentiels, étant donné l’intérêt du public à la publicité des débats judiciaires. Il ne s’agit pas d’un exercice cavalier et le recours exceptionnel demandé par une partie ne devrait pas non plus être pris à la légère. Le critère est clair, comme il a été énoncé par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Sierra Club of Canada c. Canada (Ministre des Finances), [2002] 2 RCS 522, la question fondamentale est de savoir si le droit à la liberté d’expression et le principe de la publicité des débats judiciaires devraient être compromis. Une ordonnance de confidentialité ne devrait être accordée que lorsque la preuve faite devant la Cour convainc celle-ci qu’elle est nécessaire pour écarter un risque sérieux pour un intérêt important, y compris un intérêt commercial, dans le contexte d’un litige, en l’absence d’autres options raisonnables pour écarter ce risque, et lorsque ses effets bénéfiques, y compris ses effets sur le droit des justiciables civils à un procès équitable, l’emportent sur ses effets sur l’intérêt du public dans la publicité des débats judiciaires.

[5]               En l’espèce, Teva vise à faire sceller deux catégories d’information. Selon la définition donnée dans le projet d’ordonnance, ce sont :

(i)                  l’information que la demanderesse et le personnel du Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés ont convenu de traiter de façon confidentielle durant la procédure devant le Conseil;

(ii)                les documents dont le Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés a ordonné qu’ils soient traités de façon confidentielle.

[6]               Les deux catégories d’information sont décrites de façon plus générale dans l’affidavit de Brad Elberg, un avocat de la firme qui représente Teva. L’information tenue confidentielle par entente entre les parties est décrite comme [traduction] « de l’information exclusive sur les prix à propos du prix de transaction moyen du Copaxone, de son prix maximum non excessif et d’autres renseignements confidentiels que Teva était tenue de fournir au personnel du Conseil dans le cadre de son dépôt réglementaire en vertu de la Loi sur les brevets » (cette information est précisément celle qui est décrite à la section 4 du dépôt réglementaire).

[7]               En appui au maintien de la confidentialité de cette information dans la présente procédure, l’affidavit de M. Elberg indique qu’il a été informé par le directeur général de Teva, M. Jon Congleton, que [traduction] « Teva a toujours considéré que ces renseignements étaient confidentiels, les a toujours traités de façon confidentielle, ne les divulgue pas sur demande; la divulgation de ces renseignements à ses concurrents lui causerait un préjudice direct et substantiel en fournissant un avantage concurrentiel à ses concurrents, et une telle divulgation pourrait aussi nuire à la relation entre Teva et ses clients ». N’eût été les exigences de la Loi, ces renseignements n’auraient pas été divulgués en dehors de la structure d’entreprise de Teva.

[8]               Sur la base de ces affirmations et de la preuve déposée, je ne suis pas en mesure de conclure que cette partie de l’information non publique sur les prix de Teva devrait être scellée et que l’accès du public au dossier de la Cour devrait être restreint. Le dossier de requête n’indique pas clairement quelle est même la nature de cette information ou comment sa divulgation pourrait causer un préjudice à Teva ou créer un avantage concurrentiel indu pour ses concurrents tel que le résultat, que ce soit entre des sociétés pharmaceutiques ou par son effet sur l’industrie pharmaceutique, ne soit pas d’intérêt public. Le dossier de requête mentionne simplement les termes définis sans aucune définition ou description détaillée qui aiderait la Cour, et le projet d’ordonnance fait simplement mention de [traduction] « ces documents » qui ont été [traduction] « traités de façon confidentielle » à la suite d’une entente entre Teva et le personnel du Conseil. La Cour ne peut cependant pas simplement entériner d’office toute entente intervenue entre les avocats concernant la confidentialité et la mise sous scellés de dossiers publics – la publicité des débats judiciaires et l’intérêt public ne peuvent être restreints que dans des situations claires.

[9]               En ce qui a trait à l’information dont le conseil a ordonné le maintien du caractère confidentiel, cette information est décrite comme des renseignements exclusifs sur les prix internationaux de Teva concernant le Copaxone. Le caractère confidentiel de cette information a été contesté par le personnel du Conseil et a fait l’objet d’une audience préliminaire et d’une ordonnance du Conseil accordant l’ordonnance de confidentialité sollicitée par Teva.

[10]           Après avoir examiné le dossier déposé dans la présente requête, je conclus que ce qui pourrait être considéré comme des renseignements exclusifs, au mieux, est le format de ces renseignements et le fait que ce soit Teva qui les ait recueillis et organisés. Ces renseignements, cependant, sont des renseignements dont le caractère public est reconnu. Dans son affidavit, M. Elberg déclare que [traduction] « bien que ces renseignements puissent être recueillis auprès de différentes sources dans le public, la divulgation de renseignements sur les prix internationaux de Teva au public réduirait le temps, les efforts et les dépenses connexes que les concurrents devraient engager pour les obtenir, leur conférant ainsi un avantage concurrentiel qu’ils n’auraient peut-être pas autrement. »  M. Elberg a en outre été informé par M. Congleton qu’une telle divulgation pourrait nuire aux relations entre Teva et ses clients. Voici ce qu’a déclaré M. Congleton à propos de ces renseignements lors de l’audience devant le Conseil :

[traduction] « Je crois que la raison pour laquelle nous aimerions que ces renseignements demeurent confidentiels est que, bien qu’il s’agisse d’information publique, il est très rare de la voir compilée de cette façon... il est évident que nos concurrents aimeraient obtenir des renseignements compilés de cette façon. Il n’est certainement pas question de dire qu’ils ne pourraient pas les produire. Il n’est pas question non plus de dire qu’ils ne pourraient pas y accéder, mais cela leur demanderait beaucoup d’efforts, alors que si cela devenait de l’information d’ordre public, ils y auraient accès facilement, et cela leur donnerait essentiellement un coup d’œil sur notre stratégie élargie de prix à l’échelle mondiale. »

 

[11]           En contre-interrogatoire, M. Congleton a convenu que l’information présentée dans les tableaux était publique, et qu’il était plus que probable que les concurrents de Teva l’avaient déjà.

[traduction] « Je ne veux pas laisser entendre qu’ils seraient surpris. Je crois que ce qui se passe ici, parce que ce sont nos renseignements et notre information sur les prix, c’est que cela pourrait valider les données qu’ils ont obtenues. Si nos concurrents dans différents pays cherchent de l’information sur nos prix, nous n’allons pas la leur fournir. Ils l’obtiendraient auprès de différents clients. Ma préoccupation tient au fait que cela validerait les recherches qu’ils ont menées dans différents pays. »

 

[12]           Enfin, mentionnons cet échange :

                    [traduction] Q. Ce sont des prix publics, rien d’autre. N’est-ce pas vrai?

                    R. C’est vrai.

                    Q. S’ils sont publics pour vous, ils sont publics pour eux.

                    R. C’est exact.

                    Q. Par conséquent, il n’existe aucune raison de croire que chaque renseignement sur cette feuille, les tableaux 3 et 4, n’est pas déjà entre les mains de vos concurrents. N’est-ce pas vrai?

                    R. C’est une supposition que je ne suis pas en mesure de valider. Je ne sais pas si c’est le cas.

                    Q. Ces renseignements sont à leur disposition.

                    R. Ces renseignements sont à leur disposition.

[13]           Bien que le Conseil ait statué que Teva pouvait déposer ces renseignements sous le sceau de la confidentialité, je ne peux pas en arriver à la même conclusion. La partie de la requête portant sur cette catégorie d’information (celle dont la confidentialité a été ordonnée par le Conseil) est rejetée.  L’information sur les prix internationaux est du domaine public – le fait que Teva ait compilé ou organisé cette information d’une certaine façon n’en fait pas automatiquement ou nécessairement de l’information confidentielle – même si cela facilite la tâche d’autres personnes.

[14]           En ce qui a trait à l’information que Teva et le personnel du Conseil ont traitée comme de l’information confidentielle, tel que noté ci-haut, la preuve est insuffisante pour conclure que le [traduction] « prix de transaction moyen du Copaxone », son [traduction] « prix maximum non excessif » et les [traduction] « autres renseignements confidentiels que Teva était tenue de fournir au personnel du Conseil dans le cadre de son dépôt réglementaire en vertu de la Loi sur les brevets » devraient être déposés devant la Cour sous le sceau de la confidentialité. Ce manque de preuve adéquate me laisse incapable de déterminer si les allégations de Teva sont fondées et si cette partie de la requête devrait être accueillie. Accordant à Teva le bénéfice du doute, cette partie de la requête est rejetée sans préjudice du droit de déposer une autre requête à l’égard de cette catégorie d’information.


 

ORDONNANCE

 

            LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

1.                  Teva peut, dans les 20 jours suivant la date de la présente ordonnance, déposer une nouvelle requête en vertu de la règle 151 des Règles des Cours fédérales à l’égard de l’information qu’elle et le personnel du Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés ont convenu de considérer comme confidentielle et de demander une prolongation du délai pour le dépôt de son affidavit.

2.                  Si Teva ne présente pas de nouvelle requête, Teva devra déposer son affidavit dans les 20 jours suivant la date de la présente ordonnance, après quoi les délais prévus aux Règles des Cours fédérales s’appliqueront.

3.                  Le reste de la requête est rejeté.

 

« Martha Milczynski »

Protonotaire

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-470-08

 

INTITULÉ :                                       TEVA NEUROSCIENCE G.P.-S.E.N.C.

                                                            c.

                                                            LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 30 SEPTEMBRE 2008

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LA PROTONOTAIRE MILCZYNSKI

 

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 30 SEPTEMBRE 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Aucune comparution (observations écrites)

POUR LA DEMANDERESSE

 

Aucune comparution (observations écrites)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Heenan Blaikie S.E.N.C.R.L.

Toronto (Ontario)

POUR LA DEMANDERESSE

 

Le procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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