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Date : 20080908

Dossier : T-206-08

Référence : 2008 CF 996

Ottawa (Ontario), le 8 septembre 2008

En présence de monsieur le juge Hughes

 

 

ENTRE :

JOSEPH PANCHYSHYN

demandeur

 

et

 

 

AGENCE DU REVENU DU CANADA

défenderesse

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur, Joseph Panchyshyn, est représentant commercial d’une société immobilière de l’Ontario et, à ce titre, son revenu est constitué principalement des commissions qu’il reçoit sur les transactions immobilières auxquelles ils prend part. Jusqu’à la fin de 2005, le demandeur a régulièrement payé ses impôts. En 2006, il a éprouvé plusieurs problèmes personnels et familiaux qui se sont traduits par un revenu moindre, particulièrement au premier semestre de l’année. Il n’a versé aucun acompte provisionnel pour quelque partie de l’année d’imposition 2006 que ce soit. Grâce à des négociations avec la défenderesse, l’Agence du revenu du Canada (ARC), aucune pénalité ne lui a été imposée pour l’année d’imposition 2006 et les intérêts qu’il devait verser pour le premier semestre de ladite année ont été annulés. Néanmoins, l’ARC a exigé que le demandeur paie des intérêts sur les paiements qu’il aurait dû verser au deuxième semestre de l’année d’imposition 2006, au motif que ses revenus lui permettaient alors d’effectuer ces paiements. C’est cette décision qui fait l’objet du présent contrôle judiciaire. 

 

[2]               Le paragraphe 152(4.2) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) fait partie d'un cadre législatif parfois appelée la « disposition d’équité » ou le « dossier Équité » qui confère à l’ARC le pouvoir discrétionnaire d’accorder une dispense d'application de certaines dispositions de la Loi, y compris les intérêts et les pénalités. La Cour fédérale a, en vertu des dispositions de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, compétence pour procéder au contrôle judiciaire de l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire par l’ARC si les circonstances justifient ledit contrôle.

 

[3]               Dans les arrêts Lanno c. Canada (ARC), 2005 CAF 153 et Comeau c. Canada (ARC), 2005 CAF 271, la Cour d’appel fédérale s’est demandé quelle norme de contrôle judiciaire devrait être appliquée aux décisions de l’ARC dans des circonstances semblables en appliquant la disposition du paragraphe 152(4.2) de la Loi de l’impôt sur le revenu et a établi que la norme à appliquer est celle de la décision raisonnable. Ces décisions ont été rendues avant que la Cour suprême du Canada ne rende la sienne dans l’arrêt Dunsmuir c. New Brunswick, [2008] 1 RCS 190. L’arrêt Dunsmuir a eu pour effet de ramener les trois anciennes normes de contrôle habituellement appliquées, soit la décision manifestement déraisonnable, la décision raisonnable et la décision correcte à deux, soit la décision raisonnable et la décision correcte. Ce faisant, les juges majoritaires de la Cour ont précisé, aux paragraphes 47 à 50, que l'application d'une seule norme de raisonnabilité n'ouvre pas la voie à une plus grande immixtion judiciaire ni ne requiert un formalisme excessif. Il faut faire preuve de déférence à l’égard des décideurs qui se consacrent quotidiennement à l’application de régimes complexes et acquièrent, de ce fait, une grande connaissance ou sensibilité à l’égard des régimes en cause. Au paragraphe 49, le juge LeBel a affirmé :

 

49     La déférence inhérente à la norme de la raisonnabilité implique donc que la cour de révision tienne dûment compte des conclusions du décideur. Comme l'explique Mullan, le principe de la déférence [TRADUCTION] « reconnaît que dans beaucoup de cas, les personnes qui se consacrent quotidiennement à l'application de régimes administratifs souvent complexes possèdent ou acquièrent une grande connaissance ou sensibilité à l'égard des impératifs et des subtilités des régimes législatifs en cause » : D. J. Mullan, « Establishing the Standard of Review – The Struggle for Complexity? » (2004), 17 C.J.A.L.P. 59, p. 93. La déférence commande en somme le respect de la volonté  législateur de s'en remettre, pour certaines choses, à des décideurs administratifs, de même que des raisonnements et des décisions fondés sur une expertise et une expérience dans un domaine particulier, ainsi que de la différence entre les fonctions d'une cour de justice et celles d'un organisme administratif dans le système constitutionnel canadien.

 

 

[4]               En l’espèce, le dossier montre que le demandeur a fait connaître sa situation et ses préoccupations à l’ARC, qui les a pris en considération et annulé les pénalités et certains intérêts exigés, sauf ceux s’appliquant au dernier semestre de l’année d’imposition 2006. L’ARC a tenu compte du faible revenu du demandeur au début de l’année 2006, mais elle a également constaté qu’il avait obtenu, au cours du deuxième semestre de ladite année, un revenu considérable qui lui permettait de verser les acomptes provisionnels prévus. Cette décision n’était pas déraisonnable et elle ne doit pas être annulée par voie de contrôle judiciaire.

 

[5]               La demande est rejetée. Étant donné que les sommes concernées sont relativement peu élevées et que le demandeur n’était pas représenté à l’audience, aucuns dépens ne seront adjugés.

 

JUGEMENT

 

            Pour les motifs exposés :

LA COUR ORDONNE :

1.                  que la demande soit rejetée.

2.                  qu’aucuns dépens ne soient adjugés.

 

« Roger T. Hughes »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Danielle Benoit

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-206-08

 

 

INTITULÉ :                                       JOSEPH PANCHYSHYN c. AGENCE DU REVENU DU CANADA                                                                                             

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 8 septembre 2008

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE HUGHES

 

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 8 septembre 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

Joseph Panchyshyn

 

POUR SON PROPRE COMPTE

Jocelyn Espejo-Clarke

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Joseph Panchyshyn

Thornhill (Ontario)

 

POUR SON PROPRE COMPTE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

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