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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20080918

Dossier : IMM-989-08

Référence : 2008 CF 1043

Ottawa (Ontario), le 18 septembre 2008

En présence de monsieur le juge suppléant Max M. Teitelbaum

 

 

ENTRE :

DA HUA LIAO

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire d’une décision rendue le 18 janvier 2008, dans laquelle la Section de la protection des réfugiés (la SPR) a conclu qu’il n’avait ni qualité de réfugié au sens de la Convention ni qualité de personne à protéger.

 

[2]               M. Liao est un citoyen chinois qui allègue craindre d’être persécuté par le Bureau de la sécurité publique (le BSP) en raison de son appartenance à une église chrétienne clandestine. Il soutient s’être joint à l’église le 27 mars 2005 et l’avoir fréquentée régulièrement. Il affirme avoir réussi à échapper à une descente par le BSP le 21 mai 2006, parce qu’il était chargé de faire le guet à ce moment. Deux membres de l’église auraient été arrêtés, et le demandeur se serait alors caché. Le demandeur a fui la Chine et il est arrivé au Canada le 15 juin 2006. Il a présenté une demande d’asile peu de temps après.

 

[3]               La SPR a accepté que M. Liao était un citoyen de la Chine, mais elle a jugé que son récit n’était pas crédible en raison d’invraisemblances et d’incohérences entre son Formulaire de renseignements personnels (le FRP) et son témoignage. Le commissaire a conclu que le demandeur n’était pas membre d’une église clandestine et que les autorités n’étaient pas à sa recherche.

 

[4]               Le demandeur fait valoir que la SPR a tiré des conclusions déraisonnables à partir de la preuve dont elle disposait ou à partir d’une mauvaise interprétation de cette preuve.

 

[5]               J’accepte que la norme de la décision raisonnable décrite dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, doit être appliquée lors du contrôle judiciaire des conclusions de fait.

 

[6]               Le demandeur souligne un certain nombre de conclusions précises dans la décision de la SPR, conclusions qui, selon lui, sont fondées sur une mauvaise interprétation des faits de l’affaire. Ainsi, il refusait de pratiquer le christianisme dans les églises agréées par le gouvernement parce que ces églises plaçaient le Parti communiste en premier, et non parce qu’elles obligeaient leurs membres à prêter serment d’allégeance au Parti communiste en premier plutôt qu’à Dieu, comme l’a exposé le commissaire dans sa décision. Selon le demandeur, cette mauvaise interprétation par la SPR entraîne une erreur fatale puisque son droit de pratiquer sa religion ouvertement et librement constitue en soi le fondement de sa demande.

 

[7]               Le demandeur conteste aussi les conclusions défavorables tirées par la SPR du fait qu’il avait omis d’indiquer certains détails dans son FRP, alléguant qu’il croyait pouvoir fournir les autres éléments de preuve à l’audience. À son avis, ni la deuxième visite chez lui par la police ni l’appel téléphonique de suivi qu’il a fait pour vérifier si la voiture qu’il avait vue et qui l’avait convaincu d’avertir ses collègues était réellement une voiture du BSP, ne constituaient des événements qui l’avaient poussé à présenter sa demande d’asile. La conclusion défavorable tirée par la SPR en raison de son omission d’inclure ces détails dans son FRP était donc erronée. Selon le demandeur, le commissaire aurait également dû accepter sa preuve selon laquelle il croyait pouvoir présenter ces détails à l’audience.

 

[8]               Le défendeur soutient pour sa part que la Cour devrait faire preuve de retenue envers l’expertise de la SPR et que le demandeur n’a tout simplement pas établi le bien-fondé de sa demande à la satisfaction de la SPR. Selon le défendeur, il était loisible à la SPR de tirer la conclusion qu’elle a tirée, laquelle appartient aux issues raisonnables possibles. Compte tenu des nombreux motifs sur lesquels la SPR s’est fondée pour conclure que le demandeur n’était pas crédible, aucun facteur particulier n’était déterminant. Le défendeur soutient que, même si la SPR a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que le demandeur pouvait fréquenter une église agréée par le gouvernement, cette conclusion n’est pas cruciale quant à la décision finale selon laquelle le demandeur n’était pas membre d’une église clandestine ayant fait l’objet d’une descente par le BSP. Cela étant, selon le défendeur, il ne s’agissait pas tant d’une erreur commise par la SPR que d’une omission du demandeur d’établir le bien-fondé de sa demande.

 

[9]               Le défendeur fait aussi valoir que la SPR peut tenir compte de l’omission du demandeur de mentionner tous les faits importants de sa demande dans son FRP, puisque cette omission est liée à la crédibilité. Cela s’avère particulièrement vrai lorsque l’explication fournie par le demandeur quant à l’omission est contradictoire, comme en l’espèce, où le demandeur a tout d’abord dit qu’il n’avait pas donné les détails parce qu’il les avait oubliés, mais a ensuite indiqué qu’il croyait pouvoir présenter des éléments de preuve plus détaillés dans son témoignage oral.

 

[10]           Je partage l’avis du défendeur selon lequel la décision de la SPR ne comporte aucune conclusion abusive, arbitraire ou fondée sur une mauvaise interprétation de la preuve dont elle disposait. Le demandeur demande à la Cour d’apprécier à nouveau la preuve et de tirer une conclusion opposée. Il s’agit d’un contrôle judiciaire et non d’un appel. Il était loisible à la SPR de rendre la décision qu’elle a rendue, compte tenu de la preuve dont elle disposait, et je suis convaincu que la Cour ne devrait pas intervenir.

 

[11]           Je souligne aussi que la SPR a jugé qu’elle ne pouvait accepter qu’on empêcherait le demandeur de pratiquer sa religion s’il était renvoyé en Chine, puisque la seule preuve fournie à cet égard était une « déposition sur la foi d’autrui ». Le demandeur a allégué qu’il avait été informé des pratiques des églises agréées par des membres de l’église clandestine à laquelle il prétendait appartenir, mais qu’il n’avait pas mené sa propre enquête. Le commissaire pouvait préférer la preuve documentaire aux allégations non étayées du demandeur.

 

[12]           Le demandeur a relevé des passages précis de la preuve documentaire qui contredisent la conclusion de la SPR, mais il est bien établi en droit que le tribunal est présumé avoir tenu compte de tous les éléments de preuve dont il disposait, en l’absence d’indices importants établissant le contraire. Selon moi, le passage souligné par le demandeur, qui fait référence à des limites en matière de doctrine imposées aux dirigeants des églises agréées en Chine, ne constitue pas une réponse complète à la conclusion de la SPR selon laquelle on n’empêcherait pas le demandeur de pratiquer le christianisme en Chine. Je ne partage pas l’avis du demandeur selon lequel la décision de la SPR est fondée sur une mauvaise interprétation des faits.

 

[13]           La demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Aucune question n’a été proposée aux fins de certification.

 

 


 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

 

« Max M. Teitelbaum »

Juge suppléant

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Isabelle D’Souza, LL.B., M.A.Trad.jur.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-989-08

 

INTITULÉ :                                       DA HUA LIAO c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 2 SEPTEMBRE 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE SUPPLÉANT TEITELBAUM

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       LE 18 SEPTEMBRE 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Shelly Levine

 

POUR LE DEMANDEUR

Eleanor Elstub

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Levine Associates

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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