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Date : 20080819

Dossier : T-444-08

Référence : 2008 CF 957

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Vancouver (Colombie-Britannique), le 19 août 2008

En présence de monsieur le juge Mosley

 

ENTRE :

PEERLESS LIMITED

demanderesse

défenderesse reconventionnelle

et

 

 

ASPEN CUSTOM TRAILERS INC.

et

ASPEN TRAILER COMPANY LTD.

 

défenderesses

demanderesses reconventionnelles

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

 

[1]               Les défenderesses, demanderesses reconventionnelles, Aspen Custom Trailers Inc. et Aspen Trailer Company Ltd. (« Aspen ») sollicitent une ordonnance enjoignant à la demanderesse, défenderesse reconventionnelle, Peerless Limited (« Peerless ») de fournir des précisions concernant les faits substantiels allégués aux paragraphes 3 et 4 de la réponse et défense à la demande reconventionnelle de la demanderesse.

 

[2]               La présente requête a été introduite dans le cadre d’une action en contrefaçon de brevet. Peerless allègue qu’Aspen a violé son brevet canadien 2 402 741 par la fabrication, l’utilisation et la vente de suspensions de remorques pour véhicules lourds (la « suspension Aspen ») de la manière décrite dans le brevet. Aspen nie les faits allégués et, entre autres, prétend que le brevet est invalide en vertu de la divulgation publique de l’objet au sens de l’article 28.2 de la Loi sur les brevets, L.R.C. (1985), ch. P-4.

 

[3]               Dans sa réponse et défense à la demande reconventionnelle, Peerless a fait valoir que la première divulgation publique de l’invention a été faite par elle le 13 septembre 2001, par la vente d’une remorque comportant le système de suspension breveté. Les revendications suivantes sont présentées aux paragraphes 3 et 4 :

3. Les défenderesses, demanderesses reconventionnelles, ont pris connaissance de la suspension brevetée de la demanderesse, défenderesse reconventionnelle, à une date actuellement inconnue par la demanderesse, défenderesse reconventionnelle, mais connue des défenderesses et avant la première divulgation publique de la suspension Aspen à la fin de 2001 ou au début de janvier 2002.

 

4. La demanderesse, défenderesse reconventionnelle, déclare que, au moment de la première divulgation publique de la suspension Aspen par les défenderesses, demanderesses reconventionnelles, lesdites défenderesses, demanderesses reconventionnelles, avaient pris connaissance, directement ou indirectement, de l’invention de la demanderesse, défenderesse reconventionnelle.

 

[4]               Par lettre datée du 16 juillet 2008, Aspen a demandé des précisions en ce qui concerne les paragraphes 3 et 4 de la réponse et défense à la demande reconventionnelle. En ce qui concerne le paragraphe 3, Aspen a demandé des précisions sur la façon dont les défenderesses auraient pris connaissance de la suspension brevetée avant la première divulgation publique de la suspension Aspen, à quel endroit et dans quelles circonstances. Quant au paragraphe 4, Aspen a demandé des précisions quant à savoir par quel moyen ces connaissances auraient été obtenues, à quel endroit, à quelle date et dans quelles circonstances.

 

[5]               La réponse initiale de Peerless à la demande est datée du 29 juillet 2008, soit le même jour où la présente requête a été déposée. La réponse initiale décrit la livraison des remorques Peerless comprenant le système de suspension breveté à des clients de l’Alberta à l’automne 2001, et affirme que des représentants d’Aspen se sont présentés dans les locaux de ces entreprises « ou à d’autres endroits » et ont examiné les remorques de Peerless au cours de cette période. La réponse précise également que [traduction] « la réponse et défense à la demande reconventionnelle allègue qu’Aspen a pris connaissance de l’information en ce qui concerne l’invention à d’autres moments et par d’autres moyens qui ne sont pas actuellement connus de Peerless, mais les précisions relatives à cette information sont connues d’Aspen ».

 

[6]               Une autre réponse à la demande de précisions d’Aspen a été fournie par Peerless, le 11 août 2008, dans laquelle il était allégué que des représentants d’Aspen ont visité les locaux d’une entreprise de camionnage à Red Deer, en Alberta, en décembre 2001 et ont examiné une remorque de Peerless. Peerless fait valoir qu’elle croit que l’un des représentants était le président des sociétés Aspen.

 

[7]               La preuve présentée par Aspen dans le cadre de la présente requête consiste en un affidavit souscrit par une secrétaire juridique qui indique qu’elle a été informée par un vice-président des sociétés des défenderesses que celles-ci [traduction] « ne savent pas sur quels faits substantiels la demanderesse s’appuie dans ses allégations exposées aux paragraphes 3 et 4 de la réponse et défense à la demande reconventionnelle ». À mon avis, une telle déclaration a peu ou pas de valeur puisque la secrétaire n’a pas de connaissance directe des faits et le dirigeant de la société qui, on le suppose, connaît ces faits, est à l’abri d’un contre-interrogatoire. Il ne suffit pas d’établir que l’information sollicitée n’est pas connue des défenderesses.

 

[8]               Aspen soutient que les allégations contenues dans la réponse et défense à la demande reconventionnelle sont générales et qu’il est clair à la lecture du mémoire que des précisions sont nécessaires. Dans de telles circonstances, il n’est pas nécessaire que la preuve appuie la requête : DePalma c. Bauer Nike Hockey Inc., [2003] CFPI no 949, aux paragraphes 5 et 6. En outre, Aspen soutient que le fait d’affirmer que les renseignements recherchés sont connus des défenderesses ne constitue pas une défense adéquate pour la demanderesse contre la demande de précisions : Contour Optik Inc. c. Hakim Optical Laboratory Ltd., [2001] CFPI n° 274, au paragraphe 8.

 

[9]               La demanderesse est d’avis que les défenderesses connaissent exactement la preuve qu’elles doivent réfuter, que Peerless a fourni la meilleure information qu’elle possède actuellement sur les circonstances dans lesquelles les défenderesses ont pris connaissance de l’invention en examinant les remorques vendues aux clients de la demanderesse. Les défenderesses sont en position de supériorité pour savoir quand et dans quelles circonstances elles ont d’abord examiné l’un des systèmes de suspension de la demanderesse et qu’il est irréaliste de demander à la demanderesse de fournir de tels renseignements avant la divulgation de documents et les interrogatoires préalables : Linden Fabricating and Engineering (Prince George) Ltd. c. Équipement hydraulique Boréal Inc., 57 C.P.R. (3rd) 89, à la page 90.

 

[10]           La question soulevée concerne ici la suffisance de l’argumentation. Les défenderesses soutiennent que les précisions sont nécessaires à cette étape-ci de la procédure afin de leur permettre de présenter adéquatement une réponse à la défense à la demande reconventionnelle et de se préparer pour le procès. Elles demandent, à juste titre, de limiter la demanderesse aux allégations à l’appui desquelles elle peut ou peut ne pas être en mesure d’obtenir des preuves. Mais la partie qui demande des précisions a uniquement le droit de connaître la nature des arguments de la partie adverse et non la façon dont celle-ci entend en faire la preuve : voir Cremco Supply Ltd. c. Canada Pipe Co. (opérant sous la raison sociale Bibby Ste-Croix Foundries) [1998] A.C.F. no 435, au paragraphe 16.

 

[11]           Les faits dans la décision Contour Optik, précitée, diffèrent de ceux invoqués dans la présente requête. Dans cette cause, les paragraphes contestés de la défense pour lesquels des précisions avaient été demandées contenaient une longue liste d’allégations selon lesquelles le brevet en question n’était pas valide et qu’il n’était pas étayé par quelque affirmation que ce soit d’un fait substantiel.

 

[12]           En l’espèce, le demandeur a invoqué des faits substantiels sur la façon dont les défenderesses ont pris connaissance de l’objet. Ces événements se sont produits il y a plus de six ans et on doit s’attendre à ce que les détails sur le moment et le lieu où ils se sont produits puissent être difficiles à obtenir. Dans un contexte analogue, la juge Dubé dans la décision Linden Fabricating, précitée, a jugé qu’il était prématuré d’exiger des précisions sur les clients à qui les défenderesses avaient vendu un produit que l’on prétendait contrefait, avant l’interrogatoire préalable, et que, en tout état de cause, les défenderesses étaient beaucoup mieux placées pour se voir imputer cette connaissance. De même, je conclus que les défenderesses connaissent ce qui leur est reproché et il ne leur est pas nécessaire d’obtenir des précisions de la part de la demanderesse afin de présenter une réponse à la défense déposée à l’égard de leur demande reconventionnelle.

 

[13]           Les défenderesses demandent la permission de déposer une réponse à la défense déposée à l’égard de leur demande reconventionnelle si la requête est rejetée, car la date limite prévue pour le dépôt était le 25 juillet 2008. La demanderesse ne s’est pas opposée à l’octroi d’une prolongation et je ne vois aucune raison de la refuser. Bien que la demanderesse ait eu gain de cause à l’égard de la requête, les dépens devraient suivre l’issue de la cause, puisque le dépôt de la requête a effectivement produit le résultat recherché par les défenderesses.


 

ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

  1. la requête des défenderesses pour précisions est rejetée;
  2. les défenderesses sont autorisées à déposer une réponse à la défense à l’égard de leur demande reconventionnelle dans les 15 jours suivant la date de la présente ordonnance; et
  3. les dépens de la requête suivront l’issue de la cause.

 

 

« Richard G. Mosley »

Juge

 

 

 

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-444-08

 

INTITULÉ :                                       PEERLESS LIMITED

                                                            c.

                                                            ASPEN CUSTOM TRAILERS INC. et al.

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 18 août 2008

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE MOSLEY

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 19 août 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Terry McManus

 

Pour la demanderesse

défenderesse reconventionnelle

 

Lawrence Chan

 

POUR LES DÉFENDERESSES

demanderesses reconventionnelles

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Miltons LLP

Ottawa (Ontario)

 

Pour la demanderesse

défenderesse reconventionnelle

Smiths IP

Vancouver (Colombie-Britannique)

Pour les défenderesses

demanderesses reconventionnelles

 

 

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