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Date : 20080909

Dossier : IMM-600-08

Référence : 2008 CF 1001

Ottawa (Ontario), le 9 septembre 2008

En présence de monsieur le juge shore

 

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE

demandeurs

et

 

CHERYNOLD DAVIDTHAMBY CHERY

défendeur

 

MOTIFS DE JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Contexte

[1]               La Cour devrait faire preuve de retenue lorsqu’elle contrôle une décision en application du paragraphe 109(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR) :

[17]      […] La SPR doit cependant, aux fins du paragraphe 109(1), apprécier la preuve sur laquelle reposait à l’origine la décision de reconnaître le statut de réfugié à la lumière de la preuve présentée relativement à la demande d’annulation – en d’autres termes, les nouveaux éléments de preuve produits par le ministre pour démontrer que des présentations erronées ont été faites et, le cas échéant, le propre témoignage contraire du réfugié. Ainsi, la décision de la SPR visée au paragraphe 109(1) dépend, à tout le moins en partie, de son évaluation directe du réfugié éventuel, de sa franchise, de son attitude générale et de sa crédibilité globale. La Cour a souligné à maintes reprises que la SPR se trouve dans une position privilégiée à cet égard (Aguebor c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. no 732 (C.A.) (QL). [...]

 

(comme l’a fait observer la juge Danièle Tremblay-Lamer dans Sethi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1178, 142 A.C.W.S. (3d) 310.)

 

II.         Introduction

[2]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée conformément au paragraphe 72(1) de la LIPR visant la décision, en date du 17 janvier 2008, par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la CISR) a rejeté, en application du paragraphe 109(1) de la LIPR, la demande d’annulation présentée par le ministre à l’égard de la demande d’asile du défendeur.

 

III.       Les faits

[3]               Le défendeur, M. Cherynold Davidthamby Chery, est citoyen du Sri Lanka.

 

[4]               Dans le formulaire de renseignements personnel (le FRP), déposé le 17 juillet 2001 auprès de la CISR, M. Davidthamby Chery indique avoir toujours vécu au Sri Lanka.

 

[5]               En réponse à la question 35 de ce formulaire, il indique en outre qu’il n’a jamais sollicité le statut de réfugié dans un autre pays.

 

[6]               Dans l’exposé circonstancié de son FRP, M. Davidthamby Chery décrit toute une série de situations pénibles auxquelles il a été confronté aux mains de l’armée sri lankaise, de la police et des Tigres de libération de l’Eelam Tamoul (les TLET).

 

[7]               Pour être plus précis, M. Davidthamby Chery a raconté qu’en mars 2001, à Colombo, il avait été arrêté, détenu, battu et torturé par la police. Ce serait après cet incident qu’il aurait recouru aux services d’un agent et quitté le Sri Lanka pour venir au Canada.

 

[8]               Au terme de l’audience tenue le 30 avril 2003 devant un commissaire de la CISR, M. Davidthamby Chery s’est vu accorder le statut de réfugié. Cette décision a été rendue le 7 mai 2003.

 

[9]               Avant cette audience de la CISR, vers le 30 avril 2003, Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) a reçu une lettre non sollicitée mentionnant que M. Davidthamby Chery avait inventé de toutes pièces son récit et avait vécu deux ans en Suisse.

 

[10]           Vers le 10 mai 2002, CIC a reçu de la même personne une autre lettre qui indiquait à nouveau que le récit de M. Davidthamby Chery était faux.

 

[11]           Ces deux lettres n’ont pas été admises en preuve par le commissaire, car leur auteur ne voulait pas qu’on divulgue son nom. Il a cependant été demandé à M. Davidthamby Chery si la teneur de son FRP, et plus précisément la date de son départ du Sri Lanka, était exacte. M. Davidthamby Chery a affirmé que ce qu’il avait indiqué dans son FRP était exact.

 

[12]           En avril 2005, CIC a demandé aux autorités suisses de vérifier si leurs dossiers ne contiendraient pas la trace d’un demandeur d’asile ou d’un résident nommé Davidthamby Chery Richard, né le 29 décembre 1978. Elles n’en avaient pas.

 

[13]           Cependant, après vérification des empreintes digitales de M. Davidthamby Chery, les autorités suisses ont fait savoir, en mai 2005, qu’elles correspondaient à celles d’un certain SEBASTIANPILLAI, Anton Daniel (né le 23 avril 1982), un citoyen du Sri Lanka qui avait fait une demande d’asile. M. Davidthamby Chery était entré en Suisse le 29 novembre 2000 et s’était vu refuser le statut de réfugié le 22 janvier 2001. Les autorités suisses ont perdu la trace de M. Davidthamby Chery après le 1er février 2001.

 

[14]           Le 20 septembre 2005, M. Davidthamby Chery a signé une déclaration qui confirmait les déclarations qu’il a faites dans son FRP, à savoir qu’il est arrivé au Canada en provenance du Sri Lanka le 8 mai 2001 et qu’il n’est pas passé par un pays tiers avant cette date. Lors d’une entrevue tenue le même jour avec un agent de l’immigration, le défendeur a affirmé avoir toujours vécu au Sri Lanka jusqu’à son départ en mai 2001, n’avoir jamais utilisé d’autres noms, n’avoir jamais voyagé hors du Sri Lanka ou en Europe, et n’avoir jamais demandé l’asile dans un autre pays.

 

[15]           Vers le 8 novembre 2005, le ministre a déposé une demande d’annulation du statut de réfugié reconnu à M. Davidthamby Chery.

 

[16]           À la suite de l’enquête, M. Davidthamby Chery est revenu sur son récit et son FRP. Voici ses aveux concernant des déclarations mensongères contenues dans son FRP :

Q. 2 :   Le défendeur a reconnu avoir, sous le nom d’Anton Daniel SEBASTIANPILLAI, fait une demande d’asile en Suisse en 2000;

Q. 15 : Le père, la mère, la sœur et un des frères du défendeur vivaient en Suisse, et ce frère était citoyen de Suisse. Un autre de ses frères vivait à Palerme (Italie). Selon son FRP, toute sa famille vivait à Kilinochchi (Sri Lanka) et tous étaient citoyens du Sri Lanka;

Q. 16 : Le père, le frère et la sœur du défendeur se sont tous vu reconnaître le statut de réfugié en Suisse entre 1992 et 2000;

Q. 22 : Le défendeur reconnaît avoir quitté Colombo en novembre 2000 et avoir vécu en Suisse jusqu’en mai 2001;

Q. 23 : Le défendeur reconnaît avoir quitté le Sri Lanka au cours des cinq ans précédant la signature de son FRP : il s’est rendu en Suisse en novembre 2000;

Q. 31 :             Le défendeur a quitté le Sri Lanka le 28 novembre 2000 et, après être passé par l’Inde, a séjourné en Suisse du 29 novembre 2000 au 9 mai 2001. Le 9 mai 2001, le défendeur est arrivé au Canada en provenance directe du Sri Lanka, comme il l’indique dans son FRP;

Q. 35c) : Le défendeur reconnaît avoir fait une demande d’asile en Suisse et avoir été débouté le 29 novembre 2000.

Q. 37 (Exposé circonstancié) : le défendeur reconnaît que tous les événements survenus après novembre 2000 dont il a fait état sont faux.

 

IV.       Question à trancher

[17]           En rejetant la demande d’annulation du ministre visant la décision qui accueille la demande d’asile de M. Davidthamby Chery, la CISR a-t-elle commis une erreur donnant lieu à révision?

 

V.        Analyse

[18]           Voici ce que prévoit l’article 109 de la LIPR :

 

Demande d’annulation

 

109.      (1) La Section de la protection des réfugiés peut, sur demande du ministre, annuler la décision ayant accueilli la demande d’asile résultant, directement ou indirectement, de présentations erronées sur un fait important quant à un objet pertinent, ou de réticence sur ce fait.

 

 

Rejet de la demande

 

(2) Elle peut rejeter la demande si elle estime qu’il reste suffisamment d’éléments de preuve, parmi ceux pris en compte lors de la décision initiale, pour justifier l’asile.

 

 

Effet de la décision

 

(3) La décision portant annulation est assimilée au rejet de la demande d’asile, la décision initiale étant dès lors nulle.

 

Vacation of refugee protection

 

109.      (1) The Refugee Protection Division may, on application by the Minister, vacate a decision to allow a claim for refugee protection, if it finds that the decision was obtained as a result of directly or indirectly misrepresenting or withholding material facts relating to a relevant matter.

 

 

Rejection of application

 

(2) The Refugee Protection Division may reject the application if it is satisfied that other sufficient evidence was considered at the time of the first determination to justify refugee protection.

 

Allowance of application

 

(3) If the application is allowed, the claim of the person is deemed to be rejected and the decision that led to the conferral of refugee protection is nullified.

 

 

 

            Norme de contrôle

[19]           La Cour a récemment eu l’occasion, dans (Canada) Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile c. Gunasingam, 2008 CF 181, 164 A.C.W.S. (3d) 847, de se pencher sur la question de la norme de contrôle applicable aux décisions fondées sur l’article 109 de la LIPR. Le juge Sean J. Harrington a écrit ceci :

[14]      S’il n’y avait pas de jurisprudence sur cette question, j’aurais pu pencher en faveur de la proposition selon laquelle la norme de contrôle applicable aux paragraphes 109(1) et 109(2) est celle de la décision raisonnable simpliciter. Cependant, la Cour a conclu, dans les décisions Sethi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1178, [2005] A.C.F. no 1434 et Mansoor c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 420, [2007] A.C.F. no 571, que la norme de contrôle applicable au paragraphe 109(1) est la décision manifestement déraisonnable, tandis que celle applicable au paragraphe 109(2) est la décision raisonnable simpliciter. Je ne vois aucune raison de déroger au principe de la courtoisie judiciaire et d’appliquer une norme différente. Toutefois, il faut garder à l’esprit que les questions de justice naturelle ne sont pas assujetties à l’approche pragmatique et fonctionnelle applicable au contrôle judiciaire (Syndicat canadien de la fonction publique (S.C.F.P.) c. Ontario (Ministre du Travail), 2003 CSC 29, [2003] 1 R.C.S. 539). Autrement dit, la norme de la décision correcte s’applique.

 

 

 

[20]           Dans la décision Sethi, précitée, la juge Tremblay-Lamer a estimé que la Cour devrait faire preuve d’une certaine déférence lors du contrôle judiciaire d’une décision prise en application du paragraphe 109(1) :

[17]      […] La SPR doit cependant, aux fins du paragraphe 109(1) apprécier la preuve sur laquelle reposait à l’origine la décision de reconnaître le statut de réfugié à la lumière de la preuve présentée relativement à la demande d’annulation – en d’autres termes, les nouveaux éléments de preuve produits par le ministre pour démontrer que des présentations erronées ont été faites et, le cas échéant, le propre témoignage contraire du réfugié. Ainsi, la décision de la SPR visée au paragraphe 109(1) dépend, à tout le moins en partie, de son évaluation directe du réfugié éventuel, de sa franchise, de son attitude générale et de sa crédibilité globale. La Cour a souligné à maintes reprises que la SPR se trouve dans une position privilégiée à cet égard (Aguebor c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. No. 732 (C.A.) (QL) […]

 

 

 

[21]           Les parties ont cependant déposé leurs observations concernant la norme de contrôle applicable à une décision fondée sur l’article 109 avant la publication, le 7 mars 2008, de l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, de la Cour suprême du Canada. En supprimant la norme de la décision manifestement déraisonnable, cet arrêt a changé le droit relatif aux normes de contrôle.

 

[22]           Par conséquent, malgré la récente décision du juge Harrington sur cette question précise, la norme de contrôle applicable aux décisions rendues en application du paragraphe 109(1) est celle de la décision raisonnable conformément à l’arrêt Dunsmuir, précité.

 

Malgré les présentations erronées du défendeur, la décision initiale reposait sur des éléments de preuve suffisants pour justifier l’octroi du statut de réfugié.

 

[23]           Lorsqu’elle est saisie d’une demande de contrôle judiciaire visant une décision de la Commission fondée sur l’article 109 de la LIPR, la Cour doit tenir compte des principes suivants :

[29] […]

 

a)   Selon le paragraphe 109(1), pour déterminer si la décision initiale résulte, directement ou indirectement, de présentations erronées sur un fait important quant à un objet pertinent, ou de réticence sur ce fait, la SPR doit prendre en considération tous les nouveaux éléments de preuve que soumettent le ministre et le demandeur d’asile.

 

b)    La mens rea, ou l’intention du demandeur d’asile, n’est pas pertinente pour la conclusion à tirer en vertu du paragraphe 109(1).

 

c)   Étant donné que l’ampleur et la nature des présentations erronées ou de la réticence sur des faits particuliers peuvent être pertinentes pour sa capacité d’exercer son pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 109(2) de la LIPR, la SPR doit fournir dans ses motifs suffisamment de détails sur celui ou ceux de ces faits qu’elle juge importants, et par rapport à quel objet pertinent. Ces conclusions détaillées lui permettront d’examiner si un demandeur d’asile particulier est, par exemple, exclu en application de l’article 98 de la LIPR. Cette décision doit être prise avant de passer à la seconde étape indiquée au paragraphe 109(2), et elle consiste à examiner l’ensemble des éléments de preuve figurant dans le dossier, de même que les nouveaux éléments de preuve produits par les deux parties.

 

d)   La SPR ne doit procéder à l’analyse prévue au paragraphe 109(2) (la deuxième étape) que si elle est convaincue que le demandeur d’asile n’est pas exclu en application de l’article 98 de la LIPR.

 

e)      Lorsqu’elle procède à l’analyse prévue au paragraphe 109(2), la SPR peut se reporter aux conclusions qu’elle a tirées en vertu du paragraphe 109(1), mais uniquement pour déterminer quels « anciens » éléments de preuve ne sont pas viciés par la réticence ou les présentations erronées. La SPR ne peut pas réévaluer les « anciens » éléments de preuve à la lumière des nouveaux éléments de preuve produits par le ministre ou le demandeur d’asile en vertu du paragraphe 109(1). La SPR ne peut accorder aucun poids aux nouveaux éléments de preuve produits par l’une ou l’autre partie, ni même les prendre en compte, lorsqu’elle exerce son pouvoir discrétionnaire en application du paragraphe 109(2).

 

(Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Wahab, 2006 CF 1554, 305 F.T.R. 288.)

 

[24]           Le commissaire de la CISR a conclu, au vu des présentations erronées faites par le demandeur, que l’arrestation et la mise en détention à Colombo en mars 2001 n’ont pas eu lieu. Le commissaire a également estimé que « [p]ar l’intermédiaire de son conseil, l’intimé a admis dans leurs grandes lignes les allégations figurant dans la demande d’annulation de la ministre. Ainsi, l’intimé affirme ne pas avoir donné des renseignements exacts concernant le temps qu’il a passé en Suisse et ne pas avoir mentionné qu’il avait présenté là‑bas une demande d’asile ». (Décision de la CISR, p. 2.)

 

[25]           Le commissaire de la CISR a néanmoins conclu que :

[…] même si les événements subséquents au 29 novembre 2000 (plus particulièrement, l’arrestation et la détention à Colombo en mars 2001) n’ont pas eu lieu, il y a toujours les allégations de mauvais traitements aux mains des Forces armées du Sri Lanka et des Tigres de libération de l’Eelam tamoul, que le demandeur d’asile aurait invoquées à sa première audience et que le tribunal d’alors aurait jugées crédibles.

 

Dans ces circonstances, le tribunal détermine qu’il existe suffisamment de preuves justifiant la décision originale et ne croit pas que les arguments avancés par la demandeure justifient l’annulation de la qualité de réfugié au sens de la Convention. (Décision de la CISR, p. 3 et 4.)

 

 

[26]           Il ne fait pas de doute que le commissaire de la CISR a examiné les présentations erronées, les a placées dans le contexte de l’ensemble des déclarations faites par le demandeur d’asile et a estimé que le dossier examiné par le premier commissaire de la CISR contenait suffisamment d’éléments de preuve pour justifier l’asile.

 

[27]           Ces éléments de preuve sont plus que de simples renseignements concernant le pays d’origine. Ils comprennent les renseignements suivants (selon le FRP, déposé par le demandeur à titre de pièce « A », aux pages 30 à 40 de son mémoire) :

a.       Identité

b.      Race : tamoul

c.       Religion : chrétien

d.      Lieu de naissance : Kilinochchi (Jaffna), dans le nord du Sri Lanka

e.       Âge : (date de naissance : 29 décembre 1978)

f.        Sexe : masculin

g.       Chantage exercé par la Force indienne de maintien de la paix en mars 1990

h.       Bombardement de l’école par l’aviation sri lankaise en mars 1991

i.         Travail de force pour les TLET en juin 1993

j.        Bombardement de la zone en avril 1995

k.      En juillet 1996, le demandeur d’asile a été amené dans le camp des TLET

l.         1996 et 1997, le demandeur d’asile a été obligé de travailler pour les célébrations de la Journée du héros

m.     Septembre 1998, bombardement de sa maison par l’armée sri lankaise

n.       Avril 2000, plusieurs de ses voisins sont tués par l’armée sri lankaise

o.      Novembre 2000, prise du demandeur d’asile par les TLET pour les célébrations de la Journée du héros

p.      Les conditions dans le pays à l’époque de la décision sur la demande d’asile

 

[28]           Les demandeurs affirment que l’incident de novembre 2000, décrit par M. Davidthamby Chery dans son FRP, n’a pas eu lieu. Selon eux, si la Journée du héros est le 27 novembre 2000 et M. Davidthamby Chery est arrivé en Suisse le 29 novembre 2000, ce dernier ne pouvait se trouver à Jaffna le 27 novembre 2000.

 

[29]           M. Davidthamby Chery, a, pour sa part, déclaré avoir été pris par les TLET pour prendre part aux préparatifs de la Journée du héros. Cela se serait produit environ trois semaines avant le 27 novembre 2000. M. Davidthamby Chery n’aurait jamais affirmé avoir été pris par les TLET le 27 novembre 2000 même.

 

[30]           Voici un extrait du témoignage de M. Davidthamby Cherry, livré le 18 décembre 2007, lors de l’audition de la demande d’annulation :

[traduction]
Conseil du ministre

Mais comme vous pouvez le voir, Monsieur, vous avez dit avoir été arrêté par les TLET en novembre 2000 et précisé que cette arrestation a eu lieu lorsque vous vous trouviez dans votre village, dans le district de Kilinochchi. Or, vous ne pouvez pas, en octobre ou novembre 2000, vous trouver à la fois à Colombo et à Kilinochchi. L’incident en question s’est-il effectivement produit à Kilinochchi? Vous trouviez-vous effectivement […]

 

Demandeur d’asile

Laissez-moi m’expliquer. Le 28 novembre, c’est-à-dire seulement vers la fin de novembre seulement, je pars – je veux dire à l’étranger. Je m’en souviens encore; mon souvenir est très clair sur ce point. Le même mois, car c’est le mois où a lieu la Journée du héros, ils m’ont pris. Souvent, en effet, les membres de ce mouvement me prennent et me disent alors viens, viens, joins notre mouvement. Tout cela est très sérieux et il s’agit, par exemple, de creuser des abris et, à cause de (inaudible), j’estimais ne plus pouvoir rester. Ils m’ont gardé deux, trois jours et dès que j’ai été, dès que j’ai pu quitter leur camp, j’ai été amené à Colombo et je suis resté caché; c’est cela qui s’est passé, dans le mois qui a suivi -- je ne me souviens plus, là, exactement. La période pendant laquelle j’étais avec eux et la période que j’ai passée à Colombo, à ces périodes, j’étais très stressé. Je ne me rendais même plus compte s’il faisait jour ou s’il faisait nuit, car […]

 

[…]

 

 

Conseil du ministre

Eh bien, monsieur, étant donné que vous évoquez la question, il nous faut savoir combien de temps, au juste, vous avez passé à Colombo.

 

Demandeur d’asile

Trois semaines environ. Je ne me suis même pas aperçu des jours qui passaient, car je craignais pour ma vie étant donné que nous ne savions pas – aujourd’hui, nous sommes toujours en vie, mais on ne sait pas du tout ce que nous réserve le lendemain [...]

 

[…]

 

Conseil du ministre

Vous affirmez donc avoir été arrêté par les TLET et contraint de travailler pour les célébrations de la Journée du héros.

 

Demandeur d’asile

C’est bien cela.

 

Conseil du ministre

Avez-vous été affecté à la préparation de ces célébrations?

 

Demandeur d’asile

Les préparatifs commencent dès le mois d’octobre.

 

Avocat du ministre

Quand ont lieu les célébrations?

 

Demandeur d’asile

Les préparatifs commencent un mois avant. Il faut, en effet, discuter de certaines choses et puis livrer – il faut transporter et décharger diverses choses. Il faut déplacer des choses, les transporter d’un endroit à un autre. Les préparatifs commencent un mois plus tôt. La fête elle-même est le 27 novembre.

 

[...]

 

Conseil du ministre

Et avez-vous assisté, vous, à la Journée du héros?

 

Demandeur d’asile

Je me trouvais encore au Sri Lanka lors de la Journée du héros.

 

Conseil du ministre

Où au Sri Lanka?

 

Demandeur d’asile

À Colombo.

 

(Transcription de la CISR de l’audience du 18 décembre 2007, pages 40 à 44, dossier du tribunal, p. 354 à 358.)

 

[31]           Il est clair que les déclarations de M. Davidthamby Chery concernant l’incident de novembre 2002 au cours duquel il aurait été pris par les TLET et contraint de contribuer à la préparation de la Journée du héros n’ont pas été démenties.

 

[32]           Malgré les incidents postérieurs à novembre 2000, dont M. Davidthamby Chery avait initialement fait état mais sur lesquels il est ultérieurement revenu, le commissaire de la CISR a estimé, au vu des éléments de preuve initialement soumis, pouvoir confirmer l’octroi du statut de réfugié.

 

[33]           Étant donné qu’il restait, lors de la première décision, « suffisamment d’éléments de preuve » pour justifier l’asile, la Cour considère que la décision de la CISR de rejeter la demande d’annulation et de confirmer le statut de réfugié de M. Davidthamby Chery est raisonnable.

 

VI. Conclusion

[34]           Pour tous ces motifs, la demande de contrôle judiciaire des demandeurs est rejetée.


 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                  Aucune question grave de portée générale n’est certifiée.

 

 

« Michel M.J. Shore »

Juge

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-600-08

 

INTITULÉ :                                       LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE

c. CHERYNOLD DAVIDTHAMBY CHERY

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 2 septembre 2008

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

  ET JUGEMENT :                            LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 9 septembre 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

M. Daniel Latulippe

 

POUR LES DEMANDEURS

M. Dan M. Bohbot

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LES DEMANDEURS

DAN M. BOHBOT, avocat

Montréal (Québec)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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