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Date :  20080909

Dossier :  IMM-700-08

Référence :  2008 CF 1008

Ottawa (Ontario), le 9 septembre 2008

En présence de L'honorable Louis S. Tannenbaum 

 

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

demandeur

et

 

Mfuri Unielle YANKNGA

défenderesse

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Je suis saisi d’une demande de contrôle judiciaire où le Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (ci-après le « Ministre ») cherche à faire annuler une décision de la Section d’appel de l’immigration (ci-après la « SAI ») rendue par le commissaire Robert Néron en date du 16 janvier 2008. Le Ministre demande que la décision du commissaire Néron soit annulée et que l’affaire soit retournée devant la SAI pour une nouvelle audition devant un autre commissaire.

 

[2]               L’honorable juge Tremblay-Lamer a émis une ordonnance le 13 mai 2008 accordant l’autorisation au ministre et ordonnant que la demande de contrôle judiciaire soit réputée avoir été introduite.

 

[3]               Dans sa décision du 16 janvier 2008 susmentionnée, le commissaire Néron a conclu que l’agent des visas n’était pas fondé à refuser, en vertu de l’alinéa 117(9)d) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (ci-après le « RIPR »), la demande de résidence permanente soumise par Monsieur Branly Martial Oupolo parrainée par la défenderesse en l’espèce, Mme Mfuri Unielle Yanknga (maintenant son épouse).

 

[4]               La demande de résidence permanente présentée par Monsieur Oupolo avait été refusée par un agent de l’immigration le 12 avril 2007 aux motifs que ce dernier n’avait pas été divulgué comme membre de la famille de Mme Mfuri Unielle Yanknga à l’époque où la demande de résidence permanente de cette dernière avait été faite le 10 mai 2006 à l’aéroport Lester B. Pearson de Toronto (ci-après « aéroport Pearson »), et n’avait pas fait l’objet d’un contrôle. M. Oupolo, qu’elle essayait de parrainer, n’avait pas été divulgué aux autorités canadiennes par Mme Yanknga et n’avait pas fait l’objet d’un contrôle. En conséquence, l’agent de l’immigration rejeta la demande de résidence permanente de M. Oupolo. Cependant son mariage fut divulgué le 12 mai 2006 à Fredericton, soit deux jours après l’entrée au Canada de Mme Yanknga.

 

[5]               Suite au rejet de la demande, Mme Yanknga fit appel de la décision de l’agent d’immigration devant la SAI. L’audition de l’appel se déroula le 19 novembre 2007 à Moncton, NB, devant le commissaire Robert Néron.

 

[6]               Le 16 janvier 2008, le commissaire Néron rendit sa décision accueillant l’appel de Mme Yanknga.

 

Les faits

[7]               La défenderesse est née le 15 juillet 1982 et vivait à Libreville au Gabon avec sa mère, Munshie Julienne Nfuri.

 

[8]               Le 29 février 2004, Mme Munshie Julienne Nfuri présenta une demande de résidence permanente pour elle et ses enfants à charge dont la défenderesse.

 

[9]               La demande de résidence permanente de Mme Nfuri fut initialement soumise à titre de réfugiée. Elle déclarait à l’agent des visas d’Abidjan craindre pour sa sécurité et celle de ses enfants car ils étaient sans la protection d’un homme dans la famille.

 

[10]           L’agent des visas estima alors que la famille ne rencontrait pas les critères stricts de la catégorie de réfugiés au sens de la Convention des réfugiés. Par contre, l’agent détermina qu’en raison du fait qu’elles étaient femmes apatrides en risque leur demande pouvait être évaluée dans le cadre de personnes à protéger à titre humanitaire.

 

[11]           La demande de résidence permanente de Mme Nfuri et celles de ses enfants ont été acceptées le 17 mars 2006 et des visas de résidents permanents leurs ont été émis.

 

[12]           La défenderesse a obtenu le statut de résident permanent le 10 mai 2006 à l’aéroport Pearson de Toronto lors de son arrivée au Canada.

 

[13]           Suite à l’obtention du statut de résident permanent le 10 mai 2006, la défenderesse a rencontré deux jours plus tard, soit le 12 mai 2006, une agente d’immigration au CIC local à Fredericton, NB, où elle avisait l’agente qu’elle s’était mariée trois semaines avant son arrivée au Canada.

 

[14]           La défenderesse s’était en effet mariée le 22 avril 2006 à Libreville en République Gabonaise, avec Branly Martial Oupolo, soit 18 jours avant son arrivée au Canada.

 

[15]           La défenderesse n’avait pas déclaré son changement d’état civil aux agents avant l’obtention du statut de résident permanent au Canada le 10 mai 2006. Ce n’est que deux jours après avoir obtenu le statut de résident permanent que la défenderesse a déclaré son mariage aux agents de CIC.

 

[16]           Le 4 janvier 2007, l’époux de la défenderesse, M. Branly Martial Oupolo présenta une demande de résidence permanente aux autorités canadiennes. La défenderesse présentait à son appui le 22 janvier 2007 une demande de parrainage à titre de membre de la catégorie du regroupement familial.

 

[17]           Le 12 avril 2007, l’agent des visas d’Abidjan a refusé la demande de résidence permanente de Mé Oupolo à titre de membre de la catégorie du regroupement familial. Les raisons du refus étaient que Mme Yanknga ne l’avait pas déclaré aux autorités canadiennes à titre d’époux à l’époque où sa demande de résidence permanente avait été faite, que M. Oupolo était un membre de la famille de la répondante n’accompagnant pas cette dernière lorsqu’elle a obtenu sa résidence permanente, et que M. Oupolo n’avait pas fait l’objet d’un contrôle.

 

[18]           Suite à ce refus de l’agent des visas, la défenderesse a déposé un avis d’appel en matière de parrainage devant la SAI. L’audience d’appel devait avoir lieu à Moncton, NB, le 19 novembre 2007.

 

[19]           Avant l’audience, les parties ont eu l’occasion de présenter au tribunal des observations écrites en vue de l’audience. Le Ministre, par l’entremise de la conseillère aux audiences, a fait parvenir ses observations écrites en réponse à celles de la défenderesse. Les observations écrites du Ministre visaient l’interprétation de l’alinéa 117(9)d) du RIPR.

 

[20]           Le 19 novembre 2007, l’appel a été entendu à Moncton, NB, devant le commissaire de la SAI, Me Robert Néron.

 

[21]           Lors de l’audience, la défenderesse a reconnu le fait que son époux n’avait pas fait l’objet d’un contrôle. Par contre, elle a témoigné avoir déclaré son mariage à une personne dénommée Peggy du Haut Commissariat des Réfugiés au Gabon (ci-après le « UNHCR ») en lui fournissant une lettre adressée à l’ambassadeur du Canada à Abidjan et demandant à cette dernière de la remettre à l’ambassade canadienne à Abidjan. Cependant, il appert que l’ambassade canadienne à Abidjan n’a jamais reçu ladite lettre.

 

[22]           À l’audition, le commissaire Néron a accueilli l’appel de la défenderesse oralement et a ensuite émis des motifs écrits le 16 janvier 2008.

 

[23]           Le commissaire a conclu que la preuve au dossier supportait le fait que la défenderesse avait dûment informé l’ambassade du Canada à Abidjan par l’intermédiaire de l’UNHCR ainsi que l’agente d’immigration à son arrivée au Canada.

 

[24]           D’autre part, le commissaire Néron a mentionné dans sa décision que les agents d’immigration, tant à Abidjan qu’au Canada, avaient failli à leur obligation de justice naturelle et d’équité envers la défenderesse en omettant de l’aviser qu’elle avait l’obligation d’ajouter le nom de son époux à sa demande et de lui expliquer les conséquences de ne pas lui faire subir le contrôle.

 

Questions en litige

[25]           Il y a deux questions en litige dans la présente affaire :

(1)   Le commissaire Néron a-t-il commis une erreur en concluant que l’époux de la défenderesse, Branly Martial Oupolo, appartenait à la catégorie du regroupement familial et n’était pas visé par l’alinéa 117(9)d) du RIPR?

(2)   Le commissaire Néron a-t-il erré en concluant que les agents d’immigration avaient en l’espèce une obligation de justice naturelle et d’équité?

 

Analyse

[26]           Depuis l’affaire Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 1008 CSC 9, il n’existe plus que deux normes de contrôles applicables dans les demandes de révision judiciaire. Il s’agit de celle de la décision raisonnable et celle de la décision correcte.

 

[27]           La norme de la décision raisonnable sera utilisée pour réviser les questions de faits, les questions touchant au pouvoir discrétionnaire ou à la politique, et lorsque les faits ne peuvent être aisément dissociés (à savoir, une question mixte de faits et de droit). D’autre part, la norme de la décision correcte sera utilisée pour réviser les questions de droit.

 

[28]           La première question en litige concerne une erreur mettant en cause l’interprétation de l’alinéa 117(9)d) du RIPR et son application aux faits. Bien qu’il puisse s’agir à première vue d’une question mixte de faits et de droit généralement assujettie à la norme de décision raisonnable, il convient de noter les commentaires des juges Iacobucci et Major dans l’affaire Housen c. Nikolaisen, [2002] 2 R.C.S. 235. Au paragraphe 27 de cette décision, on explique comment une erreur touchant une question mixte de faits et de droit peut constituer une pure erreur de droit étant alors assujettie à la norme de la décision correcte. À cet effet, il y a lieu de reproduire les commentaires du juge Iacobucci dans l’affaire Canada (DIR) c. Southam Inc., (1996) A.C.S. no 116, au paragraphe 39, repris dans Housen au paragraphe 27 :

 

« 39 Toutefois, l’intimé dit que, après s’être instruit correctement sur le droit applicable, le Tribunal a néanmoins fait abstraction de certains types de preuve indirecte. Comme il faut apprécier les décisions du Tribunal à la lumière de ce qu’il fait et non de ce qu’il dit, l’argument de l’intimé implique que le Tribunal a fait une erreur de droit. Après tout, si un décideur dit que, en vertu du critère applicable, il lui faut tenir compte de A, B, C et D, mais que, dans les faits, il ne prend en considération que A, B et C, alors le résultat est le même que s’il avait appliqué une règle de droit lui dictant de ne tenir compte que de A, B et C. Si le bon critère lui commandait de tenir compte aussi de D, il a en fait appliqué la mauvaise règle de droit et commis, de ce fait, une erreur de droit.

 

 

[29]           En l’espèce, l’erreur de droit du commissaire face à la première question en litige est facilement isolable des faits. Pour la discerner, il y a lieu de reproduire l’alinéa 117(9)d) du RIPR :

 

117(9) Ne sont pas considérées comme appartenant à la catégorie du regroupement familial du fait de leur relation avec le répondant les personnes suivantes :

d) sous réserve du paragraphe (10), dans le cas oz le répondant est devenu résident permanent à la suite d’une demande à cet effet, l’étranger qui, à l’époque où cette demande a été faite, était un membre de la famille du répondant n’accompagnant pas ce dernier et n’a pas fait l’objet d’un contrôle.

117(9) A foreign national shall not be considered a member of the family class by virtue of their relationship to a sponsor if

 

 

 

(d) Subject to subsection (10), the sponsor previously made an application for permanent residence and became a permanent resident and, at the time of that application, the foreign national was a non-accompanying family member of the sponsor and was not examined.

 

 

[30]           En l’espèce, l’alinéa 117(9)d) du RIPR commandait au commissaire de prendre en considération le fait de savoir si M. Oupolo, à l’époque où la demande de résidence permanente de Mme Yanknga avait été faite, était un membre de la famille ne l’accompagnant pas et s’il avait fait l’objet d’un contrôle. Le commissaire a considéré le fait de savoir, et a conclu à bon droit, que M. Oupolo était un membre de la famille de la défenderesse et que ce dernier ne l’accompagnait pas. Par contre, il n’a pas tenu compte de la question à savoir si M. Oupolo avait fait l’objet d’un contrôle tel que requis par l’alinéa 117(9)d) du RIPR. Ainsi, lorsqu’il s’agit de vérifier si le commissaire a appliqué le bon test juridique et pris en considération tous les éléments que ce test lui commandait, cela constitue une question de droit révisable sous la norme de la décision correcte.

 

[31]           Tel que mentionné plus haut, Mme Yanknga a admis à l’audience que son époux n’avait pas fait l’objet d’un contrôle. En omettant de prendre ce critère en considération, le commissaire a commis une erreur de droit qui est assujettie à la norme de la décision correcte : il a omis de tenir compte des critères que le droit lui commandait de considérer, ce qui constitue une pure erreur de droit.

 

[32]           De plus, le commissaire a commis une erreur de droit en dérogeant aux principes établis dans l’affaire dela Fuente c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’immigration), [2006] A.C.F. no. 777 (C.A.F.) concernant l’expression « à l’époque où cette demande a été faite » contenue dans le paragraphe 117(9)d) du RIPR. Dans l’arrêt dela Fuente, précité, le juge Noël disait au paragraphe 51 :

 

« 51 Je répondrais donc ainsi à la seconde question certifiée : l’expression « à l’époque où cette demande a été faite », dans l’alinéa 117(9)d) du Règlement, s’entend de la durée de la demande, depuis la date à laquelle elle a été amorcée par le dépôt du formulaire officiel jusqu’à la date à laquelle l’intéressé obtient le statut de résident permanent au point d’entrée. »

 

 

[33]           Le commissaire a donc commis des erreurs de droit. Tout d’abord en acceptant qu’il était suffisant aux termes de l’alinéa 117(9)d) du RIPR et de l’affaire dela Fuente, précitée, de divulguer son mariage seulement aux agents de l’UNHCR et d’autre part, de divulguer son mariage 2 jours après avoir obtenu son statut de résidente permanente (et à un endroit autre qu’un point d’entrée), ainsi qu’en ignorant l’application de l’article 51 du RIPR.

 

[34]           L’article 116 du RIPR souligne, en ce qui concerne la catégorie du regroupement familial, la nécessité et l’importance que les exigences de la Partie 7, Section I du RIPR soient rencontrés pour que la personne en cause puisse devenir résident permanent sous la catégorie du regroupement familial. L’article 116 précise bien qu’il s’agit d’une catégorie réglementaire de personnes :

 

116. Pour l’application du paragraphe 12(1) de la Loi, la catégorie du regroupement familial est une catégorie règlementaire de personnes qui peuvent devenir résidents permanents sur le fondement des exigences prévues à la présente section.

116. For the purpose of subsection 12(1) of the Act, the family class is hereby prescribed as a class of persons who may become permanent residents on the basis of the requirements of this Division.

 

 

[35]           Le paragraphe 117(1) du RIPR délimite l’appartenance à la catégorie du regroupement familial aux personnes qui y sont décrites :

 

117(1) Appartiennent à la catégorie du regroupement familial du fait de la relation qu’ils ont avec le répondant les étrangers suivants :

a) son époux, conjoint de fait ou partenaire conjugal;

[…]

117(1) A foreign national is a member of the family class if, with respect to a sponsor, the foreign national is

(a) the sponsor’s spouse, common-law partner or conjugal partner;

[…]

 

 

[36]           Par contre, l’alinéa 117(9)d) du RIPR apporte des restrictions au paragraphe 117 :

 

117(9) Ne sont pas considérées comme appartenant à la catégorie du regroupement familial du fait de leur relation avec le répondant les personnes suivantes :

[…]

d) sous réserve du paragraphe (10), dans le cas où le répondant est devenu résident permanent à la suite d’une demande à cet effet, l’étranger qui, à l’époque où cette demande a été faite, était un membre de la famille du répondant n’accompagnant pas ce dernier et n’a pas fait l’objet d’un contrôle.

117(9) A foreign national shall not be considered a member of the family class by virtue of their relationship to a sponsor if

 

 

 

(d) Subject to subsection (10), the sponsor previously made an application for permanent residence and became a permanent resident and, at the time of that application, the foreign national was a non-accompanying family member of the sponsor and was not examined.

 

 

[37]           Il s’ensuit donc que sont expressément exclues du regroupement familial les personnes mentionnées à l’alinéa 117(9)d) du RIPR, soit celles n’ayant pas subi un contrôle à l’époque où la demande a été faite. En l’espèce, je suis satisfait que la demande de résidence permanente a été faite par Mme Yanknga le 10 mai 2006.

 

[38]           Or, pour application de l’alinéa 117(9)d) du RIPR, la Cour d’appel fédérale dans l’affaire dela Fuente, précitée, indiquait que l’expression « à l’époque où cette demande a été faite » englobait la durée depuis la date à laquelle elle a été amorcée par le dépôt du formulaire officiel jusqu’à la date à laquelle l’intéressé obtient le statut de résident permanent au point d’entrée. En l’espèce, le point d’entrée était Toronto et non Fredericton.

 

[39]           Afin de déterminer ce qui est un point d’entrée aux termes de l’article 51 du RIPR et de l’affaire dela Fuente, précitée, il faut se référer aux définitions à l’article 2 du RIPR. Selon l’article 2 du RIPR, « point d’entrée » est défini comme étant les lieux figurant à l’Annexe I du RIPR. Ce document indique que l’aéroport Pearson à Toronto est un point d’entrée alors que Fredericton n’est pas un point d’entrée au sens du RIPR.

 

[40]           Le visa de résident permanent de Mme Yanknga a été émis le 17 mars 2006 et elle l’a reçu peu de temps après, soit le 21 mars 2006, alors qu’elle était encore à Libreville au Gabon. Cependant, ce visa ne lui conférait pas de droits quant à sa résidence permanente tant et aussi longtemps qu’elle ne se soit présentée à un « point d’entrée » au Canada, ce qu’elle a fait en l’espèce le 10 mai 2006. Ce point d’entrée, par opération des articles 2 et 51 ainsi que de l’alinéa 117(9)d) du RIPR de même que selon l’affaire dela Fuente, était celui à l’aéroport Pearson, où elle a obtenu son statut de résidente permanente, et non à Fredericton comme l’a conclu le commissaire Néron. Au temps de l’obtention du statut de résident permanent le 10 mai 2006, la défenderesse n’avait pas divulgué son statut d’épouse. Donc, pour les agents d’immigration, la défenderesse était une personne à charge de sa mère.

 

[41]           La conséquence de la non-divulgation du changement de son état civil a résulté en ce que M. Oupolo n’a pas fait l’objet d’un contrôle ni de vérification par les agents comme le requiert la LIPR et le RIPR. D’autre part, il en a résulté que le dossier de Mme Yanknga même n’a pas été réévalué quant à son admissibilité lorsqu’elle a obtenu la confirmation de sa résidence permanente le 10 mai 2006 à l’aéroport Pearson.

 

[42]           L’obligation de Mme Yanknga de déclarer le changement de son état civil, à savoir son mariage avec M. Oupolo, aurait dû être fait « à l’époque où sa demande a été faite » tel qu’interprété dans l’affaire dela Fuente. Par opération de l’affaire dela Fuente, de l’alinéa 117(9)d) et des articles 2 et 51 du RIPR, ce changement de son état civil devait être signalé en date du 10 mai 2006 au point d’entrée à l’aéroport Pearson.

 

[43]           Au paragraphe 5 de son affidavit, soumis dans le cadre de la demande d’autorisation de contrôle judiciaire, Mme Yanknga confirme elle-même ne pas avoir avisé l’agent au point d’entrée. Ce n’est que le 12 mai 2006, soit deux jours après avoir obtenu le statut de résident permanent, qu’elle déclarait son mariage à l’agente Wallace au bureau local de CIC à Fredericton. Toutefois, selon l’affaire dela Fuente et les articles 2 et 51 du RIPR, il était trop tard puisque Mme Yanknga avait déjà obtenu le statut de résident permanent 2 jours auparavant soit le 10 mai 2006.

 

[44]           Dans sa décision, en concluant que Mme Yanknga avait déclaré son époux à l’agente Wallace, le commissaire a omis de constater le fait que cette divulgation avait eu lieu deux jours après l’obtention du statut de résident permanent, résultant ainsi en une autre erreur dans l’évaluation de la preuve qui appert à la face même du dossier et qui ne peut se justifier ni par rapport aux faits ni par rapport au droit.

 

[45]           De plus, il semble selon le commissaire et selon Mme Yanknga, que celle-ci avait avisé l’UNHCR de son mariage le 25 avril 2006 qui devait en informer l’ambassade canadienne pour elle. Or, la preuve au dossier démontre que l’ambassade canadienne à Abidjan n’a jamais reçu cette lettre.

 

[46]           Lors de l’audition sur la demande de contrôle judiciaire devant le soussigné, Mme Yanknga a déposé au dossier, sous réserve d’une objection de la part de l’avocat du Ministre, une lettre transmise par courriel émanant de Mme Peggy Pentshi-a-Meneng (Angeline.Beli@international.gc.ca) en date du 09/05/2008. J’ai permis la production de cette lettre sous réserve de l’objection. J’ai déterminé que ladite objection doit être rejetée et la production du document est donc permise. J’ai coté cette lettre comme pièce J-1.

 

[47]           La pièce J-1 fait référence à la lettre du 25 avril 2006 que Mme Yanknga prétend avoir remise à Mme Peggy Pentshi, avisant l’ambassade canadienne de son mariage. Bien que Mme Yanknga déclare que cette lettre fut envoyée à l’ambassade canadienne à Abidjan, il est clair que celle-ci fut transmise à Libreville. L’ambassade du Canada est située à Abidjan et non à Libreville. Évidemment l’ambassade du Canada à Abidjan n’a pas reçu cette lettre parce qu’elle n’était pas adressée au bon endroit.

 

[48]           L’intention ou le motif qui sous-tend l’omission de révéler le changement de la situation familiale n’est pas pertinent face à l’alinéa 117(9)d) du RIPR. Il est clair en l’espèce que M. Oupolo n’accompagnait pas Mme Yanknga et n’a pas fait l’objet d’un contrôle et c’est ce qui importe dans le présent dossier. De ce fait seul, M. Oupolo devrait être exclu de la catégorie du regroupement familial, qu’il ait eu ou non fausse déclaration délibérée ou qu’il y ait eu dissimulation volontaire ou involontaire de la part de Mme Yanknga. À cet effet, le juge Mosley dans Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] A.C.F. no. 852 (C.F.), précise aux paragraphes 11 et 12 :

 

« 11. […] Le règlement est clair, Peu importe le motif, la non-divulgation qui empêche qu’un personne à charge fasse l’objet d’un contrôle par un agent d’immigration exclut le parrainage futur de cette personne comme membre de la catégorie du regroupement familial.

 

12. La seule question que devait examiner la Commission était celle de savoir si AN BO XIE a fait l’objet d’un contrôle au moment où sa mère a présenté sa demande de résidence permanente. Étant donné que son existence n’avait pas été déclarée, il n’a pu faire l’objet d’un contrôle et il n’est donc pas considéré comme un membre de la catégorie du regroupement familial aux fins du parrainage. »

 

 

[49]           Le fait allégué par Mme Yanknga qu’elle avait déclaré son mariage le 25 avril 2006 à l’UNHCR et avait chargé ces derniers d’aviser l’ambassade canadienne est donc sans importance aux termes de l’alinéa 117(9)d) et de l’article 51 du RIPR. Bien que les autorités canadiennes aiment bien travailler avec l’UNHCR, cette dernière n’est pas agente pour le Canada et n’est pas une autorité canadienne. Elle est plutôt l’agente de la défenderesse pour l’assister dans sa demande de résidence permanente pour laquelle le demandeur demeure responsable. L’UNHCR n’a pas le pouvoir d’effectuer des contrôles pour le gouvernement canadien, ni de décider de l’admissibilité au Canada d’un étranger titulaire d’un visa, et elle n’est pas chargée de l’administration de la LIPR et de ses règlements.

 

[50]           Il demeure que les autorités canadiennes n’ont pas été informées du changement de statut de la défenderesse avant le 12 mai 2006. De ce fait, le Ministre a été lésé en ne pouvant pas réexaminer l’admissibilité de la défenderesse à la lumière des changements et procéder au contrôle de son époux en temps opportun. L’intention de la demanderesse dans son omission n’a aucun effet sur l’interprétation de l’alinéa 117(9)d) du RPIR.

 

[51]           L’agent des visas lorsqu’il a étudié la demande de M. Oupolo n’avait pas le choix de la refuser. Le libellé même de l’alinéa 117(9)d) du RIPR, par l’utilisation de l’expression « Ne sont pas considérées comme appartenant à la catégorie du regroupement familial du fait de leur relation avec le répondant les personnes suivantes […] l’étranger qui, à l’époque où cette demande était faite, était un membre de la famille du répondant n’accompagnant pas ce dernier et qui n’a pas fait l’objet d’un contrôle » (En anglais : « Shall not be considered […] »), ne lui laissait aucune discrétion à cet effet. De ce fait, l’agent des visas n’a pas commis d’erreur en refusant la demande de parrainage. Par contre, le commissaire, en infirmant la décision de l’agent des visas, en a commis une.

 

[52]           Il est bien établi en droit qu’une décision d’un tribunal administratif comme celui de la SAI en l’espèce doit être motivée. La question en l’espèce vise plutôt la suffisance des motifs de la part du commissaire. À cet effet, le juge Simon Noël, dans Vennat c. Canada (Procureur général), [2006] A.C.F. no 1251, disait au paragraphe 90 :

 

« [90] Les tribunaux ont tendance à considérer que des motifs tels que ceux-ci sont insuffisants. Citant plusieurs décisions, le professeur Garant résume bien l’évolution de l’exigence de motivation dans son ouvrage Droit administratif, 5e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2004, aux pages 825 à 832. Il explique certains principes permettant d’évaluer la suffisance des motifs, aux pages 829 et 830 :

La Cour d’appel fédérale affirme que cette obligation n’implique pas la divulgation des moindres détails de la décision.

[…]

Cette motivation peut être exprimée en termes généraux conformément à la nature administrative des décisions et à l’ampleur du pouvoir discrétionnaire conféré au décideur. Elle peut être brève sans être incomplète ou arbitraire; la décision peut être « laconique et technique » […] sans être « dépourvue de motifs ». […] »

 

 

[53]           Il est clair en l’espèce que la preuve à l’audience était contradictoire (par exemple, la date de divulgation du mariage aux agents par Mme Yanknga). Or, le commissaire s’est contenté d’affirmer qu’il trouvait Mme Yanknga crédible. De plus, le commissaire a omis de considérer la jurisprudence et les commentaires soumis, tant écrits qu’oraux, par les représentants du Ministre au sujet de l’interprétation de l’alinéa 117(9)d). Par ailleurs, l’affaire dela Fuente, précitée, cité par les représentants du Ministre avait force de stare decisis et le commissaire a omis de les analyser et de préciser ses motifs quant à leur distinction, se limitant à conclure que l’équité procédurale n’avait pas été respectée par l’agent des visas.

 

[54]           En adoptant une telle conduite, le commissaire a outrepassé sa compétence, ce qui constitue en soi une erreur de droit.

 

[55]           Le commissaire Néron a fondé sa décision sur le fait que les agents avaient le devoir d’informer Mme Yanknga des graves conséquences du fait que son époux n’avait pas fait l’objet d’un contrôle.

 

[56]           Cette obligation, imposée aux agents par le commissaire, n’existe pas en droit. Une telle obligation de la part de l’agent d’expliquer l’importance de soumettre un époux à un contrôle, si elle existait en droit, ne prendrait naissance qu’après que l’agent ait pris connaissance de l’existence de cet époux. Or, la preuve démontre en l’espèce que les agents n’ont pris connaissance effectivement de l’existence de l’époux que le 12 mai 2006, soit deux jours après qu’elle ait obtenu le statut de résident permanent. À ce moment-là, il était trop tard pour que M. Oupolo fasse l’objet d’un contrôle, la résidence permanente de Mme Yanknga lui ayant déjà été accordée.

 

[57]           Le commissaire, en imposant une telle obligation qu’il qualifie de justice naturelle, crée des obligations de la part des agents qui n’existent pas en droit. Dans sa décision, il reprochait à l’agente Wallace de ne pas avoir suspendu l’entrevue le 12 mai 2006 et procédé au contrôle de l’époux de la défenderesse. À ce moment-là, il était trop tard puisque Mme Yanknga avait déjà obtenu le statut de résidente permanente à l’aéroport Pearson le 10 mai 2006.

 

[58]           En ce qui concerne la décision de l’agent à l’aéroport Pearson le 10 mai 2006, ce dernier pouvait croire en toute légitimité que l’état civil de la défenderesse était celui indiqué sur les documents qu’elle a présentés à la frontière. Le demandeur n’ayant pas eu connaissance du changement d’état civil de la défenderesse et la défenderesse ayant omis de se conformer au paragraphe 51 du RIPR, l’agent n’était donc pas en mesure de suspendre l’entrevue de la défenderesse au point d’entrée et procéder comme le commissaire l’aurait souhaité.

 

[59]           Le Commissaire a commis suffisamment d’erreurs pour justifier l’intervention du soussigné.

 

 

 

 

 

 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE ET ADJUGE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision du commissaire Néron en date du 16 janvier 2007 est annulée et j’ordonne qu’une nouvelle audience soit tenue devant un autre commissaire de la SAI.

 

 

 

« Louis S. Tannenbaum »

Juge suppléant

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-700-08

 

INTITULÉ :                                       Le ministre de la citoyenneté et de l’immigration c.

                                                            Mfuri Unielle Yanknga

                                                           

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Fredericton, Nouveau-Brunswick

 

DATE DE L’AUDIENCE :               11 août 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              L’honorable Louis S. Tannenbaum

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 9 septembre 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Paul Marquis

 

POUR LE DEMANDEUR

Mfuri Unielle Yanknga (elle-même)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John H. Sims, c.r.

Ministère de la justice Canada (Halifax)

POUR LE DEMANDEUR

Aucun

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

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