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Date : 20080903

Dossier : T-2459-03

Référence : 2008 CF 988

ENTRE :

AVENTIS PHARMA INC. et

AVENTIS PHARMA DEUTSCHLAND GmbH

 

demanderesses

et

 

APOTEX INC. et

LE MINISTRE DE LA SANTÉ

 

défendeurs

 

 

TAXATION DES DÉPENS – MOTIFS

 

Charles E. Stinson

Officier taxateur

 

[1]               La défenderesse, Apotex Inc. (Apotex), a signifié un avis d’allégation portant que les revendications du brevet canadien no 1,246,457 (le brevet 457) étaient invalides pour cause d’antériorité, d’évidence et de double brevet. Les demanderesses ont déposé la présente demande de contrôle judiciaire pour faire déclarer que l’avis d’allégation était incomplet et, subsidiairement, pour obtenir une ordonnance interdisant au ministre de la santé de délivrer un avis de conformité autorisant Apotex à commercialiser des capsules pour administration orale de la drogue rampiril en différents dosages (le rampiril) avant l’expiration du brevet 457 (traitement contre l’insuffisance cardiaque). La Cour a rejeté la présente demande de contrôle judiciaire avec dépens en faveur d’Apotex (la décision).

 

[2]               La formulation des présents motifs et mon examen des questions sont conformes à la démarche que j’ai suivie au paragraphe 3 d’Abbott Laboratories c. Canada (Ministre de la Santé), [2008] A.C.F. n870 (O.T.) [Abbott]. Dans son mémoire de frais, Apotex réclame des valeurs situées au milieu de la fourchette des articles d’honoraires d’avocat. Je n’ai pas résumé la preuve et les observations respectives des parties concernant les honoraires d’avocat prévus à l’article 2 (réclamés six fois pour le dossier de la défenderesse et pour chacun des cinq affidavits), à l’article 15 (répertoire), à l’article 25 (services rendus après jugement), à l’article 26 (comparution lors de la taxation des frais) et à l’article 27 (préparation du mémoire de frais), puisque je m’appuie sur mes conclusions dans Abbott pour rendre ma décision. J’accorde une seule réclamation pour la préparation du dossier suivant l’article 2; j’accorde également la réclamation au titre de l’article 27 (autres services acceptés aux fins de la taxation par l’officier taxateur) au lieu de la réclamation au titre de l’article 15 (plaidoyer écrit à la demande de la Cour), la réclamation au titre de l’article 25 et la réclamation au titre de l’article 26 en tant qu’indemnisation intégrale pour la taxation des dépens, mais je n’accorde aucune réclamation au titre de l’article 27 pour les services liés à la présente taxation des dépens. De même, je m’appuie sur mes conclusions dans Abbott pour refuser les différentes réclamations à l’égard d’un second avocat en l’absence d’une directive claire de la Cour, sauf lorsque le dossier confirme que les demanderesses n’ont formulé aucune objection (article 14b) (présence à l’audience)). Je n’ai pas résumé les positions respectives des parties sur la nature distributive de l’adjudication des dépens et sur le caractère suffisant de la preuve étant donné que ces questions ont été suffisamment examinées dans Abbott.

 

I. Position d’Apotex

[3]               Apotex rappelle l’affidavit d’Andrew R. Brodkin, l’un des avocats chargés directement de la présente affaire, souscrit le 10 octobre 2007, qui confirme la complexité du présent dossier et l’importance de l’accès au marché du rampiril dont les ventes annuelles s’élèvent à des dizaines de millions de dollars. Apotex a engagé des frais liés aux trois motifs invoqués pour contester le brevet 457, même si la conclusion d’invalidité de la Cour était fondée sur l’évidence. Le dossier confirme la taille et la complexité du travail exigé, à savoir cinq affidavits pour chaque partie et un long contre-interrogatoire au sujet de questions très techniques par chacune d’elles, le dossier des demanderesses contenant 3 132 pages réparties en onze volumes, une audience ayant duré trois jours et une décision de 53 pages. Rien dans ces 53 pages n’indique que le juge de l’audience a considéré la présente affaire comme une affaire de complexité moyenne.

 

[4]               Selon les demanderesses, l’omission de la défenderesse de poursuivre avec diligence son appel de la décision antérieure de la Cour fédérale (nde greffe T‑1851-03 (la décision T-1851-03)), décision ayant rejeté des allégations d’absence de contrefaçon et refusé de délivrer un avis de conformité avant l’expiration du brevet 457, minait ses observations sur l’importance de l’accès au marché du rampiril. À l’encontre de cette position, Apotex a fait valoir que la stratégie de litige dans une autre instance n’est pas pertinente quant à la taxation des dépens dans la présente instance, et que le succès en l’espèce relativement à la question plus générale de l’invalidité excluait la nécessité de poursuivre l’appel de la décision T‑1851-03. Il est fallacieux de la part des demanderesses de contester l’argument d’Apotex sur l’importance du marché du rampiril, compte tenu de leur position énoncée au paragraphe 42 de la décision Sanofi-Aventis Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), [2006] A.C.F. no 1958 (C.F.), portant que l’entrée d’Apotex avec son produit générique rampiril aurait des effets dévastateurs et ferait perdre des millions de dollars de chiffre d’affaires dans les quelques premières semaines.

 

[5]               L’un des experts d’Apotex, M. John Parker, a été contre-interrogé sur son affidavit le 19 novembre 2004 et le 27 janvier 2005. Apotex a présenté une réclamation au titre de l’article 8 (préparation) pour chaque journée parce que, même si l’avocat d’Apotex n’était pas en mesure de parler à son propre témoin tant et aussi longtemps que son contre-interrogatoire demeurait ouvert, beaucoup de travail était nécessaire pour replacer, le 27 janvier, l’avocat dans la position qu’il était lorsque le contre-interrogatoire avait été ajourné le 19 novembre. Apotex a fait valoir un argument semblable relativement à des honoraires d’avocat au titre de l’article 8 réclamés séparément pour chacune des journées du 28 janvier et du 22 avril 2005, dates du contre-interrogatoire de M. Morris Karmazyn sur son affidavit souscrit pour le compte des demanderesses. L’opinion des demanderesses sur la charge de travail exigée pour la préparation n’est pas pertinente.

 

[6]               Apotex a contesté l’argument des demanderesses selon lequel toutes les pauses durant les divers contre-interrogatoires des souscripteurs d’affidavit devraient entraîner une réduction de 43 à 33.3 heures de la réclamation suivant l’article 9 (présence à un contre-interrogatoire relatif à un affidavit) du fait que cet argument ne tient pas compte du travail qui se poursuivait pendant ces pauses. Apotex s’est opposée à l’argument des demanderesses concernant l’article 13b) (préparation pour chaque jour de présence à la Cour après le premier jour) en alléguant que la préparation pour le dernier jour devrait être évaluée en fonction d’une journée entière même si l’audience s’est terminée un peu plus tôt cette journée-là.

 

[7]               Apotex a fait valoir que la proposition des demanderesses de réduire la note de M. Parker (32 564,18 $) à 25 000 $ est injustifiée puisque sa présence au contre-interrogatoire a duré deux jours et que son travail a dépassé le temps normal de comparution. Les circonstances de l’espèce sont très différentes de celles dans l’affaire Biovail Corp. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), 61 C.P.R. (4th) 33, [2007] A.C.F. n1018 (O.T.) [Biovail], conf. par [2008] A.C.F. no 342 (C.F.), où 23 heures avaient été réclamées pour la préparation d’un contre‑interrogatoire ayant duré moins de trois heures.

 

[8]               Apotex s’est dite en désaccord avec les demanderesses lorsque celles-ci ont décrit M. Haralambos Gavras de témoin de type Cadillac, soutenant que sa note (55 717,22 $) était beaucoup moins élevée que les honoraires et le montant taxé pour l’expert dans Biovail, et aussi que le déplacement de M. Haralambos Gavras entre Boston et Toronto (pour son contre-interrogatoire) expliquait une partie de l’écart entre sa note et celle de M. Parker. L’absence de reçus de taxi à l’aéroport de Toronto indique qu’il n’a pas tout facturé. On ne trouve aucune preuve d’un avantage indu du fait qu’il aurait touché un montant pour un second billet. Rien dans la décision ne justifiait  que l’on diminue sa note parce que son témoignage aurait repris celui de M. Parker, qui a demandé un montant inférieur de 23 000 $ environ, ou pour toute autre raison.

 

[9]               Apotex a allégué que la proposition des demanderesses de réduire de 595 $ les honoraires (6 825 $) de M. Robert McClelland au motif que sa réclamation de 2,7 heures pour préparation et présence est excessive en raison de la durée réelle du travail, soit une heure, est injustifiée puisqu’elle ne tient pas compte du rythme véritable d’un contre-interrogatoire, c’est-à-dire le travail professionnel d’un avocat qui se poursuit pendant les pauses. Apotex a reconnu la possibilité d’une incohérence entre l’heure réclamée suivant l’article 9 pour présence d’un avocat et les 2,7 heures réclamées par M. McClelland, mais elle a ajouté que le temps réel passé dans la salle de tribunal a peut-être été d’une heure et que les 2,7 heures correspondaient aux pauses.

 

[10]           Apotex a soutenu que le montant (6 791,44 $) pour service de consultation réclamé par Associates In Cardiology pour examiner des documents et rencontrer les avocats peut être accordé. Par exemple, dans la décision Merck & Co. c. Canada (Ministre de la Santé), [2007] A.C.F. n428 (O.T.) [la taxation Merck], l’officier taxateur a accordé un montant d’honoraires important à l’égard d’un consultant qui n’avait pas préparé d’affidavit d’expert. Dans Merck & Co. c. Apotex Inc., [2007] A.C.F. no 1337 (C.F.) [la révision Merck], la Cour a diminué ce montant, mais elle a tout de même accordé beaucoup plus que ce qui est demandé en l’espèce. S’il existe des doutes à l’égard de cet article, le montant pourrait être légèrement diminué conformément à Carlile c. M.R.N. (1997), 97 D.T.C. 5284 (O.T.), au lieu d’être rejeté en totalité.

 

[11]           Apotex a indiqué que le taux de 0,25 $ la page pour les photocopies n’était pas en cause. Apotex s’est opposée à la position prise par les demanderesses concernant les frais (16 753,50 $) de photocopies en soutenant qu’elle ne tient pas compte du volume du dossier, de la taille de l’équipe juridique d’Apotex et du nombre de copies de documents nécessaires pour chacun de ses membres, ainsi que des ébauches de documents et des copies du dossier d’antériorités requises, des échanges entre experts, de la correspondance et du compendium. Une taxation des dépens ne devrait être établie après coup : Apotex Inc. c. Egis Pharmaceuticals, 4 O.R. (3d) 321, à la page 331 (C.Ont. (Div. gén.)).

 

[12]           Apotex a allégué que les contraintes de temps et le fait que les témoins provenaient de l’étranger ont justifié les frais de messagerie (520,99 $). Les frais (819,44 $) de réunions, de stationnement, de taxi et de kilométrage ont été engagés en raison de rencontres nécessaires avec les témoins, de livraisons en dehors du territoire de messagerie, de la poursuite de travaux tard dans la nuit et de l’achat de rafraîchissements durant de longs contre-interrogatoires et pendant leur préparation, et non en raison de la réservation de salles de réunion. Ces catégories de débours ont été acceptées dans la taxation Merck pour des montants beaucoup plus élevés et confirmées dans la révision Merck.

 

[13]           Apotex devait disposer des antériorités avant l’introduction de l’instance pour les invoquer dans son avis d’allégation. La taxation Merck confirmée par la révision Merck a accordé une telle réclamation. Dans plusieurs instances se rapportant au rampiril, comme c’est le cas dans la présente affaire, les antériorités ont été considérées comme un élément clé. Les dépenses (3 557,04 $) en l’espèce découlaient non seulement des photocopies, mais également de l’accès aux bases de données d’une tierce partie.

 

II. Position des demanderesses

[14]           Les demanderesses ont fait valoir, suivant Abbott Laboratories c. Canada (Ministre de la Santé), 59 C.P.R. (4th) 1 (C.A.F.), au paragraphe 56, que les instances relatives aux avis de conformité sont de nature sommaire, qu’elles ne sont pas aussi étendues que les actions relatives à la validité ou à la contrefaçon d’un brevet, que leur portée est limitée à la question administrative de savoir si un avis de conformité devrait être délivré, et qu’elles sont donc moins complexes que les actions. La Cour a considéré la présente affaire comme un cas de complexité moyenne étant donné qu’elle n’accordait n’a pas de dépens majorés. La longueur de la décision n’atteste pas nécessairement de sa complexité. Les demanderesses ont soutenu que leur preuve, qui confirmait que plusieurs autres brevets devaient être traités avant l’entrée sur le marché du rampiril, corrigeait l’assertion erronée voulant que le brevet 457 était le seul obstacle à l’accès au marché. En raison de l’omission d’Apotex de poursuivre l’appel relatif à la décision T-1851-03, cette décision a subsisté jusqu’à l’expiration du brevet 457, ce qui affaiblit l’allégation d’Apotex relativement à l’importance de la présente affaire à l’égard de ses intérêts.

 

[15]           Les demanderesses ont allégué qu’Apotex ne peut présenter de réclamations multiples au titre de l’article 8 pour un seul souscripteur d’affidavit, même si elle a agi prudemment en préparant des réclamations distinctes pour chaque journée de contre-interrogatoire, étant donné que le tarif n’autorise qu’un seul recouvrement. Si du travail supplémentaire était nécessaire, mais rien ne le prouve en l’espèce, une augmentation du montant correspondant à la partie supérieure de la fourchette prévue pourrait constituer une réparation. Cependant, après que l’expert d’Apotex (M. Parker) eut commencé son contre-interrogatoire, il a été interdit à l’avocat d’Apotex de lui parler. On peut supposer que l’avocat était pleinement préparé avant le premier jour du contre‑interrogatoire de M. Karmazyn.

 

[16]           Les demanderesses ont fait valoir que les différentes réclamations au titre de l’article 9 devraient être réduites au motif que les pauses de diverses durées ne sont pas susceptibles d’indemnisation. Cet article s’applique au temps réel passé dans la salle de tribunal et non aux pauses. Il faudrait réduire la réclamation de 2 à 1,5 jour pour le calcul au titre de l’article 13b).

 

[17]           Les demanderesses ne sollicitent pas une adjudication distributive des dépens, mais elles ont soutenu que, par exemple, l’indemnité accordée à l’égard de M. Gavras devrait tenir compte du fait que seulement l’un des trois motifs invoqués par Apotex a été retenu, et que M. Parker a demandé beaucoup moins. Le critère applicable est : Qu’est-ce qui était raisonnable dans les circonstances? Par exemple, le montant du mémoire de frais tel que présenté dans la révision Merck était d’environ 800 000 $ et un des experts a obtenu un montant de plus ou moins 100 000 $ (réduit lors de la révision). Cela ne devrait pas créer une norme généralisée de 100 000 $ pour les experts de manière à ce qu’une réclamation d’environ 55 000 $ comme en l’espèce pour M. Gavras soit réputée raisonnable par comparaison, et empêcher la prise en compte du caractère raisonnable du travail effectivement accompli ou de son utilité quant à l’issue. Un autre facteur à prendre en compte devrait être l’observation du juge de l’audience, qui était le mieux placé pour déterminer la valeur relative des experts, et qui a fondé la décision sur le témoignage de M. Parker, concluant au paragraphe 120 que le témoignage de M. Gavras répétait en grande partie celui du M. Parker. Le premier montant devrait être réduit en conséquence.

 

[18]           Les demanderesses ont souligné que l’affidavit de M. Gavras contenait 20 pages et 70 paragraphes, et que le contre-interrogatoire de ce témoin avait duré six heures. Il a facturé 61 heures au taux de 600 $US l’heure au titre de la préparation et de la présence. La note datée du 31 août 2005 indiquait que M. Gavras avait facturé chaque heure à partir de son départ de Boston pour Toronto (contre‑interrogatoire) jusqu’à son retour à Boston, y compris les heures de sommeil. La réclamation de frais élevés au titre de ses déplacements et de ses heures de sommeil démontre le caractère déraisonnable de sa note pour laquelle les demanderesses ne devraient pas être tenues responsables. Selon la preuve, il a acheté deux séries de billets (changement d’itinéraire). La compagnie aérienne a refusé de lui rembourser une série, mais il a été en mesure de la conserver pour plus tard. Sa réclamation (516,82 $US) devrait être refusée. De plus, sa note est anormalement élevée en ce sens que son taux était plus du double de celui de M. Parker; pourtant, la décision ne précisait pas que M. Parker était moins compétent. Suivant Biovail, au paragraphe 33, et Laboratoires Servier c. Apotex Inc., [2007] A.C.F. no 465, au paragraphe 17 (C.F.), les demanderesses ne devraient pas avoir à assumer les frais de la cadillac des experts. Le montant réclamé par M. Gavras devrait être réduit à environ 25 000 $, comme ci-après dans le cas de M. Parker.

 

[19]           Les demanderesses ont fait observer que l’affidavit de M. Parker contenait 35 pages et 106 paragraphes, et que son contre-interrogatoire avait duré huit heures. M. Parker a facturé 102 heures au taux de 300 $CAN l’heure. Les cinq heures réclamées pour chaque aller et chaque retour des deux voyages faits entre Kingston et Toronto devraient être réduites à trois heures pour chaque aller et chaque retour. Soulignons qu’il a pris le train pour le second voyage. Suivant Biovail, sa réclamation de 14 heures pour son contre-interrogatoire devrait être réduite à huit heures, ce qui correspond à sa durée réelle, vu que les demanderesses ont admis le temps de préparation. Sa réclamation (32 564,18 $) est excessive et devrait être réduite à 25 000 $, incluant les débours.

 

[20]           Les demanderesses ont accepté de façon générale la note de M. McClelland (6 825 $), mais elles ont allégué que, puisqu’Apotex n’a demandé qu’une heure au titre de l’article 9 (présence d’un avocat à un contre-interrogatoire), la réclamation de 2,7 heures de M. McClelland pour sa présence devrait être réduite à une heure en soustrayant 595 $ (1,7 heures x 350 $CAN l’heure). La TPS réclamée pour les services de MM. McClelland et Gavras devrait être refusée étant donné qu’ils ne sont pas Canadiens.

 

[21]           Les demanderesses ont fait valoir en se fondant sur Halford c. Seed Hawk Inc., [2006] A.C.F. no 629, au paragraphe 158 (O.T.) [Halford], et Records on Wheels Ltd. c. Astral Communications Inc., 2000 Carswell Ont. 1290, au paragraphe 6 (C.S.J. de l’Ont.), que, même si Apotex était libre d’engager divers cabinets, toute dépense supplémentaire occasionnée, comme c’est le cas en l’espèce, au titre de photocopies (16 753,50 $) devrait être refusée (comme dans Abbott, où le cabinet d’avocats Ivor M. Hughes, non inscrit officiellement au dossier, a effectué certains travaux d’avocats). Quatre des onze volumes du dossier de demande consistaient en des documents d’antériorités énumérés dans l’avis d’allégation, ce qui voulait dire qu’Apotex les avait obtenus avant de savoir avec certitude si le présent litige aurait lieu. Les demanderesses ont préparé le dossier de demande. Dans le cas qui nous occupe, la preuve est insuffisante relativement aux conclusions dans Williams c. M.R.N., [2001] A.C.F. no 249, au paragraphe 20 (O.T.), et dans Mitchell c. M.R.N., [2003] A.C.F. no 1530, au paragraphe 13 (O.T.), qui traitent des frais engagés avant l’introduction d’une instance. Par conséquent, les frais relatifs au dossier d’antériorités ne devraient pas être accordés, et devraient constituer un facteur de réduction des frais de photocopies. De façon générale, les pièces justificatives afférentes aux photocopies ne suffisent pas à la ventilation et au calcul de leurs frais, ce qui empêche ainsi de procéder à des analyses relatives au caractère raisonnable. Les demanderesses ont admis que certains frais de photocopies étaient taxables, mais la réclamation en l’espèce est grossièrement exagérée et devrait être réduite à environ 9 000 $, selon la formule approuvée dans la révision Merck.

 

[22]           Les demanderesse ont affirmé qu’elles n’étaient même pas au courant du recours aux services d’un consultant jusqu’à ce qu’elles reçoivent signification du mémoire de frais. M. Beanlands n’a pas déposé d’affidavit et la preuve ne justifie pas son travail. La taxation Merck a accordé des honoraires pour des services de consultant, mais on ne sait pas s’ils étaient non contestés. La réclamation dans la taxation Merck visait clairement, à la différence de la présente affaire, une personne ayant fourni une aide directe à un expert inscrit au dossier et a été fortement réduite lors de la révision Merck. La preuve relative aux débours restants est mince, notamment en ce qui concerne l’utilité et le caractère raisonnable des frais des services de messagerie (520,99 $) et des frais de  réunions, de stationnement, de taxi et de kilométrage (819,44 $).

 

III. Taxation

[23]           J’ai conclu dans Le Conseil national des femmes métisses c. Canada (P.G.), [2007] A.C.F. no 1259, aux paragraphes 30 et 31 (O.T.) [la décision Conseil national des femmes métisses] qu’il est permis de réclamer une seconde série d’honoraires visés à l’article 8 pour le même souscripteur d’affidavit. Dans cette affaire, j’ai effectivement accepté une seconde série d’honoraires visés à l’article 8 dans le cas d’un souscripteur d’affidavit, compte tenu des circonstances et d’une ordonnance au dossier relative aux problèmes survenus durant la première journée. J’ai refusé une seconde série d’honoraires visés à l’article 8 dans le cas d’un autre souscripteur d’affidavit. Une seule réclamation au titre de l’article 8 peut être suffisante pour un contre-interrogatoire ayant été ajourné pendant plus de quelques jours. Comme dans la décision Conseil national des femmes métisses, j’ai examiné l’affidavit et la transcription des contre‑interrogatoires. J’ai refusé une seconde série d’honoraires visés à l’article 8 pour M. Parker. En outre, je ne suis pas convaincu qu’Apotex devrait obtenir une seconde série d’honoraires visés à l’article 8 pour M. Morris Karmazyn, mais suivant Starlight c. Canada, [2001] A.C.F. n1376, au paragraphe 7 (O.T.), qui portait sur les variations dans les valeurs accordées, je lui accorde la valeur maximale de la fourchette pour une seule série d’honoraires visés à l’article 8.

 

[24]           Étant donné que j’estime que les questions de durée au titre de l’article 9 peuvent être examinées différemment de celles que l’on trouve, par exemple, dans Abbott, au paragraphe 102, relatives à l’article14a) (présence à l’audience), j’ai réduit les réclamations au titre de l’article 9 comme l’ont suggéré les demanderesses. Le dossier indique que, le troisième jour de l’audience, la Cour a siégé de 9 h 30 à 12 h 20. J’accorde telle quelle la réclamation demandée au titre de l’article 13b) puisque je suis d’avis que sa valeur intermédiaire est appropriée dans les circonstances.

 

[25]           Mes conclusions dans Halford, Biovail et Abbott (en révision) ont façonné mon raisonnement quant aux débours engagés en l’espèce. Les paragraphes 68 à 71 inclusivement de la décision Abbott résument les facteurs subjectifs applicables à la taxation des dépens. M. Parker a produit deux états : le premier en juillet 2004 indiquant 41 heures (analyse de documents et préparation d’affidavit) et le second en mai 2005 indiquant 61 heures (analyse, préparation, temps de déplacement, contre-interrogatoire, travaux de suivi et débours). La distance du trajet aller‑retour effectué durant la première journée de contre-interrogatoire était de 600 kilomètres. La durée du voyage en train de la deuxième journée a été de deux heures dans chaque sens, à laquelle il faut ajouter le temps mis pour se rendre à la gare et en revenir. Il a facturé cinq heures à l’aller comme au retour pour les deux jours. Le trafic peut ralentir le trajet si l’on part de la banlieue pour se rendre au centre-ville de Toronto. Une autre heure additionnelle au titre du temps de déplacement a été réclamée pour un montant de 300 $. Je vais calculer les frais pour son temps de déplacement sur la base d’une durée de quatre heures pour l’aller et pour le retour, ce qui correspond à une réduction de quatre heures au total. M. Parker ne pouvait vraisemblablement avoir exécuté d’autres tâches rémunérées pendant les pauses (pauses-repas ou suspensions d’audience) lors de son contre‑interrogatoire. Il a rencontré un avocat de Toronto la veille de la première journée et a facturé huit heures pour la préparation. Il a facturé huit heures pour la première journée. Je lui accorde cinq heures pour cette première journée étant donné que je ne crois pas qu’une préparation de dernière minute requiert plus d’une heure. Pour ce qui est de la deuxième journée, il a réclamé quatre heures pour la préparation et six heures pour sa présence à l’audience. À ce stade, on lui a interdit de communiquer avec l’avocat d’Apotex. J’estime que quatre heures (réclamation au titre de l’article 9) pour sa présence à l’audience durant la deuxième journée suffisent. Il s’ensuit une réduction de neuf heures à un taux de 300 $ l’heure, ce qui établit le montant de sa note à 29 864,18 $.

 

[26]           Je crois que la note de M. Gavras est un exemple de note susceptible de ne pas avoir été examinée attentivement par l’avocat pour en vérifier le caractère raisonnable et la clarté. M. Gavras a établi une facture de 238,84 $US relativement à une [traduction] « première série de billets » pour un voyage aller‑retour du 31 janvier au 2 février 2005. Il a demandé un montant de 516,82 $US relativement à une [traduction] « deuxième série de billets » pour un voyage aller-retour entre Boston et Toronto du 1er au 3 février 2005. Les séries de dates indiquées sur les deux factures de l’agent de voyage correspondaient à celles de la présente description des première et deuxième séries de billets. Toutefois, d’autres dates au dossier ne correspondaient pas à la description. Des montants facturés pour des repas le 31 janvier et le 1er février 2005 à Toronto, une feuille de calcul des heures de travail indiquant le 31 janvier comme date de départ et le 2 février comme date de retour, le talon d’un billet indiquant le 31 janvier au 2 février comme dates de voyage et une note d’hôtel concordant avec ces dates, établissaient tous que le voyage pouvait en fait avoir été rattaché à la première série de billets. Dans sa lettre du 22 février 2005 adressée à l’avocat, il a écrit : [traduction] « J’ai obtenu la deuxième série de billets parce que la réunion avait été reportée au lendemain. » Il a aussi affirmé avoir conservé ces billets pour les utiliser l’année suivante puisque la compagnie aérienne avait refusé de les lui rembourser. Cela crée de la confusion et ne justifie pas une indemnisation par les demanderesses.

 

[27]           Le fait que la note de cet expert ait passé par le service des paiements sans que l’on écarte les heures de sommeil réclamées me porte à croire que d’autres parties de sa note pourraient être douteuses. Certains professionnels considèrent le temps de déplacement comme des pertes de revenus s’il n’est pas compris dans leur note. Il n’y a aucune preuve établissant que le taux de 600 $US l’heure de cet expert, qui est beaucoup plus que celui demandé par M. Parker, a été négocié en fonction des taux relatifs dans son domaine de spécialité. Ses titres de compétence étaient impressionnants. En ce qui concerne la partie de sa note (52 heures) qui incluait des frais pour deux nuits durant un voyage pour présence lors d’un contre-interrogatoire, je la réduis de 29 heures, lui accordant quatre heures de temps de déplacement dans chaque sens, neuf heures de temps de consultation avec l’avocat et six heures pour sa déposition au taux de 600 $US l’heure x 1,2825 (le taux de change selon la preuve). Je réduis sa note d’un montant additionnel de 2 100 $CAN pour tenir compte des débours qui posent problème et d’autres incohérences possibles, pour lui accorder un montant de 31 301,72 $.

 

[28]           Le jour de son contre-interrogatoire, M. McClelland a facturé ses heures de travail entre 9 h et 11 h 45. Son contre-interrogatoire a duré de 10 h à 10 h 56. Il s’est sans doute entretenu avec l’avocat avant (préparation) et après (instructions de suivi). J’accepte sa note selon le montant demandé de 6 825 $.

 

[29]           Le fait qu’Apotex ait eu recours en l’espèce aux services d’avocats associés (le cabinet d’avocats Ivor M. Hughes) concorde avec les faits dans Abbott, et j’applique les conclusions que j’ai tirées dans cette affaire au paragraphe 65 de façon à réduire les frais de photocopies dans la présente affaire (16 753,50 $) à 12 500 $. Je réduis les frais de services de messagerie (520,99 $) à 400 $. Suivant mon raisonnement dans Abbott, au paragraphe 110, je réduis les frais de réunions, de stationnement, de taxi et de kilométrage (819,44 $) à 425 $.

 

[30]           Ma préoccupation habituelle quant aux articles de dépens, comme les services de consultant (6 791,44 $), dans les affaires liées aux avis de conformité, est celle de savoir si leur objet, en l’absence de preuve comme c’est le cas en l’espèce, est si obscur qu’on ne peut en déduire que leur objet et leur pertinence sont semblables à ceux d’autres articles dont l’objet est plus évidents, p. ex. les transcriptions (3 664 $). Il est pratique courante qu’un avocat assurant la surveillance dans des litiges sur la propriété intellectuelle obtienne des conseils techniques qui ne seront jamais inscrits dans un rapport d’expert. Étant donné qu’il est possible, comme c’est le cas en l’espèce, que les articles de dépens ne soient pas assujettis à un contrôle avant d’être réclamés dans le mémoire de frais, il est très difficile d’établir leur pertinence. Comme je l’ai déjà dit, je ne suis pas certain si le caractère raisonnable de cet article a été bien examiné avant paiement et, par conséquent, je réduis le montant à 3 100 $. Je suis d’avis que les autres débours sont raisonnables, et je les accueille tels qu’ils ont été présentés, ce qui comprend les frais du dossier d’antériorités (3 557,04 $) puisque leur pertinence est incontestable, indépendamment de la date à laquelle ils ont été engagés.

 

[31]           De la même manière que dans Abbott, une réclamation de la TPS a été demandée pour certains articles de dépens non canadiens (M. Gavras, taxis, etc.) auxquels la TPS ne s’applique pas. Comme dans Abbott, j’ai inscrit le calcul d’exclusion de la TPS sur le mémoire de frais tel qu’il a été taxé, aux fins de correction. Bien que les demanderesses aient produit des éléments de preuve qui établissaient que M. McClelland avait déménagé à l’extérieur du Canada, le dossier n’indique pas clairement si ses dépenses ont été engagées après le déménagement, et j’ai donc présumé qu’elles étaient assujetties à la TPS. Je n’ai pas apporté, comme je l’avais fait dans Abbott, de corrections additionnelles au titre des déplacements (aériens et terrestres) à l’intérieur et à l’extérieur du Canada, étant donné que j’ai jugé que d’autres débours entraîneraient de telles corrections. Le mémoire de frais d’Apotex, s’élevant à 171 403,96 $, est taxé à 118 139,74 $.

 

 

« Charles E. Stinson »

Officier taxateur

 

 

Traduction certifiée conforme

Caroline Tardif, LL.B., B.A. Trad.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-2459-03

 

INTITULÉ :                                       AVENTIS PHARMA INC. et al. c. APOTEX INC. et al.

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 1er novembre 2007

 

 

MOTIFS DE LA TAXATION DES DÉPENS :                   CHARLES E. STINSON

 

DATE DES MOTIFS :                                                          Le 3 septembre 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

Denise Lacombe

Junyi Chen

 

POUR LES DEMANDERESSES

 

David E. Lederman

 

POUR LA DÉFENDERESSE

Apotex Inc.

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Smart & Biggar

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDERESSES

Goodmans LLP

Toronto (Ontario)

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

Apotex Inc.

 

POUR LE DÉFENDEUR

Le ministre de la Santé

 

 

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