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Date : 20080908

Dossier : IMM-5324-07

Référence : 2008 CF 995

Ottawa (Ontario), le 8 septembre 2008

En présence de madame la juge Dawson

 

ENTRE :

 

EUSEBIO FRIAS MUNOZ

CLAUDIA FLORES SOTO

VIVIAN AUDREY FRIAS FLORES

 

demandeurs

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]        La présente demande de contrôle judiciaire sera accueillie au motif que la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a commis une erreur de droit en imposant aux demandeurs une norme de preuve qui ne s’appliquait pas à eux.

 

[2]        Les demandeurs, citoyens du Mexique, ont présenté une demande d’asile. Même si la Commission a exprimé des doutes quant à la crédibilité du témoignage relatif à l’identité des agents de persécution, elle n’a pas tiré de conclusions claires relativement à la crédibilité. La Commission a plutôt conclu que la question déterminante était la question de savoir si les demandeurs avaient réfuté la présomption de protection de l’État.

 

[3]        Après un examen hâtif « des efforts [déployés par le gouvernement] pour combattre la corruption et pour assurer la protection » dans le district fédéral de Mexico, la Commission a tiré la conclusion suivante :

            Par conséquent, je ne suis pas convaincue, selon la prépondérance des probabilités, comme je dois l’être, que les autorités du district fédéral de Mexico ne feraient pas de sérieux efforts pour protéger les demandeurs d’asile s’ils retournaient au Mexique et demandaient la protection de l’État.

 

[4]        En appui à sa conclusion, la Commission a cité le paragraphe 12 de la décision Xue c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2000), 195 F.T.R. 229, dans laquelle la Cour a écrit ce qui suit :

         Compte tenu du point de vue exprimé par le juge en chef Dickson dans l'arrêt Oakes, savoir que dans certaines circonstances il faut un degré plus élevé de probabilité, ainsi que de la règle énoncée dans l'arrêt Ward, qu'il faut confirmer d'une façon claire et convaincante l'incapacité de l'État d'assurer la protection, je suis d'avis qu'on ne peut dire que la Commission a commis une erreur en déterminant la norme de preuve applicable en l'instance. Si la Commission avait abordé la question en exigeant d'être convaincue hors de tout doute (absolument), ou même hors de tout doute raisonnable (la norme criminelle), elle aurait commis une erreur. Toutefois, il faut replacer les termes utilisés par la Commission dans le contexte de la citation de l'arrêt Ward qu'elle paraphrasait. Bien que la Commission ne renvoie aucunement aux arrêts Oakes et Bater, et même si elle aurait pu être plus précise et indiquer qu'elle devait être convaincue selon la prépondérance des probabilités, il semble clair que ce qu'elle a voulu faire c'est imposer au demandeur, aux fins de réfuter la présomption de la protection de l'État, le fardeau d'un plus grand degré de probabilité aligné sur l'exigence de clarté et de conviction énoncée dans l'arrêt Ward. Ce faisant, je ne peux conclure que la Commission a commis une erreur.

[Non souligné dans l’original.]

[5]        Cependant, la Cour d’appel fédérale, dans l’arrêt Carillo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2008] A.C.F. no 399, a précisé que le demandeur ne devait que satisfaire à la norme de prépondérance des probabilités pour réfuter la présomption de protection de l’État. Au paragraphe 21 de ses motifs, la Cour d’appel a confirmé que le décideur ne peut s’appuyer sur la décision Xue pour affirmer qu’un demandeur qui veut réfuter la présomption de protection de l’État doit satisfaire à un degré de probabilité plus élevé que celui de la norme de prépondérance des probabilités, car cela constituerait une erreur de droit.

 

[6]        Étant donné que la Commission a apprécié de façon hâtive la documentation au sujet de la situation au pays et omis de mentionner ailleurs dans ses motifs la norme de prépondérance des probabilités, je suis incapable de conclure que l’erreur de droit de la n’a pas joué un rôle important dans sa décision.

 

[7]        Pour ce motif, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie. Les avocats n’ont proposé aucune question aux fins de certification, et je conviens que le dossier n’en soulève aucune.

 

 

 

 

 

 

 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

 

1.         La demande de contrôle judiciaire est accueillie, et la décision rendue le 27 novembre 2007 par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada est par la présente annulée.

 

2.         L’affaire est renvoyée pour réexamen à un tribunal différemment constitué de la Section de la protection des réfugiés.

 

 

 

« Eleanor R. Dawson »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jean-François Martin, LL.B., M.A.Trad.jur.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-5324-07

 

INTITULÉ :                                                   EUSEBIO FRIAS MUNOZ ET AL.

 

                                                                        c.

 

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             TORONTO (ONTARIO)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 3 SEPTEMBRE 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LA JUGE DAWSON

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 8 SEPTEMBRE 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Alyssa Manning                                                POUR LES DEMANDEURS

 

Ada Mok                                                         POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Vandervennen Lehrer                                       POUR LES DEMANDEURS

Avocats

Toronto (Ontario)

 

John H. Sims, c.r.                                             POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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