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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20080930

Dossier : T-623-08

Référence : 2008 CF 1093

Ottawa (Ontario), le 30 septembre 2008

En présence de monsieur le juge Mandamin

 

 

ENTRE :

MG LUND TRUCKING INC.

demanderesse

et

 

DARYL A. PETERSEN

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La demanderesse, MG Lund Trucking Inc. (l’employeur), a demandé le contrôle judiciaire d’une décision rendue le 18 mars 2008 par Sean M. Kubara (l’arbitre). L’arbitre a décidé que l’employeur n’était pas autorisé à déduire 292,02 $ du dernier chèque de paye du défendeur, Daryl A. Petersen (l’employé).

 

[2]               La question en litige est de savoir si l’arbitre a correctement interprété l’alinéa 254.1(2)c) du Code canadien du travail, L.R.C. 1985, ch. L-2 (le Code), lorsqu’il a conclu que la retenue n’était pas autorisée.

 

[3]               J’ai conclu que la décision de l’arbitre était raisonnable après avoir conclu que la norme de contrôle applicable à la décision d’un arbitre qui interprète le paragraphe 254.1(2) du Code est la raisonnabilité.

 

[4]               La demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Mes motifs sont exposés ci-dessous.

 

Résumé des faits

[5]               M. Petersen a sollicité un emploi de camionneur auprès de MG Lund Trucking Inc., le 21 février 2006. M. Mel Lund, le représentant de l’employeur, a examiné avec M. Petersen le contrat de travail et le contrat sur les clés pour l’entrée dans la cour et le local des camionneurs (le contrat sur les clés). Il a avisé M. Petersen de lire attentivement les documents et il lui a dit en particulier [traduction] « si vous ne comprenez pas, ne signez pas ». M. Petersen reconnaît avoir signé le contrat de travail et les documents connexes, mais il ne se souvient pas d’avoir discuté de quelque clause précise que ce soit.

 

[6]               Les clauses suivantes sont importantes dans la présente instance :

[traduction]

a.       Contrat de travail — Clause 6 – Violations, inspections routières, avis et ordonnances

 

Tout camionneur qui ne remet pas au bureau de la société les contraventions, avis et ordonnances, inspections routières, permis pour poids lourd (ou des copies) – paiera par la voie d’une retenue salariale, la somme de 100 $ pour chaque document qui n’est pas remis à la société. Lorsque les documents sont remis, — le camionneur accepte de rédiger « sa version des faits » sur les raisons relatives à la délivrance de la contravention. Ces documents sont une exigence du Code canadien de sécurité.

 

b.      Contrat de travail – Clause 7

 

Si le camionneur quitte de la société, il lui appartient de remettre l’unité entière à l’entrepôt de Kamloops. Il appartient au camionneur de s’assurer que tous les biens de la société dans l’unité sont en bon état. Un représentant de la société doit rencontrer le camionneur au moment de la cessation d’emploi pour passer en revue l’unité et s’assurer que tous les biens de la société sont intacts et en bon état. Si le camionneur ne remet pas l’unité à Kamloops, des frais lui seront imposés parce que la société devra recouvrer l’équipement et le retourner à Kamloops. Ces frais seront de 2,00 $ par mile parcouru à la fois pour le camion et aussi pour le véhicule qui servira à amener le conducteur supplémentaire qui retournera l’unité à Kamloops.

 

 

 

c.       Contrat sur les clés pour l’entrée dans la cour et le local des camionneurs

À la cessation de mon emploi dans la société, j’accepte de remettre les clés ci‑dessus numérotées au siège social de la société à Cherry Creek, de ne pas les laisser dans la boîte noire de la boutique/la cour. Le manquement à cet engagement entraînera automatiquement une retenue de 300,00 $ sur mon dernier chèque de paye et je ne recevrai pas ma paye finale jusqu’à ce que les clés soient remises et qu’une décharge soit signée.

 

 

[7]               Lors de son embauche, M. Petersen était sans ressources et il avait besoin d’un emploi. Il a demandé de façon répétée une avance sur son salaire pour assumer ses frais de voyage, mais ses demandes ont été refusées.

 

[8]               Le 23 février 2006, M. Petersen a commencé son premier voyage sur la route. Il a eu un accident causé par des conditions météorologiques défavorables et par un véhicule conduit par une tierce partie qui en avait perdu la maîtrise. La plaque d’immatriculation à l’avant du camion a été perdue lors de l’accident et M. Petersen a eu une contravention à la pesée lors de son trajet vers Kamloops. Finalement, il a terminé son voyage et il est revenu le 25 février 2006.

 

[9]               À son retour à Kamloops, M. Petersen a eu une discussion avec M. Michael Heeney; à la suite de cette discussion, M. Petersen a démissionné. Il a dit à M. Heeney qu’il n’avait pas d’argent et il lui a demandé s’il pouvait passer la nuit dans le camion. À l’encontre de la politique de la société et du discernement dont il aurait dû faire preuve, M. Heeney a accepté. M. Heeney a dit à M. Petersen qu’il pouvait passer la nuit dans le camion, mais il lui a ordonné de ne pas quitter la cour à bord du camion.

 

[10]           Le lendemain, M. Petersen a téléphoné au bureau de la société pour dire qu’il avait conduit le camion de Kamloops à Penticton, que le camion pouvait être récupéré à un certain endroit et que les clés étaient sous le tapis de plancher du camion. M. Heeney est allé à Penticton pour récupérer le camion, mais les clés étaient introuvables. Il s’est servi d’un jeu de clés de rechange qu’il avait pour retourner le camion à Kamloops.

 

[11]           La police a été contactée et M. Petersen a été accusé de vol. Il a plaidé coupable à l’accusation moins grave de prise d’un véhicule sans permission, comme contrepartie d’un accord de réduction de peine et l’accusation de vol a été abandonnée.

 

[12]           En mars 2006, l’employeur a remis un chèque de 0,00 $ à M. Petersen, la fiche de paye montrant des retenues salariales pour le montant total du salaire qui lui était dû, principalement en raison de la clause 7 du contrat de travail autorisant des frais pour le retour du camion dans la cour.

 

Résumé de la procédure

[13]           L’employé a déposé une plainte à Ressources humaines et Développement des compétences Canada (RHDCC) selon la partie 3 du Code. L’inspectrice de RHDCC qui a mené l’enquête sur la plainte a décidé que l’employeur n’avait pas le droit d’effectuer la retenue parce que l’employé n’avait pas souscrit, par écrit, à la retenue au moment où celle‑ci avait été faite. L’inspectrice appliquait le Guide des normes du travail : Interprétation, politiques et guides – IPG‑060, qui donne une interprétation de l’alinéa 254.1(2)c) selon laquelle les retenues autorisées par écrit par un employé doivent être faites au moment ou après que le fait pertinent quant à la retenue a eu lieu.

 

[14]           L’employeur a fait appel de la décision de l’inspectrice et l’affaire a été portée devant l’arbitre. L’employeur a soutenu qu’il avait le droit d’effectuer les retenues en vertu de l’alinéa 254.1(2)c) du Code parce que M. Petersen avait donné des autorisations écrites pour trois retenues distinctes. Les trois autorisations faisaient suite aux clauses 6 et 7 du contrat de travail et à une clause du contrat sur les clés.

 

 

La disposition légale

[15]           Le Code canadien du travail dispose :

254.1 (1) L’employeur ne peut retenir sur le salaire et les autres sommes dues à un employé que les sommes autorisées sous le régime du présent article.

 

 (2) Les retenues autorisées sont les suivantes :

a) celles que prévoient les lois fédérales et provinciales et leurs règlements d’application;

b) celles qu’autorisent une ordonnance judiciaire, ou une convention collective ou un autre document signés par un syndicat pour le compte de l’employé;

c) celles que l’employé autorise par écrit;

d) les sommes versées en trop par l’employeur au titre du salaire;

e) les autres sommes prévues par règlement.

 

254.1 (1) No employer shall make deductions from wages or other amounts due to an employee, except as permitted by or under this section.

 

 (2) The permitted deductions are

(a) those required by a federal or provincial Act or regulations made thereunder;

(b) those authorized by a court order or a collective agreement or other document signed by a trade union on behalf of the employee;

(c) amounts authorized in writing by the employee;

(d) overpayments of wages by the employer; and

(e) other amounts prescribed by regulation.

[Non souligné dans l’original.]

 

La décision soumise au contrôle judiciaire

[16]           Lors de l’audience devant l’arbitre, M. Heeney, le témoin de l’employeur, a admis que M. Petersen lui avait remis la contravention pour la plaque d’immatriculation manquante, ce qui satisfaisait ainsi à son obligation prévue à la clause 6 du contrat de travail. De plus, lors de la présentation des observations, l’avocat de l’employeur a admis que la clause 7 impose des frais pour le coût du retour du camion, mais n’autorise pas de retenue sur le salaire d’un employé. L’arbitre a conclu que la clause du contrat sur les clés était le seul fondement possible pour l’autorisation de la retenue. Il a conclu que M. Petersen avait signé le contrat sur les clés au moment de son embauche. Il a aussi conclu que M. Petersen avait omis de retourner les clés au siège social à Cherry Creek.

 

[17]           L’arbitre a déclaré que le guide IPG‑060 est une ligne directrice et non pas une loi. Il a conclu que l’alinéa 254.1(2)c) n’édicte pas que l’autorisation doit être donnée au moment où la retenue est effectuée ou après le fait déclencheur. Il a pris en compte les décisions d’autres arbitres qui ont accordé les retenues sur le salaire autorisées par écrit avant le fait déclencheur ou avant le moment de la retenue. Il a noté que [traduction] « une autorisation peut être exécutoire si elle permet une retenue pour une somme précise ou déterminable en résultat d’un fait précis à venir ».

 

[18]           L’arbitre a ensuite mené une analyse de la clause du contrat sur les clés. Il a noté :

 

[traduction]

Le paragraphe 254.1(1) énonce une règle générale qui interdit les retenues sur le salaire à l’exception de celles prévues aux paragraphes suivants, y compris le paragraphe (2).

 

Le but général de l’article est la protection de l’employé et il vise à garantir que l’employeur effectue les paiements de salaire qui sont dus à l’employé.

 

Si le montant de la retenue autorisée est précis ou qu’il est facilement déterminable et que la retenue est vraiment consensuelle (sans coercition économique ou autre), alors, elle doit être exécutoire, qu’elle soit contenue dans le contrat ou les documents signés au moment de l’embauche ou ultérieurement.

 

 

[19]           L’arbitre a aussi déclaré :

[traduction]

Une retenue autorisée à l’avantage de l’employé ou à l’avantage à la fois de l’employé et de l’employeur a de fortes chances d’être consensuelle. Il n’y a que peu ou pas de possibilité de méfait ou de préjudice survenant en raison de l’autorisation conférée à l’employeur d’utiliser le puissant outil de la retenue sur le salaire, lorsqu’un employé tire un avantage d’une telle retenue.

 

[20]           L’arbitre a examiné les décisions d’autres arbitres et a conclu que ces affaires concernaient des retenues sur le salaire lorsque la retenue était à l’avantage de l’employé. Il a noté que l’avantage procuré à l’employé anéantissait toute idée que l’autorisation aurait pu ne pas être consensuelle. De plus, il a déclaré qu’il y a généralement un risque que l’autorisation n’ait pas été totalement consensuelle lorsque la retenue équivaut à une amende ou à une sanction pécuniaire et qu’elle avantage seulement l’employeur.

 

[21]           L’arbitre a décidé que l’autorisation n’était pas à l’avantage de M. Petersen. Il a aussi conclu que les circonstances de l’embauche présentaient la possibilité que la signature de l’autorisation fût le résultat d’une contrainte ou d’un pouvoir de négociation inégal ou qu’elle ait eu lieu simplement parce que la seule façon pour M. Petersen d’obtenir un emploi était qu’il signe les contrats.

 

[22]           L’arbitre a décidé que l’autorisation contenue dans le contrat sur les clés signé par M. Petersen n’équivalait pas à une autorisation écrite en vue d’une retenue sur le salaire faite par l’employeur selon l’alinéa 254.1(2)c), parce qu’il n’était pas convaincu que l’autorisation avait été donnée librement au moment de la signature.

 

La position de la demanderesse

[23]           L’employeur soutient que le Code est un régime légal complet qui régit les relations de travail et que l’arbitre a commis une erreur lorsqu’il a importé des principes de common law dans l’interprétation de l’alinéa 254.1(2)c) du Code.

 

[24]           L’employeur soutient que l’alinéa 254.1(2)c) ne requiert pas que l’employeur donne une contrepartie en échange de l’autorisation. La disposition exige seulement que l’employé autorise par écrit les retenues.

 

[25]           L’employeur soutient en outre que l’arbitre a commis une erreur lorsqu’il a décidé que l’employé n’avait pas reçu d’avantage en contrepartie de l’autorisation écrite, parce que l’employé a reçu l’avantage d’un emploi en contrepartie de la signature des modalités du contrat de travail et du contrat sur les clés.

 

[26]           L’employeur s’oppose aussi à l’idée que l’autorisation fût invalide parce qu’elle eût été obtenue par contrainte ou par coercition. L’employeur se base sur Stott c. Merit Investment Corp., [1988] O.J. no 134, pour affirmer que la volonté désespérée d’un employé de trouver un emploi ne constitue pas en droit une contrainte.

 

[traduction]

Ce ne sont pas toutes les pressions, économiques ou autres, qui sont reconnues comme constitutives d’une contrainte. Il doit y avoir une pression qui n’est pas légitime en droit et cette pression doit être subie à un degré tel qu’elle équivaut à [traduction] « une coercition de la volonté », pour employer une expression qu’on trouve dans la doctrine anglaise, ou elle doit mettre la partie qui la subit dans une situation où cette partie n’a aucun [traduction] « choix réaliste » si ce n’est de s’y soumettre, pour adopter la théorie du professeur Waddams (S.M. Waddams, The Law of Contract, 2e éd. (1984), aux pages 376 et suivantes).

 

 

La norme de contrôle

[27]           Dans Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, la Cour suprême du Canada a décidé qu’un contrôle en cour doit déterminer si la norme de contrôle est la décision correcte ou la raisonnabilité. Les cours doivent décider de la bonne norme de contrôle par l’examen de l’intention du législateur et elles doivent établir le degré de retenue à avoir envers une décision administrative.

 

[28]           Les cours doivent tenir compte de certains facteurs y compris : l’existence ou l’absence de clause privative; l’expertise du tribunal; les buts et les objectifs de la loi; la nature de la question à trancher, à savoir s’il s’agit d’une question de droit, d’une question de fait ou d’une question mixte de fait et de droit. La norme de la raisonnabilité s’appliquera lorsque :

                                                               i.      il y a une clause privative;

                                                             ii.      il y a un régime administratif distinct et particulier dans le cadre duquel le décideur possède une expertise spéciale (les relations de travail par exemple);

                                                            iii.      la nature de la question de droit : la question de droit qui revêt une importance capitale pour le système juridique et qui est étrangère au domaine d’expertise du décideur appellera la norme de la décision correcte; la question de droit qui n’a pas cette importance peut justifier l’application de la norme de la raisonnabilité lorsque sont réunis les deux éléments précédents.

Dunsmuir, au paragraphe 55.

 

[29]           La Cour suprême a aussi déclaré que lorsque les cours ont décidé auparavant de la norme de contrôle des décisions d’un tribunal, la cour de révision peut adopter cette norme de contrôle sans mener d’analyse supplémentaire.

 

[30]           La norme de contrôle pour les décisions des arbitres portant sur le Code, avant l’arrêt Dunsmuir, était la décision raisonnable simpliciter. Voir, H & R Transport Ltd. c. Shaw, 2004 CF 541 ; Dynamex Canada Inc. c. Mamona, 2003 CAF 248.

 

[31]           La Cour suprême du Canada a explicitement déclaré dans l’arrêt Dunsmuir, au paragraphe 54, qu’un tribunal qui possède de l’expertise dans le domaine de sa loi constitutive a le droit d'interpréter cette loi, et qu’alors c’est la raisonnabilité qui s’applique comme norme de contrôle. L’arrêt cite l’exemple des relations de travail au paragraphe 55. Le même raisonnement s’applique à l’égard des questions relatives à l’emploi.

 

[32]        Je conclus donc que la norme de contrôle applicable à la décision de l’arbitre qui interprète le Code relativement aux questions d’emploi, en particulier l’alinéa 254.1(2)c), est la raisonnabilité.

 

Analyse

[33]           L’arbitre est membre d’un tribunal spécialisé qui possède de l’expertise dans le domaine du droit du travail. J’ai décidé que la norme de contrôle applicable à son interprétation du Code est la raisonnabilité et non la décision correcte. Néanmoins, si l’arbitre examinait des questions hors de son domaine de compétence, sa décision serait déraisonnable.

 

[34]           Je suis d’accord avec l’employeur lorsqu’il fait observer qu’en présence d’un régime légal complet, comme c’est le cas du Code, on commettrait une erreur si on importait des éléments supplémentaires de common law incompatibles avec le sens pur et simple des dispositions légales, soit le paragraphe 254.1(2), dans la présente affaire. Toutefois, je ne partage pas l’avis que l’arbitre a importé des éléments supplémentaires de common law dans l’interprétation de l’alinéa 254.1(2)c).

 

[35]           L’arbitre a correctement interprété l’alinéa 254.1(2)c) du Code. Cet alinéa dispose que les retenues valides sont « celles que l’employé autorise par écrit ». « Autoriser » c’est donner une permission officielle, c’est consentir formellement à la retenue faite. Les motifs de la décision de l’arbitre soulignent clairement l’exigence d’une autorisation écrite consensuelle.

 

[36]           L’analyse que l’arbitre a menée sur l’avantage avait trait à la recherche de l’indice d’une autorisation consensuelle. L’arbitre examinait si l’autorisation écrite de l’employé était consensuelle et non pas si l’exigence d’un avantage devrait être importée dans la sphère de l’alinéa 254.1(2)c).

 

[37]           La conclusion de l’arbitre sur les faits appelle la déférence. Voir la décision H & R Transport Ltd. c. Shaw, précitée. L’arbitre a décidé que la possibilité d’une contrainte existait. Bien que l’employeur ait déclaré que l’employé avait reçu une explication sur toutes les clauses et qu’il lui avait été dit de ne pas signer s’il ne comprenait pas, l’employé n’a pas confirmé qu’il a librement consenti aux modalités du contrat sur les clés. L’arbitre a eu l’avantage d’entendre les dépositions des témoins sur les faits au moment de l’embauche. Il y avait des éléments de preuve auxquels l’arbitre pouvait se référer pour tirer la conclusion qu’il y a eu possibilité d’une contrainte lors de la signature du contrat sur les clés : premièrement, la preuve que l’employé a demandé de façon répétée une avance pour les frais de voyage; deuxièmement la preuve qu’à son retour, l’employé a encore demandé une avance parce qu’il n’avait pas mangé; enfin, il y avait la preuve que celui qui est maintenant l’ancien employé avait besoin d’un endroit où dormir cette nuit‑là, parce qu’il n’avait pas d’argent. Il est clair que l’arbitre avait des éléments de preuve sur lesquels se fonder pour parvenir à la conclusion qu’il existait la possibilité d’une contrainte.

 

[38]           Un employeur peut très bien avoir le droit d’obtenir une autorisation écrite pour des retenues sur le salaire en cas de non‑remise de ses biens, en particulier lorsqu’il pourrait se retrouver à devoir assumer le coût de leur remplacement ou, comme c’est le cas ici, lorsqu’il doit aussi changer des serrures et d’autres clés. Lorsque la nécessité d’une retenue est raisonnable, les circonstances entourant la signature peuvent ne pas requérir un examen minutieux puisqu’on peut raisonnablement en déduire qu’il y avait consentement. Cette possibilité n’apparaît pas lorsque le contrat impose à l’employé des fardeaux qui vont au‑delà de simples frais retenus sur le salaire pour non‑remise d’un bien.

 

[39]           Dans l’arrêt Dunsmuir, au paragraphe 48, la Cour suprême a parlé de déférence et elle a donné comme directive que les cours de révision aient « une attention respectueuse aux motifs donnés ou qui pourraient être donnés à l’appui d’une décision ». [Non souligné dans l’original.]

 

[40]           L’arbitre a conclu que la possession des clés par l’employé faisait intégralement partie de l’exécution du travail de camionneur. À cet égard, l’arbitre a raisonnablement conclu que l’autorisation dans le contrat sur les clés n’était pas un avantage pour l’employé. L’employeur a allégué que l’employé recevait l’avantage de l’emploi. Le problème que pose cet argument est que l’autorisation de la retenue dans le contrat sur les clés n’était pas tout ce à quoi l’employé souscrivait. La clause du contrat sur les clés va au‑delà de l’imposition d’une somme raisonnable et de l’autorisation de la retenue de cette somme pour manquement à l’obligation de remettre les clés. Il est stipulé : [traduction] « Le manquement à cet engagement entraînera automatiquement une retenue de 300,00 $ sur mon dernier chèque de paye et je ne recevrai pas ma paye finale jusqu’à ce que les clés soient remises et qu’une décharge soit signée. » La rétention du dernier chèque de paye est une sanction radicale supplémentaire qui est incohérente avec le contrat de travail même. La clause qui permet de retenir le dernier chèque de paye en plus de prévoir la retenue réduit à néant l’avantage fondamental du paiement du salaire dans un contrat de travail.

 

[41]           En bref, je conclus que l’arbitre a correctement interprété l’alinéa 254.1(2)c), une disposition légale qui est étroitement liée aux tâches de l’arbitre. L’arbitre disposait d’éléments de preuve sur lesquels il pouvait se baser pour tirer la conclusion que le consentement n’avait peut‑être pas été donné librement. La question en litige que l’arbitre a réglée et sur laquelle il a rendu une décision était l’absence d’indice d’une autorisation consensuelle.

 

[42]           Je conclus que la décision de l’arbitre était raisonnable. La demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                  La Cour ne rend aucune décision quant aux dépens.

 

 

 

« Leonard S. Mandamin »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Laurence Endale, LL.M., M.A.Trad.jur.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                T-623-08

 

 

INTITULÉ :                                               MG LUND TRUCKING INC. c.

        DARYL A. PETERSEN

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                         Vancouver (Colombie-Britannique)

 

 

DATE DE L'AUDIENCE :                        Le 16 septembre 2008

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                      Le juge Mandamin

 

DATE DES MOTIFS :                              Le 30 septembre 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

Nazeer Mitha

Alka Kundi

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

S/O

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Harris & Company LLP

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

S/O

 

LE DÉFENDEUR

(Pour son propre compte)

 

 

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