Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Date :  20080909

Dossier :  IMM-718-08

Référence :  2008 CF 1002

Ottawa, Ontario, le 9 septembre 2008

En présence de Monsieur le juge Shore 

 

ENTRE :

HARPREET SINGH CHEEMA

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Introduction

[1]               Si le cœur ou le nœud même du récit du demandeur manque un minimum de fondement et que rien ne se tient plus au niveau de la crédibilité à cause des contradictions internes et certaines incompatibilités dans le récit du demandeur, une demande de contrôle judiciaire est évidemment rejetée.

 

 

 

II.         Procédure judiciaire

[2]               Il s'agit d'une demande d’autorisation afin de présenter une demande de contrôle judiciaire à l’encontre d’une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (Commission), rendue le 17 janvier 2008, par laquelle la Commission a conclu que le demandeur n'était pas un « réfugié au sens de la Convention » ni une « personne à protéger » selon les articles 96 et 97 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR).

 

III.       Faits

[3]               Le demandeur, monsieur Harpreet Singh Cheema, né soit le 30 août 1980 (déclaration au point d’entrée) ou le 30 juillet 1984 (passeport et certificat de naissance), serait un célibataire et citoyen de l’Inde. Il aurait douze années de scolarité.

(Dossier du demandeur (DD), Passeport, p. 35; Certificat de naissance, p. 40; Formulaire de renseignements personnels (FRP), Q-1d), 1g), 3 et 6, pp. 22-24.)

 

[4]               Monsieur Cheema a initialement fondé sa demande d’asile sur le fait qu’il craint la vengeance du parti au pouvoir au Penjab dont il aurait refusé de joindre les rangs parce qu’il serait membre d’un parti d’opposition.

(Traduction de la Déclaration : DD, p. 105; FRP, Q-31 : DD, pp. 30 et 31; Motifs de la décision, pp. 3 et 4.)

[5]               Les faits allégués au soutien de la demande d’asile sont énoncés à la déclaration que monsieur Cheema a faite au point d’entrée, aux notes de l’agent, à la réponse qu’il a donnée à la question 31 de son FRP et aux deux premières pages des motifs de la décision.

(Schedule 1 : dossier du tribunal (DT), pp. 88-92; Information : DD, pp. 94-96; Notes de l’agent : DD, pp. 97-104; Traduction de la Déclaration : DD, p. 105; FRP, Q-31 : DD, pp. 30-31; Motifs de la décision : DD, pp. 8-16.)

 

[6]               Selon la demande d’asile de monsieur Cheema, son nom est Harpreet Singh CHEEMA. Mais à la déclaration qu’il a rédigée au point d’entrée en Penjâbi, monsieur Cheema a indiqué s’appeler Harpreet SINGH.

(Background Information : DT, p. 87; Schedule 1, Q-1 : DT, p. 88; Information, Q-1 : DD, p. 94; Notes de l’agent: DD, p. 97; Traduction de la Déclaration: DD, p. 105.)

 

[7]               Dans son certificat de naissance, son diplôme d’immatriculation et son passeport, monsieur Cheema est décrit comme Gurpreet SINGH. Par contre, dans les pièces P-5, P-6, P-7 et P-8, il est décrit comme Gurpreet Singh Cheema, tandis que dans son FRP, il déclare s’appeler Singh CHEEMA.

(Certificat de naissance : DT, p. 40; Passeport : DT, p. 35; Certificat d’immatriculation : DT, p. 43; Pièces P-5 à P-8 : DD, pp. 46-51; FRP, Q-1(a) et 1(b) : dd, P. 22; Motifs de la décision, p. 1.)

 

[8]               En arrivant au Canada, monsieur Cheema a déclaré être né le 30 août 1980, déclaration qui est contredite par ses déclarations subséquentes et les documents d’identité qu’il a déposés en preuve.

(Schedule 1 : DT, p.88; Information, Q-4 : DD, p.94; Notes de l’agent : DD, p. 102; Certificat de naissance : DD, p.40; Passeport : DT, p. 35; FRP, Q-1(a) et 1(b) : DD, p. 22.)

 

[9]               À son arrivée au Canada, le 3 février 2008, monsieur Cheema n’avait aucun document d’identité ou de voyage, à l’exception d’un billet d’avion, aller-simple, de Mumbai (Bombay) à Delhi, pour le 22 janvier 2006 et des reçus pour des sièges pour un vol à 22h30, le 30 janvier 2006. (Billet : DT, p. 112; Reçus pour sièges : DT, p. 114.)

 

[10]           Monsieur Cheema a immédiatement demandé l’asile au motif qu’il craignait les membres du parti du Congrès, ajoutant qu’il n’avait jamais été arrêté, qu’il n’était pas recherché et qu’il n’avait jamais fait partie d’une organisation politique. Par ailleurs, il a indiqué avoir été membre du parti Akali mais n’y avoir eu aucune activité. Monsieur Cheema n’a jamais indiqué que son père était disparu. (Schedule 1, Q-3D, 4J et 5 : DT, pp. 90-91; Notes de l’agent, Q-4 et 7 : DD, pp. 97-98-102-103.)

 

[11]           Au point d’entrée, monsieur Cheema a déclaré avoir quitté l’Inde, le 30 janvier 2006, pour Moscou et avoir quitté Moscou, le 3 février 2006, pour le Canada et avoir voyagé avec un faux passeport, qu’il n’a pas examiné, alors qu’il en avait un valide chez lui en Inde. L’agent d’immigration a jugé que les déclarations de monsieur Cheema étaient évasives et contradictoires. (Schedule 1, Q-1C et 2 : DT, pp. 88-89; Notes de l’agent, Q-9 : DD, pp. 99, 104.)

 

[12]           Dans son FRP, monsieur Cheema a déclaré avoir quitté son pays le 3 février et a rajouté à son histoire les problèmes de son père et la disparition de son père. (FRP, Q-12, 23, 31 : DD, pp. 26-28-30-31.)

 

[13]           À l’audience, la Commission a posé de nombreuses questions à monsieur Cheema pour tenter de savoir où il demeurait, quand il avait quitté l’Inde, avec quel passeport il avait voyagé, s’il avait obtenu un visa pour Moscou, combien de temps il avait passé dans cette ville, pourquoi il n’avait jamais abordé la question de son père. (Motifs de la décision, pp. 1-9.)

 

IV.  Décision contestée

[14]           La Commission a conclu que monsieur Cheema utilisait plusieurs noms. (Motifs de la décision, pp. 1 et 9.)

 

[15]           La Commission a conclu que monsieur Cheema n’était pas crédible en se fondant sur les éléments suivants :

a)      Lorsque la Commission a demandé à monsieur Cheema s’il résidait à Mumbai, pourquoi il avait un billet d’avion simple de Mumbai à Delhi, et pourquoi il n’avait jamais mentionné la ville de Mumbai, monsieur Cheema fut incapable de répondre à la satisfaction de la Commission qui a jugé que sa réponse démontrait qu’il n’était pas un témoin crédible. (Motifs de la décision, 2.)

b)      Monsieur Cheema ayant donné des dates contradictoires concernant la date de son départ de l’Inde, la Commission lui a demandé s’il voyageait le 30 janvier 2006 et l’a confronté aux reçus pour des sièges en date du 30 janvier 2006 à 22h30. La Commission n’a pas cru les réponses de monsieur Cheema qui a initialement témoigné qu’il ne savait pas s’il avait voyagé le 30 janvier pour ensuite se confondent dans les dates de son voyage et de son départ de l’Inde. (Motifs de la décision, pp. 2 et 3.)

c)      Monsieur Cheema fut incapable d’expliquer à la Commission pourquoi la copie de son propre passeport avec lequel il aurait voyagé de l’Inde vers Moscou ne comportait pas de visa; il fut incapable de se souvenir à quelle date il avait obtenu son visa et quel type de visa il avait. (Motifs de la décision, p. 3.)

d)      Le fait que monsieur Cheema n’a pas conservé de billet et de carte d’embarquement pour démontrer à quelle date il avait fait le trajet entre l’Inde et la Russie. (Motifs de la décision, p. 3.)

e)      Le fait que son passeport ne comportait aucun sceau de l’aéroport de Moscou pour prouver la date de son arrivée. (Motifs de la décision, p. 3.)

f)        Les contradictions quant à la durée de son séjour à Moscou. (Motifs de la décision, pp. 3 et 9.)

g)      La Commission n’a pas jugé satisfaisantes les raisons que monsieur Cheema a fournies pour expliquer les contradictions entre le nom et la date de naissance qu’il a donnés au point d’entrée. (Motifs de la décision, pp. 3 et 4.)

h)      Le fait que monsieur Cheema n’ait pas mentionné au point d’entrée la disparition de son père, omission que la Commission a jugé inacceptable. (Motifs de la décision, pp. 3 et 4.)

i)        Le caractère évasif des réponses de monsieur Cheema quant à ses efforts ou ceux de sa famille pour tenter de savoir ce qu’il était advenu de son père, si ce dernier avait été déclaré mort, pourquoi les terres de son père étaient toujours au nom du père de monsieur Cheema, pourquoi lui ou sa famille n’avait pas porté plainte. (Motifs de la décision, pp. 4-6.)

j)        Le fait que monsieur Cheema a ajouté à l’audience qu’il était recherché par ses persécuteurs allégués alors que selon son FRP initial ou amendé il n’a jamais déclaré que ses persécuteurs le recherchaient depuis son départ. (Motifs de la décision, p. 6.)

k)      Le fait que monsieur Cheema a ajouté à l’audience que son père aurait eu des problèmes antérieurs. (Motifs de la décision, pp. 6-7.)

l)        Le fait que monsieur Cheema a déclaré que le certificat de naissance, daté de 2006 et déposé en preuve, était le premier qu’il obtenait alors qu’il a déclaré avoir obtenu un passeport en 2005 à l’aide de son certificat de naissance. (Motifs de la décision, p. 7.)

m)    Le fait que les affidavits et lettres déposés en preuve ne fournissent pas de détails précis sur l’histoire de monsieur Cheema et de son père. (Motifs de la décision, pp. 7 et 8.)

n)      Le fait que le témoignage de monsieur Cheema manquait de spontanéité. (Motifs de la décision, p. 8.)

 

[16]           La Commission a soulevé la question de savoir pourquoi monsieur Cheema prétend avoir voyagé avec un faux passeport alors qu’il en aurait eu un authentique à son nom et qu’il n’était pas recherché par les autorités. (Motifs de la décision, pp. 2 et 3.)

V.  Question en litige

[17]           Est-ce que la décision de la Commission était raisonnable?

 

VI.  Norme de contrôle

[18]           À la lumière du récent arrêt de la Cour suprême du Canada dans Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.SR. 190, la question que doit maintenant posée cette Cour est celle de savoir si la décision est raisonnable ou non. Dans l’affirmative, cette Cour devrait se refuser d’intervenir et devrait rejeter la demande.

 

VII.  Analyse

[19]           Monsieur Cheema conteste le bien-fondé que de certaines des conclusions de la Commission. (Mémoire du demandeur, par. 1-48; DD, pp. 122-129.)

 

[20]           Par contre, monsieur Cheema ne conteste pas le bien-fondé les autres conclusions sont les plus importantes, soit celles se rapportant à l’omission de monsieur Cheema de déclarer au point d’entrée les problèmes de son père et surtout sa disparition. (Mémoire du demandeur, par. 10-17; DD, pp. 146 et 147.)

 

[21]           Le défendeur soutient que le fait pour monsieur Cheema de n’avoir pas contesté les conclusions de crédibilité les plus importantes de la décision de la Commission, conclusions fondées sur l’omission de déclarer au point d’entrée les problèmes et la disparition de son père, sur les contradictions concernant son identité, sa date de naissance, la date de son départ, la date de son voyage, l’obtention de son visa, est déterminant en l’espèce.

 

[22]           Il n’y a rien dans la décision qui permet de croire que les propos que monsieur Cheema a tenus au point d’entrée ont mal été traduits d’autant plus que la déclaration écrite de monsieur Cheema l’a été en Penjâbi et que cette déclaration démontre son omission de parler de la disparition de son père. (Traduction de la déclaration; DD, p. 105.)

 

[23]           D’ailleurs, le défendeur note que monsieur Cheema ne s’est pas plaint devant la Commission que la traduction était mauvaise.

 

[24]           Monsieur Cheema ne s’est pas déchargé de son fardeau de démontrer que la Commission a commis une quelconque erreur nécessitant l’intervention de cette Cour.

 

VIII.  Conclusion

[25]           Même si monsieur Cheema ne partage pas les conclusions que la Commission a tirées de la preuve, il n’a pas démontré que la Commission a erré en droit ou a fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées, tirées de façon abusive ou arbitraire, ou sans tenir compte de la preuve.

 

[26]           Compte tenu de ce qui précède, la demande de contrôle judiciaire est rejetée

 


 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que

1.         La demande de contrôle judiciaire soit rejetée;

2.         Aucune question grave de portée générale soit certifiée.

 

 

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-718-08

 

INTITULÉ :                                       HARPREET SINGH CHEEMA

                                                            c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal, Québec

 

DATE DE L’AUDIENCE :               2 septembre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT:                               LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                      le 9 septembre 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Denise Fernet

 

POUR LE DEMANDEUR

Me Mario Blanchard

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

DENISE FERNET, Avocate

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous Procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.