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Date : 20081002

Dossier : IMM-4312-08

Référence : 2008 CF 1114

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 2 octobre 2008

En présence de monsieur le juge Zinn

 

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE

demandeur

 

 

et

 

TEE MENG LIEW

défendeur

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               La présente affaire a été entendue en urgence avec un court préavis.

 

[2]               Le ministre présente une requête en vertu du paragraphe 18.2 de la Loi sur les Cours fédérales afin que soit rendue une ordonnance visant à surseoir à l’exécution d’une ordonnance rendue par le commissaire H. Shepherd, de la Section de l’immigration, datée du 1er octobre 2008 et permettant la remise en liberté du défendeur selon les modalités et conditions établies dans cette ordonnance. Le ministre demande la suspension de l’ordonnance jusqu’à ce qu’une décision définitive ait été rendue à l’égard de sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire concernant cette ordonnance.

 

[3]               M. Liew est citoyen de la Malaisie. Il a tenté d’entrer au Canada en 1993, mais n’en a pas obtenu l’autorisation. Il semble qu’il a été en mesure d’entrer au Canada d’une manière inconnue plus tard au cours de la même année. Il est ensuite demeuré caché jusqu’en 2004, année où il a été arrêté et a attiré l’attention des autorités. M. Liew a déposé une demande d’asile le 3 février 2004. Sa demande a été rejetée. Une lecture équitable de la décision de la SPR révèle que, selon les conclusions, M. Liew n’a aucunement été considéré comme étant crédible.

 

[4]               M. Liew ne s’est pas présenté à une entrevue de renvoi en janvier 2007 et un mandat a été lancé pour son arrestation. Il a été arrêté et mis en détention le 19 février 2007. Au moment de son arrestation, on lui a demandé s’il retournerait en Malaisie et il a répondu qu’il n’y retournerait pas, car il souhaitait rester au Canada. Il a ajouté qu’il ne retournerait pas en Malaisie même si les autorités canadiennes lui ordonnaient de le faire.

 

[5]               Après son arrestation, M. Liew a divulgué pour la première fois qu’il figurait sur la liste des criminels les plus recherchés de la Malaisie, qu’il y avait été accusé de meurtre et qu’il était passible de la peine de mort s’il était déclaré coupable. Sa demande d’ERAR a été rejetée, mais le ministre a consenti à réexaminer cette demande et à obtenir de la Malaisie l’assurance que M. Liew ne serait pas passible de la peine de mort s’il était déclaré coupable des accusations. Le gouvernement du Canada poursuit activement ses efforts pour obtenir cette assurance.

 

[6]               La Section de l’immigration a refusé la libération de M. Liew à plusieurs reprises, car il semble présenter un risque de fuite et en raison de la gravité de l’accusation de meurtre en instance.

 

[7]               Le 1er octobre 2008, le commissaire H. Shepherd a ordonné la libération du demandeur moyennant le dépôt d’une garantie d’exécution de 3 000 $ de la part de M. Chiu et d’une garantie d’exécution supplémentaire de 10 000 $ de la part de M. Wong.

[8]               Le contrôle des motifs de détention a commencé le 25 septembre 2008, mais a été ajourné le 1er octobre de façon à ce que M. Wong, qui représentait M. Liew à titre d’avocat et qui a indiqué qu’il déposerait une garantie d’exécution de 10 000 $, puisse être interrogé. M. Wong ne s’est pas présenté à l’audience le 1er octobre, refusant de discuter de ses finances. M. Chiu, avocat, s’est présenté en son nom et était prêt à déposer une garantie d’exécution de 10 000 $. Le commissaire a conclu que M. Chiu n’avait pas les moyens financiers de respecter cette obligation et s’est montré prêt à accepter une caution de seulement 3 000 $ de sa part. Le commissaire a ensuite indiqué qu’il accepterait une caution de 10 000 $ de M. Wong malgré l’absence de preuve de ses ressources financières et d’indication à savoir si les fonds proviendraient en fait de lui ou d’une autre source. Le commissaire semblait estimer que le fait que M. Liew allait habiter avec M. Wong était suffisant.

 

[9]               Le ministre a déposé une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire sur cette décision et, dans l’intervalle, demande un sursis avant la libération du défendeur.

 

[10]           Pour obtenir une suspension, il incombe au demandeur d’établir 1) qu’il existe une question sérieuse à trancher; 2) qu’il subirait un préjudice irréparable si aucune ordonnance n’est rendue; et 3) que la prépondérance des inconvénients milite en faveur de l’octroi du sursis : Toth c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1988), 86 N.R. 302 (C.A.F.).

 

[11]           Après avoir vu les plaidoiries des avocats et lu les documents déposés, je conclus que le premier volet du critère à trois volets a été satisfait. La question de savoir si le commissaire a commis une erreur en acceptant le cautionnement de M. Wong quant au respect futur de la Loi et des conditions de libération de M. Liew est importante. Le commissaire n’a entendu aucune preuve de la part de M. Wong et l’Agence des services frontaliers n’a pas eu l’occasion de mener une enquête sur M. Wong, puisque ce dernier a refusé de se présenter à l’audience. Le ministre s’est sans doute vu refuser l’équité procédurale.

 

[12]           La question du caractère raisonnable de la décision rendue par H. Shepherd à la lumière des nombreuses ordonnances de détention émises antérieurement par des commissaires de la Division de l’immigration est également importante. Bien que la Cour n’ait pas eu l’avantage de voir une transcription des motifs de la libération, la Cour note que la preuve accessible montre que M. Liew a précédemment menti aux autorités de l’immigration, et ce, à maintes reprises, déclaré qu’il ne se conformerait pas à une mesure de renvoi ou à une ordonnance d’expulsion, séjourné de façon clandestine au Canada pendant plus de 10 ans et fait l’objet d’une accusation criminelle très grave en Malaisie. À la lumière de ces faits, on ne peut pas déclarer que l’évaluation de la décision par le ministre était déraisonnable, frivole ou vexatoire.

 

[13]           Je conclus également que le ministre a établi qu’il y a eu un préjudice irréparable. En ce sens, j’adopte le paragraphe 30 du mémoire rédigé par le demandeur. L’objectif de la Loi consiste à être respectée. À ce jour, M. Liew a omis de respecter la Loi à de nombreuses reprises. Sa disparition dans la clandestinité constitue un risque réel, et comme il a réussi à le faire dans le passé, s’il redevient clandestin, une longue période de temps pourrait s’écouler avant qu’il soit détenu. Ce risque est irréparable.

 

[14]           La prépondérance des inconvénients repose sur le ministre et l’intérêt du public dans l’exécution de la Loi et la protection du public.

 

[15]           Par conséquent, l’ordonnance du commissaire H. Shepherd, datée du 1er octobre 2008 et permettant la libération du défendeur selon certaines conditions, sera suspendue.

 

 


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que la décision de H. Shepherd, datée du 1er octobre 2008, soit suspendue jusqu’à la première des deux éventualités suivantes :

a)      Le jugement sur le fond de la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire; ou

b)      La prochaine audience obligatoire de contrôle des motifs de détention du défendeur.

« Russel W. Zinn »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4312-08

 

INTITULÉ :                                       MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE c. TEE MENG LIEW

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 2 OCTOBRE 2008

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 2 OCTOBRE 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

Maria Burgos

Michael Butterfield

 

POUR LE DEMANDEUR

Timothy E. Leahy

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John H. Simms, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

 

 

POUR LE DEMANDEUR

Timothy E. Leahy

Forefront Immigration Ltd.

Toronto (Ontario)

 

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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