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Date :  20080908

Dossier :  IMM-71-08

Référence :  2008 CF 998

Ottawa (Ontario), le  8 septembre 2008  

En présence de monsieur le juge Blanchard 

 

ENTRE :

Marta Elena JIMENEZ QUIROS

ABRILL FRANZOA

ADOLFO ALEJANDRO

Demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

 ET DE L'IMMIGRATION

 

Défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

I.          Introduction

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision du 4 décembre 2007, par laquelle un agent d’immigration (l’agent) a refusé à la demanderesse, Marta Elena Jimenez Quiros, le statut de résident permanent au titre de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada (la décision).

 

II.         Contexte factuel

[2]                La demanderesse principale, madame Marta Elena Jimenez Quiros, est née le 21 avril 1957 à Cartago, Costa Rica. Elle possède la citoyenneté de ce pays. Elle a deux enfants, soit Adolfo Alejandro, né le 30 janvier 1996, et Abril Franzoa née le 19 avril 1997. Les enfants détiennent également la citoyenneté du Costa Rica et sont codemandeurs.

 

[3]                Le 17 décembre 2003, les demandeurs arrivent au Canada.

 

[4]                Le 13 février 2006, la demanderesse principale dépose une demande de résident permanent au Canada. En cette même date, le conjoint de fait de la demanderesse à l’époque, monsieur Richard Wagner, un citoyen canadien, signe une demande de parrainage et engagement en sa faveur. Un peu plus que trois semaines plus tard, le 7 mars 2006, Monsieur Wagner envoie une lettre au Centre de traitement de Vègreville (CTD) de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) par laquelle il retirait sa demande de parrainage et engagement.

 

[5]                Le 28 septembre 2006, le CTD avise la demanderesse que sa demande de résidence permanente est transférée à CIC Montréal.

 

[6]                Le 31 octobre 2006, CIC Montréal transmet, pour évaluation de la capacité à souscrire à un engagement, une copie de la demande de parrainage et engagement de la demanderesse principale au Ministère des Communautés culturelles du Québec (MICC), en précisant qu’il s’agissait d’un cas faisant partie de la politique publique sur les « Époux/Conjoints de fait au Canada ».

 

[7]                Le 29 août 2007, le MICC avise CIC à Montréal, par note de service, qu’ils ont fermé leur dossier, car le garant Monsieur Wagner, n’avait pas donné suite à sa demande d’engagement.

 

[8]                Le 4 décembre 2007, l’agent d’immigration à CIC à Montréal refuse la demande de résident permanent de la demanderesse principale puisqu’il n’existait plus d’engagement de parrainage valide en sa faveur conformément aux exigences réglementaires.

 

[9]                La présente demande attaque la décision négative de l’agent d’immigration rejetant la demande de résident permanent de la demanderesse principale.

 

III.       Question en litige

[10]            Dans ses soumissions écrites, la demanderesse principale, allègue que sa demande de résident permanent « fut approuvée par le service d’immigration Canada » et conséquemment, il est maintenu que la décision négative du 4 décembre 2007 fut rendue après que sa demande de résident permanent avait préalablement été approuvée ce qui constitue une erreur. À l’audience, le procureur des demandeurs a reconnu que la demande de résident permanent n’était qu’approuvée en principe avant le 4 décembre 2007. Ainsi, avec le retrait de la demande de parrainage et d’engagement par monsieur Wagner, la demanderesse ne répondait plus aux exigences réglementaires, car il n’existait plus, au moment que la décision fut rendue par l’agent, une demande de parrainage et d’engagement valide en sa faveur. Il en demeure une seule question soulevée par les demandeurs à être tranchée dans ce contrôle judiciaire, notamment :  

 

En ne permettant pas la demanderesse de faire des commentaires suite au retrait de l’engagement de parrainage de Monsieur Wagner, l’agent a-t-il commis une erreur procédurale ou a-t-il manqué aux règles de justice naturelle?

 

IV.       Norme de contrôle

[11]            Il est de jurisprudence constante que les questions qui portent sur un manquement aux principes de justice naturelle sont révisables sur la norme de la décision correcte. Voir Sketchley c. Canada (Procureur général) 2005 CAF 404, [2005] A.C.F. no 2056 (Lexis) au paragraphe 46,  et Olson c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2007 CF 458, [2007] A.C.F. no 631 (Lexis),  au paragraphe 27.

 

V.        Analyse

[12]            Les articles pertinents de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la Loi) et du Règlement sur l’Immigration et la protection des réfugiés (le Règlement) se retrouvent en annexe. 

 

[13]            La demanderesse allègue que l’agent a erré en ne tentant pas de communiquer avec elle avant de rendre sa décision. Ainsi, elle n’a pas eu l’occasion de soumettre ses observations quant à la demande de retrait formulée par son ex-conjoint. Toujours selon la demanderesse, « l’équité procédurale exige que la demanderesse soit donnée la possibilité de connaître les préoccupations de l’agent et de les dissiper, et ce, avant de rendre sa décision. »

 

[14]            Le défendeur prétend, dans un premier temps, que le refus de l’agent est fondé principalement sur les articles 126 et 127 du Règlement. L’agent ne jouit d’aucune discrétion et dès qu’il y a eu retrait d’engagement de monsieur Wagner, l’agent ne pouvait rendre une décision favorable à l’endroit de la demanderesse. Ainsi, l’agent n’avait pas l’obligation de communiquer avec la demanderesse pour l’informer du retrait de parrainage de son ex-conjoint puisqu’il ne pouvait prendre d’autre décision que celle qu’il a prise le 4 décembre 2007. Dans un deuxième temps, le défendeur souligne que l’avocat de la demanderesse avait aussi représenté monsieur Wagner lorsqu’il a retiré son engagement de parrainage le 7 mars 2006. Ainsi, la demanderesse ne peut prétendre avoir été surprise par le retrait d’engagement de son ex-conjoint puisque son avocat était au courant. Pour les motifs qui suivent, je retiens l’argument premier soulevé par le défendeur sur lequel sera fondé le rejet de cette demande de contrôle judiciaire. Il ne sera donc pas nécessaire de traiter de cette deuxième prétention.

 

[15]            La preuve au dossier indique que le 28 septembre 2006, la demanderesse principale a reçu une lettre de CIC Vègreville l’avisant que sa demande a été transférée à CIC Montréal. Je reproduis ici-bas le passage de cette lettre qui l’informait de « mettre à jour tout autre changement d’information concernant votre demande » :

Nous vous avisons par la présente que votre dossier a été transféré au Centre d’immigration Canada de MONTREAL pour la prise d’une décision. Ce bureau pourrait vous contacter pour une entrevue ou s’il estime avoir besoin de plus renseignements ou d’éclaircissements. Lorsque le traitement sera terminé, le bureau local vous transmettra sa décision par courrier.

 

Veuillez communiquer avec le télécentre dès que possible pour mettre à jour tout autre changement d’information concernant votre demande. Le numéro de téléphone figure à la fin de cette lettre. [Je souligne.]

 

[16]            Monsieur Wagner avait retiré son engagement de parrainage le 7 mars 2006, soit près de 7 mois avant la lettre envoyée par CIC Vègreville. Or, la demanderesse n’a jamais mis à jour le statut de sa relation avec monsieur Wagner, un facteur déterminant quant à sa demande de résident permanent. Par ailleurs, à la page 3 de l’annexe 1 de sa demande de résident permanent, la demanderesse a signé une déclaration qui prévoyait que « si les réponses aux questions du présent formulaire devaient être modifiées avant que je n’obtienne le statut de résident permanent au Canada, je signalerai les changements à un Centre de Citoyenneté et d’Immigration ou au Télécentre. » Toutefois, le 7 mars 2006, plus que trois semaines après la date à laquelle la demanderesse a présenté sa demande de résident permanent, sa relation avec monsieur Wagner a pris fin. La demanderesse a omis d’en aviser les autorités concernées. Il revenait à la demanderesse de garder un suivi et mettre à jour son dossier. L’agent n’avait aucune obligation de contacter la demanderesse et de mettre à jour son dossier, et le cas échéant, solliciter des explications. Au contraire, l’agent ne disposait d’aucune discrétion dans les circonstances et devait s’assurer que sa décision était conforme aux stipulations des articles 126 et 127 du Règlement. Le fardeau de respecter les exigences réglementaires revenait à la demanderesse. Vu le retrait de la demande de parrainage par monsieur Wagner, l’agent ne pouvait statuer sur la demande de résident permanent (article 126). La demanderesse n’a donc pas démontré qu’une demande de parrainage a été déposée à son égard (article 124(c)). Compte tenu de ce manquement par la demanderesse, l’agent n’avait aucun choix que de rejeter la demande de résident permanent.

 

[17]            En plus, même s’il était démontré que la demanderesse principale n’avait pas été informée du retrait de parrainage, elle n’aurait subi aucun préjudice. Les observations additionnelles de cette dernière ne pouvaient changer les effets d’un retrait de parrainage volontaire, qui a nécessairement précipité la décision négative de l’agent d’immigration. 

 

VI.       Conclusion

[18]            Pour les motifs ci-haut, je suis d’avis que l’agent n’a aucunement violé les règles de justice naturelle, tel qu’allégué, et que dans les circonstances, l’intervention de la Cour n’est pas justifiée.

 

VII.      Question certifiée

[19]            Les demandeurs proposent que la question suivante soit certifiée :

L’agent d’immigration a-t-il l’obligation d’informé une personne parrainée du retrait de la demande de parrainage déposée par son époux ou conjoint de fait, et si oui, dans quel laps de temps?

 

[20]            Je suis d’avis que la question proposée ne doit pas être certifiée. En l’espèce, le rejet de la demande de résident permanent est prescrit par le régime réglementaire en raison du retrait de la demande de parrainage et engagement. Dans de telles circonstances, il ne peut y avoir une obligation d’informer la personne intéressée, puisque rien ne peut changer les effets d’un retrait de parrainage volontaire, ce qui mène nécessairement, selon le Règlement, au rejet de la demande de résident permanent. Il serait donc futile pour la demanderesse principale de soumettre des observations additionnelles. Dans de telles circonstances, il ne peut y avoir violations des principes d’équité procédurale pour les motifs allégués. La question proposée ne peut avoir une conséquence sur l’appel. (Lyanagamage v. Canada (Ministre de la citoyenneté et de l’immigration) [1994] A.C.F. no 1637; (1994), 174 N.R. 4.) Il n’y a pas là matière à certifier une question importante, tel que prévu à l’article 74(d) de la Loi.

 


 

JUGEMENT

 

            LA COUR ORDONNE ET ADJUGE que :

 

1.                  La demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

 

2.                  Aucune question grave de portée générale ne soit certifiée.

 

 

 

 

« Edmond P. Blanchard »

Juge

 

 

 

 

 


ANNEXE

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27.

13. (1) Tout citoyen canadien et tout résident permanent peuvent, sous réserve des règlements, parrainer l'étranger de la catégorie « regroupement familial ».

(2) Tout groupe de citoyens canadiens ou de résidents permanents ou toute personne morale ou association de régime fédéral ou provincial -- ou tout groupe de telles de ces personnes --, peut, sous réserve des règlements, parrainer un étranger qui a la qualité, au titre de la présente loi, de réfugié ou de personne en situation semblable.

(3) L'engagement de parrainage lie le répondant.

(4) L'agent est tenu de se conformer aux instructions du ministre sur la mise en oeuvre des règlements visés à l'alinéa 14(2)e).

 

72. (1) Le contrôle judiciaire par la Cour fédérale de toute mesure — décision, ordonnance, question ou affaire — prise dans le cadre de la présente loi est subordonné au dépôt d’une demande d’autorisation.

 

(2) Les dispositions suivantes s’appliquent à la demande d’autorisation :

a) elle ne peut être présentée tant que les voies d’appel ne sont pas épuisées;

b) elle doit être signifiée à l’autre partie puis déposée au greffe de la Cour fédérale — la Cour — dans les quinze ou soixante jours, selon que la mesure attaquée a été rendue au Canada ou non, suivant, sous réserve de l’alinéa 169f), la date où le demandeur en est avisé ou en a eu connaissance;

c) le délai peut toutefois être prorogé, pour motifs valables, par un juge de la Cour;

d) il est statué sur la demande à bref délai et selon la procédure sommaire et, sauf autorisation d’un juge de la Cour, sans comparution en personne;

e) le jugement sur la demande et toute décision interlocutoire ne sont pas susceptibles d’appel.

 

13. (1) A Canadian citizen or permanent resident may, subject to the regulations, sponsor a foreign national who is a member of the family class.

 

(2) A group of Canadian citizens or permanent residents, a corporation incorporated under a law of Canada or of a province, and an unincorporated organization or association under federal or provincial law, or any combination of them may, subject to the regulations, sponsor a Convention refugee or a person in similar circumstances.

 

(3) An undertaking relating to sponsorship is binding on the person who gives it.

 

(4) An officer shall apply the regulations on sponsorship referred to in paragraph 14(2)(e) in accordance with any instructions that the Minister may make.

 

72. (1) Judicial review by the Federal Court with respect to any matter — a decision, determination or order made, a measure taken or a question raised — under this Act is commenced by making an application for leave to the Court.


(2) The following provisions govern an application under subsection (1):

( a) the application may not be made until any right of appeal that may be provided by this Act is exhausted;

( b) subject to paragraph 169( f), notice of the application shall be served on the other party and the application shall be filed in the Registry of the Federal Court (“the Court”) within 15 days, in the case of a matter arising in Canada, or within 60 days, in the case of a matter arising outside Canada, after the day on which the applicant is notified of or otherwise becomes aware of the matter;

( c) a judge of the Court may, for special reasons, allow an extended time for filing and serving the application or notice;

( d) a judge of the Court shall dispose of the application without delay and in a summary way and, unless a judge of the Court directs otherwise, without personal appearance; and

( e) no appeal lies from the decision of the Court with respect to the application or with respect to an interlocutory judgment.

 

 

Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, D.O.R.S./2002-227.

124. Fait partie de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada l’étranger qui remplit les conditions suivantes :

a) il est l’époux ou le conjoint de fait d’un répondant et vit avec ce répondant au Canada;

b) il détient le statut de résident temporaire au Canada;

c) une demande de parrainage a été déposée à son égard.

126. Il n’est pas statué sur la demande de résidence permanente d’un étranger au titre de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada si la demande de parrainage a été retirée à l’égard de l’intéressé.

 

 

127. Pour l’application de la partie 5, l’engagement de parrainage doit être valide à l’égard de l’étranger qui présente une demande au titre de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada et à l’égard des membres de sa famille qui l’accompagnent au moment où il devient résident permanent et le répondant qui s’est engagé doit continuer à satisfaire aux exigences de l’article 133 et, le cas échéant, de l’article 137.

124. A foreign national is a member of the spouse or common-law partner in Canada class if they

(a) are the spouse or common-law partner of a sponsor and cohabit with that sponsor in Canada;

(b) have temporary resident status in Canada; and

(c) are the subject of a sponsorship application.

126. A decision shall not be made on an application for permanent residence by a foreign national as a member of the spouse or common-law partner in Canada class if the sponsor withdraws their sponsorship application in respect of that foreign national.

 

127. For the purposes of Part 5, a foreign national who makes an application as a member of the spouse or common-law partner in Canada class and their accompanying family members shall not become a permanent resident unless a sponsorship undertaking in respect of the foreign national and those family members is in effect and the sponsor who gave that undertaking still meets the requirements of section 133 and, if applicable, section 137.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-71-08

 

INTITULÉ :                                       MARTA ELENA JIMENEX QUIROS et al. c. MCI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 27 août 2008

 

MOTIFS DE JUGEMENT ET

JUGEMENT :                                    le juge Blanchard

 

DATE DES MOTIFS :                      le 8 septembre 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Anthony Karkar

514-223-0427

514-223-0344

 

POUR LES DEMANDEURS

Me Zoé Richard

514-283-6843

514-496-7876

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Me Anthony Karkar

Montréal (Québec)

 

POUR LE(S) DEMANDEUR(ERESSE)(S)

John H. Sim, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE(S) DÉFENDEUR(ERESSE)(S)

 

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