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Date : 20080905

Dossier : IMM-518-08

Référence : 2008 CF 993

Ottawa (Ontario), le 5 septembre 2008

En présence de monsieur le juge Zinn

 

entre :

ENRIQUE LOPEZ PASCUAL

demandeur

et

 

le ministre de la citoyenneté

et de l’immigration

 

défendeur

 

 

 

motifs du jugement et jugemenT

 

[1]          Il s’agit de la demande de contrôle judiciaire de la décision d’une agente des visas à l’ambassade du Canada à Makati, aux Philippines, qui a rejeté la demande de résidence permanente de Enrique Lopez Pascual (le demandeur). Le demandeur a déposé sa demande de résidence permanente dans la catégorie du regroupement familial et il a demandé que des circonstances d’ordre humanitaire soient prises en considération lors de l’examen de sa demande.

 

RÉSUMÉ DES FAITS

[2]        Le demandeur et son épouse, Sheila Marie Caluza Pascual, sont tous les deux Philippins. L’épouse du demandeur est arrivée au Canada en octobre 2000 pour travailler comme aide familiale. C’était avant son mariage avec le demandeur, avec qui elle a commencé une relation à distance pendant l’été 2002. En mai 2003, Mme Pascual est repartie aux Philippines pour rendre visite à sa famille et pour rencontrer, en personne, le demandeur. Le 2 juin 2003, ils se sont mariés. Une semaine plus tard, comme prévu, Mme Pascual est rentrée au Canada. Peu de temps après, le 21 juillet 2003, elle a obtenu le statut de résidente permanente.

 

[3]        Lorsque Mme Pascual est rentrée au Canada, elle a omis d’informer Citoyenneté et Immigration Canada de son récent mariage; elle a répondu « non » à la question de savoir si elle avait des personnes à charge non déclarées. Par conséquent, son statut matrimonial inscrit dans sa fiche d’établissement est « célibataire » et, à aucun moment avant de devenir résidente permanente elle n’a avisé le défendeur de son mariage.

 

[4]        Mme Pascual a déposé pour la première fois, en novembre 2003, une demande de parrainage de la demande de résidence permanente de son époux. Cette demande de parrainage a été rejetée le 1er avril 2004. Il a été décidé que le demandeur ne pouvait pas présenter de demande comme étant une personne appartenant à la catégorie du regroupement familial, vu l’alinéa 117(9)d) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement), parce que, à l’époque où la demande de son épouse avait été faite, il était un membre de la famille de son épouse n’accompagnant pas cette dernière et il n’avait pas fait l’objet d’un contrôle. Le 19 juillet 2004, la Section d’appel de l’immigration a rejeté l’appel interjeté contre cette décision.

L’alinéa 117 (9)d) du Règlement est libellé de la façon suivante :

117. (9) Ne sont pas considérées comme appartenant à la catégorie du regroupement familial du fait de leur relation avec le répondant les personnes suivantes :

 

[…]

 

d) sous réserve du paragraphe (10), dans le cas où le répondant est devenu résident permanent à la suite d’une demande à cet effet, l’étranger qui, à l’époque où cette demande a été faite, était un membre de la famille du répondant n’accompagnant pas ce dernier et n’a pas fait l’objet d’un contrôle.

117. (9) A foreign national shall not be considered a member of the family class by virtue of their relationship to a sponsor if

 

 

(d) subject to subsection (10), the sponsor previously made an application for permanent residence and became a permanent resident and, at the time of that application, the foreign national was a non-accompanying family member of the sponsor and was not examined.

 

[5]        Après le rejet de sa demande de parrainage, Mme Pascual a tenté de faire modifier sa fiche d’établissement pour y faire inscrire qu’elle était mariée à l’époque de son établissement, mais on l’a informée qu’il n’était pas possible de faire cette modification.

 

[6]        En mai 2005, Mme Pascual a déposé une deuxième demande de parrainage, à laquelle elle a joint une lettre d’explication et divers autres documents, après que l’ambassade à Manille lui eut fait savoir qu’elle devrait soumettre toutes les circonstances d’ordre humanitaire qui pourraient justifier une exception à l’application de l’alinéa 117(9)d) du Règlement. Une fois de plus, sa demande de parrainage a été rejetée et l’appel interjeté contre ce rejet à la Section d’appel de l’immigration a échoué.

 

[7]        Le 30 mai 2007, Mme Pascual a déposé une troisième demande de parrainage; cette fois, elle a mis l’accent sur les facteurs d’ordre humanitaire. Sa demande de parrainage a été rejetée le 13 juillet 2007, mais la demande parallèle du demandeur continuait d’être examinée à Manille. Le demandeur soutient que son épouse a omis, par inadvertance et façon non volontaire, d’informer les représentants de l’immigration de son mariage à l’époque de son établissement et qu’il devrait être considéré comme membre de la famille de fait puisqu’il était exclu de la définition expresse de personne appartenant à la « catégorie du regroupement familial » de l’alinéa 117(1)a) du Règlement. Il soutient que des facteurs tels que la dépendance financière ou affective devraient être évalués à cet égard.

 

[8]        L’agente des visas a confirmé à nouveau que M. Pascual était exclu de l’appartenance à la catégorie du regroupement familial en application de l’alinéa 117(9)d) du Règlement. Elle a rejeté l’allégation qu’il était membre de la famille de fait et elle a conclu que [traduction] « les considérations d’ordre humanitaire ne justifient pas de vous accorder le statut de résident permanent ».

 

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

[9]        Le demandeur soutient que la décision contestée est déraisonnable parce que l’agente n’a pas suffisamment tenu compte de ce qu’il présente comme étant [traduction] « des motifs d’ordre humanitaire impérieux » et parce que l’agente a omis de considérer le demandeur comme étant un membre de la famille de fait.

 

ANALYSE

[10]      Le demandeur soutient qu’aucune conclusion précise relative aux circonstances d’ordre humanitaire n’est mentionnée dans la lettre de refus et que, de plus, les notes du Système de traitement informatisé des dossiers d'immigration (les notes du STIDI) de l’agente révèlent seulement un examen rapide de certains des facteurs d’ordre humanitaire allégués.

 

[11]      Il est vrai que les notes du STIDI sont brèves, mais à mon avis elles établissent bien que l’agente a tenu compte des facteurs d’ordre humanitaire allégués dans la demande.

 

[12]      L’agente a tenu compte du fait que l’épouse du demandeur vit au Canada depuis octobre 2000, qu’elle travaille et qu’elle est financièrement établie au Canada. L’agente a aussi tenu compte de la preuve de transferts d’argent de l’épouse vers le demandeur, de même que la preuve de la dépendance affective que les lettres, cartes, appels téléphoniques et photographies du couple présentés dénotent. L’agente a noté que les époux n’ont pas d’enfant, mais elle a tenu compte du fait qu’ils se sont rendu visite pendant leur mariage.

 

[13]      En ce qui concerne la preuve des transferts d’argent de trois à cinq fois par année, pour des sommes qu’elle a qualifiées de « non importantes », l’agente a conclu que le demandeur n’était pas totalement dépendant de son épouse sur le plan financier. À mon avis, il était loisible à l’agente de tirer cette conclusion. Bien que le demandeur soutienne que les sommes étaient en fait importantes, la qualification de l’agente ne peut pas être décrite comme étant déraisonnable. Quoi qu’il en soit, je ne peux pas conclure que cette question était, à elle seule, déterminante.

 

[14]      Comme je l’ai mentionné, l’agente a aussi tenu compte de l’allégation du demandeur selon laquelle il devrait être considéré comme étant un membre de la famille de fait. L’agente a conclu que le demandeur n’était pas un membre de la famille de fait puisqu’il répondait à la définition de personne appartenant à la catégorie du regroupement familial de l’alinéa 117(1)a) du Règlement. Le demandeur soutient que cela constitue une erreur puisqu’il était exclu de cette définition par l’application de l’alinéa 117(9)d) du Règlement.

 

[15]      À mon avis, lorsque l’alinéa 117(9)d) du Règlement s’applique à une personne, celle‑ci ne cesse pas d’appartenir à la catégorie du regroupement familial définie à l’alinéa 117(1)a); plutôt, comme l’alinéa le prescrit, la personne « [n’est] pas considéré[e] » comme appartenant à la catégorie du regroupement familial pour l’application du paragraphe 12(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR). Par conséquent, à mon avis, l’agente a conclu à bon droit que le demandeur ne pouvait pas être considéré comme étant un membre de la famille de fait décrit à la section 8.3 du Bulletin opérationnel OP 4 (« Traitement des demandes présentées en vertu de l’article 25 de la LIPR »).

 

[16]      Les notes du STIDI de l’agente indiquent qu’elle a bel et bien tenu compte de l’allégation du demandeur selon laquelle son épouse avait omis de l’inscrire comme étant son époux seulement par inadvertance, c’est‑à‑dire qu’elle avait mal compris la question suivante : [traduction] « Avez‑vous des personnes à charge autres que celles mentionnées ici? » et que son défaut d’attention aux détails de la question était attribuable au ravissement résultant de son récent mariage. L’agente était aussi au courant de l’allégation selon laquelle l’épouse du demandeur pensait qu’elle pouvait d’abord immigrer et qu’après s’être établie au Canada, elle pourrait parrainer son époux.

 

[17]      L’agente a estimé que cette explication n’était pas satisfaisante, pour le motif que, le Guide d’instructions pour les aides familiaux résidants qui présentent une demande de résidence permanente au Canada les informe que pendant que leur demande est traitée, ils doivent aviser Citoyenneté et Immigration Canada par écrit de tout changement dans leur situation personnelle, notamment un changement de leur état civil.

 

[18]      Le demandeur soutient que l’agente n’a pas correctement tenu compte du fait que, en 2005, on a décidé de ne pas déférer Mme Pascual à une enquête pour fausses déclarations précisément parce que son explication sur la raison pour laquelle elle avait omis de déclarer son mariage avec le demandeur avait été admise comme étant « plausible »; la conclusion de l’agente selon laquelle l’explication [traduction] « n’est pas satisfaisante » est donc contradictoire en regard de la conclusion précédente.

 

 [19]     Selon moi, lorsqu’elle a décrit l’explication comme [traduction] « n’[étant] pas satisfaisante », l’agente ne voulait pas dire que l’explication n’était pas plausible; elle voulait plutôt dire qu’il ne s’agissait pas d’une base satisfaisante pour conclure à une exception fondée sur des circonstances d’ordre humanitaire pour un époux non déclaré. La section 5.12 du Bulletin opérationnel OP 2 (« Traitement des demandes présentées par des membres de la catégorie du regroupement familial ») dispose que lorsqu’il y a des motifs « impérieux » de ne pas avoir révélé l’existence d’un membre de sa famille, il peut être approprié d’envisager la prise en considération de circonstances d’ordre humanitaire. Le Bulletin donne des exemples : lorsque le parrain croyait que la personne parrainée était décédée, ou lorsque le lieu où la personne parrainée se trouvait était inconnu, ou lorsque la divulgation de l’existence de cette personne lui ferait courir des risques. Ce sont là des motifs impérieux ou « satisfaisants » permettant de prendre en considération des circonstances d’ordre humanitaire dans la demande d’un membre de la famille, même lorsque la personne n’a pas été déclarée en tant que tel. La conclusion de l’agente selon laquelle l’omission par inadvertance de déclarer un membre de la famille n’équivaut pas à un tel motif impérieux, n’était pas déraisonnable.

 

[20]      Dans la présente affaire, la décision de l’agente a un caractère raisonnable, au sens donné à ce terme par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, puisque les motifs en possèdent les attributs : la justification, la transparence et l’intelligibilité. En conséquence, la présente demande doit être rejetée.

 

[21]      Aucune des parties n’a présenté de question à certifier.


 

JUGEMENT

La cour statue que :

            1.         la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée;

            2.         aucune question n’est certifiée.

                                                                                                            « Russel W. Zinn »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Laurence Endale, LL.M, M.A.Trad.jur.

 

 

 

 


cour fédérale

 

avocats inscrits au dossier

 

 

 

DOssier :                                                  IMM-518-08

 

intitulé :                                                 ENRIQUE LOPEZ PASCUAL c. LE MINISTRE DE LA

                                                                      CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

Lieu de l’audience :                           Toronto (Ontario)

 

DATE de l’audience :                         Le 26 août 2008

 

motifs du jugement

et jugement :                                        Le juge Zinn

 

DATE des motifs :                                Le 5 septembre 2008

 

 

 

comparutions :

 

Shoshana T. Green     

pour le demandeur

 

Gordon Lee

pour le défendeur

 

 

avocats inscrits au dossier :

 

 

Shoshana T. Green

Green and Spiegel

Avocats

Toronto (Ontario)

 

pour le demandeur

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

pour le défendeur

 

 

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