Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Date : 20080918

Dossier : IMM-1543-08

Référence : 2008 CF 1056

Toronto (Ontario), le 18 septembre 2008

En présence de monsieur le juge Campbell

 

ENTRE :

XIAO ZHEN OU YANG

demanderesse

 

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               La présente demande se rapporte à une Chinoise qui demande l’asile au motif de son appartenance à la religion chrétienne. Lors de l’audition de la demande, l’avocate de la demanderesse a soutenu que la décision défavorable rendue par la Section de la protection des réfugiés (la SPR ou la Commission) comporte une erreur susceptible de contrôle parce que la commissaire de la SPR (la commissaire) a rejeté la demande sur la base d’une conclusion d’ensemble défavorable quant à la crédibilité, sans donner de motifs clairs.

 

[2]               L’argumentation de l’avocate de la demanderesse comporte trois parties. La première partie est relative au fait que la demanderesse a déposé certains documents essentiels en retard. Lors de l’audience à la SPR, la demanderesse a expliqué que les documents avaient été déposés en retard parce qu’elle avait eu des difficultés à les recevoir de la Chine et qu’elle voulait les rassembler et les déposer tous en même temps. Lors de cette audience, l’explication de la demanderesse a été rejetée par la commissaire, qui a fait la déclaration suivante :

 

[traduction]

LA PRÉSIDENTE DE L’AUDIENCE : D’accord. Je vais admettre les documents d’identité, ils sont essentiels. Je n’admets pas votre explication sur la raison pour laquelle ils sont déposés avec un tel retard. L’argument de devoir tout déposer en même temps ne tient tout simplement pas. Cependant, je leur accorderai la valeur appropriée lorsqu’ils sont déposés si tard.

(Dossier du tribunal, page 248)

 

 

Après ce commentaire, le dialogue suivant s’est déroulé entre l’avocate de la demanderesse et la commissaire :

 

LA PRÉSIDENTE DE L’AUDIENCE : Bon d’accord. Je les admettrai, mais je leur accorderai la valeur appropriée lorsque je recevrai ces documents donc…d’accord? Si…tard, il en va de même pour cela — et la convocation mais ils recevront la valeur appropriée parce que je n’admets pas votre argument sur la raison pour laquelle ces documents sont déposés à la toute dernière minute. Donc, je tire une conclusion très défavorable de cette communication tardive des documents, d’accord? Donc, ils vont être admis dans — vous m’avez fourni la liste des pièces, Maître. [Non souligné dans l’original.]

 

[…]

 

L’Avocate :            D’accord. Bien, j’ajouterais simplement pour mémoire que, je pense qu’il est fâcheux que la Commission tire une conclusion défavorable de la communication tardive des documents avant que nous ayons entendu le début même du témoignage de la demanderesse relativement à sa demande.

LA PRÉSIDENTE DE L’AUDIENCE : Je dis simplement que je tire une conclusion défavorable relativement aux documents et non pas relativement à la preuve de cette dame.

L’Avocate : D’accord, bien je ne comprends pas ce sur quoi cette conclusion est basée.

LA PRÉSIDENTE DE L’AUDIENCE : Bien lorsque j’ai – lorsque ces documents sont si en retard. Quoi qu’il en soit, vous m’avez fourni la liste des pièces, je vais admettre cette liste maintenant et je suppose que la C‑6 sera la convocation?

(Dossier du tribunal, pages 248 et 249)

 

 

Je partage l’avis de l’avocate de la demanderesse selon qui, lorsqu’elle a tiré, sans éléments à son appui, [traduction] « une conclusion très défavorable », la commissaire a révélé avoir, sans fondement, un état d’esprit inexplicablement soupçonneux selon lequel la demande de la demanderesse était frauduleuse avant même que l’audition de sa demande soit terminée. Par conséquent, je conclus que la décision est empreinte d’une injustice flagrante.

 

[3]               Selon moi, le caractère arbitraire ressort relativement à la conclusion de la SPR portant sur la demande de la demanderesse selon laquelle elle est chrétienne. Lors de l’audience, la commissaire a attentivement interrogé la demanderesse sur ses connaissances des principes fondamentaux de la foi chrétienne pentecôtiste. En particulier, il y a eu un dialogue important de l’interrogatoire sur la fête de la Pentecôte :

 

[traduction]

LA PRÉSIDENTE DE L’AUDIENCE : D’accord, vous fréquentez une église pentecôtiste, célébrez‑vous la Pentecôte?

LA DEMANDERESSE : Je sais quel jour est la Pentecôte, nous l’appelons la venue de l’eau vive.

LA PRÉSIDENTE DE L’AUDIENCE : D’accord. Pourquoi n’avez‑vous pas parlé de la Pentecôte?

LA DEMANDERESSE : Parce que je ne l’ai jamais célébrée.

LA PRÉSIDENTE DE L’AUDIENCE : Bien, Madame, vous fréquentez cette église depuis plus d’une année et vous ne l’avez pas encore célébrée?

LA DEMANDERESSE : Le pasteur a parlé de la Pentecôte, mais je ne l’ai jamais célébrée ici.

LA PRÉSIDENTE DE L’AUDIENCE : Quel est le jour de la Pentecôte?

LA DEMANDERESSE : On m’a dit que c’était quarante jours après la résurrection de Jésus et ensuite l’eau vive arrive.

LA PRÉSIDENTE DE L’AUDIENCE : D’accord. Donc lorsque Jésus est ressuscité, comment s’appelle ce jour saint? Le jour de la résurrection de Jésus, quel est le nom donné à ce jour saint?

LA DEMANDERESSE : Noël.

LA PRÉSIDENTE DE L’AUDIENCE : Donc Noël c’est quand Jésus est ressuscité?

LA DEMANDERESSE : Non, c’est après le Vendredi saint que Jésus est ressuscité, Jésus est mort et ressuscité. [Non souligné dans l’original.]

(Dossier du tribunal, page 276)

 

 

 

[4]               En ce qui a trait à cet interrogatoire, la commissaire a fait la déclaration suivante dans la décision rendue :

 

Il avait été demandé à la demandeure d’asile quelles étaient les fêtes religieuses chrétiennes. La demandeure d’asile a mentionné Pâques, Noël et Vendredi saint. Il a été demandé à la demandeure d’asile si elle voulait compléter sa réponse et elle a répondu que non. Il a été ensuite demandé à la demandeure d’asile pourquoi elle n’avait pas mentionné la Pentecôte, étant donné qu’elle fréquentait une église pentecôtiste. La demandeure d’asile a répondu qu’elle n’avait jamais célébré cette fête. Il a été fait remarquer à la demandeure d’asile que la lettre de son église mentionnait qu’elle fréquentait la Living Water Church depuis novembre 2006 et qu’elle la fréquentait donc depuis plus d’un an et que, par conséquent, elle aurait dû avoir fêté la Pentecôte. La demandeure d’asile a déclaré que le pasteur avait parlé de cette fête mais qu’il ne l’avait jamais célébrée. J’écarte cette explication, étant donné que la demandeure d’asile fréquente une église pentecôtiste et que ce jour religieux aurait dû être célébré. Il a été demandé à quatre reprises à la demandeure d’asile de dire quel jour Jésus était ressuscité des morts. Au début, la demandeure d’asile n’a pas été en mesure de répondre, elle a ensuite mentionné Noël, ensuite le Vendredi saint et ensuite, la Pentecôte. La commissaire a fait savoir à la demandeure d’asile que ce jour s’appelait le jour de Pâques. Il a ensuite été demandé à la demandeure d’asile quelle était l’importance de Pâques pour les chrétiens. La demandeure d’asile a déclaré que c’était le jour où Jésus était ressuscité et était revenu à la vie. Lorsqu’on lui a demandé si elle voulait compléter sa réponse, elle a répondu que non. J’estime que la demandeure d’asile ne connaît pas les principes fondamentaux du christianisme : si le Christ est effectivement ressuscité le jour de Pâques, la demandeure d’asile a omis de mentionner qu’il était mort sur la croix pour racheter les péchés des chrétiens et pour que les hommes accèdent à la vie éternelle, un élément fondamental du christianisme. La demandeure d’asile a été interrogée au sujet du rôle du Saint-Esprit. Celle-ci a déclaré que son rôle était de protéger les pays en cas de difficultés, ce qui est inexact. La bonne réponse est que le Saint-Esprit doit accompagner les chrétiens sur la voie de la sagesse et leur faire comprendre les Saintes Écritures. La demandeure d’asile ne savait pas non plus dans quelle partie de la Bible on parlait de la Pentecôte et du Saint-Esprit, alors que c'est dans les Actes des apôtres. La demandeure d’asile a répondu à certaines questions au sujet du christianisme. Je conclus toutefois, selon la prépondérance des probabilités, que la demandeure d’asile n’est pas, ni n’a jamais été, une chrétienne, compte tenu de sa connaissance limitée de la Pentecôte (même si elle affirme fréquenter régulièrement une église pentecôtiste) et de son incapacité à mentionner Pâques et son importance pour les chrétiens, un élément fondamental du christianisme. Les connaissances que la demandeure possède au sujet du christianisme peuvent fort bien avoir été acquises ici au Canada dans le but d’étoffer sa demande. [Non souligné dans l’original.]

(Décision, pages 5 et 6)

 

 

[5]               Selon moi, la façon dont la SPR a analysé la preuve de la demanderesse, en ce qui a trait à ses connaissances du christianisme, était injuste pour deux raisons. Premièrement, la demanderesse a donné un témoignage franc sur ses connaissances de la Pentecôte; son pasteur en avait parlé, mais elle ne l’avait jamais célébrée ici. Cette preuve n’est pas contredite. Par conséquent, je conclus que la conclusion de la commissaire selon laquelle « [la demanderesse] aurait dû avoir fêté la Pentecôte » est complètement non fondée. Il n’y a aucun doute que, considérée dans son contexte, cette conclusion est défavorable quant à la crédibilité. Selon moi, cette conclusion n’a aucun fondement.

 

[6]               Deuxièmement, le fait que la demanderesse n’ait pas expliqué de façon détaillée l’importance de Pâques pour les chrétiens comme la commissaire s’y attendait, ne prouve rien. Je conclus qu’il était injuste que la commissaire procède de la façon suivante : qu’elle pose une question; qu’elle obtienne une réponse relativement simple; et qu’ensuite elle demande à la demanderesse si elle a quelque chose à ajouter; qu’elle obtienne « non » comme réponse; et qu’ensuite elle critique la demanderesse pour ne pas avoir fourni la réponse qu’elle, la commissaire, s’attendait à recevoir. Il n’y a absolument aucune base qui justifie que la commissaire se soit attendue à recevoir la réponse complète qu’elle a exposée en détail dans sa décision. De plus, je conclus que le fait que la demanderesse n’est pas parvenue à donner cette réponse, ne justifie pas la conclusion d’ensemble défavorable quant à sa crédibilité, conclusion selon laquelle la demanderesse « n’est pas, ni n’a jamais été, une chrétienne ».

 

[7]               Par conséquent, je conclus que la décision contestée comportait une erreur susceptible de contrôle.

 

 

 

 

 

ORDONNANCE

 

En conséquence, j’annule la décision contestée et je renvoie l’affaire à un tribunal différemment constitué pour qu’il statue à nouveau sur l’affaire.

 

Il n’y a aucune question à certifier.

 

« Douglas R. Campbell »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Laurence Endale, LL.M., M.A.Trad.jur.

 

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

Dossier :                                              IMM-1543-08

 

INTITULÉ :                                             XIAO ZHEN OU YANG c. LE MINISTRE DE LA

     CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                       Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                     Le 17 septembre 2008

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                             Le juge Campbell

 

DATE DES MOTIFS :                            Le 18 septembre 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Vania Campana

POUR LA DEMANDERESSE

 

Laoura Christodoulides

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Lewis & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

 

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.