Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20080930

Dossier : T-874-06

Référence : 2008 CF 1097

ENTRE :

CAPE COD FISHING CO.

demanderesse

et

 

LOYOLA HEARN, MINISTRE DES

PÊCHES ET DES OCÉANS DU CANADA et

PÊCHES ET OCÉANS CANADA

 

défendeurs

 

 

MOTIFS DE LA TAXATION DES DÉPENS

 

L’Officier taxateur Charles E. Stinson

 

[1]               Richard Goldney, le dirigeant de la demanderesse, a déposé une demande de contrôle judiciaire de la décision du défendeur, le ministre de Pêches et Océans Canada (le ministre), de mettre en œuvre un plan pilote du commerce du poisson de fond (le plan pilote) pour la saison de pêche 2006 dans la région du Pacifique qui devait inclure une formule d’allocation du sébaste basée sur le partage égal par bateau, sans tenir compte ni de l’historique des prises du bateau ni de sa longueur totale. La demande de contrôle judiciaire contenait diverses demandes de jugements déclaratoires selon lesquelles la décision du ministre était viciée. Dans son mémoire des faits et du droit, la demanderesse sollicitait une ordonnance visant l’annulation du plan pilote relatif à la pêche du sébaste ou, subsidiairement, le renvoi de l’affaire au ministre pour nouvel examen ou, subsidiairement encore, l’autorisation de sommer le ministre d’examiner de nouveau l’affaire.

 

[2]               Le 5 novembre 2007, la demanderesse a déposé un avis de désistement. L’audition du contrôle judiciaire avait été fixée au 13 novembre 2007. J’ai établi un échéancier pour la taxation sur dossier du mémoire de frais des défendeurs présenté en application de l’article 402 des Règles. La formulation des présents motifs et mon analyse des questions en litige se fondent sur l’approche que j’ai exposée au paragraphe 3 de la décision Abbott Laboratories c. Canada (Ministre de la Santé), [2008] A.C.F. no 870 (O.T.).

 

I. La position des parties

[3]               Pour l’essentiel, la position des défendeurs dans leur argumentation principale est que le plan pilote était d’une grande importance pour l’intérêt public et pour l’administration de la pêche commerciale du poisson de fond, dont la valeur excède 145 millions de dollars par an; que le contrôle judiciaire aurait pu grandement compromettre cette administration; que la préparation de l’affaire était entièrement terminée au moment du désistement; que le but du contrôle judiciaire était d’obtenir un quota plus élevé et que les questions juridiques et financières complexes avaient requis beaucoup d’analyse et de travail. Les défendeurs ont fait remarquer que, bien qu’il y eût eu des discussions peu avant le 5 novembre 2007 sur une possibilité de désistement, la demanderesse n’avait pas donné l’assurance que cela arriverait et, par conséquent, les avocats avaient dû terminer la préparation de l’audience (honoraires d’avocat, article 13).

 

[4]               Pour l’essentiel, la position de la demanderesse dans son argumentation en réponse était que l’absence de réponse du ministre à ses observations relatives au besoin d’annuler le plan pilote avait nécessité qu’elle demande le contrôle judiciaire pour empêcher qu’un préjudice soit causé à sa licence. La demanderesse allègue que, par l’ordonnance du 28 février 2007 (l’ordonnance), il avait été décidé que son argument de base était qu’elle avait le droit de faire valoir sa position auprès du ministre avant qu’une décision sur le plan pilote soit prise, et que les représentants du ministère avaient porté atteinte à ce droit. La demanderesse invoque par ailleurs l’article 409 et l’alinéa 400(3)i) (conduite) des Règles pour affirmer que le mémoire de frais devrait donc être réduit de façon importante ou refusé.

 

[5]               La demanderesse allègue en outre qu’à la suite de l’alinéa 400(3)a) (résultat), les instructions qu’elle a données à son avocat de demander d’autres prorogations de délai et par ailleurs ses tentatives d’obtenir une résolution par le moyen de communications avec le député de sa circonscription (le député), lui ont donné la réparation qu’elle cherchait à obtenir à travers le contrôle judiciaire, soit une lettre du ministre du 4 septembre 2007 (la lettre), et que, par conséquent, les dépens des défendeurs devraient être rejetés. La demanderesse allègue en outre que si le ministre avait admis plus tôt qu’il n’avait pas tenu compte des documents de la demanderesse lorsqu’il avait pris sa décision sur le plan pilote, cela aurait pu permettre d’éviter les coûts importants de la préparation au contre‑interrogatoire et du contre‑interrogatoire des déposants des défendeurs. Voir Darkzone Technologies Inc. c. 1133150 Ontario Ltd., 2002 CFPI 1 (C.F. 1re inst.) (DarkZone), où la Cour a conclu qu’une partie devrait être exonérée des dépens dans des circonstances semblables. La demanderesse allègue en outre qu’à la suite des alinéas 400(3)c) (importance et complexité) et h) (intérêt public), la conduite des défendeurs devrait entraîner le refus des dépens.

 

[6]               La demanderesse allègue que les défendeurs ont effectivement acquiescé au désistement sans dépens. C’est‑à‑dire que, la demanderesse avait l’assurance orale de son député que le ministre était d’accord pour qu’il y ait désistement sans dépens, même si la confirmation écrite à cet effet ne s’est jamais matérialisée. Selon la demanderesse, par application de l’alinéa 400(3)o) (toute autre question qu’elle juge pertinente), les dépens ne devraient pas être accordés dans ces circonstances.

 

[7]               En réfutation, les défendeurs allèguent que le dossier ne révèle pas d’inconduite. En particulier, il n’y a pas de preuve d’interférence avec les efforts de la demanderesse de faire valoir son point de vue auprès du ministre. Puisqu’il confirme que c’était le désaccord de la demanderesse avec la formule du plan pilote qui avait mené au présent contrôle judiciaire, le dossier ébranle l’affirmation de la demanderesse selon laquelle c’était l’inconduite qui avait justifié la demande de contrôle judiciaire. Le mémoire des faits et du droit de la demanderesse confirme que son but était d’annuler le plan pilote et par conséquent, l’affirmation selon laquelle la lettre avait essentiellement apporté la réparation recherchée dans le contrôle judiciaire n’est pas exacte. De même, la lettre n’a pas accordé la réparation subsidiaire recherchée, c’est‑à‑dire la présentation directe des observations de la demanderesse au ministre, mais plutôt, elle a simplement accordé l’examen et l’analyse des documents de la demanderesse par le personnel du ministère. Les défendeurs soutiennent que le dossier n’étaye pas l’affirmation de la demanderesse selon laquelle sa participation à l’examen du plan pilote en novembre 2006 aurait pu mettre fin au contrôle judiciaire, et le dossier ne confirme pas non plus que les défendeurs étaient d’accord pour le désistement sans dépens.

 

[8]               Les défendeurs soutiennent que le dossier ne permet pas d’étayer l’affirmation selon laquelle leur conduite était inappropriée ou doit être prise en compte dans la présente taxation des dépens. L’alinéa 400(3)j) des Règles (défaut d’admettre) n’est pas pertinent en l’espèce parce qu’il n’y avait pas de preuve du refus de quelque demande d’admission que ce soit. L’alinéa 400(3)k) des Règles (mesure inappropriée ou inutile) n’est pas pertinent en l’espèce parce que les défendeurs n’ont présenté aucune requête et parce qu’il n’y avait aucune preuve que le contre‑interrogatoire du déposant de la demanderesse n’était pas nécessaire. Le facteur de l’intérêt public n’est pas pertinent en l’espèce parce que les intérêts de la demanderesse sont privés, c'est-à-dire les pertes financières qu’elle entrevoyait subir en raison de l’effet du plan pilote sur sa licence. La décision Darkzone n’est pas pertinente en l’espèce parce qu’elle vise le pouvoir de la Cour de refuser les dépens en situation de désistement si l’intérêt de la justice le justifie, ce qui n’est pas le cas ici. De plus, la demanderesse n’a demandé aucune ordonnance pour être dispensée des dépens autorisés par l’article 402 des Règles.

 

II.   Taxation

[9]               Comme je l’ai dit dans mon analyse au paragraphe 20 de Urbandale Realty Corp. c. Canada, [2008] A.C.F. no 910 (O.T.), je ne suis pas « la Cour » dans le sens où ce terme est utilisé à l’article 402 des Règles. Par conséquent, je ne suis pas censé exercer la compétence conférée par l’article 402 des Règles à la Cour de supprimer le droit des défendeurs au paiement des dépens en situation de désistement.

 

[10]           J’ai conclu au paragraphe 7 de Starlight c. Canada, [2001] A.C.F. no 1376 (O.T.), qu’il n’est pas nécessaire d’utiliser le même nombre d’unités des barèmes du tarif puisque chaque article pour les services d’un avocat est distinct et doit être taxé en fonction de ses propres circonstances. De plus, il se peut qu’il faille établir de grandes distinctions entre les valeurs extrêmes des barèmes applicables. Dans le mémoire de frais, les défendeurs réclament une unité de moins que la valeur de l’unité maximale pour chaque article d’honoraires d’avocat taxable, à l’exception des articles 6 (comparution lors d’une requête), 8 (préparation du contre‑interrogatoire des déposants des défendeurs), 9 (présence aux contre-interrogatoires des déposants) et 26 (taxation des frais), pour lesquels ils réclament la valeur maximale de leurs fourchettes respectives. J’accorde les dépens pour les articles 2 (dossier des défendeurs), 5 (préparation d’une requête), 6, 8 (préparation du contre‑interrogatoire du déposant de la demanderesse), 9 (présence au contre-interrogatoire du déposant de la demanderesse) et 13 (préparation de l’audience) tels qu’ils ont été présentés. Je réduis les articles 8 (préparation du contre‑interrogatoire du déposant des défendeurs) et 9 (présence au contre-interrogatoire du déposant des défendeurs) d’une unité (120 $ l’unité) chacun, et l’article 26 de deux unités. Je conclus que les débours sont adéquats et je les accorde pour la somme demandée : 5 586,37 $.

 

[11]           Le mémoire de frais des défendeurs présenté à 13 746,37 $ est taxé et la somme de 12 666,37 $ est allouée.

 

 

« Charles E. Stinson »

Officier taxateur

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Laurence Endale, LL.M., M.A.Trad.jur.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                              T-874-06

 

INTITULÉ :                                                             CAPE COD FISHING CO. c. LOYOLA

                                                                                  HEARN et al.

 

 

TAXATION DES DÉPENS SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

 

 

 

MOTIFS DE LA TAXATION DES DÉPENS :       Charles E. Stinson

 

DATE DES MOTIFS :                                                Le 30 septembre 2008

 

 

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

 

W. Mark Hilton

 

             POUR LA DEMANDERESSE

Paul F. Partridge

Robin S. Whittaker

 

 

         POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Bernard & Partners

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

           POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie‑Britannique)

         POUR LES DÉFENDEURS

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.