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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20080910

Dossier : T-1830-07

Référence : 2008 CF 1018

Ottawa (Ontario), le 10 septembre 2008

En présence de monsieur le juge de Montigny

 

ENTRE :

INDIRA SADYKBAEVA

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’un appel interjeté en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. 1985, ch. C-29 (Loi sur la citoyenneté) et de l’article 21 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, de la décision rendue par la juge de la citoyenneté Agnes Potts le 22 août 2007. La juge de la citoyenneté a conclu que la demanderesse n’avait pas une connaissance suffisante du Canada et des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté canadienne, comme l’exige l’alinéa 5(1)e) de la Loi sur la citoyenneté. La demanderesse demande que cette décision soit annulée et que l’affaire soit renvoyée à un autre juge de la citoyenneté pour nouvel examen.

 

I. L’historique

 

[2]               La demanderesse est une citoyenne du Kyrgyzstan, âgée de 36 ans, qui, le 26 juillet 2001, a été admise au Canada, avec son fils et son mari, à titre de résidents permanents.

 

[3]               En décembre 2005, la demanderesse a présenté une demande de citoyenneté canadienne, même si elle n’avait accumulé que 944 jours de résidence au cours des quatre années qui avaient précédé le dépôt de sa demande. Malgré ses absences du Canada, lesquelles furent en partie occasionnées par les fréquents voyages d’affaires à l’étranger de son mari et par les visites qu’elle a rendues à ses parents au Kyrgyzstan, la demanderesse estimait que, elle et sa famille, avaient fait du Canada leur domicile.

 

[4]               En février 2006, la demanderesse a reçu deux lettres mentionnant que sa demande ainsi que celle de son fils avaient été reçues par le Centre de traitement des demandes à Sydney et qu’elles faisaient l’objet d’un examen. La partie importante de cette lettre est ainsi libellée :

[traduction]

 

Il faudra environ de 12 à 15 mois à compter de la date de la présente lettre pour examiner votre (vos) demande(s). Il s’agit du délai normal de traitement. Certaines demandes prennent plus de temps à traiter. Si vous êtes une personne qui doit subir l’examen, nous vous proposons d’utiliser ce temps pour vous préparer à l’examen de citoyenneté.

 

Pour devenir des citoyens canadiens, les personnes âgées de 18 à 54 ans doivent satisfaire aux exigences en matière de langue et de connaissances. Vous devez posséder une connaissance suffisante de l’anglais ou du français pour être capable de tenir une simple conversation. Pour passer un examen, vous devez posséder des connaissances suffisantes sur l’histoire, la géographie et le gouvernement du Canada ainsi que sur les droits et les responsabilités que comporte la citoyenneté. L’examen écrit durera environ 30 minutes. Toutes les questions figurant dans l’examen de citoyenneté portent sur les renseignements qui figurent dans le livre ci‑joint intitulé Regard sur le Canada.

 

[5]               En juillet 2006, Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) a envoyé à la demanderesse une lettre mentionnant qu’elle devait remplir un « questionnaire sur la résidence » qui [traduction] « aiderait le juge de la citoyenneté à déterminer si [elle satisfait] au critère de résidence prévu dans la Loi sur la citoyenneté.

 

[6]               En juillet 2007, la demanderesse a reçu une lettre d’avis de convocation à une audience devant un juge de la citoyenneté. La lettre mentionnait la date de l’entrevue ainsi que le nom du juge de la citoyenneté qui ferait l’entrevue. Le paragraphe introductif de la lettre mentionnait ce qui suit :

[traduction]

 

Le juge de la citoyenneté a besoin de plus de renseignements pour prendre une décision concernant votre demande de citoyenneté et vous devez vous présenter à une audience. Lors de cette audience, le juge décidera si vous satisfaites à toutes les exigences pour l’obtention de la citoyenneté et il pourra vous poser des questions afin de déterminer si vous possédez une connaissance suffisante de l’anglais ou du français ainsi qu’une connaissance suffisante du Canada.

 

 

[7]               La demanderesse a assisté à l’entrevue le 14 août 2007. Après avoir posé des questions à la demanderesse sur ses absences du Canada ainsi que sur ses activités actuelles au Canada, la juge de la citoyenneté a procédé à un interrogatoire portant sur la connaissance de la demanderesse du Canada et des responsabilités conférées par la citoyenneté. La demanderesse, qui s’attendait à ce qu’on lui fasse subir l’examen de citoyenneté à une date ultérieure, a expliqué à la juge de la citoyenneté qu’elle n’était pas prête et qu’elle était trop nerveuse pour subir un examen oral de citoyenneté. La juge de la citoyenneté lui a néanmoins fait subir l’examen et lui a lu les questions à haute voix.

 

[8]               Dans une lettre datée du 22 août 2007, la demanderesse a été informée de la décision défavorable rendue par la juge de la citoyenneté quant à sa demande de citoyenneté. Dans sa décision, la juge de la citoyenneté a rejeté la demande de citoyenneté non pas en raison de la condition de résidence, mais en raison des mauvais résultats que la demanderesse avait obtenus lors de l’examen oral de citoyenneté. La partie importante de la décision de la juge Potts est ainsi libellée :

[traduction]

 

J’ai conclu, à ce moment‑là, que vous ne possédiez pas une connaissance suffisante du Canada ainsi que des responsabilités et des privilèges conférés par la citoyenneté. L’alinéa 5(1)e) de la Loi sur la citoyenneté prévoit qu’une personne qui demande la citoyenneté doit avoir une connaissance suffisante du Canada et des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté pour être admissible à la citoyenneté. Lors de l’audience, vous ne possédiez pas des connaissances suffisantes de la géographie, de l’histoire, des paliers de gouvernement, de la structure politique du gouvernement, du droit de vote aux élections fédérales ou des responsabilités des citoyens.

 

Selon l’article 15 du Règlement sur la citoyenneté, qui prévoit les critères permettant de déterminer si une personne qui demande la citoyenneté possède une connaissance suffisante du Canada et des responsabilités et privilèges attachés à la citoyenneté, vous devez être capable de répondre correctement aux questions rédigées par le ministre d’après les renseignements figurant dans le matériel autodidactique approuvé par le ministre présenté aux personnes qui demandent la citoyenneté.

 

 

[9]               La demanderesse a soumis deux arguments à l’appui de sa demande de contrôle judiciaire de la décision susmentionnée. Premièrement, elle a prétendu que la juge de la citoyenneté ne lui a pas donné un avis suffisant quant à la tenue de l’examen, violant ainsi son droit à l’équité procédurale. Deuxièmement, elle prétend qu’elle s’attendait légitimement à ce que les guides des politiques et des programmes de Citoyenneté et Immigration Canada seraient appliqués d’une manière juste et uniforme et que, soit on lui demanderait de démontrer ses connaissances du Canada dans le cadre d’un examen écrit de citoyenneté, soit elle recevrait un avis approprié l’informant que l’examen oral serait la seule occasion qu’elle aurait de prouver qu’elle satisfaisait à cette exigence.

 

II. L’analyse

 

            A.         Le cadre législatif

[10]           L’alinéa 5(1)e) de la Loi sur la citoyenneté prévoit qu’une personne qui demande la citoyenneté doit posséder une connaissance suffisante du Canada et des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté afin d’être admissible à la citoyenneté. La Loi sur la citoyenneté, ne précise toutefois pas ce que constitue une « connaissance suffisante du Canada et des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté »; c’est l’article 15 du Règlement sur la citoyenneté, 1993, DORS/93-246 (le Règlement) qui apporte cette précision. Il est ainsi libellé :

15. Une personne possède une connaissance suffisante du Canada et des responsabilités et privilèges attachés à la citoyenneté si, à l’aide de questions rédigées par le ministre, elle comprend de façon générale, à la fois :

 

a) le droit de vote aux élections fédérales, provinciales et municipales et le droit de se porter candidat à une charge élective;

b) les formalités liées au recensement électoral et au vote;

c) l’un des sujets suivants, choisi au hasard parmi des questions rédigées par le ministre :

(i) les principales caractéristiques de l’histoire sociale et culturelle du Canada,

(ii) les principales caractéristiques de l’histoire politique du Canada,

(iii) les principales caractéristiques de la géographie physique et politique du Canada,

(iv) les responsabilités et privilèges attachés à la citoyenneté autres que ceux visés aux alinéas a) et b).

15. The criteria for determining whether a person has an adequate knowledge of Canada and of the responsibilities and privileges of citizenship are that, based on questions prepared by the Minister, the person has a general understanding of

(a) the right to vote in federal, provincial and municipal elections and the right to run for elected office;

(b) enumerating and voting procedures related to elections; and

(c) one of the following topics, to be included at random in the questions prepared by the Minister, namely,

(i) the chief characteristics of Canadian social and cultural history,

(ii) the chief characteristics of Canadian political history,

(iii) the chief characteristics of Canadian physical and political geography, or

(iv) the responsibilities and privileges of citizenship, other than those referred to in paragraphs (a) and (b).

 

 

[11]           Comme on peut le constater à la lecture de ces dispositions, rien dans la Loi sur la citoyenneté ou dans le Règlement ne mentionne de quelle façon l’évaluation des connaissances d’une personne qui demande la citoyenneté doit être faite. On doit plutôt s’en remettre aux guides des politiques et des programmes de Citoyenneté et Immigration Canada applicables à l’article 5 de la Loi sur la citoyenneté qui aident à comprendre la procédure employée par CIC dans le cadre de son évaluation de la connaissance suffisante du Canada d’une personne qui demande la citoyenneté. Ces guides sont accessibles au public. Je reviendrai sous peu sur cette politique.

 

B.         La norme de contrôle

[12]           Les parties s’entendent quant à la norme de contrôle qu’il convient d’appliquer. Comme la présente demande ne soulève que des questions d’équité procédurale, l’analyse pragmatique et fonctionnelle ne s’applique pas. La Cour d’appel fédérale a conclu dans l’arrêt Sketchley c. Canada (PG), 2005 CAF 404, [2006] 3 F.C.R. 392, que ces questions font toujours l’objet d’un contrôle à titre de question de droit et que c’est la norme de contrôle de la décision correcte qui s’applique à celles‑ci.

 

C.        Avis insuffisant

[13]           La demanderesse prétend que ses droits à l’équité procédurale ont été violés parce qu’elle n’a pas reçu un avis suffisant quant à la tenue de l’examen oral de citoyenneté. En réponse, le ministre prétend que ni la Loi sur la citoyenneté ni le Règlement sur la citoyenneté n’exige qu’un examen écrit soit dispensé à toutes les personnes qui demandent la citoyenneté. De toute façon, la lettre convoquant la demanderesse à une entrevue mentionnait qu’[traduction] « on lui poserait peut‑être des questions » afin d’évaluer sa connaissance du Canada.

 

[14]           Il ne fait aucun doute qu’une obligation d’équité procédurale s’applique à la décision d’accorder ou de refuser la citoyenneté. Mais, cela ne répond pas à la question. Comme la juge L’Heureux-Dubé l’a écrit dans Knight c. Indian Head School Division no 19, [1990] 1 R.C.S. 653, [1990] A.C.S no 26 (QL), à la page 682, « [l]a notion d’équité procédurale est éminemment variable et son contenu est tributaire du contexte particulier de chaque cas ». Elle a ensuite élaboré une liste de facteurs qui doivent être pris en compte pour définir les droits procéduraux requis par l'obligation d'équité dans des circonstances données : voir l’arrêt Baker c. Canada (MCI), [1999] 2 R.C.S. 817, 174 D.L.R. (4th) 193, aux paragraphes  22 et suivants (arrêt Baker). Ces facteurs sont les suivants : la nature de la décision rendue, la nature du régime législatif, l’importance de la décision pour les personnes visées, les attentes légitimes de la personne qui conteste la décision et le choix des procédures.

 

[15]           Si j’applique ces critères au cas en l’espèce, je suis d’avis qu’une norme assez élevée d’équité procédurale doit être à la base du cadre du processus décisionnel suivi dans le cadre d’une demande de citoyenneté. Je suis conscient du fait que les décisions par lesquelles on rejette les demandes de citoyenneté ne sont pas définitives et qu’elles peuvent être portées en appel à la Cour fédérale en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté et que le pouvoir discrétionnaire conféré aux juges de la citoyenneté est assez vaste et leur accorde une large marge d’appréciation pour ce qui est de décider quelles procédures de cueillette de renseignements sont adéquates.

 

[16]           Cela étant dit, la décision en l’espèce ressemble manifestement à une décision de nature arbitrale. Elle est fondée sur des faits concernant une personne appréciés en fonction de critères raisonnablement objectifs et elle ne s’applique qu’à l’intéressé. En outre, la décision d’accorder ou de refuser la citoyenneté est évidemment d’une grande importance pour la demanderesse car elle touche à ses droits, à ses privilèges et à ses responsabilités au Canada ainsi qu’à ceux de son fils. Enfin, la demanderesse s’attendait à ce qu’une certaine procédure soit suivie en ce qui concerne l’appréciation de sa connaissance du Canada. Dans l’arrêt Baker, la Cour suprême a souligné que la doctrine de l’expectative légitime ne crée aucun droit substantiel, mais elle a insisté sur le fait qu’elle pouvait servir à déterminer le contenu de l’obligation d’agir équitablement envers une personne.

 

[17]           Comme je l’ai déjà mentionné, la lettre de CIC accusant réception de la demande de citoyenneté du 27 février 2006 mentionnait non seulement que les personnes âgées de 18 à 54 ans devaient satisfaire aux exigences en matière de langue et de connaissance mais mentionnait également ce qui suit : [traduction] «  [L]’examen écrit durera environ 30 minutes. Toutes les questions de l’examen portent sur les renseignements qui figurent dans la publication Regard sur le Canada jointe à la présente lettre. Un bureau de CIC vous avisera quant à la date, l’heure et le lieu de votre examen ». Comme l’examen écrit était la seule forme d’évaluation mentionnée dans la lettre, on pouvait manifestement s’attendre à ce que la demanderesse soit évaluée de cette façon.

 

[18]           Cette attente était manifestement légitime, surtout compte tenu des guides des politiques et des programmes de CIC accessibles au public applicables à l’article 5 de la Loi sur la citoyenneté. Bien qu’ils n’aient pas un caractère impératif, ces guides visent manifestement à expliquer la procédure employée par CIC. Le guide CP4 mentionne ce qui suit :

5.3. Les demandeurs âgés de 18 à 54 ans font l’examen

 

 

Toute personne âgée de 18 à 54 ans qui présente une demande de citoyenneté doit subir

l'examen écrit de citoyenneté. Si un demandeur échoue à l'examen écrit, il doit avoir une

entrevue personnelle avec un juge de la citoyenneté qui évaluera ses aptitudes linguistiques et ses connaissances.

 

5.7. Procédure pour aviser les demandeurs

 

Il faut envoyer à chaque personne qui fait une demande de citoyenneté un Avis de convocation – Examen de citoyenneté [CIT 0023F], par courrier ordinaire, au moins 14 jours avant la date de

l'examen.

 

Renseignements à fournir dans l'avis

L'avis de convocation à l'examen doit contenir les renseignements suivants :

• la date et l'heure de l'examen;

• le lieu de l'examen;

• indication que l'examen se fait par écrit;

• les pièces d'identité

5.3. Applicants between 18 and 54 years of age write the test

 

All applicants 18 to 54 years of age applying for citizenship must write the citizenship test.

An applicant who fails the written test must pass an oral interview with a citizenship judge on the knowledge and language requirements.

 

 

 

 

 

5.7 Notifying applicants

 

 

Send each applicant for a grant of citizenship a Notice to Appear - To Write a Citizenship Test [CIT 0023E], by regular mail, at least 14 days before the test date.

 

(…)

 

Include in notice

 

Include the following information in the notice to appear about the test:

• the date and time of the test;

• the place of the test;

• that the test will be a written test;

• the identification and supporting documents the applicant must bring to the test.

 

[19]           Il est vrai, comme le défendeur le prétend, que l’avis de convocation à une audience devant un juge de la citoyenneté envoyé à la demanderesse en juillet 2007 mentionnait qu’on lui poserait « peut-être » des questions afin de déterminer si elle possédait une connaissance suffisante du Canada. Mais, cela suffisait‑il pour faire disparaître son attente légitime selon laquelle on lui ferait subir un examen écrit? Je ne le crois pas. Non seulement cet avis était vague et avait un caractère facultatif, mais il ne mentionnait pas clairement et explicitement que, contrairement aux renseignements fournis dans un échange de lettres antérieur ainsi que dans le Guide des politiques, elle ne subirait qu’un examen oral.

 

[20]           En effet, le guide CP2 intitulé « Les décisions » explique l’objet visé par les audiences devant un juge de la citoyenneté :

3.10. Circonstances dans lesquelles une entrevue avec le juge est nécessaire

 

En règle générale, un demandeur doit avoir une entrevue avec le juge de la citoyenneté dans les

circonstances suivantes :

• le demandeur échoue à l'examen écrit de citoyenneté ;

• le demandeur est pris à tricher à l'examen écrit de citoyenneté ;

• la demande comporte une question judiciaire, d'immigration ou de résidence qui doit être résolue.

3.10. When interview necessary

 

 

As a general rule, citizenship judges should interview applicants who:

• fail the written citizenship test;

• are caught cheating on the written citizenship test;

• have a criminal, immigration or residence issue that must be resolved.

 

[21]           Le guide CP4 confirme cette pratique. Il mentionne ce qui suit :

6.3. Objet

 

Si un demandeur échoue à l'examen écrit, il doit avoir une entrevue orale qui sert à évaluer sa capacité de communiquer en français ou en anglais et sa connaissance du Canada et des responsabilités et privilèges rattachés à la citoyenneté.

 

6.5. L'entrevue est un autre examen

 

L'entrevue personnelle est un autre examen des aptitudes linguistiques et des connaissances du demandeur.

Conservez dans le dossier du demandeur l'examen écrit auquel il a échoué.

6.3. Purpose

 

The oral interview for applicants who fail the written test assesses the applicant’s ability to communicate in English or French, and the applicant’s knowledge of Canada and the responsibilities and privileges of citizenship.

 

6.5. Interview is new test

 

 

The oral interview is a new test of the applicant's language and knowledge capabilities.

Keep the applicant's failed written test in his or her file.

 

 

[22]           La demanderesse n’a pas subi et échoué son examen de citoyenneté avant d’être convoquée à une entrevue visant à déterminer sa résidence au Canada. De plus, elle a soumis des affidavits non contestés émanant d’elle‑même (fondés sur des renseignements provenant d’amis et de connaissances) ainsi que de son avocate (fondés sur sa pratique d’avocate spécialisée en immigration ainsi que sur les guides des politiques publiés par CIC) selon lesquels les examens écrits de citoyenneté constituent la procédure habituelle. Par conséquent, la demanderesse a pu raisonnablement être sous l’impression qu’elle ne subirait aucun examen oral quant à sa connaissance du Canada lors de l’entrevue d’août 2007. Compte tenu de l’ensemble des circonstances, le caractère facultatif de la formulation employée dans la lettre d’avis de juillet 2007 n’était pas suffisant pour l’aviser qu’elle ne subirait aucun examen écrit mais qu’elle subirait un examen oral.

 

[23]           Si on se fie aux facteurs élaborés dans l’arrêt Baker pour déterminer la teneur de l’obligation d’équité procédurale dans des circonstances données et si on tient particulièrement compte des attentes légitimes de la demanderesse, j’estime que celle‑ci avait droit à un avis suffisant l’informant qu’elle ne subirait aucun examen écrit mais qu’on lui donnerait l’occasion de démontrer oralement qu’elle possède une connaissance suffisante du Canada. Si la lettre d’avis de juillet 2007 avait été plus explicite et (ou) si la formulation employée avait eu un caractère obligatoire, la demanderesse aurait peut‑être su que CIC ne lui ferait pas subir un examen écrit de citoyenneté et elle se serait préparée en conséquence.

 

[24]           Cette conclusion est compatible avec la décision récemment rendue par ma collègue la juge Danièle Tremblay-Lamer dans Santos c. Canada (MCI), 2008 CF 205, 164 A.C.W.S. (3d) 744. Dans cette affaire, la demanderesse avait réussi un examen écrit qui visait à déterminer si elle satisfaisait aux exigences minimales en matière de langue et de connaissances. Lorsqu’elle a comparu devant le juge de la citoyenneté pour l’audition de sa demande de citoyenneté canadienne, on lui a fait subir un examen oral afin d’évaluer sa connaissance du Canada. Sa demande de citoyenneté a éventuellement été rejetée car le juge a conclu que la demanderesse n’avait pas satisfait à l’exigence relative à la connaissance.

 

[25]           Après avoir examiné les cinq facteurs énumérés dans l’arrêt Baker, la juge Tremblay-Lamer a conclu que l’obligation d’équité exige, à tout le moins, que les demandeurs n’aient à subir un nouvel examen que lorsqu’il existe un motif valable et qu’avis raisonnable a été donné du second examen. Compte tenu du fait que la demanderesse avait réussi l’examen écrit, elle avait des motifs raisonnables de croire que l’entrevue porterait sur ses absences du Canada. Non seulement il n’y avait aucune raison valable de faire subir un nouvel examen à la demanderesse, mais l’avis de convocation à une entrevue mentionnant qu’un certain nombre de questions portant sur la connaissance pourraient lui être posées a été jugé trop vague et trop peu précis pour indiquer qu’il s’agissait en fait d’un nouvel examen. Même si cette affaire est différente sur le plan des faits de l’affaire en l’espèce, la question de l’équité procédurale soulevée dans les deux cas est très semblable et, par conséquent, la logique de la décision de la juge Tremblay-Lamer s’applique en l’espèce. Voir également Hussain c. Canada (MCI), [1999] A.C.F. no 1130 (QL).

 

[26]           Je suis au courant de la décision rendue par la Cour dans El Fihri c. Canada (MCI), 2005 CF 1106, 147 A.C.W.S. (3d) 745 (El Fihri), dans laquelle elle a statué que la demanderesse ne pouvait pas prétendre qu'elle aurait dû subir un examen écrit et que le juge n'aurait pas dû lui poser les questions oralement. En arrivant à cette décision, la Cour s’est fondée sur le fait que rien dans la Loi sur la citoyenneté ou dans le Règlement ne prescrivait la tenue d’un examen écrit et qu’un avis de convocation semblable à celui reçu par Mme Sadykbaeva en juillet 2007 constituait un avis suffisant. Je sais également que la principale question en litige, dans cette affaire comme en l’espèce, était l’appréciation de l’exigence relative à la résidence. Toutefois, cette décision ne fait aucune mention des guides des politiques publiés par CIC et rien n’indique qu’ils ont été produits comme partie du dossier. En effet, cette affaire semble avoir beaucoup plus porté sur les questions de fond que sur les questions d’équité procédurale. Ceci est confirmé par le fait que la Cour a appliqué la norme de la décision raisonnable simpliciter pour déterminer que le juge de la citoyenneté n’a commis aucune erreur dans son analyse ou dans son application de la Loi sur la citoyenneté. C’est donc en tenant compte de ces éléments que je me permets, en toute déférence, de ne pas souscrire à cette décision.

 

[27]           Cela ne veut pas dire que CIC ne peut pas changer sa politique quant à sa façon de faire subir les examens de citoyenneté. Comme la Loi sur la citoyenneté et le Règlement sur la citoyenneté ne mentionnent rien quant à la manière selon laquelle une personne qui demande la citoyenneté doit être évaluée relativement à sa connaissance du Canada, le défendeur pourrait modifier sa procédure et décider de donner à l’ensemble ou à un certain nombre de demandeurs de citoyenneté la possibilité de démontrer, oralement ou par écrit, leur connaissance du Canada. Si CIC décide toutefois d’adopter cette modification, celle‑ci devrait être reflétée dans les guides des politiques et des programmes qui régissent le processus par lequel des personnes demandent la citoyenneté canadienne. Si CIC a l’intention d’invoquer les guides tels qu’ils figurent sur son site Web, un avis suffisant de ce changement de politique devrait être donné à tous les demandeurs de citoyenneté qui peuvent être touchés.

 

[28]           Étant arrivé à cette conclusion, je n’ai pas à aborder le deuxième argument avancé par la demanderesse. Comme la Cour suprême l’a mentionné dans l’arrêt Baker, au Canada, la doctrine des attentes légitimes n’existe pas par elle‑même. Elle est incorporée dans la doctrine de l’équité procédurale ou de la justice naturelle. Comme j’ai déjà décidé que la demanderesse avait une attente légitime qui touchait au contenu de l’obligation d’agir équitablement envers elle, je n’ai pas à en dire davantage sur ce sujet.

 

[29]           Pour ces motifs, l’appel est accueilli. Par conséquent, la décision de la juge de la citoyenneté datée du 22 août 2007 par laquelle celle‑ci a rejeté la demande de citoyenneté canadienne présentée par la demanderesse est annulée. L’affaire est renvoyée à un autre juge de la citoyenneté afin d’être tranchée, le plus tôt possible, conformément aux présents motifs.

 


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que l’appel soit accueilli. La décision de la juge de la citoyenneté Agnes Potts, datée du 22 août 2007, par laquelle celle‑ci a rejeté la demande de citoyenneté canadienne présentée par la demanderesse est annulée. L’affaire est renvoyée à un autre juge de la citoyenneté afin d’être tranchée, le plus tôt possible, conformément aux présents motifs.

 

« Yves de Montigny »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-1830-07

 

INTITULÉ :                                       INDIRA SADYKBAEVA

                                                            c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 28 mai 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE DE MONTIGNY

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 10 septembre 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Jessica G. Reekie

 

POUR LA DEMANDERESSE

Neeta Logsetty

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Bomza Law Group

45, avenue St.Clair oust, bureau 1000

Toronto (Ontario)  M4V 1K9

 

POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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