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Date : 20080917

Dossier : IMM‑1355‑07

Référence : 2008 CF 1042

Vancouver (Colombie‑Britannique), le 17 septembre 2008

En présence de madame la juge Heneghan

 

 

ENTRE :

ORLANDO ARIAS

 

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire, en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), d’une décision rendue le 1er mars 2007 par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission). Dans sa décision, la Commission a conclu que Orlando Arias (le demandeur) n’est pas un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger.

 

[2]               Le demandeur est un citoyen de la Colombie. Il a servi dans l’armée colombienne de 1965 à 1980. En 1971, il a subi une blessure et a suivi le programme d’infirmier et d’aide‑pharmacien. En 1972, il a été déclaré inapte au combat et a travaillé dans une pharmacie militaire. De 1981 à 1987, le demandeur était pasteur.

 

[3]               La Ejercito Liberación Nacional (ELN, armée de libération nationale) a fait appel au demandeur, directement et indirectement, en 1987 et en 1993. En 2002, les Forces armées révolutionnaires de Colombie (les FARC) l’ont menacé. Le 10 décembre 2002, le demandeur et sa famille se sont rendus aux États‑Unis; ils sont arrivés au Canada en février 2003 et ont sollicité l’asile.

 

[4]               Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le défendeur) est intervenu à l’audience pour soutenir que le demandeur ne pouvait pas avoir le statut de réfugié au sens de la Convention, en application de la section E et de l’alinéa Fa) de l’article premier de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, le 28 juillet 1951, 189 R.T.N.U. 150, R.T. Can. 1969 no 7 (la Convention). La section E et l’alinéa Fa) de l’article premier de la Convention sont incorporés par renvoi dans la Loi à titre d’annexe.

 

[5]               La Commission a conclu que la section E de l’article premier ne s’appliquait pas au demandeur parce qu’il n’avait pas de droit permanent d’entrer au Venezuela et sa demande n’a été évaluée que par référence à la Colombie. La demande du demandeur a été rejetée au motif qu’il était complice de la perpétration de crimes contre l’humanité et que, par conséquent, il était interdit de territoire au Canada en vertu de l’alinéa Fa) de l’article premier de la Convention. L’épouse et les enfants ont été reconnus comme réfugiés au sens de la Convention.

 

[6]               Après la clôture de la présentation de la preuve, le défendeur, par l’intermédiaire de sa représentante, a estimé qu’il avait omis de soumettre suffisamment de preuves pour démontrer que le demandeur était complice de crimes contre l’humanité et méritait donc l’exclusion. Cette opinion a été présentée par écrit à la Commission au moyen d’une observation en date du 4 novembre 2005.

 

[7]               La Commission a conclu qu’elle disposait d’une preuve crédible qui étayait la crainte du demandeur de retourner en Colombie. Elle a tiré une conclusion défavorable concernant la crédibilité de la preuve du demandeur au sujet de ses connaissances des affaires militaires et des crimes contre l’humanité commis par sa brigade.

 

[8]               La Commission a conclu que la brigade du demandeur était une organisation qui visait principalement une fin limitée et brutale de 1965 à 1980. Elle a conclu que le demandeur avait choisi volontairement de continuer à faire partie de la brigade pendant 15 ans afin de poursuivre une carrière militaire à la fin de son service obligatoire. Elle a conclu qu’il assumait des responsabilités de supervision et qu’il avait été promu cinq fois, atteignant ainsi le grade de premier sergent.

 

[9]               La Commission a conclu que le demandeur était exclu de la protection parce qu’il avait été complice de la perpétration de crimes contre l’humanité.

 

[10]           Le demandeur présente deux observations principales. Il soutient premièrement que la Commission a commis une erreur en concluant qu’il est exclu en application de l’alinéa Fa) de l’article premier de la Convention. Il affirme que la Commission a fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées qui ont été tirées sans égard à la preuve présentée. Deuxièmement, il soutient que la Commission a commis une erreur en fondant sa décision sur une recherche indépendante dans des documents qui ne faisaient pas partie du dossier du tribunal.

 

[11]           Quant au défendeur, il soutient que les conclusions de fait de la Commission sont étayées par la preuve et que la conclusion qu’elle a tirée quant à la crédibilité devrait être respectée vu que rien ne démontre que la Commission a commis une erreur en interprétant la preuve, y compris celle présentée par le demandeur.

 

[12]           Le défendeur affirme également que le demandeur n’a pas réussi à établir que la Commission a manqué aux règles de l’équité procédurale en fondant sa décision sur une preuve qui ne faisait pas partie du dossier. Le défendeur soutient que le demandeur n’a relevé aucune preuve sur laquelle se serait fondée la Commission et qui n’aurait pas été régulièrement communiquée à la Commission avant la tenue de l’audience.

 

[13]           La décision de la Commission est susceptible de contrôle quant aux conclusions de fait selon la norme de raisonnabilité, compte tenu de la décision récente de la Cour suprême du Canada dans Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190.

 

[14]           En ce qui concerne la question de l’équité procédurale, c’est la décision correcte qui s’appliquera comme norme; voir Ha c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2004] 3 R.C.F. 195.

 

[15]           Dans la présente affaire, je suis convaincue que la Commission n’a pas manqué aux règles de l’équité procédurale. J’accepte l’observation du défendeur selon laquelle le demandeur n’a pas réussi à prouver que la Commission s’était fondée sur une preuve documentaire qui ne faisait pas partie du dossier du tribunal et qui n’avait pas été divulguée.

 

[16]           Cependant, je ne suis pas convaincue que les conclusions de la Commission quant à la complicité du demandeur relativement aux crimes contre l’humanité soient justifiées. La Commission s’est beaucoup fondée sur la preuve documentaire, mais sans établir de lien avec la preuve du demandeur. Toutefois, je crois que la Commission n’a pas suffisamment expliqué la raison pour laquelle elle a rejeté la preuve du demandeur – par exemple concernant la question du rôle qu’il aurait eu dans le refus de traitements médicaux, lorsqu’elle a conclu, malgré la preuve du demandeur, qu’il était au courant de l’existence de détenus.

 

[17]           La demande de contrôle judiciaire sera accueillie et l’affaire sera renvoyée à une autre formation de la Commission pour qu’elle rende une nouvelle décision. Aucune question à certifier n’est soulevée.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie et que l’affaire est renvoyée à une autre formation de la Commission pour qu’elle rende une nouvelle décision. Aucune question à certifier n’est soulevée.

 

 

« E. Heneghan »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Annie Beaulieu, traductrice

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM‑1355‑07

 

INTITULÉ :                                       ORLANDO ARIAS

c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 24 janvier 2008

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              La juge Heneghan

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 17 septembre 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Roderick McDowell                                                                             POUR LE DEMANDEUR

 

Sharon Stewart Guthrie                                                                         POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Roderick McDowell                                                                             POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

 

John H. Sims, c.r.                                                                                 POUR LE DÉFENDEUR

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

 

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