Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Date : 20080918

Dossier : IMM-933-08

Référence : 2008 CF 1054

Toronto (Ontario), le 18 septembre 2008

En présence de monsieur le juge Campbell

 

ENTRE :

SERGIU VACARU

TAMARA GHEORGHIU

OLIVIA VACARU

OVIDIU VACARU

ADRIANA VACARU

demandeurs

 

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               La présente demande concerne le demandeur principal, un citoyen de la Roumanie et de la Moldavie, qui conteste une décision défavorable concernant son renvoi en Roumanie qui a été rendue le 11 janvier 2008 à la suite d’un examen des risques avant renvoi (ERAR). L’argument principal invoqué par le demandeur dans sa contestation est que l’agent d’ERAR qui a rejeté sa demande n’a pas apprécié correctement les nouveaux éléments de preuve concernant les risques auxquels il serait exposé en Moldavie s’il était obligé de retourner en Roumanie.

 

[2]               La Section de la protection des réfugiés (la SPR) a rejeté le 26 avril 2007 la demande d’asile présentée par le demandeur. Le demandeur a prétendu devant la SPR et devant l’agent d’ERAR que, s’il était renvoyé en Roumanie, il y avait plus qu’une simple possibilité qu’il doive élire domicile en Moldavie avant qu’on lui permette d’élire domicile en Roumanie. La SPR a rejeté sa demande d’asile en rejetant cet argument sur le fond, mais elle a néanmoins conclu qu’il serait persécuté s’il retournait en Moldavie. La contestation du demandeur de la décision faisant l’objet du présent contrôle repose sur le fait que l’agent d’ERAR s’est appuyé sur le fond du rejet exposé de façon détaillée dans la décision de la SPR, et ce, malgré les éléments de preuve contradictoires dont il était saisi. L’argument invoqué par le demandeur dans le cadre de la présente demande de contrôle est le suivant :

 

[traduction]

 

Il s’agit ici de déterminer si l’agent d’ERAR a commis de graves erreurs dans son analyse des risques réels, de la protection de l’État, du domicile, etc., en Roumanie, ainsi que des risques liés à l’extradition vers la Moldavie de citoyens roumains appartenant à la catégorie de ceux qui ont des citoyennetés multiples et une résidence permanente à l’extérieur de l’Union européenne et du préjudice irréparable qui peut être occasionné si la famille Vacaru est renvoyée en Roumanie – voir la décision de la Cour fédérale (CF) du 17 mars 2008 portant sur le sursis à la mesure de renvoi [pages 8 à 10 du présent dossier de demande, S. Vacaru et al. c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration)].

 

Le juge O’Reilly a accepté cet argument le 28 mars 2008 à titre de question sérieuse à instruire, dans le cadre d’une demande de sursis à l’exécution d’une mesure de renvoi découlant de la décision d’ERAR contrôlée en l’espèce.

 

[3]               Le demandeur a présenté l’argument de « nouveaux éléments de preuve » suivant à l’agent d’ERAR :

 

[traduction]

 

Veuillez noter que M. Vacaru et sa famille ont demandé l’asile le 4 janvier 2006. La CISR a décidé que M. Vacaru n’était pas un réfugié au sens de la Convention, mais de nouveaux éléments de preuve sont survenus concernant la menace à la vie et le risque d’être soumis à la torture auxquels sa famille et lui seraient confrontés s’ils étaient renvoyés en Moldavie ou en Roumanie. Ces éléments de preuve n’ont pas été présentés à l’audience relative à leur demande d’asile, et ce, pour les raisons suivantes : 1) les règles de justice naturelle n’ont pas été respectées parce que le demandeur n’a pas été autorisé à présenter tous les documents et toutes les explications qu’il voulait présenter; 2) certains faits importants concernant le statut d’immigrant de M. Vacaru et de sa famille en Espagne, au Portugal et en Roumanie ont été déformés; 3) certaines preuves de visa et de passeport ont été falsifiées et, enfin; 4) de nouveaux éléments de preuve sont survenus après que la CISR a pris sa décision. Par conséquent, de tels éléments de preuve peuvent être pris en compte dans le cadre d’un examen d’ERAR. Nous prétendons que M. Vacaru et sa famille sont des personnes à protéger parce qu’ils seraient exposés à une menace à leur vie ou à un risque de traitements cruels et inusités au sens de l’alinéa 97(1)b) de la LIPR [Non souligné dans l’original.]

 

(Dossier du tribunal, à la page 77.)

 

[4]               Pour arriver à une décision concernant la demande d’ERAR du demandeur, l’agent d’ERAR s’est appuyé sur la conclusion suivante de la SPR :

 

En ce qui concerne l’incapacité prétendue par les demandeurs d’asile d’établir leur domicile en Roumanie, sans avoir à aller en Moldavie, le tribunal constate que les lois sur la citoyenneté de la Roumanie énoncent ce qui suit et, selon la prépondérance des probabilités, j’estime que l’admission de la Roumanie au sein de l’UE en assure l’application :

[traduction]

Article 19. Aucun citoyen roumain ne peut être extradé ni expulsé de la Roumanie […] [Non souligné dans l’original.]

 

(Dossier du tribunal, à la page 102.)

 

 

 

[5]               Dans sa demande d’ERAR, le demandeur a présenté la preuve suivante :

 

[traduction]

 

L’article 24 de la loi roumaine no 302/2004 sur la « Coopération internationale en matière de justice » permet d’expulser les citoyens de la Roumanie au pays de première nationalité et de première résidence permanente (en l’espèce la Moldavie). Le document A12 comprend la traduction de cet article et fait état d’une cause dans laquelle un citoyen qui possédait la double citoyenneté, soit celle de la Moldavie et de la Roumanie, mais qui avait dans le passé vécu en Moldavie, a été extradé en Moldavie à la demande du procureur général de cet État, et ce, même s’il avait un domicile en Roumanie.

[…]

La commissaire de la CISR n’a pas analysé la loi no 302/2004; voir la page 8 de la décision A07. Elle n’a fait que mentionner officiellement le libellé de l’article 19 selon lequel « [a]ucun citoyen roumain ne peut être extradé ni expulsé de la Roumanie » et le libellé de l’article 16 selon lequel « [l]es citoyens sont égaux devant la loi, etc. ». Nous pouvons cependant constater que, en Roumanie, il existe des lois en vigueur qui contredisent la Constitution et le droit international puisqu’il existe deux catégories de citoyens (ceux qui ont un domicile en Roumanie et ceux qui n’en ont pas), qui possèdent des droits différents. Ceux qui appartiennent à la deuxième catégorie sont d’ordinaire extradés si la demande en est faite ou si de fausses accusations criminelles sont déposées.

 

(Dossier du tribunal, à la page 84)

 

 

Le dcument A12 qui figure dans le passage cité comprend le passage suivant :

 

 

[traduction]

 

D’après l’article 24c) de la loi roumaine no 302/2004, un citoyen roumain peut être extradé de la Roumanie en vertu des conventions internationales auxquelles la Roumanie est partie, et ce, au nom de la réciprocité, si le citoyen extradé possède également la citoyenneté de l’État qui fait la demande d’extradition.

La loi n’exige pas qu’il soit satisfait cumulativement à toutes les conditions qui figurent à l’article 24, mais, selon celle‑ci, un citoyen roumain peut être extradé de la Roumanie si au moins une des conditions qui figurent parmi celles qui sont énumérées à l’article 24 c) est satisfaite. Donc, d’après le dossier, on peut voir que M.M. est également un citoyen de la Moldavie [Non souligné dans l’original.]

 

(Dossier du tribunal, aux pages 113 et 114.)

 

[6]               Les nouveaux éléments de preuve présentés par le demandeur jettent le doute sur les conclusions de la SPR concernant le droit roumain. Toutefois, la décision de l’agent d’ERAR concernant ces nouveaux éléments de preuve est la suivante :

A12 et A13 : la loi roumaine.

 

[traduction]

 

Le demandeur a fourni des documents concernant les règles d’extradition et l’établissement du domicile en Roumanie. Selon moi, ces renseignements ne constituent pas de nouveaux éléments de preuve car ils étaient normalement accessibles pour présentation à la SPR. Je ne dispose pas d’éléments de preuves suffisants pour conclure que la loi a été adoptée après que la décision défavorable fut rendue par la SPR. Le demandeur n’a pas expliqué de façon satisfaisante en quoi ces documents constituaient de nouveaux éléments de preuve ou pourquoi ces documents n’étaient pas normalement accessibles avant que la SPR ne rende sa décision défavorable.

 

(Décision relative à l’ERAR,à la page 4.)

 

[7]               La question consiste à se demander si l’agent d’ERAR a commis une erreur susceptible de contrôle en n’acceptant pas les nouveaux éléments de preuve soumis par le demandeur. La preuve du demandeur quant à l’ERAR a été fournie par un consultant en immigration. La lettre du consultant à laquelle était jointe la preuve révèle un manque total de compréhension des questions qui sont en cause dans une demande d’ERAR. Par conséquent, la « demande » ne fournit aucun argument qui traite directement des critères de l’article 113 de la LIPR quant à savoir pourquoi la preuve de l’article 24 devrait être admise à titre de « nouvel élément de preuve » par l’agent d’ERAR. Comme aucun argument de ce genre ne lui a été soumis, l’agent d’ERAR, à mon avis, n’a commis aucune erreur en décidant que les éléments de preuve n’étaient pas admissibles. Par conséquent, je ne relève aucune erreur susceptible de contrôle en l’espèce.

 

 

 

 

 

 

ORDONNANCE

 

La demande est rejetée.

 

Il n’y a aucune question à certifier.

 

« Douglas R. Campbell »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-933-08

 

INTITULÉ :                                       SERGIU VACARU, TAMARA GHEORGHIU, OLIVIA VACARU, OVIDIU VACARU, ADRIANA VACARU

c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 18 septembre 2008

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE CAMPBELL

 

DATE DES MOTIFS                       

ET DE L’ORDONNANCE :             Le 18 septembre 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

Sergiu Vacaru etTamara Gheorghiu

POUR LEUR PROPRE COMPTE

 

Modupe Oluyomi

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Sergiu Vacaru etTamara Gheorghiu

Toronto (Ontario)

 

POUR LEUR PROPRE COMPTE

 

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.