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Date : 20080908

Dossier : IMM-5188-07

Référence : 2008 CF 1005

Toronto (Ontario), le 8 septembre 2008

En présence de monsieur le juge Campbell

 

ENTRE :

RUDOLFINE HORVATH

demanderesse

 

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               La présente demande est relative à l’examen des risques avant renvoi (l’ERAR) d'une Hongroise qui s'est enfuie de la Hongrie sur des allégations de crainte de persécution et de risque en raison de son appartenance au groupe ethnique des Roms. Le 13 juin 2006, la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la CISR) rejeta la demande d’asile de la demanderesse, sans conclusion défavorable sur sa crédibilité, au motif que les souffrances de la demanderesse en Hongrie en tant que Rom n’étaient pas assimilables à de la persécution, mais seulement à de la discrimination et que, quoi qu'il en soit, la protection de l’État lui était offerte en Hongrie.

 

[2]               Pour parvenir à la décision qui fait l’objet du contrôle, l’agent chargé de faire l’ERAR (l’agent d’ERAR) a cité les conclusions de la CISR, mais il a aussi conclu que le rapport de 2006 du département d’État des États-Unis sur les pratiques en matière de droits de la personne en Hongrie intitulé « 2006 United States Department of State Country Reports on Human Rights Practices for Hungary » constitue une nouvelle preuve relativement à la façon dont les Roms sont actuellement traités en Hongrie. En fait, une discrimination largement répandue envers les Roms continue. En conséquence, l’agent d’ERAR avait l’obligation de tenir compte de cette nouvelle preuve ainsi que de la preuve de la demanderesse sur ses souffrances passées, lorsqu’il est parvenu à la conclusion sur le risque prospectif auquel la demanderesse serait soumise si elle était renvoyée. Selon moi, l’agent d’ERAR ne s’est pas acquitté de cette obligation.

 

[3]               L’élément de preuve particulier de la demanderesse sur ses souffrances passées en Hongrie est énoncé dans la décision de l’agent d’ERAR de la façon suivante :

 

[traduction]

La demanderesse a présenté une demande d’asile le 30 octobre 2001. Le 13 juin 2006, la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la CISR) rejeta la demande d’asile de la demanderesse. La demande d’asile de la demanderesse est exposée dans les motifs de la CISR. La demanderesse allègue qu’elle appartient au groupe ethnique des Roms et que depuis sa tendre enfance elle a souffert [traduction] « d’atrocités » telles qu’être [traduction] « constamment ostracisée, blessée et humiliée ». Personne ne voulait l’embaucher et elle a seulement trouvé un emploi dans une résidence hongroise. Elle était aussi constamment harcelée dans l’immeuble où elle vivait avec sa famille. Le 11 mai 2002, sa fille a été battue, humiliée et violée par trois [traduction] « hommes corpulents ». Elle a été conduite à l’hôpital pour y être soignée et l’agression fut signalée à la police. Toutefois, le viol de sa fille lui a causé un traumatisme et elle a le sentiment que l’État hongrois ne peut pas assurer sa protection. Lors de l’audience, elle a aussi déclaré que les Hongrois sont  [traduction] « racistes » et qu’elle craint les éléments racistes si elle était renvoyée en Hongrie maintenant.

 

(Décision d’ERAR, à la page 3.)

 

La question n’est pas de savoir si cette preuve établissait l’existence d’un risque supérieur à une simple possibilité de persécution ou un risque de traitement cruel et inusité à l’époque de l’audience à la Section de la protection des réfugiés (la SPR); la question est de savoir s’il serait satisfait à ces critères si elle était renvoyée en Hongrie. La seule analyse menée sur cette question par l’agent d’ERAR à partir du dossier dont il disposait est la suivante :

[traduction]

La preuve documentaire fait état d’une discrimination largement répandue envers les Roms. Toutefois, cette preuve fait état aussi des mesures prises par l’État pour améliorer la situation des Roms en Hongrie. Bien que je reconnaisse que la situation des Roms en Hongrie n’est pas favorable, je suis convaincu que la demanderesse ne serait pas exposée au risque de persécution, à une menace à sa vie, au risque d’être soumise à la torture ou à des traitements ou peines cruels et inusités, si elle était renvoyée en Hongrie.

 

(Décision d’ERAR, à la page 6.)

 

[4]               À mon avis, l’agent d’ERAR avait l’obligation d’examiner prospectivement et entièrement le risque que la demanderesse courrait si elle était renvoyée dans la situation actuelle en Hongrie, en tenant compte de la réalité selon laquelle elle est une femme âgée qui a été traumatisée par le viol de sa fille dans ce qu’elle estime être une société raciste. En particulier, je conclus qu’il incombait à l’agent d’ERAR de décider prospectivement si elle serait exposée à un risque de traitements cruels et inusités si elle était renvoyée. En fait, la décision de l’agent d’ERAR ne démontre absolument aucune analyse de la preuve sur cette question essentielle.

 

[5]               Par conséquent, je conclus que la décision contestée est entachée d’une erreur susceptible de contrôle judiciaire.

 


 

ORDONNANCE

 

PAR CONSÉQUENT, la décision qui fait l’objet du contrôle est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre agent d’examen des risques avant renvoi pour nouvel examen.

 

Il n’y a aucune question à certifier, sous réserve des arguments qui peuvent être soumis par les avocats des parties dans un délai de cinq jours.

 

 

 

« Douglas R. Campbell »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Laurence Endale, LL.M., M.A.Trad.jur.

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

avocats inscrits au dossier

 

 

Dossier :                                                IMM-5188-07

 

 

INTITULÉ :                                               RUDOLFINE HORVATH c. LE MINISTRE DE LA

        CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                         Toronto (Ontario)

 

 

DATE DE L'AUDIENCE :                       Le 8 septembre 2008

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

Et ordonnance :                               Le juge Campbell

 

 

DATE DES MOTIFS :                              Le 8 septembre 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

Yehuda Levinson

POUR LA DEMANDERESSE

 

Judy Michaely

 

pour le défendeur

 

avocats inscrits au DOSSIER :

 

Levinson & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

pour le défendeur

 

 

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