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Date : 20080908

Dossier : T‑1694‑04

Référence : 2008 CF 1004

Ottawa (Ontario), le 8 septembre 2008

En présence de monsieur le juge Zinn

 

 

ENTRE :

ROBERT MORGAN,

faisant affaire sous le nom de KONA CONCEPT INC.

demandeur

(créancier judiciaire)

et

 

GUIMOND BOATS LIMITED

défenderesse

(débitrice judiciaire)

et

 

 

CORY GUIMOND HOLDINGS INC. et

MILLENIUM MARINE INC.

tierces saisies

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Dans une ordonnance en date du 23 juillet 2008, le protonotaire Morneau a accordé au demandeur la réparation suivante :

[traduction]

LA COUR ORDONNE que toutes les sommes échues ou à échoir de la débitrice judiciaire susmentionnée dont les tierces saisies susmentionnées lui sont redevables en vertu du bail et du sous‑bail susmentionnés soient, par les présentes, saisies‑arrêtées pour le paiement de la dette constatée par le jugement contre ladite débitrice judiciaire en faveur de Robert Morgan, faisant affaire sous le nom de Kona Concept Inc.;

 

LA COUR ORDONNE que chacune des tierces saisies comparaisse devant la Cour située au 82 rue Westmorland, ville de Fredericton, province du Nouveau‑Brunswick, le mardi 19 août 2008 à 9 h 30 pour qu’il soit déclaré sous serment que :

 

Toutes les sommes sont échues ou à échoir à la débitrice judiciaire par l’une ou l’autre des tierces saisies aux termes du bail et du sous‑bail susmentionnés et que chacune des tierces saisies fasse valoir respectivement, aux date, heure et lieu indiqués, les raisons pour lesquelles elles ne devraient pas payer au créancier judiciaire leur dette respective envers la débitrice judiciaire, en tout ou en partie, pour autant qu’elle soit suffisante pour exécuter le jugement;

 

LA COUR ORDONNE ÉGALEMENT que chacune des tierces saisies ne se départisse pas de ladite somme tant que la Cour ne se sera pas prononcée sur cette question;

 

 

[2]               L’ordonnance du protonotaire a été rendue ex parte et sans comparution personnelle, sur le fondement du paragraphe 449(1) des Règles des Cours fédérales, rédigé comme suit :

449. (1)   Saisie-arrêt - Sous réserve des règles 452 et 456, la Cour peut, sur requête ex parte du créancier judiciaire, ordonner :

a) que toutes les créances suivantes du débiteur judiciaire dont un tiers lui est redevable soient saisies-arrêtées pour le paiement de la dette constatée par le jugement :

(i) les créances échues ou à échoir dont est redevable un tiers se trouvant au Canada, […]

 

b) que le tiers se présente, aux date, heure et lieu précisés, pour faire valoir les raisons pour lesquelles il ne devrait pas payer au créancier judiciaire la dette dont il est redevable au débiteur judiciaire ou la partie de celle-ci requise pour l’exécution du jugement.

 

 

449. (1)   Garnishment - Subject to rules 452 and 456, on the ex parte motion of a judgment creditor, the Court may order

 

(a) that

 

(i) a debt owing or accruing from a person in Canada to a judgment debtor, …

 

 

 

 

(b) that the person attend, at a specified time and place, to show cause why the person should not pay to the judgment creditor the debt or any lesser amount sufficient to satisfy the judgment.

 

 

[3]               Les présents motifs et l’ordonnance font suite à l’audience de justification tenue à Fredericton, au Nouveau‑Brunswick, le 19 août 2008.

 

LES PARTIES ET LE CONTEXTE

[4]               Le 8 décembre 2006, dans une action intentée par le demandeur, la Cour d’appel fédérale a condamné Guimond Boats Limited (Boats) à payer au demandeur la somme de 430 396,93 $ US. Ce montant n’a toujours pas été payé.

 

[5]               À la suite d’un interrogatoire de la débitrice judiciaire, le demandeur a appris que Boats était propriétaire de biens réels qu’elle loue à Cory Guimond Holdings Inc. (Holdings) en vertu d’un bail daté du 1er octobre 2003 (le bail principal). Holdings, à son tour, loue la propriété à Millenium Marine Inc. (Marine) en vertu d’un bail daté du 1er octobre 2003 (le sous‑bail).

 

[6]               Le bail principal prévoit que Holdings est tenue de payer à l’avance un loyer de 3 000 $ par mois à la défenderesse Boats. Le sous‑bail prévoit en fait que Marine, puisque la sous‑locataire prend la place de Holdings, la locataire principale, s’engage à payer directement à Holdings le loyer que cette dernière doit payer à Boats en vertu du bail principal.

 

ANALYSE

[7]               Les affidavits ont été produits par Cory Guimond pour le compte de Holdings et Marine (collectivement, les tierces saisies). À l’audience de justification, le demandeur a contre-interrogé M. Guimond au sujet de ses affidavits. Cory Guimond est le président et l’unique directeur de Boats, Holdings et Marine. Par conséquent, j’estime qu’il est raisonnable d’affirmer qu’il existe une entente de coopération entre ces personnes morales.

 

[8]               M. Guimond reconnaît et confirme l’existence d’ententes de location entre Boats et Holdings et entre Holdings et Marine. Toutefois, il atteste que même si ces baux prévoient que des paiements de loyer doivent être effectués, la réalité est différente. Il confirme que même si Boats doit recevoir 3 000 $ par mois à titre de paiements de loyer, ni Holdings, ni Marine ne lui versent de paiement mensuel. En fait, durant l’année, Holdings et Marine paient certaines dettes assumées par Boats, probablement celles qu’elle estime devoir être payées. Quoi qu’il en soit, Boats n’a pas demandé que l’une ou l’autre des tierces saisies paie sa dette envers le demandeur. À la fin de l’année, un comptable vérifie la comptabilité et inscrit une écriture dans les livres de ces trois entreprises indiquant lesquelles ont des dettes et le nom de leurs créanciers.

 

[9]               Ceci étant dit, comme l’indique clairement l’échange suivant, M. Guimond a admis lors de son contre‑interrogatoire que l’une des tierces saisies doit 3 000 $ chaque mois à Boats :

 

[traduction]

Q.        Laissez-moi présenter les choses de cette façon. L’une des deux parties, Cory Guimond Holdings ou Millenium Marine, doit 3 000 $ chaque mois à Guimond Boats.

R.         Exactement.

 

[10]           Les tierces saisies ont soutenu que nonobstant les ententes de location, ni Holdings, ni Marine ne devraient payer les loyers au demandeur, puisque ces fonds font l’objet d’une fiducie en faveur d’un tiers, la Caisse Populaire de Baie Sainte-Anne Ltée (la Caisse Populaire). L’avocat de la Caisse Populaire a assisté à l’audience de justification, mais n’y a aucunement participé. Il existe une hypothèque subsidiaire datée du 25 mars 2004 entre Boats et la Caisse Populaire qui couvre les biens réels faisant l’objet des ententes de location concernant Boats, Holdings et Marine. Les tierces saisies et la défenderesse s’appuient sur l’une des conditions de cette hypothèque subsidiaire pour établir l’existence de cette fiducie. L’alinéa 7b) des Conditions et engagements facultatifs supplémentaires est rédigé comme suit :

[traduction]

[…] PAR LES PRÉSENTES, LES PARTIES CONVIENNENT de ce qui suit :

[…]

b)         les locataires visés dans les baux ou ententes, ou l’un d’entre eux, ne sont pas tenus de payer les loyers, en tout ou en partie, au créancier hypothécaire, tant que le créancier hypothécaire ne les avisera pas par écrit que les loyers, en tout ou en partie, sont payables au créancier hypothécaire;

À CONDITION TOUTEFOIS que les loyers, en tout ou en partie, reçus par ou pour le compte du débiteur hypothécaire, soient réputés détenus en fiducie pour le créancier hypothécaire, sous réserve des dispositions de rachat formulées aux présentes […]

 

[11]           Le demandeur prétend que le paragraphe 7 de l’hypothèque subsidiaire est en réalité une clause de cession de loyer qui entre en vigueur seulement si le créancier hypothécaire, la Caisse Populaire, exige que les locataires, Holdings et Marine, lui versent les paiements de loyer à elle plutôt qu’à Boats. Je suis d’accord. Il n’existe aucune preuve d’une telle directive. De plus, aucun paiement de loyer n’a été versé directement à Boats et par conséquent, aucune fiducie n’a été créée en faveur de la Caisse Populaire.

 

[12]           La défenderesse et les tierces saisies prétendent également qu’il existe une obligation non garantie de 250 000 $, consentie par le prédécesseur de Boats pour le prédécesseur de Holdings, qui constitue un obstacle aux paiements de loyer, lesquels représentent une dette envers Boats qui peut être saisie-arrêtée par le demandeur. Là encore, je suis d’accord avec l’opinion du demandeur selon laquelle l’obligation non garantie est une charge flottante qui ne s’est toujours pas matérialisée. Par conséquent, elle ne constitue pas un obstacle à la saisie des paiements de loyer.

 

[13]           Bref, Holdings et Marine ne se sont pas acquittées du fardeau leur incombant de faire valoir les raisons pour lesquelles elles ne devraient pas payer au demandeur les paiements de loyer mensuels qu’elles devaient à Boats conformément aux ententes de location, jusqu’à concurrence du montant exigé pour exécuter le jugement enregistré auprès de la Cour.

 

DÉPENS

[14]           Le demandeur sollicite, et j’estime qu’il est en droit de le faire, les dépens relatifs à l’audience de justification. J’établis les dépens, débours et TPS inclus, que j’adjuge en sa faveur, à 2 500 $, somme à être ajoutée au montant payable au demandeur à partir des fonds saisis.

 


ORDONNANCE

 

ATTENDU que, selon un jugement de la Cour d’appel fédérale daté du 8 décembre 2003, Guimond Boats Limited, la débitrice judiciaire, est condamnée à payer à Robert Morgan, faisant affaire sous le nom de Kona Concept Inc., le créancier judiciaire, l’équivalent en dollars canadien, en date du 26 juillet 2004, de la somme de 430 396,93 $ US, avec intérêts au taux commercial additionnés deux fois par année;

 

ET ATTENDU que ladite somme de 430 396,93 $ US et lesdits intérêts sont toujours dus et impayés;

 

ET ATTENDU qu’il existe un bail daté du 1er octobre 2003 entre la débitrice judiciaire et Cory Guimond Holdings Inc.;

 

ET ATTENDU qu’il existe un sous-bail daté du 1er octobre 2003 entre Cory Guimond Holdings Inc. et Millenium Marine Inc.;

 

ET ATTENDU que, selon lesdits bail et sous-bail, soit Cory Guimond Holdings Inc., soit Millenium Marine Inc. doit à la débitrice judiciaire la somme de 3 000 $ le premier jour de chaque mois du bail;

 

ET ATTENDU que Cory Guimond Holdings Inc. et Millenium Marine Inc. n’ont pas réussi à faire valoir les raisons pour lesquelles les paiements dudit bail ne devraient pas être versés au demandeur en règlement partiel de la dette qui lui est due par la débitrice judiciaire;

 

LA COUR ORDONNE que :

1.         À compter du 23 juillet 2008, toutes les sommes échues ou à échoir de la débitrice judiciaire dont Cory Guimond Holdings Inc. et Millenium Marine Inc. (les tierces saisies) lui sont redevables en vertu du bail et du sous-bail susmentionnés soient saisies‑arrêtées et payées au créancier judiciaire pour le paiement de la dette constatée par le jugement contre la débitrice judiciaire en faveur du créancier judiciaire, jusqu’à concurrence du montant exigé pour payer la dette constatée par jugement contre la débitrice judiciaire;

 

2.         Lesdites sommes doivent être payées « en fiducie » à Clark Drummie, 40 Wellington Row, case postale 6850, Saint John (Nouveau‑Brunswick), E2L 4S3, ou à toute autre personne désignée, par écrit, par le créancier judiciaire; et

 

 

 

 

 

3.         Tout paiement effectué par les tierces saisies en application de la présente ordonnance doit être affecté en premier aux dépens de la présente requête du demandeur, qui sont établis, débours et TPS inclus, à 2 500 $.

 

 

« Russel W. Zinn »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Mylène Boudreau


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T‑1694‑04

 

INTITULÉ :                                       ROBERT MORGAN, faisant affaire sous le nom de KONA CONCEPT INC.

                                                            c. GUIMOND BOATS LIMITED

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Fredericton (Nouveau‑Brunswick)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 19 août 2008

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 8 septembre 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Robert Jette, c.r.

 

POUR LE DEMANDEUR

Lee McKeigan‑Dempsey

 

POUR LA DÉFENDERESSE ET

LES TIERCES SAISIES

 

Erin Hardy

POUR LA CAISSE POPULAIRE

DE BAIE SAINTE-ANNE LTÉE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Clark Drummie

Saint John (Nouveau‑Brunswick)

POUR LE DEMANDEUR

 

Ellsworth Johnson Phillips

Moncton (Nouveau‑Brunswick)

 

POUR LA DÉFENDERESSE ET

LES TIERCES SAISIES

 

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