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Date : 20080922

Dossier : IMM‑937‑08

Référence : 2008 CF 1052

Ottawa (Ontario), le 22 septembre 2008

En présence de monsieur le juge Max M. Teitelbaum

 

 

ENTRE :

MING LIN

demandeur

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur sollicite, en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), le contrôle judiciaire d’une décision rendue le 6 février 2008 par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié ( la Commission). La Commission a jugé que le demandeur n’était ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger, au sens des articles 96 et 97 de la Loi.

 

[2]               Le demandeur est un citoyen de la République populaire de Chine (la Chine).

 

[3]               Le demandeur prétend être un adepte du Falun Gong. Il dit que, en novembre 2004, il a consulté un médecin en raison de la douleur que lui causait un ulcère gastrique. Le médecin lui a conseillé de cesser temporairement son travail. Le demandeur dit qu’il a réduit alors sa charge de travail, mais qu’il n’a pu prendre un congé en raison des nécessités de son entreprise. Il dit que, en mars 2005, un ami lui a suggéré de se joindre au Falun Gong comme moyen de venir à bout de son stress. Il affirme qu’il savait que la pratique du Falun Gong était proscrite par le gouvernement chinois, mais que son ami l’avait assuré que des précautions avaient été prises. Le demandeur affirme qu’il a commencé la pratique du Falun Gong à la mi‑mars 2006 et qu’il a plus tard introduit un collègue au sein de ce mouvement. Le demandeur soutient que la pratique du Falun Gong est le meilleur moyen qu’il ait trouvé pour se rétablir de son ulcère.

 

[4]               Le demandeur et ce collègue, ainsi que onze autres participants, sont arrivés au Canada à la faveur d’un voyage d’affaires le 25 octobre 2006. Ils sont arrivés à Montréal le soir du 28 octobre 2006. Selon le demandeur, la responsable du groupe avait pris les passeports de chacun d’eux. Après l’arrivée du groupe à l’hôtel ce soir‑là, elle aurait rendu les passeports aux participants, sauf au demandeur et à son collègue. Le demandeur affirme avoir reçu ce même soir un appel téléphonique de son épouse, qui lui aurait dit que l’ami qui l’avait initié au Falun Gong avait été arrêté. Son épouse lui aurait dit aussi que l’épouse de cet ami lui avait dit que son collègue et lui seraient arrêtés par le Bureau de la sécurité publique (le BSP). Le demandeur affirme qu’il croyait qu’il y avait un lien entre le fait que son passeport ne lui avait pas été rendu et la menace d’une arrestation en Chine. Son collègue et lui ont quitté Montréal ce soir‑là pour Toronto afin de présenter leurs demandes d’asile. Le demandeur affirme qu’il a plus tard appris par son épouse que le BSP s’était rendu à son domicile en Chine à la fin de décembre 2006.

 

[5]               Par décision datée du 6 février 2008, la Commission a jugé que le demandeur n’était pas un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger car il n’était pas un témoin crédible.

 

[6]               D’abord, la Commission a jugé que le demandeur n’était pas crédible dans l’exposé circonstancié accompagnant son Formulaire de renseignements personnels (le FRP), dans son dossier d’interrogatoire, ni dans son témoignage portant sur son identité prétendue d’adepte du Falun Gong et sur le fait qu’il était recherché par des agents du BSP. La Commission a tiré plusieurs conclusions défavorables des contradictions qui parsemaient la preuve du demandeur. Plus précisément, elle a tiré une conclusion défavorable des contradictions portant sur la date présumée à laquelle un ulcère gastrique avait été diagnostiqué chez le demandeur, ainsi que des contradictions qui entachaient le témoignage du demandeur portant sur le fait qu’il avait réduit sa charge de travail à la suite du diagnostic. La Commission a jugé aussi qu’il y avait des contradictions entre le témoignage et le FRP du demandeur concernant sa connaissance et son évaluation du risque et des conséquences possibles de la pratique du Falun Gong en Chine. La Commission a tiré aussi une conclusion défavorable des contradictions entre le témoignage du demandeur, son FRP et son dossier d’interrogatoire, concernant l’accès du BSP à une liste d’adeptes, le fait que le BSP savait qu’il était un adepte du Falun Gong et le fait que le BSP était à sa recherche.

 

[7]               La Commission a jugé invraisemblable le témoignage du demandeur selon lequel son passeport et celui de son collègue avaient été confisqués, mais pas ceux des autres, et elle a jugé invraisemblable également le rapport que le demandeur faisait entre cet incident et le fait que, disait‑il, la police le recherchait en Chine. La Commission a donc tiré une conclusion défavorable de ces invraisemblances.

 

[8]               La Commission a également tiré une conclusion défavorable de la date de la modification du FRP du demandeur concernant la prétendue visite de la police à son domicile en Chine. Le demandeur aurait reçu cette information le 26 décembre 2006, mais ne l’a révélée par modification de son FRP que le 29 janvier 2008. Bien que le demandeur d’asile puisse en principe modifier son FRP, il est loisible à la Commission de s’interroger sur la raison pour laquelle il lui a fallu 13 mois pour faire la modification, et de conclure, comme dans la présente affaire, que la modification a été faite dans le dessein de renforcer la demande d’asile.

 

[9]               Finalement, la Commission a tiré une conclusion défavorable quant au sérieux du demandeur dans la pratique du Falun Gong. La Commission a jugé que la connaissance que le demandeur avait du Falun Gong avait été acquise au Canada et uniquement dans le but d’appuyer sa demande d’asile.

 

[10]           La présente demande soulève le point suivant :

a.       La Commission a‑t‑elle tiré une conclusion déraisonnable en jugeant que le demandeur n’était pas un réfugié ni une personne à protéger?

 

[11]           Les dispositions suivantes de la Loi intéressent la présente demande de contrôle judiciaire :

 

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention ‑‑ le réfugié ‑‑ la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

 

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

 

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

 

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

 

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes ‑‑ sauf celles infligées au mépris des normes internationales ‑‑ et inhérents à celles‑ci ou occasionnés par elles,

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well‑founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

 

(a)        is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

(b)        not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

 

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

 

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

 

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

 

 

 

[12]           Récemment, dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, [2008] A.C.S. n° 9, 2008 CSC 9, la Cour suprême du Canada a statué qu’il n’existe aujourd’hui que deux normes de contrôle : la décision correcte et la décision raisonnable (arrêt Dunsmuir, au paragraphe 34). Pour savoir quelle norme de contrôle il convient d’appliquer, il faut franchir deux étapes. D’abord, la Cour doit examiner la jurisprudence pour savoir si la norme de contrôle à appliquer a déjà été fixée. Si cette recherche se révèle infructueuse, la Cour doit alors entreprendre l’analyse des quatre facteurs qui constituent l’analyse relative à la norme de contrôle (arrêt Dunsmuir, au paragraphe 62).

 

[13]           En l’espèce, le demandeur conteste les conclusions de la Commission pour qui le demandeur n’était pas crédible en raison des invraisemblances de son récit. Ce sont là des conclusions de nature factuelle. Il ressort clairement de la jurisprudence que l’analyse que fait la Commission quant à la crédibilité d’un demandeur d’asile et à la vraisemblance de son récit est intimement liée à son rôle d’arbitre des faits et que, en conséquence, ses conclusions en la matière devraient bénéficier d’une retenue appréciable. Selon la jurisprudence postérieure à l’arrêt Dunsmuir, la norme de contrôle qu’il convient d’appliquer aux conclusions touchant la crédibilité d’un demandeur d’asile et la vraisemblance de son récit est la décision raisonnable (Saleem c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 389, au paragraphe 13; Malveda c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 447, aux paragraphes 17 à 20; Khokhar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 449, aux paragraphes 17 à 20).

 

[14]           Dans l’arrêt Dunsmuir, au paragraphe 47, la Cour suprême a donné des directives concernant l’application de la norme de la décision raisonnable. Le caractère raisonnable d’une décision tient à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, et plus précisément « à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

 

[15]           Le demandeur allègue que la Commission a commis une erreur déraisonnable parce qu’elle a tiré une conclusion défavorable des contradictions entre son FRP initial, son FRP modifié, son dossier d’interrogatoire et son témoignage. D’abord, le demandeur prétend que la Commission a à tort conclu dans ses motifs que la preuve touchant ses ennuis de santé et sa réaction aux conseils de son médecin n’était pas la même selon qu’il s’agissait de son FRP, de sa preuve documentaire ou de son témoignage. La Commission a dit qu’il y avait une contradiction entre le FRP du demandeur, selon lequel la date du diagnostic était la fin de décembre 2004, et le formulaire médical présenté par le demandeur, qui indiquait le 5 novembre 2004 comme date du diagnostic. Le demandeur souligne à juste titre que la date du diagnostic a été modifiée dans son FRP le 29 janvier 2008. Cependant, la conclusion défavorable tirée par la Commission n’était pas déraisonnable. Le FRP du demandeur a été modifié pour corriger la date du diagnostic, mais il y avait une contradiction entre le FRP initial et le témoignage. La Commission est fondée à prendre en compte cette contradiction et elle pouvait raisonnablement tirer une conclusion défavorable. Le simple fait que la Commission n’ait pas fait état du FRP modifié lorsqu’elle a rendu sa décision ne signifie pas nécessairement qu’elle a laissé de côté une preuve, si un examen des motifs de la Commission donne à penser qu’elle a pris en considération la totalité de la preuve (Hassan c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] A.C.F. n° 946 (C.A.F.)).

 

[16]           Le demandeur fait aussi valoir que la Commission a interprété d’une manière fautive l’absence de preuve dans le FRP concernant les conseils de son médecin et sa réaction à ces conseils. Le demandeur trouve à redire à l’affirmation de la Commission selon laquelle « aucun de ces renseignements n’était mentionné dans [le] FRP ». Le demandeur prétend que cette affirmation était inexacte puisqu’il était mentionné que le médecin lui avait suggéré de prendre un congé et qu’il n’avait pu prendre ce congé. Ce n’est pas là une interprétation raisonnable des motifs de la Commission. La Commission a reconnu dans ses motifs que le FRP du demandeur mentionnait que son médecin lui avait conseillé de prendre un congé, mais qu’il n’avait pu prendre ce congé. Dans l’affirmation mise en relief par le demandeur, la Commission faisait observer qu’aucun des éléments de son témoignage se rapportant à la réduction de ses heures de travail en réponse aux conseils de son médecin ne figurait dans son FRP. Selon la Commission, le témoignage du demandeur quant à sa réponse aux conseils de son médecin ne constituait pas simplement un ajout à l’information déjà contenue dans le FRP. La conclusion défavorable tirée par la Commission s’expliquait par les contradictions entre le témoignage du demandeur et son FRP. La Commission est fondée à tirer une conclusion défavorable d’une telle contradiction (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Richards, [2004] A.C.F. n° 1467, 2004 CF 1218).

 

[17]           Le demandeur soutient que la Commission a commis une erreur parce qu’elle a tiré une conclusion défavorable de ce qu’il lui ait fallu plus d’un an pour modifier son FRP afin d’y écrire qu’il avait été informé que le BSP avait visité son domicile en Chine le 29 décembre 2006. Selon le demandeur, puisque les modifications au FRP sont autorisées par l’article 5 des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2002‑228 (les Règles), le moment auquel un FRP est modifié ne devrait donner lieu à aucune conclusion défavorable. D’abord, c’est au paragraphe 6(4), non à l’article 5, que les Règles régissent les modifications apportées aux FRP. En outre, alors que le paragraphe 6(4) des Règles autorise la modification des renseignements personnels d’un demandeur d’asile, la simple possibilité de modifier l’exposé circonstancié d’un FRP n’empêche pas la Commission d’avoir des doutes sur la crédibilité du demandeur d’asile à la suite d’une telle modification (Aragon c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 144). Il est établi dans la jurisprudence que la Commission est fondée à comparer le FRP d’un demandeur d’asile à son témoignage et à tirer des conclusions sur la crédibilité du demandeur d’asile compte tenu des contradictions et omissions qu’elle a relevées. Pareillement, dans la présente affaire, la Commission pouvait raisonnablement tirer une conclusion défavorable sur la crédibilité du demandeur puisque son FRP avait été modifié plus d’un an plus tard par ajout de renseignements qui étaient essentiels pour sa demande d’asile, plus précisément de renseignements qui concernaient la visite du BSP à son domicile en Chine.

 

[18]           Le demandeur prétend aussi que la Commission a commis une erreur parce qu’elle a tiré une conclusion défavorable des contradictions qu’elle avait cru déceler dans son témoignage concernant la connaissance et l’appréciation qu’il pouvait avoir des risques associés à la pratique du Falun Gong avant de devenir un adepte de ce mouvement. D’abord, le demandeur fait valoir que la Commission n’a pas pris en compte la preuve contenue dans son FRP, preuve qui, selon lui, s’accorde avec la partie de son témoignage où il affirmait qu’il avait eu connaissance de l’imposition de longues peines de prison et de graves sanctions. Le fait que le FRP du demandeur s’accorde avec une partie de son témoignage n’empêche pas que la Commission pouvait raisonnablement tirer une conclusion défavorable des contradictions entachant son témoignage. Deuxièmement, le demandeur soutient que la Commission a examiné la preuve à la loupe; il dit plus précisément que la Commission n’a pas bien saisi le contexte de ses réponses. Selon le demandeur, les questions posées à l’audience portaient sur sa connaissance de la situation avant qu’il ne commence la pratique du Falun Gong et ne semblaient pas tenir compte du fait que la compréhension qu’il avait des risques liés à cette pratique s’était modifiée après qu’il se fut joint au mouvement. La Cour d’appel fédérale a jugé dans l’arrêt Attakora c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1989] A.C.F. n° 444, que la Commission « ne devrait pas manifester une vigilance excessive en examinant à la loupe les dépositions », mais il n’est pas évident que la Commission a fait de quelque façon un examen à la loupe en l’espèce. La Commission n’a pas agi déraisonnablement en tirant la conclusion défavorable qu’elle a tirée.

 

[19]           Le demandeur trouve également à redire à la conclusion de la Commission selon laquelle, vu la probabilité qu’il soit arrêté et sévèrement puni, il était invraisemblable qu’il se soit joint au Falun Gong pour venir à bout de son stress. Le demandeur fait valoir que des gens sont encore arrêtés en Chine parce qu’ils sont des adeptes du Falun Gong, et que c’est là une preuve prima facie que des gens se joignent encore au Falun Gong pour accéder à la tranquillité, même s’ils craignent de se faire prendre. Il n’était pas déraisonnable pour la Commission de tirer cette conclusion défavorable. D’abord, l’appréhension des adeptes du Falun Gong n’est pas une preuve prima facie de la motivation de ces adeptes. Deuxièmement, comme l’a soutenu le défendeur, une conclusion défavorable peut être raisonnablement tirée lorsqu’il est invraisemblable qu’une personne puisse agir d’une manière qui la mette en danger, elle et sa famille (Rani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 73). Troisièmement, lorsqu’elle évalue la crédibilité d’un demandeur d’asile, la Commission est fondée à s’en remettre à un critère tel que la raison et le bon sens (voir Shahamati c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] A.C.F. n° 415). En l’espèce, il était raisonnable pour la Commission de tirer une conclusion défavorable au motif qu’il est invraisemblable qu’une personne puisse décider de devenir adepte du Falun Gong pour réduire son stress alors que le risque associé à cette pratique lui causera probablement un stress additionnel.

 

[20]           Le demandeur soutient que la Commission a commis une erreur en concluant qu’il était invraisemblable qu’il ait remarqué que la responsable du groupe avait rendu les passeports à tous les membres du groupe sauf à lui‑même et à son ami, et en concluant également qu’il était invraisemblable qu’il ait fait un lien entre cet incident et le fait que le BSP était à ses trousses. Le demandeur maintient que ce lien était pure conjecture de sa part et que, même si elle s’est révélée fausse, cela n’amoindrit pas sa demande d’asile. Comme l’a prétendu le défendeur, la Commission peut raisonnablement tenir compte du caractère invraisemblable d’une demande d’asile et la rejeter au motif qu’il est invraisemblable que des agents de persécution se comportent de telle ou telle manière (Ariayputhiran c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 1301, le juge Blanchard, au paragraphe 17). En l’espèce, il n’était pas déraisonnable pour la Commission d’évaluer la vraisemblance de cet aspect de la demande d’asile. Il n’était pas déraisonnable non plus pour la Commission de tirer une conclusion défavorable de cette invraisemblance puisque c’était un aspect central de la demande d’asile.

 

[21]           Finalement, le demandeur fait valoir que la Commission a eu tort de conclure que la connaissance qu’il avait du Falun Gong avait été acquise par lui simplement pour soutenir sa demande d’asile. Le demandeur soutient que cette conclusion procédait des nombreuses erreurs qui, selon les allégations, auraient été commises par la Commission par suite de la perception qu’elle avait des faits et par suite des conclusions défavorables qu’elle a tirées. Une conclusion générale d’absence de crédibilité d’un demandeur d’asile peut s’étendre à tous les éléments de son témoignage (Sheikh c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1990] 3 C.F. 238, (1990) 71 D.L.R. (4th) 604 (C.A.)). Puisque la Cour a déjà conclu que la Commission n’a pas commis d’erreurs déraisonnables dans l’évaluation de la crédibilité générale du demandeur, la conclusion de la Commission à propos de la connaissance qu’avait le demandeur du mouvement Falun Gong ne saurait être qualifiée de déraisonnable.

 

[22]           Globalement, l’analyse qu’a faite la Commission de la crédibilité du demandeur « appart[ient] […] aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit », selon ce qu’on peut lire dans l’arrêt Dunsmuir, précité, au paragraphe 47.

 

[23]           Pour les motifs qui précèdent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question de portée générale n’a été proposée pour être certifiée.


 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

 

 

« Max M. Teitelbaum »

Juge suppléant

 

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM‑937‑08

 

INTITULÉ :                                       MING LIN c. M.C.I.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 4 SEPTEMBRE 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE SUPPLÉANT TEITELBAUM

 

DATE DES MOTIFS
ET DU JUGEMENT :
                       LE 22 SEPTEMBRE 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Shelley Levine

 

POUR LE DEMANDEUR

David Joseph

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Levine Associates

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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