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Date: 20081003

Dossier: IMM-987-08

Référence: 2008 CF 1113

Ottawa (Ontario), le 3 octobre 2008

En présence de madame la juge Mactavish 

 

ENTRE :

JOËLLE KANEZA

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

 ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Joëlle Kaneza est une citoyenne du Burundi d’origine ethnique tutsie, qui a demandé l'asile au Canada en raison de la persécution dont elle prétend avoir été victime aux mains d’une famille hutue. La Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a rejeté cette demande au motif que son récit n'était pas crédible.

 

[2]               Madame Kaneza demande maintenant le contrôle judiciaire de la décision de la Commission, faisant valoir que chacune des conclusions principales de la décision, quant à son manque de crédibilité, est déraisonnable, de sorte que la décision devrait être annulée.

[3]               Je vais passer en revue les conclusions contestées. Cependant, pour les motifs qui sont exposés ci-après, je ne suis pas convaincue que la Commission a commis une erreur dans son évaluation globale de la crédibilité de madame Kaneza, ou que la décision de la Commission était déraisonnable. Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

La norme de contrôle

[4]               Les conclusions de la Commission concernant la crédibilité sont susceptibles de contrôle judiciaire selon la norme de la décision raisonnable: Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, et Khokhar v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), 2008 FC 449.

 

[5]               En appliquant la norme de la décision raisonnable aux conclusions de la Commission, je dois me demander « si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité. Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l'intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu'à l'appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. » (Dunsmuir, au paragraphe 47.)

 

Analyse

[6]               La Commission a donné de nombreux motifs pour étayer sa conclusion voulant que le récit de madame Kaneza ne soit pas crédible.  La raison principale pour laquelle la Commission n’a pas cru le récit de madame Kaneza est l’incohérence majeure entre sa déclaration faite au point d’entrée et le récit qu’elle a soumis dans son Formulaire de renseignements personnels (FRP). 

 

[7]               Au point d’entrée, madame Kaneza a fondé sa revendication sur une crainte de ses voisins, soit une famille hutue qui l’a menacée en raison du fait qu’elle était Tutsie.  Ses voisins lui auraient dit qu’ils possédaient une machette dont ils n’hésiteraient pas à se servir contre elle, et qu’ils auraient eu recours à de la sorcellerie pour lui faire du mal, ce qui l’avait amenée à craindre pour sa vie.

 

[8]               Par contre, dans son FRP et dans son témoignage, madame Kaneza a fondé sa revendication sur une crainte de la famille de son fiancé, Terence, dont les membres sont des extrémistes hutus impliqués dans les massacres des Tutsis.  Selon madame Kaneza, cette famille s’opposait à leur relation et la rendait responsable de la disparition de Terence.

 

[9]               De plus, madame Kaneza a déclaré que la famille de Terence l’avait menacée parce qu’elle était enceinte, et que la famille était possiblement impliquée dans la mort du père de madame Kaneza dans un accident de voiture qu’elle a caractérisé de « plutôt mystérieux ».

 

[10]           Madame Kaneza prétend qu’il n’y a pas d’incohérence entre les deux récits.  Selon madame Kaneza, elle a fait sa déclaration à grandes lignes au point d’entrée, et elle a tout simplement ajouté des détails plus approfondis concernant sa relation intime avec Terence dans son FRP et dans son témoignage.

 

[11]           La Commission a examiné l’explication de madame Kaneza, et a donné des motifs clairs pour la rejeter.

[12]           À cet égard, la Commission a observé que les deux déclarations étaient totalement différentes l’une de l’autre.   Madame Kaneza n’avait pas mentionné qu’elle avait été fiancée à un Hutu, que la famille de ce dernier l’avait menacée, que son père était décédé, ou qu’elle avait été enceinte et qu’elle avait fait une fausse couche par la suite.

 

[13]           En outre, la Commission a noté que les agents de persécution ne sont pas les mêmes dans les deux déclarations, que le récit a changé, et que les événements clés, y compris l’existence même de Terence, qui fondaient la demande d’asile étaient passés sous silence.

 

[14]           Il n’incombe pas à la Cour de substituer sa propre opinion à celle de la Commission quant aux inférences tirées par celle-ci, sauf si les conclusions que la Commission a tirées étaient déraisonnables. En espèce, je ne suis pas convaincue que la conclusion de la Commission était déraisonnable.

 

[15]           C’était la conclusion centrale sur laquelle la Commission a fondé sa conclusion voulant que le récit de madame Kaneza ne soit pas crédible.  Or, la Commission a donné quelques autres motifs,  pour arriver à cette conclusion, que madame Kaneza n’a pas contestée.

 

[16]           Par exemple, la Commission a estimé que la déclaration orale de madame Kaneza évoquait l’absence de crainte subjective et un manque de crédibilité.  La Commission a noté que madame Kaneza ne pouvait pas expliquer pourquoi elle n’avait pas fui son lieu de résidence pour aller se cacher, au lieu de continuer de résider à la même adresse à Bujumbura, et de continuer ses études dans cette ville jusqu’à son départ du Burundi en juillet 2006, alors qu’elle était convaincue que son père était mort aux mains de la famille de Terence en décembre 2005, et que sa propre vie était en danger depuis qu’elle avait reçu des menaces de mort en janvier 2006.

 

[17]           À mon avis, la conclusion de la Commission voulant que le témoignage de madame Kaneza ne soit pas crédible à cet égard était parfaitement raisonnable.

 

[18]           De même, la Commission a souligné que madame Kaneza n’avait jamais pu expliquer pourquoi elle avait été tenue responsable de la disparition de Terence.  Par ailleurs, elle a témoigné une fois qu’elle n’avait pris aucune mesure pour tenter de retrouver Terence parce qu’elle lui en voulait de l’avoir abandonnée, mais un peu plus tard lors de l’audience, elle a indiqué s’être renseignée pour tenter de savoir où il se trouvait.

 

[19]           De plus, la Commission a noté que madame Kaneza était arrivée au Canada via les Pays-Bas et les États-Unis, et a rejeté l’explication de cette dernière justifiant le fait qu’elle n’avait pas demandé l’asile dans l’un de ces deux pays comme n’étant pas raisonnable.  Selon la Commission, le fait que madame Kaneza n’avait pas demandé l’asile aux Pays-Bas ou aux États-Unis incite à croire qu’elle n’avait pas une crainte subjective de persécution.

 

[20]           Il est vrai que madame Kaneza a fourni une copie d'un certificat de décès concernant son père qui confirme que ce dernier est décédé à la suite d’un accident de la route.  À mon avis, il est clair que la Commission a décidé de n’accorder aucune importance à ce document étant donné que le document ne précise pas la cause du décès du père, et que cette décision était tout à fait raisonnable.

 

[21]           Enfin, même si j’acceptais la prétention de madame Kaneza selon laquelle il n’était pas raisonnable d’avoir conclu qu’une femme dans sa situation aurait dû informer la famille de Terence de sa fausse couche, cette conclusion ne constitue pas un fondement suffisant pour que soit annulée la décision de la Commission.

 

Conclusion

[22]           Pour l’ensemble de ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

La certification

[23]           Les parties n'ont proposé aucune question aux fins de certification, et aucune question n'est soulevée en l'espèce.


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE ET ADJUGE :

           

1.  la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée;

           

2.  aucune question grave de portée générale n'est certifiée.

 

 

 

« Anne Mactavish »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOCKET:                                          IMM-987-08

 

 

STYLE OF CAUSE:                          JLLE KANEZA v.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

                                                                       

 

                                                                                                                                               

LIEU DE L’AUDIENCE:                  Toronto, Ontario

 

 

DATE DE L’AUDIENCE:                Le  27 aout 2008

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT:                               MACTAVISH J.

 

 

DATE DES MOTIFS:                       Le 3 octobre 2008

 

COMPARUTIONS:

 

Me Terry S. Guerriero

 

POUR LA DEMANDERESSE

Me Ian Hicks

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

SOLICITORS OF RECORD:

 

TERRY S. GUERRIERO

Avocat/Notaire

London, Ontario

 

POUR LA DEMANDERESSE

JOHN H. SIMS, Q.C.

Sous-Procureur Général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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