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Date : 20080911

Dossier : T-1613-07

Référence : 2008 CF 1022

Ottawa (Ontario), le 11 septembre 2008

En présence de monsieur le juge O'Keefe

 

 

ENTRE :

ANDRZEJ JANUSZ LEPIARCZYK

demandeur

 

et

 

L’AGENCE DU REVENU DU CANADA

défenderesse

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

LE JUGE O’KEEFE

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire, présentée en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, d’une décision du ministre de l’Agence du revenu du Canada (le ministre ou l’ARC) datée du 10 août 2007 par laquelle il a refusé la demande que lui avait faite le demandeur de renoncer, en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) (la Loi), à des impôts établies contre lui en raison de cotisations excédentaires effectuées dans son REER entre 2003 et 2005.

 

[2]               Le demandeur a demandé que la réparation suivante lui soit accordée :

a)      une ordonnance annulant la conclusion de l’ARC;

b)      une ordonnance portant que les cotisations excédentaires au REER étaient le résultat d’une erreur raisonnable;

c)      une ordonnance portant qu’il a fait des efforts raisonnables pour corriger la situation;

d)      une ordonnance portant que l’ARC lui apportera des éclaircissements quant à la question de l’indemnité de retraite, particulièrement les motifs de classification des frais juridiques dans les indemnités de retraite;

e)      une ordonnance portant que l’on renonce à la pénalité ou que l’affaire soit renvoyée à l’ARC avec directives d’accorder une renonciation à la pénalité fiscale.

 

L’historique

 

[3]               En vertu du paragraphe 204.1(1) de la Loi, un contribuable qui cotise à son REER un montant plus élevée que celui qu’il a droit de déduire au cours d’une année d’imposition donnée doit payer un impôt sur le montant excédentaire. M. Andrzej Janusz Lepiarczyk (le demandeur), entre 1994 et 2005, sauf en 1995, a cotisé à son REER un montant plus élevé que celui qu’il avait le droit de déduire. Dans une lettre datée du 6 février 2007, le ministre a avisé le demandeur quant à l’impôt payable à l’égard du REER prévue au paragraphe 204.1(1) et a demandé qu’il paye l’impôt à l’égard des cotisations excédentaires qu’il avait effectuées dans son REER entre 2003 et 2005. Par conséquent, dans une lettre datée du 4 mars 2007, le demandeur a demandé au ministre de renoncer à l’impôt au titre du REER en conformité avec le pouvoir discrétionnaire qui lui est accordé au paragraphe 204.1(4) de la Loi. Dans une lettre datée du 18 mai 2007, le ministre a rejeté la demandeur du demandeur. Le demandeur a ensuite écrit au ministre le 4 juin 2007 pour lui demander de réexaminer sa décision. La décision initiale du ministre a été confirmée dans une lettre datée du 10 août 2007. Il s’agit du contrôle judiciaire de la décision initiale du ministre datée du 18 mai 2007 et de la confirmation de cette décision datée du 10 août 2007.

 

La décision du ministre et la confirmation ultérieure

 

[4]               Dans une lettre datée du 18 mai 2007, le ministre a souligné que, afin d’exercer le pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 204.1(4) de la Loi, il devait être convaincu que les cotisations excédentaires étaient dues à une erreur raisonnable et que des mesures raisonnables étaient prises afin d’éliminer l’excédent. Le ministre a donné les motifs suivants pour avoir choisi de ne pas exercer son pouvoir discrétionnaire :

[traduction]

 

Selon nos dossiers, vous avez des cotisations excédentaires à un REER inutilisées depuis au moins 2000 et vous avez continué d’avoir des cotisations inutilisées qui excédaient vos plafonds de déduction jusqu’à 2005 inclusivement. Au début de 2003, vos contributions inutilisées s’élevaient à 12 656 $ et, selon les reçus figurant dans votre déclaration de revenus 2003, vous avez cotisé un montant additionnel de 17 558 $, soit un total de 30 214 $. Comme votre plafond de déduction admissible pour 2003 n’était que de 14 500 $, vos contributions inutilisées s’élevaient à 15 714$ à la fin de 2003.

 

Vous déclarez que les avis de cotisation de l’ARC utilise l’expression « déductions relatives à la cotisation au REER inutilisées » et vous avez cru que cela signifiait que vous n’aviez pas cotisé au maximum et que vous pouviez cotiser davantage à votre REER. Toutefois, en réalité, l’avis de cotisation utilise l’expression « cotisations à un REER inutilisées » et l’avis de cotisation vous conseille de communiquer avec l’ARC si vous n’êtes pas certain de la signification de l’expression ou si vous n’êtes pas certain des conséquences fiscales sur les contributions inutilisées.

 

Vous affirmez également que le problème a continué en 2004 lorsque vous avez reçu un montant de 50 000 $ dans le cadre d’un conflit relatif à un congédiement abusif et, comme il s’agissait d’un revenu imposable, vous avez cru qu’il serait pris en compte aux fins du REER, par conséquent, vous avez cotisé en conséquence. Toutefois, même si le montant de 50 000 $ était considéré comme un revenu aux fins du REER, il aurait été pris en compte pour l’année d’imposition 2005 et non pas pour 2004 et les années antérieures, lesquelles sont les années à l’égard desquelles vous avez cotisé à votre REER au-delà de vos plafonds de déduction relative à la cotisation à un REER admissibles.

 

De plus, pour votre gouverne, comme le montant de 50 000 $ vous a été versé à titre d’indemnité de retraite (IR), la cotisation de 2 000 $ versée en 2004 était un transfert de la partie admissible de l’IR et elle n’a pas été prise en compte lorsque vos montants inutilisés ont été établis.

 

Par conséquent, compte tenu des faits présentés, on ne peut pas conclure que les exigences prévues au paragraphe 204.1(4) ont été satisfaites et aucune réparation administrative ne sera accordée.

 

 

[5]               Le ministre a confirmé la décision susmentionnée dans une deuxième lettre datée du 10 août 2007. Cette lettre a été émise en réponse à la demande de réexamen présentée par le demandeur. La lettre du ministre du 10 août 2007 mentionnait également d’autres motifs pour justifier son rejet de la demande :

[traduction]

 

En vertu du paragraphe 204.1(4) de la Loi de l’impôt sur le revenu, la pénalité fiscale peut être annulée si elle a été occasionnée par une erreur acceptable et si les mesures indiquées sont prises afin de corriger la situation. Le fait que vous avez mal compris le sens du mot « inutilisées » n’est pas considéré comme étant une erreur acceptable. Les documents qui figurent dans vos déclarations de revenus pour 2003 à 2005 montrent clairement vos cotisations à un REER reportées de l’année antérieure et elles sont désignées comme étant « inutilisées » et « non déduites ». Ces mots sont sans équivoques, compte tenu de la présentation des montants.

 

Les documents préparés par votre comptable et déposés avec vos déclarations de revenus montrent le calcul de vos REER de l’année courante, le plafond de déduction de la cotisation à un REER pour l’année suivante, le revenu gagné utilisé aux fins du REER et de l’annexe 7. Par conséquent, votre comptable vous a fourni les renseignements exigés concernant votre cotisation au REER de l’année suivante avant que vous ne receviez notre avis de cotisation. Le règlement que vous avez obtenu quant à un conflit portant sur un congédiement injustifié n’a aucune incidence sur les cotisations excédentaires versées dans un REER entre les années d’imposition 2000 et 2003, compte tenu des renseignements qui vous ont été fournis.

 

Comme il a été mentionné dans notre lettre antérieure, il revient à chaque personne de voir à ce que toutes les cotisations soient versées conformément aux directives mentionnées dans les lois qui régissent les REER. L’avis de cotisation qui vous a été envoyé vous prévient que les cotisations excédentaires au REER peuvent être assujetties à l’impôt. C’est à vous qu’il revient de déterminer si vos cotisations sont assujetties à l’impôt et, le cas échéant, de décider si vous désirez corriger la situation. C’est à vous qu’il revient de calculer l’impôt à l’aide de la déclaration T1-OVP, de produire cette déclaration et de payer l’impôt. L’agence offre un accès facile aux renseignements concernant les REER.

 

 

Les questions en litige

 

[6]               Le demandeur a soulevé les questions suivantes :

            1.         Le demandeur a‑t‑il sciemment et délibérément cotisé à son REER au-delà du plafond admissible ou une erreur acceptable s’est‑elle produite en ce qui a trait à la compréhension de la terminologie utilisée par l’ARC?

            2.         Le demandeur a‑t‑il mal compris la terminologie utilisée par l’ARC ou, en fait, la terminologie utilisée par l’ARC était‑elle inversée?

            3.         Une déclaration qui exige une comparaison des chiffres pour établir le sens des mots dans cette déclaration est-elle claire ou trompeuse?

            4.         Les « cotisations au REER inutilisées pouvant faire l’objet d’un report » indiquent un excédent de cotisation au REER ou le contraire?

            5.         Si les mots « cotisations au REER inutilisées pouvant faire l’objet d’un report » n’étaient pas trompeurs, pourquoi alors, en 2004, l’ARC a‑t‑elle ajouté l’éclaircissement suivant : « Si ce montant est plus élevé que le montant (A) susmentionné, vous devrez peut‑être payer une pénalité fiscale »?

            6.         S’il n’y avait aucun doute quant à savoir ce que « cotisations au REER inutilisées pouvant faire l’objet d’un report » signifie, pourquoi le personnel de l’ARC, dans sa correspondance, utilise‑t‑il plutôt les mots « excédent » ou « excédents de contribution » pour décrire ces cotisations inutilisés pouvant faire l’objet d’un report?

            7.         Y‑avait‑il d’autres circonstances qui permettaient au demandeur de croire que sa compréhension était correcte et qu’il ne commettait aucune faute?

            8.         Avant février 2007, l’ARC a‑t‑elle avisé le demandeur quant à ses excédents de cotisation à son REER?

            9.         Quand et comment le demandeur a‑t‑il appris qu’il avait cotisé en trop?

            10.       Le demandeur a‑t‑il pris les mesures indiquées pour corriger l’erreur? L’élimination de l’erreur n’est‑elle pas considérée comme étant une mesure indiquée visant à corriger cette erreur?

            11.       L’ARC, au cours de l’examen, a‑t‑elle examiné soigneusement tous les faits, toutes les circonstances et tous les éclaircissements du demandeur?

            12.       L’ARC a‑t‑elle appliqué convenablement son pouvoir discrétionnaire de renoncer à la pénalité fiscale?

 

[7]               Je reformulerais les questions comme suit :

            1.         Quelle est la norme de contrôle applicable?

            2.         Le ministre a‑t‑il commis une erreur susceptible de contrôle en refusant de renoncer à la pénalité fiscale?

 

Les arguments du demandeur

 

[8]               Le demandeur a affirmé qu’il se considère comme étant une personne raisonnablement intelligente qui se débrouille raisonnablement bien en anglais. Il a prétendu que, selon lui, les mots « vos cotisations au REER inutilisées pouvant faire l’objet d’un report […] à la prochaine année d’imposition » signifiaient que, au cours des années antérieures, il n’avait pas versé la cotisation maximale autorisée et que, par conséquent, dans l’année suivante, son plafond de cotisation était augmenté du montant de cotisation non versé. Le demandeur a prétendu que pour remédier au présumé déficit de cotisations, le 8 janvier 2004, il a versé un montant de 15 000 $ à son REER à titre de cotisation pour 2003. Le demandeur a prétendu que s’il avait su qu’il serait imposé, ce geste aurait été insensé car il n’aurait qu’aggraver la situation. Le demandeur a versé ce montant important parce qu’il savait qu’il quitterait le Canada en avril 2004 et ne verserait vraisemblablement aucune cotisation à son REER en 2004.

 

[9]               À son retour au Canada en novembre 2005, le demandeur a été informé par son comptable de ne pas faire une autre cotisation à son REER. Il a prétendu que le comptable lui a ensuite expliqué que les mots « inutilisées et pouvant faire l’objet » signifiaient « excédents ». Le demandeur a prétendu qu’il a alors gelé ses cotisations à son REER et, le 1er janvier 2006, elles étaient en deça du plafond de cotisation.

 

[10]           Le demandeur a prétendu que les circonstances suivantes l’ont empêché de détecter l’erreur plus tôt :

  • Depuis qu’il a immigré au Canada en 1982, le demandeur a presque toujours reçu des remboursements d’impôt;
  • Depuis 1995, les cotisations versées par le demandeur à son REER provenaient de sommes retenues à la source à toutes les deux semaines auxquelles venaient s’ajouter des sommes identiques versées par son ancien employeur ainsi qu’une somme forfaitaire;
  • En avril 2004, le demandeur est allé vivre à l’étranger pendant 13 mois et ce n’est qu’en novembre 2005 qu’il a vu l’avis de cotisation révisé de l’ARC.

 

[11]           Le demandeur a de plus prétendu que si les chiffres doivent être comparés pour déterminer la signification des mots, alors une telle affirmation est trompeuse. En outre, le caractère trompeur de l’utilisation du mot « inutilisées » est confirmé par le fait que, avant 2004, il n’y avait, sur les avis de cotisation, aucune précision selon laquelle la comparaison devait être faite.

 

[12]           Le demandeur a également prétendu que le ministre a commis une erreur en concluant que le montant de 50 000 $ qu’il a reçu à titre de règlement concernant un congédiement injuste de la part de son employeur (le règlement) ne devait pas être pris en compte pour déterminer s’il devait exercer son pouvoir discrétionnaire de renoncer à l’impôt relatif au REER. Il a prétendu que le montant du règlement reçu en 2004 doit être pris en compte dans le cadre de la décision parce que le règlement a eu lieu au cours de la période pertinente antérieure à 2005 et parce qu’il comprenait une cotisation de 2000 $ au REER, parce qu’une partie du montant du règlement était un remboursement de frais juridiques et parce qu’une partie du montant du règlement était imposable. Comme une partie du montant du règlement était imposable, il était logique que le demandeur présume qu’il s’agissait d’un revenu et que, en tant que revenu, ce montant éliminait les cotisations excédentaires au REER en date du 1er janvier 2005. Le demandeur prétend que le montant reçu à titre de frais juridiques n’est pas une allocation de retraite comme l’a conclu le ministre.

 

Les arguments de la défenderesse

 

[13]           La défenderesse a donné un aperçu du régime législatif et a souligné que le paragraphe 204.1(1) de la Loi prévoit l’imposition d’une pénalité égale à 1 p. 100 de l’excédent cumulatif au titre d’un REER. La défenderesse a également souligné que, en vertu du paragraphe 204.1(4) de la Loi, le ministre a le pouvoir discrétionnaire de renoncer à l’impôt relatif au REER s’il est convaincu que, a), l’excédent cumulatif en question fait suite à une erreur acceptable, et que, b), les mesures indiquées pour l’éliminer ont été prises. La défenderesse a prétendu qu’il n’existe aucun guide des politiques écrit donnant des directives quant à l’exercice du pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 204.1(4) de la Loi et que la Loi ne donne aucune explication quant à savoir ce qui constitue une erreur acceptable ou des mesures indiquées. Le ministre peut choisir les critères en autant qu’ils sont compatibles avec l’obligation générale d’agir équitablement (Succession de feu Henry H. Floyd c. M.R.N., [1993] A.C.F. no 986; Kaiser c. Le ministre du Revenu national, [1995] A.C.F. no 926).

 

[14]           La défenderesse a prétendu que, compte tenu du caractère discrétionnaire de la décision, la norme de contrôle applicable est la norme de la décision raisonnable. La défenderesse a examiné les motifs de contrôle mentionnés au paragraphe 18.1(4) de la Loi sur les Cours fédérales, précité, et elle a prétendu que nous ne sommes en présence d’aucun de ces motifs. Une cour de révision n’est pas appelée, au cours d’un contrôle judiciaire, à exercer le pouvoir discrétionnaire conféré au ministre (Sa Majesté la Reine c. Barron, [1997] A.C.F. no 175) ou à substituer sa propre décision à celle du ministre (Maple Lodge Farms Ltd. c. Gouvernement du Canada, [1982] 2 R.C.S. 2).

 

[15]           La défenderesse a prétendu que la décision du ministre de ne pas exercer son pouvoir discrétionnaire était raisonnable compte tenu que, sauf en 1995, de 1994 à 2005, le demandeur a systématiquement cotisé en excédent à son REER. En outre, les avis de cotisations pour les années 2002, 2003, 2004 et 2005, mentionnaient chacun le montant de cotisation au REER non utilisé qui pouvait être utilisé pour l’année d’imposition suivante et les avis de cotisation, sauf celui pour 2002, prévenaient le demandeur que si le montant de cotisation au REER non utilisé était plus élevé que son plafond de déduction à l’égard de son REER pour l’année suivante, il pouvait devoir payer de l’impôt sur les cotisations excédentaires. Par conséquent, il était raisonnable de la part du ministre de conclure que le demandeur auraient dû comprendre ces avertissements. La défenderesse a également prétendu que les avis de cotisation relatifs aux années 2003 à 2005 attribuaient la lettre « B » au montant de cotisation au REER non utilisé et la lettre « A » au plafond de déduction à l’égard du REER du demandeur pour l’année d’imposition suivante. Les avis mentionnaient ensuite que si « B » était plus élevé que « A », alors le demandeur pouvait devoir payer un impôt et, par conséquent, le demandeur n’avait pas vraiment à comprendre ce que le mot « inutilisées » signifiait. Le ministre a correctement exercé son pouvoir discrétionnaire et a rendu une décision discrétionnaire raisonnable.

 

L’analyse et la décision

 

[16]           La question en litige no 1

            Quelle est la norme de contrôle applicable?

            Très récemment, dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, la Cour suprême du Canada a examiné l’analyse de la norme de contrôle au Canada et elle a éliminé la norme de la décision manifestement déraisonnable. Ce faisant, la Cour suprême a déclaré ce qui suit, au paragraphe 62, à propos de l’analyse réformée de la norme de contrôle :

Bref, le processus de contrôle judiciaire se déroule en deux étapes. Premièrement, la cour de révision vérifie si la jurisprudence établit déjà de manière satisfaisante le degré de déférence correspondant à une catégorie de questions en particulier. En second lieu, lorsque cette démarche se révèle infructueuse, elle entreprend l’analyse des éléments qui permettent d’arrêter la bonne norme de contrôle.

 

 

[17]           Après avoir examiné la jurisprudence, je suis d’avis qu’il est nécessaire de faire notre propre analyse de la norme de contrôle. Si j’applique les facteurs énumérés au paragraphe 64 de l’arrêt Dunsmuir, précité, je conclus que la norme de contrôle applicable à la décision du ministre est la norme de la décision raisonnable. Il important de souligner que, en l’espèce, la décision est de nature discrétionnaire et comporte une question mixte de droit et de fait; par conséquent, il faut faire montre de retenue envers la décision du ministre.

[18]           La décision en litige no 2

            Le ministre a‑t‑il commis une erreur susceptible de contrôle en refusant de renoncer à la pénalité fiscale?

            Le demandeur a prétendu que le ministre a rendu une décision déraisonnable en choisissant de ne pas exercer, en vertu du paragraphe 204.1(4), son pouvoir discrétionnaire de renoncer à l’impôt payable à l’égard du REER. La défenderesse ne souscrit pas à cette affirmation. Dans l’arrêt Dunsmuir, précité, au paragraphe 47, la Cour suprême du Canada a déclaré ce qui suit en ce qui a trait à la norme de la décision raisonnable :

La norme déférente du caractère raisonnable procède du principe à l'origine des deux normes antérieures de raisonnabilité : certaines questions soumises aux tribunaux administratifs n'appellent pas une seule solution précise, mais peuvent plutôt donner lieu à un certain nombre de conclusions raisonnables. Il est loisible au tribunal administratif d’opter pour l’une ou l’autre des différentes solutions rationnelles acceptables. La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité. Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

[19]           Après avoir examiné la décision du ministre et la confirmation de cette décision, j’estime que la décision du ministre était raisonnable. La décision de ne pas exercer son pouvoir discrétionnaire était une décision plausible et acceptable compte tenu de la preuve dont il était saisi. Le ministre a donné des motifs quant à savoir pourquoi l’erreur commise par le demandeur n’était pas raisonnable. Je souligne que, dans ses arguments, le demandeur a affirmé catégoriquement qu’il s’agissait d’une erreur de bonne foi et que ce n’est pas délibérément qu’il avait fait une cotisation excédentaire à son REER. Même si c’est peut‑être le cas, le critère auquel il faut satisfaire en vertu du paragraphe 204.1(4) de la Loi n’est pas l’innocence du demandeur, mais le caractère raisonnable de l’erreur commise. L’innocence est peut‑être un facteur à prendre à compte, mais elle n’est pas déterminante en l’espèce. Le demandeur exhorte la Cour à changer d’avis et à rendre une décision différente. Ce n’est pas le rôle que joue la Cour en contrôle judiciaire. Le ministre a traité de manière raisonnable la question des « déductions relatives à la cotisation au REER inutilisées » et des « cotisations au REER inutilisées ».

 

[20]           Selon moi, la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.

 

 

 


 

JUGEMENT

 

[21]           LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

 

 

 

« John A. O’Keefe »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.

 


ANNEXE

 

Dispositions législatives pertinentes

 

Les dispositions législatives pertinentes sont énumérées dans la présente section.

 

La Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.):

 

204.1(1) Le particulier qui, à la fin d’un mois donné postérieur au mois de mai 1976, a un excédent pour une année relativement à des régimes enregistrés d’épargne-retraite doit, pour ce mois, payer un impôt en vertu de la présente partie égal à 1 % de la partie du total de ces excédents qui n’a pas été restituée par les régimes au particulier avant la fin du mois en question.

 

(4) Le ministre peut renoncer à l’impôt dont un particulier serait, compte non tenu du présent paragraphe, redevable pour un mois selon le paragraphe (1) ou (2.1), si celui-ci établit à la satisfaction du ministre que l’excédent ou l’excédent cumulatif qui est frappé de l’impôt fait suite à une erreur acceptable et que les mesures indiquées pour éliminer l’excédent ont été prises.

 

204.1(1) Where, at the end of any month after May, 1976, an individual has an excess amount for a year in respect of registered retirement savings plans, the individual shall, in respect of that month, pay a tax under this Part equal to 1% of that portion of the total of all those excess amounts that has not been paid by those plans to the individual before the end of that month.

 

 

(4) Where an individual would, but for this subsection, be required to pay a tax under subsection 204.1(1) or 204.1(2.1) in respect of a month and the individual establishes to the satisfaction of the Minister that

 

 

 

 

 

(a) the excess amount or cumulative excess amount on which the tax is based arose as a consequence of reasonable error, and

 

(b) reasonable steps are being taken to eliminate the excess,

the Minister may waive the tax.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-1613-07

 

INTITULÉ :                                       ANDRZEJ JANUSZ LEPIARCZYK

                                                            c. L’AGENCE DU REVENU DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 13 mars 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE O’KEEFE

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 11 septembre 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

Andrzej Lepiarczyk

 

 

LE DEMANDEUR

(s’est représenté lui‑même)

 

Susan Wong

 

 

POUR LA DÉFENDRESSE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Andrzej Lepiarczyk

Vancouver (C.‑B.)

 

LE DEMANDEUR

(s’est représenté lui‑même)

John H. Sims

Sous‑procureur général du Canada

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

 

 

 

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