Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20080730

Dossier : T-754-07

Référence : 2008 CF 928

Ottawa (Ontario), le 30 juillet 2008

En présence de madame la juge Tremblay-Lamer

 

 

ENTRE :

 

LA PREMIÈRE NATION TZEACHTEN,

LA PREMIÈRE NATION SKOWKALE et

LA PREMIÈRE NATION YAKWEAKWIOOSE

 

demanderesses

 

et

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

LA SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DU CANADA LIMITÉE et

LA SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DU CANADA CLC LIMITÉE

 

défendeurs

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire introduite par les demanderesses en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F‑7 (la Loi), telle que modifiée, visant une décision prise par le Conseil du Trésor consistant à transférer la quasi‑totalité de toutes les terres qui ont continué de faire partie du parc immobilier fédéral à la suite de la fermeture de la base des Forces canadiennes à Chilliwack (BFC de Chilliwack), en Colombie‑Britannique, à la Société immobilière du Canada CLC limitée (SIC).

 

[2]               Les demanderesses sont trois collectivités de la Nation sto:lo qui descendent de la tribu Chilliwack, laquelle est un sous‑groupe des Sto:lo et fait partie du peuple des Salish du littoral. Les demanderesses ont des réserves indiennes à l’intérieur des limites de la ville de Chilliwack, près de l’ancienne BFC de Chilliwack.

 

[3]               La défenderesse SIC, est une filiale à cent pour cent de la Société immobilière du Canada limitée (SICL). La SICL est une société d’État et un mandataire de la Couronne, désignée comme telle selon la Loi sur le fonctionnement des sociétés du secteur public, L.R.C. 1985, ch. G‑4, entrée en vigueur le 16 septembre 2003. La SICL rend compte au Parlement par l’intermédiaire du ministre des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités. SIC achète des biens immobiliers à une juste valeur marchande du gouvernement fédéral puis les améliore, les gère ou les vend dans le but d’en optimiser la valeur financière et communautaire tant pour les collectivités locales que, en fin de compte, pour la Couronne, qui en est le seul propriétaire.

 

I. Contexte

 

[4]               Les terres au cœur de la présente demande sont deux lots de l’ancienne BFC de Chilliwack connus sous le nom de « champ de tir » et de « Promontory Heights » et sont désignés conjointement comme étant le « lot C ». Les terres sont situées à l’est de Vedder Road et, de plusieurs côtés, sont limitrophes de la réserve indienne de la première demanderesse, la Première nation Tzeachten.

 

[5]               Dans les années 1880, la province de la Colombie‑Britannique a transféré par loi au gouvernement du Dominion du Canada une bande de terre de vingt milles de largeur de chaque côté d’une voie ferrée reliant le littoral de la Colombie‑Britannique au réseau ferroviaire que le Canada commençait à construire (la zone des chemins de fer). Cette bande de terre comprenait le champ de tir et Promontory Heights. Subséquemment, de 1892 à 1915, le Canada a accordé diverses concessions de la Couronne pour ces terres à des particuliers.

 

[6]               En 1942 et en 1943, le Canada a acquis de nouveau une partie de ces terres, y compris le champ de tir et Promontory Heights, dans le but de créer la BFC de Chilliwack.

 

[7]               En 1988 et en 1997, treize collectivités sto:lo, notamment les demanderesses, ont présenté une revendication particulière dans le cadre de la politique du gouvernement canadien sur les revendications particulières. Cette politique permet de régler les revendications relatives à la gestion par le gouvernement de terres et d’autres biens des Indiens et relatives au respect des dispositions des traités, mais ne vise pas à résoudre les revendications de titres ancestraux. Essentiellement, selon la revendication, la BFC de Chilliwack faisait partie de deux réserves indiennes créées en 1864, dont la superficie a par la suite été illégalement réduite, et les portions exclues ont été transférées au Canada pour qu’elles fassent partie de la zone des chemins de fer.

 

[8]               En juillet 1999, le Canada a rejeté la revendication particulière des Sto:lo. Ces derniers ont interjeté appel de cette décision auprès de la Commission des revendications des Indiens. En septembre 2003, l’appel a été mis en suspens.

 

[9]               En 1995, le Canada a annoncé la fermeture prochaine de la BFC de Chilliwack.

 

[10]           Également en 1995, dix‑huit collectivités sto:lo, y compris les demanderesses, ont déposé une déclaration d’intention de négocier un traité sous les auspices de la Commission des traités de la Colombie‑Britannique (la CTCB) à propos des territoires traditionnels, ce qui comprend toute la BFC de Chilliwack. En 2006, neuf collectivités, dont les demanderesses, ont déposé une déclaration modifiée d’intention qui incluait également la BFC de Chilliwack. Les négociations se poursuivent, mais il n’en est résulté aucun traité pour le moment.

 

[11]           De septembre 1995 à juin 2000, le Canada a rencontré les demanderesses environ vingt‑six fois. Aucune entente concernant les terres de l’ancienne BFC de Chilliwack n’a été conclue.

 

[12]           En juin 2000, le Canada a proposé une stratégie d’aliénation pour les terres de l’ancienne BFC de Chilliwack (la stratégie d’aliénation de 2000) qui a été approuvée par le Conseil du Trésor (la décision de 2000). La stratégie prévoit ce qui suit :

a)      transférer le lot A, 62 hectares, à SIC;

b)      retenir les lots B, C, E, F et G pour une période de deux ans à partir de juin 2000 pour permettre au négociateur en chef de traités pour le gouvernement fédéral d’entamer des négociations pour la sélection des terres qui feront l’objet d’un traité avec les Sto:lo et, à la fin de ces deux ans, retourner devant le Conseil du Trésor pour obtenir le pouvoir de transférer à SIC toutes les terres qui n’auront pas été sélectionnées pour le traité;

c)      protéger le lot D (connu sous le nom de Wet Gap) à des fins de conservation publique, le ministère de la Défense nationale (MDN) sera à la tête des discussions et des consultations avec la ville de Chilliwack, les Sto:lo et les autres intervenants concernés pour déterminer le meilleur moyen de gestion et le meilleur propriétaire futur pour garantir cette protection;

d)      garder le lot H en changeant l’administration pour permettre à la GRC d’utiliser le lot à des fins de formation;

e)      laisser le lot I, constitué d’un cénotaphe militaire et d’une unité de soutien de secteur pour les Forces canadiennes, au MDN.

 

[13]           Les demanderesses et les Soowahlie ont présenté une demande devant la Cour fédérale pour contester la décision prise par le Conseil du Trésor le 14 juillet 2000. Le Procureur général a déposé une demande visant à convertir le contrôle judiciaire en action, demande qui a été rejetée par un protonotaire puis accueillie en appel. Les demanderesses et les Soowahlie ont interjeté appel de cette décision. Alors que l’appel était pendant, SIC a commencé la procédure visant à vendre le lot A. Les demanderesses ont introduit une demande de suspension provisoire. La demande a été rejetée, de même que l’appel. À la suite de la décision de la Cour d’appel fédérale, SIC a vendu le lot A et les demanderesses et les Soowahlie se sont désistés de leur procédure.

 

[14]           Le 26 juin 2002, le MDN a écrit aux demanderesses et les a avisées que, conformément à la stratégie d’aliénation de 2000, le MDN se préparait à retourner devant le Conseil du Trésor pour obtenir plus de directives concernant l’aliénation des terres restantes de la BFC de Chilliwack.

 

[15]           Le 8 août 2003, le MDN a informé les demanderesses que le gouvernement fédéral avait autorisé la vente des autres terres excédentaires de la BFC de Chilliwack à SIC.

 

[16]           En gros, toutes les terres restantes de la BFC de Chilliwack, y compris le champ de tir et Promontory Heights, ont été transférées à SIC le 31 mars 2004.

 

[17]           Au début de mai 2004, des représentants du conseil scolaire de Chilliwack ont informé les demanderesses que le conseil scolaire prévoyait acquérir des terres de SIC pour construire une nouvelle école secondaire sur un lot des terres de la BFC de Chilliwack. Les demanderesses ont écrit à SIC pour s’informer du statut des terres et demander une consultation avec SIC avant que les terres soient transférées. SIC a confirmé qu’elle pensait vendre les terres et a fait savoir que des représentants régionaux de SIC allaient [traduction] « communiquer directement avec la Nation sto:lo avant d’entreprendre quoi que ce soit au sujet du bien immeuble en question ».

 

[18]           SIC a informé les demanderesses le 14 décembre 2004 qu’elle ne procéderait à aucune consultation au sujet des terres de la BFC de Chilliwack et a fait savoir que, selon elle, [traduction] « le Conseil du Trésor était satisfait des vastes consultations qui avaient eu lieu avant l’approbation du transfert ». Les avocats des demanderesses ont par la suite écrit au Conseil du Trésor et au MDN pour demander des renseignements et obtenir une consultation, laquelle n’a pas eu lieu.

 

[19]           SIC a transféré environ 14 acres du champ de tir au conseil scolaire de Chilliwack le 1er mars 2005. Plus tard, le 31 octobre ou le 15 novembre de cette même année, 1,77 acre de ce même lot a été transféré à la ville de Chilliwack pour qu’elle en fasse un parc tampon pour l’école.

 

[20]           Le 23 mars 2005, le ministère de la Justice a fait savoir que le Canada n’entreprendrait pas de consultations avec les demanderesses au sujet du transfert de la BFC de Chilliwack à SIC.

 

II. Les questions en litige

 

[21]           La présente demande soulève les questions suivantes :

(1)   Le Canada a‑t‑il satisfait à son obligation de consultation?

(2)   La Cour a‑t‑elle compétence sur la défenderesse SIC?

(3)   La défenderesse SIC a‑t‑elle une obligation de consultation envers les demanderesses? Le cas échéant, s’en est‑elle acquittée?

(4)   Quelles sont les réparations possibles?

 

III. La norme de contrôle

 

[22]           Les parties à la présente demande n’ont formulé aucune observation au sujet de la norme de contrôle. À la lumière de l’arrêt rendu par la Cour suprême du Canada dans Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 62, la première étape pour déterminer la norme de contrôle applicable est de vérifier si la jurisprudence établit déjà de manière satisfaisante le degré de déférence correspondant à une catégorie de questions en particulier.

 

[23]     Dans la décision Première nation de Ka’a’Gee Tu c. Canada (Procureur général), 2007 CF 763, 315 F.T.R. 178, aux paragraphes 91 à 93, mon collègue le juge Edmond Blanchard, en adoptant les principes généraux énoncés dans Nation haïda c. Colombie‑Britannique (Ministre des Forêts), 2004 CSC 73, [2004] 3 R.C.S. 511, aux paragraphes 61 à 63, a fait savoir que la question de l’existence et de la teneur de l’obligation de consultation et d’accommodement est une question de droit susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte et en outre que la question de savoir si la Couronne s’est acquittée de cette obligation de consultation et d’accommodement est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable.

 

[24]     Par conséquent, lorsqu’il faut déterminer s’il existe une obligation de consultation et quel est le contenu de cette obligation, il n’est pas nécessaire de faire preuve de déférence. Cependant, lorsqu’il faut établir s’il a été satisfait à cette obligation, l’analyse devra porter sur le caractère raisonnable et « le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, précité, au paragraphe 47).

 

IV. Analyse

 

            1)         Le Canada a‑t‑il satisfait à son obligation de consultation?

                                    A) Principes généraux

[25]           « L’objectif fondamental du droit moderne relatif aux droits ancestraux et issus de traités est la réconciliation entre les peuples autochtones et non autochtones et la conciliation de leurs revendications, intérêts et ambitions respectifs » (Première nation crie Mikisew c. Canada (Ministre du Patrimoine canadien), 2005 CSC 69, [2005] 3 R.C.S. 388, au paragraphe 1). La réconciliation nécessite que l’on regarde tant vers le futur que vers le passé. Elle vise à créer des relations saines et mutuellement profitables entre les Autochtones et les peuples non autochtones et à redresser les torts du passé, ce qui sera le fondement de ces nouvelles relations.

 

[26]           L’obligation de consultation et d’accommodement fait partie intégrante du processus de négociation honorable et de conciliation (Nation haïda, précité, au paragraphe 32). En protégeant les droits ancestraux au paragraphe 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982, le législateur a reconnu les droits existants des peuples autochtones qui ont exercé de fait leur autorité sur les terres et les ressources avant que la Couronne affirme sa souveraineté. Par conséquent, le processus de conciliation découle de l’obligation de la Couronne de se conduire honorablement envers les peuples autochtones (Nation haïda, précité, au paragraphe 32; Première nation de Tlingit de Taku River c. Colombie‑Britannique (Directeur d’évaluation de projet), 2004 CSC 74, [2004] 3 R.C.S. 550, au paragraphe 24).

 

[27]           L’obligation de consultation prend naissance « lorsque la Couronne a connaissance, concrètement ou par imputation, de l’existence potentielle du droit ou titre ancestral revendiqué et envisage des mesures susceptibles d’avoir un effet préjudiciable sur celui‑ci » (Nation haïda, précité, au paragraphe 35; voir l’arrêt Taku, précité, au paragraphe 25). En l’espèce, les parties ne contestent pas que le Canada avait une obligation de consultation envers les demanderesses. Le point en litige entre les parties est plutôt l’étendue et le contenu de cette obligation dans la présente affaire.

 

B) L’étendue et le contenu de l’obligation de consultation

[28]           L’étendue et le contenu de l’obligation de consultation « dépend[ent] de l’évaluation préliminaire de la solidité de la preuve étayant l’existence du droit ou du titre revendiqué, et de la gravité des effets préjudiciables potentiels sur le droit ou le titre » (Nation haïda, précité, au paragraphe 39; Taku, précité, au paragraphe 29).

 

[29]           Pour comprendre l’obligation de consultation, on peut faire appel au concept de continuum. L’étendue et le contenu particuliers de cette obligation sont déterminés par de multiples facteurs, notamment la solidité à première vue de la revendication, l’importance du droit et de l’atteinte potentielle ainsi que la nature du préjudice potentiel au droit ou au titre revendiqué. Lorsque la revendication de titre est peu solide, le droit ancestral limité ou le risque d’atteinte faible, le contenu de l’obligation pourrait n’être que « d’aviser les intéressés, de leur communiquer des renseignements et de discuter avec eux des questions soulevées par suite de l’avis » (Nation haïda, précité, au paragraphe 43). Au contraire, lorsque la revendication repose sur une preuve à première vue solide, où le droit et l’atteinte potentielle sont d’une haute importance pour les Autochtones et où le risque de préjudice non indemnisable est élevé, il peut s’avérer nécessaire de tenir une consultation approfondie (Nation haïda, précité, au paragraphe 44). Cette consultation approfondie peut comporter « la possibilité de présenter des observations, la participation officielle à la prise de décisions et la présentation de motifs montrant que les préoccupations des Autochtones ont été prises en compte et précisant quelle a été l’incidence de ces préoccupations sur la décision » (Nation haïda, précité, au paragraphe 44).

 

[30]           Il faut procéder au cas par cas et il faut également faire preuve de souplesse, car « le degré de consultation nécessaire peut varier à mesure que se déroule le processus et que de nouveaux renseignements sont mis au jour » (Nation haïda, précité, au paragraphe 45). Le principe directeur est de maintenir l’honneur de la Couronne et de concilier les intérêts de la Couronne et ceux des Autochtones. Tant que la question n’est pas réglée, le principe de l’honneur de la Couronne commande que celle‑ci mette en balance les intérêts de la société et ceux des peuples autochtones lorsqu’elle prend des décisions susceptibles d’entraîner des répercussions sur les revendications autochtones (Nation haïda, précité, au paragraphe 45).

 

i) L’évaluation préliminaire de la solidité de la revendication

[31]           Puisqu’il est question en l’espèce de la revendication d’un titre, il est utile de revoir le droit concernant la preuve du titre ancestral au Canada. Dans l’arrêt R. c. Marshall; R. c. Bernard, 2005 CSC 43, [2005] 2 R.C.S. 220, aux paragraphes 55 à 57, la Cour suprême du Canada s’est penchée brièvement sur les principes de base :

55     […] Pour établir un titre, les personnes qui le revendiquent doivent faire la preuve d’une « occupation » « exclusive » du territoire par leurs ancêtres antérieurement à l’affirmation de la souveraineté : le juge en chef Lamer, par. 143.

 

56     L’« occupation » s’entend de « l’occupation physique » et elle « peut être prouvée par différents faits, allant de la construction de bâtiments à l’utilisation régulière de secteurs bien définis du territoire pour y pratiquer la chasse, la pêche ou d’autres types d’exploitation de ses ressources, en passant par la délimitation et la culture de champs » : Delgamuukw, le juge en chef Lamer, par. 149.

 

57     L’exigence de l’occupation « exclusive » découle de la définition du titre aborigène, soit « le droit d’utiliser et d’occuper de façon exclusive les terres visées » : Delgamuukw, le juge en chef Lamer, par. 155 (souligné dans l’original). Elle est compatible avec la notion de titre foncier en common law. L’occupation exclusive s’entend de « l’intention et de la capacité de garder le contrôle exclusif », et des actes d’intrusion isolés ou la présence autorisée d’autres groupes autochtones ne portent pas atteinte à l’exclusivité (Delgamuukw, par. 156, citant McNeil, p. 204). L’exclusivité partagée peut donner lieu à un titre conjoint (par. 158). L’occupation non exclusive peut établir l’existence de droits ancestraux « ne constituant pas un titre » (par. 159).

 

[32]           Selon l’arrêt Marshall, précité, aux paragraphes 58 et 59, la présence ou l’utilisation occasionnelles ne suffiront pas et l’utilisation saisonnière des terres pour la chasse, la pêche ou la cueillette d’autres ressources se traduira habituellement par l’existence d’un droit ancestral à la ressource et non à un titre ancestral. J’ajouterais que les peuples autochtones peuvent prouver l’occupation exclusive même si d’autres groupes étaient présents et utilisaient les terres en question, si l’accès au territoire avait été demandé et accordé (Delgamuukw c. Colombie‑Britannique), [1997] 3 R.C.S. 1010, 153 D.L.R. (4th) 193, au paragraphe 156).

 

[33]           Les demanderesses soutiennent qu’elles ont une preuve prima facie solide du titre ancestral sur le champ de tir et Promontory Heights. Les éléments de preuve du titre ancestral des demanderesses sont de trois types : 1) la tradition orale, présentée sous forme d’affidavit, des activités de la tribu Chilliwack de la Nation sto:lo; 2) une preuve relative à leur revendication particulière à des terres de réserve; 3) un rapport contenant une analyse archéologique des activités passées de la tribu Chilliwack à proximité de la BFC de Chilliwack.

 

[34]           La preuve de la tradition orale montre que, avant les années 1920, lorqu’elle a été déviée, la rivière Chilliwack passait par le champ de tir et Promontory Heights. Le peuple de la tribu Chilliwack utilisait la rivière à des fins commerciales et comme principal moyen de transport pour se rendre à un village principal. La tribu pêchait le saumon de la rivière, chassait et recueillait de la nourriture dans les environs, ce qui comprend le champ de tir et Promontory Heights. Finalement, bien avant que la rivière soit déviée, les Chilliwack avaient construit et entretenu un poste de guet sur Promontory Heights pour protéger leur collectivité des tribus envahisseuses qui utilisaient la rivière pour effectuer des raids.

 

[35]           La preuve relative à leur revendication particulière à des terres de réserve révèle que, en 1864, William McColl a été envoyé dans la vallée du Fraser par le gouverneur James Douglas pour faire le levé topographique et faire le plan de réserves pour les Sto:lo. Cependant, l’étendue de ces réserves a subséquemment été réduite et le territoire exclu a été offert à la colonisation par Joseph Trutch, le commissaire en chef des terres et des travaux publics sous le gouverneur Frederick Seymour. Les instructions du gouverneur Douglas à William McColl ont été transcrites de la manière suivante :

[traduction]

M. McColl plantera des poteaux aux coins et le long des limites des terres que les Indiens réclament et, dans tous les villages où la quantité de terres demandée par les Indiens n’est pas égale à dix acres par famille, M. McColl agrandira la réserve dans cette mesure.

 

Ces terres comprenaient les zones du champ de tir et de Promontory Heights.

 

 

[36]           La preuve archéologique est le résultat d’une partie du processus suivi lors de la fermeture de la BFC de Chilliwack. Au cours du processus, le MDN a commandé une étude approfondie sur les terrains de la BFC, notamment une évaluation archéologique succincte.

 

[37]           L’évaluation a révélé les renseignements pertinents suivants :

a)      Les terrains de la BFC de Chilliwack font partie des territoires traditionnels des bandes Soowahlie et Tzeachten. (page 79 du dossier de la demanderesse (DD) volume 1)

b)      Un expert a affirmé que, bien que le peuple Chilliwack fût nomade jusqu’à un certain point, il a occupé le territoire à proximité de Promontory Heights de manière continue pendant une période considérable avant de déménager définitivement au‑delà de Vedder Crossing. (page 81, DD, volume 1)

c)      Cependant, les réserves incorporées étaient toutes situées dans la région occupée plus tard par les Chilliwack, alors que les sites des villages plus anciens situés en amont de la rivière étaient exclus. (page 85, DD, volume 1)

d)      Un expert a laissé entendre que le déménagement des Chilliwack en aval de la rivière a été causé par la construction du Fort Langley par la Compagnie de la Baie d’Hudson en 1827, qui a fait diminuer le nombre d’attaques provenant de la côte et a servi d’incitatif au commerce. (page 85, DD, volume 1)

e)      Le mode de vie des Chilliwack était semi‑sédentaire. Les villages étaient habités de novembre à mars, date après laquelle la plupart des gens se déplaçaient vers des camps de chasse, des campements de pêche et des lieux pour la cueillette de plantes ou d’autres sites liés aux ressources pour la durée du printemps et de l’été. (page 82, DD, volume 1)

f)        Les Chilliwack utilisaient toute l’étendue des ressources disponibles selon les saisons sur leurs territoires par la pêche, la chasse et les activités de cueillette. (page 83, DD, volume 1)

g)      Les Chilliwack ont érigé une construction défensive utilisée principalement pour repérer les groupes commettant des raids ou les visiteurs qui s’approchaient, sur la rive nord de la rivière sur une crête rocheuse élevée (ce qui pourrait être le poste de guet décrit dans l’affidavit de M. Robert). (page 85, DD, volume 1)

 

[38]           La défenderesse, SIC, soutient que prouver un titre ancestral, soit l’utilisation et l’occupation exclusives du territoire avant l’affirmation de la souveraineté, n’est pas chose simple. Bien que je souscrive à cette affirmation, je ferai observer que le présent contrôle judiciaire ne porte pas sur la question de savoir si les demanderesses détiennent un titre ancestral sur les terres en question. En l’espèce, l’analyse nécessite que la Cour effectue une évaluation préliminaire de la revendication des demanderesses afin d’établir le contenu de l’obligation de consultation.

 

[39]           Les demanderesses ont produit une preuve quant à l’utilisation et à l’occupation avant l’affirmation de la souveraineté. La tradition orale illustre l’usage que faisaient les demanderesses de la rivière pour le transport et en tant que source de nourriture, de même que l’utilisation des environs pour des activités de cueillette et comme poste de guet. La preuve relative à leur revendication particulière à des terres de réserve, qui provient d’une période suivant l’affirmation de la souveraineté dans la région, indique quelles terres les demanderesses réclamaient à l’époque, mais ne montre pas nécessairement l’exclusivité de l’occupation avant l’affirmation de la souveraineté. La preuve archéologique concorde avec la tradition orale dans la mesure où elle vient étayer les affirmations des demanderesses concernant l’utilisation et l’occupation des terres en question pendant la période pertinente, cependant d’une manière semi‑sédentaire ou saisonnière. En somme, la preuve montre un peuple qui utilisait la panoplie de ressources disponibles dans une région géographique précise en fonction de l’effet des changements de saisons sur les ressources locales.

 

[40]           La revendication territoriale des demanderesses comporte une lacune quant à la fréquence et l’exclusivité de leur présence et de leur occupation. Comme je l’ai mentionné précédemment, la chasse et la pêche saisonnières dans une région donnée se traduiront habituellement par des droits de pêche ou de chasse, et non par un titre ancestral (Marshall, précité, au paragraphe 58). En outre, le fait qu’une partie du territoire revendiqué soit sous l’eau et utilisée comme route de transport et de commerce rend d’autant plus difficile la preuve de l’occupation exclusive de cette partie donnée du territoire. En même temps, l’existence d’une tour de guet et la preuve par la tradition orale de son utilisation comme protection contre les raids donne à penser qu’il y avait au moins une intention, si ce n’est une capacité, d’interdire le territoire aux indésirables.

 

[41]           La preuve de la revendication des demanderesses n’est pas concluante. Les documents soumis à la Cour établissent fortement, à mon avis, que les demanderesses ont utilisé par le passé les terres en question. Cependant, il n’est pas clair qu’elles ont occupé ces terres avec suffisamment de fréquence et d’exclusivité. Par conséquent, après l’évaluation préliminaire, je dirais que la revendication des demanderesses à un titre ancestral sur les terres en question est d’une solidité modérée.

 

ii) La gravité du préjudice potentiel

[42]           La Cour suprême a donné à penser que l’importance du droit et de l’atteinte potentielle pour les Autochtones concernés ainsi que le risque de préjudice non indemnisable sont particulièrement pertinents lorsque vient le temps d’analyser la gravité du préjudice potentiel sur la revendication territoriale (Nation haïda, précité, au paragraphe 44).

 

[43]           L’arrêt Bande indienne de Musqueam c. Canada, 2008 CAF 214, [2008] A.C.F. no 919 (QL) (l’arrêt sur les immeubles du centre‑ville), et la décision Bande indienne de Musqueam c. Canada (Gouverneur en conseil), 2004 CF 579, [2004] 4 R.C.F. 391 (la décision sur la propriété Garden City), sont instructifs sur ce point. Ces précédents sont utiles dans la mesure où ils portent sur la caractérisation de la nature du préjudice au droit ou au titre ancestral revendiqué.

 

[44]           Dans l’arrêt sur les immeubles du centre‑ville, le juge Sexton a souligné le fait que le litige en l’espèce portait sur l’aliénation par le gouvernement fédéral de deux immeubles à bureau à Larco Investments Limited. Les immeubles étaient situés sur deux acres de terrain au centre‑ville de Vancouver sur lesquels les demanderesses réclamaient un titre. Le fait que l’usage qui serait fait du terrain après son aliénation à Larco ne changerait pas était important. Au contraire, dans la décision sur la propriété Garden City, le juge Phelan a conclu que les Musqueam prétendaient non seulement qu’ils disposent d’un droit sur le terrain, mais que celui‑ci revêtait pour eux une importance unique (arrêt sur les immeubles du centre‑ville, précité, au paragraphe 55; décision sur la propriété Garden City, précitée, au paragraphe 16) et que la nature des propriétés était susceptible de changer par suite de l’opération (arrêt sur les immeubles du centre‑ville, précité, au paragraphe 56).

 

[45]           Les demanderesses soutiennent que l’octroi d’actes de concession en fief simple constitue une atteinte grave à leur titre. Dans la preuve par affidavit, le chef Hall de la Première nation Tzeachten, a affirmé que sa collectivité avait un besoin pressant de terres pour fournir du logement à ses membres de plus en plus nombreux ainsi que pour répondre aux besoins sociaux et économiques des générations présentes et futures. Il a affirmé que la réserve tzeachten a actuellement une superficie d’environ 700 acres, dont environ 670 acres sont assujetties à des certificats de possession par lesquels des membres de la bande détiennent un intérêt possessoire. Les 30 acres qui restent sont presque toutes utilisées par le cimetière, un terrain de sport et un petit quartier commercial. Il a insisté sur les problèmes de la surpopulation et de la détérioration du parc de logements sur la réserve ainsi que sur le besoin de terres supplémentaires pour des services à la collectivité comme des centres pour les personnes âgées, des garderies, des établissements médicaux et des installations récréatives, sur l’absence d’espace pour le développement économique et l’absence de bois ou d’autres ressources naturelles qui pourraient être exploitées pour soutenir la collectivité. Le champ de tir et Promontory Heights sont adjacents à la réserve tzeachten et conviennent parfaitement à l’expansion de la collectivité.

 

[46]           La défenderesse, SIC, soutient que la vente ne comporte aucune nouvelle atteinte. L’atteinte, si elle existe, s’est produite il y a cent ans quand la Couronne fédérale a concédé des terrains qui comprennent aujourd’hui le lot C. Le droit provincial ne reconnaissant plus le titre, les terres elles‑mêmes ont changé irrémédiablement et une autre vente du lot C ne ferait que perpétuer l’atteinte qui subsiste depuis la création de la zone des chemins de fer.

 

[47]           En toute déférence, je ne suis pas d’accord. Bien que l’on puisse dire, si les demanderesses ont bel et bien une revendication valide, qu’il y a eu atteinte quand les terres ont été transférées à l’origine à des propriétaires privés, lorsque la Couronne fédérale a acquis de nouveau ces terres, elle s’est placée dans une situation unique lui permettant, dans une certaine mesure, de réparer l’atteinte originale alléguée. Une fois que les terres sont passées à des tiers, la capacité de la Couronne de protéger les droits ou le titre potentiel d’un groupe autochtone est restreinte. Si le titre devait être prouvé subséquemment, la réponse du gouvernement serait plus limitée et dans certains cas restreinte à l’octroi d’une indemnité.

 

[48]           Il est vrai que, puisque les demanderesses n’ont pas utilisé les terres depuis un siècle, leur vente à SIC n’entraîne pas la perte d’un droit dont les demanderesses bénéficiaient déjà. Cependant, atténuer l’importance de l’atteinte en laissant entendre qu’elle fait partie d’une atteinte qui a eu lieu il y a longtemps n’est pas conforme au principe de l’honneur de la Couronne qui demande la réconciliation.

 

[49]           À mon sens, les présentes circonstances se distinguent de celles dans l’arrêt sur les immeubles du centre‑ville dans la mesure où, en toute probabilité, la nature de la propriété changera une fois qu’elle aura été mise en valeur et vendue par SIC. Dans l’affaire des immeubles du centre‑ville, les terrains en question étaient déjà le site d’un immeuble à bureau et continueraient de l’être. En l’espèce, il est question d’un terrain relativement peu développé et pouvant avoir de multiples usages.

 

[50]           Je reconnais que, étant donné les besoins en terres et les contraintes financières des demanderesses, la décision de transférer les terres en question représentait une atteinte à leur titre ancestral potentiel. Cependant, compte tenu du dossier, je suis d’avis que le préjudice peut être indemnisé. Je note que le chef Hall reconnaît dans son affidavit que les demanderesses ont présenté une contre‑offre durant les négociations, laquelle proposait que le Canada acquière les terres de la BFC de Chilliwack des Sto:lo à la juste valeur du marché des terres. Ce fait soulève un doute sur l’importance unique des terres pour les demanderesses au‑delà de l’intérêt d’en avoir la propriété.

 

[51]           Par conséquent, pour ce qui est de la solidité de la revendication, la gravité du préjudice que pourrait causer l’atteinte présente un tableau complexe. Avec la fermeture de la BFC de Chilliwack, le gouvernement se trouvait dans une position unique de répondre à l’ancienne revendication des demanderesses et à leur besoin présent en terres. Cependant, étant donné que l’intérêt des demanderesses pour les terres ne semble pas fondé sur leur importance unique, toute atteinte actuelle peut être indemnisée, pécuniairement ou d’une autre manière, au cours des négociations de traité.

 

iii) L’étendue et le contenu de l’obligation de consultation en l’espèce

[52]           Compte tenu de ce qui précède, je suis d’avis que l’obligation de consultation de la Couronne est plus que minimale et se situe entre les deux extrémités du continuum. En conséquence, afin de satisfaire à cette obligation en l’espèce, il est nécessaire de faire quelque chose de plus substantiel que de simplement « aviser les intéressés, de leur communiquer des renseignements et de discuter avec eux des questions soulevées par suite de l’avis » (Nation haïda, précité, au paragraphe 43). Ce qui était requis en l’espèce était une consultation de bonne foi et un processus visant à répondre aux inquiétudes des demanderesses.

 

C)        Le Canada s’est‑il acquitté de son obligation de consulter?

[53]           À titre préliminaire, il est nécessaire de se pencher sur l’argument des demanderesses selon lequel l’autorisation accordée en 2003 de transférer les autres terres de la BFC de Chilliwack à SIC constituait une décision distincte de la décision rendue en 2000 d’autoriser la stratégie d’aliénation. Elles soutiennent que les circonstances qui ont déclenché l’obligation de consultation et d’accommodement du gouvernement fédéral en l’espèce étaient celles entourant l’autorisation donnée par le Conseil du Trésor en 2003 de transférer les autres terres à SIC. Elles voient une distinction entre les autorisations données en 2000 et en 2003 dans le fait que l’autorisation de 2003, contrairement à celle de 2000, aliénait les autres terres à jamais du point de vue du Canada. Cette distinction a une certaine importance pour les arguments des demanderesses étant donné qu’il n’y a pas eu de consultation entre la décision de 2000 et l’autorisation de transfert de 2003, hormis l’avis envoyé. Cela s’oppose aux vingt‑six réunions, environ, tenues entre le Canada et les demanderesses avant l’approbation de la stratégie d’aliénation de 2000.

 

[54]           Je conviens avec la défenderesse, SIC, que les observations des demanderesses sur ce point représentent [traduction] « une vision artificiellement compartimentée des faits ». L’autorisation de transfert qui a été donnée en 2003 n’était que la simple mise en application ou finalisation de la stratégie d’aliénation approuvée en 2000 par le Conseil du Trésor. Malgré les arguments à l’effet contraire des demanderesses, les autorisations de 2000 et de 2003 constituaient essentiellement deux étapes de la même décision. Entre les dates pertinentes, il n’y a eu aucun changement au contexte et aucun nouveau renseignement n’a vu le jour de manière à nécessiter une ronde supplémentaire de consultations. En conséquence, la période pertinente pour déterminer si le Canada a satisfait à son obligation de consultation s’étend de 1995, lorsque la fermeture de la BFC de Chilliwack a été annoncée, et 2003, lorsque le Conseil du Trésor a autorisé le transfert des autres terres de la BFC de Chilliwack à SIC.

 

[55]           De 1995 à 2000, le Canada a entrepris des consultations considérables avec les demanderesses, consultations qui parfois relevaient de la consultation approfondie, de telle manière que les demanderesses ont pu présenter leurs observations directement au Conseil du Trésor (Nation haïda, précité, au paragraphe 44). Par exemple, en 1996, les demanderesses ont rencontré le président du Conseil du Trésor au sujet de la BFC de Chilliwack. En outre, les demanderesses ont préparé un rapport daté du 17 mai 2000 et s’intitulant « Re‑use Strategy for CFB Chilliwack » (Stratégie de réutilisation pour la BFC de Chilliwack), lequel exposait les plans des demanderesses sur la façon dont la BFC devrait être utilisée, et l’ont présenté au Conseil du Trésor. De plus, en octobre 1999, le Canada a fourni aux demanderesses une copie d’une ébauche de projet présentée au Conseil du Trésor au sujet des terres en question, afin de leur demander leurs commentaires et réactions.

 

[56]           Au cours de la période de consultation, le Canada a tenté de répondre aux préoccupations des Autochtones dans les différentes propositions présentées, par lesquelles des parties des terres en question seraient retenues par la Couronne ou par lesquelles les demanderesses auraient la gestion conjointe d’une partie de ces terres. Ces changements de politique étaient conformes à l’arrêt de la Cour suprême du Canada dans Nation haïda, précité, au paragraphe 46, où il est affirmé que [traduction] « [à] la suite de consultations véritables, la Couronne pourrait être amenée à modifier la mesure envisagée en fonction des renseignements obtenus lors des consultations » (voir l’arrêt Taku, précité, au paragraphe 25). À mon avis, le Canada essayait ainsi « d’harmoniser des intérêts opposés et de continuer sur la voie de la réconciliation » (Nation haïda, précité, au paragraphe 49).

 

[57]           En 1996 et 1997, les consultations entre les demanderesses et le Canada portaient principalement sur deux propositions. Selon la première, le Canada demeurerait le propriétaire de la BFC, mais sa gestion et son administration reviendraient conjointement à SIC et aux demanderesses jusqu’à ce que leurs revendications particulières soient résolues ou jusqu’à ce que des terres soient sélectionnées dans le cadre du PTCB. Selon la seconde proposition, 25 % de la BFC serait accordée à SIC tandis que la moitié environ des 75 % qui restent serait gérée par une fiducie contrôlée également par SIC et les demanderesses et le reste des terres demeurerait la propriété du Canada.

 

[58]           Aucune entente n’a été conclue au sujet de la première proposition et la seconde a finalement été rejetée par les demanderesses, car elles n’acceptaient pas le transfert de quelque portion que ce soit de la BFC de Chilliwack à SIC.

 

[59]           À partir de la fin de 1997, il a été discuté de deux options principales. Selon la première option, 60 % des terres seraient retenues en vue de la sélection des terres pour un traité possible, tandis que le reste des terres serait transféré à SIC. Les demanderesses ont rejeté cette proposition, car elles étaient d’avis que, puisqu’elles possédaient toutes les terres, elles devraient être indemnisées pour les terres qu’elles abandonnaient. Selon la seconde option, des terres sélectionnées par les demanderesses seraient transférées au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, lesquelles leur seraient ensuite louées pour une période de quatre à neuf ans, et les demanderesses obtiendraient par la suite les terres à la conclusion d’un traité. Les autres terres qui n’auraient pas été sélectionnées par les demanderesses auraient été transférées à SIC pour qu’elle en dispose. Aucune entente n’a été conclue relativement à cette proposition.

 

[60]           En 1998, les discussions ont porté sur deux autres options. Selon la première proposition, les demanderesses sélectionneraient les terres à l’intérieur de la Base ainsi que des terres du MDN à l’extérieur, mais près de la BFC, qui accommoderaient leurs divers besoins et qui leur seraient ultimement transférées. La seconde option prévoyait une entente de coentreprise entre SIC et les demanderesses. L’idée avancée par le Canada était qu’une partie ou la totalité de la BFC serait transférée à une coentreprise gérée par SIC et les demanderesses et les terres en question ne feraient pas partie du processus de traité. La coentreprise développerait les terres transférées.

 

[61]           Les demanderesses ont rejeté la première option. Quant à la seconde option, elles étaient intéressées, mais elles souhaitaient qu’une partie de la BFC soit exclue de la coentreprise et leur soit transférée. L’exclusion de terres de la coentreprise était une source d’inquiétude pour SIC puisque, en fonction de la superficie des terres exclues, la coentreprise pourrait ne plus être viable financièrement. Les demanderesses ont laissé savoir qu’elles présenteraient la proposition de coentreprise au conseil des chefs le 16 novembre 1998 pour obtenir des directives, mais elles ne sont jamais revenues avec une réponse et l’option est devenue caduque.

 

[62]           Après ces deux dernières propositions importantes, les négociations sur le sort des terres en question ont pratiquement cessé. Comme je l’ai indiqué précédemment, les demanderesses ont présenté un plan pour l’utilisation des terres de la BFC au Conseil du Trésor en mai 2000. En juin 2000, les demanderesses ont reçu un avis leur annonçant que la stratégie d’aliénation avait été approuvée par le Conseil du Trésor. Selon cette stratégie, un tiers des terres restantes de la BFC de Chilliwack serait retenu pendant deux ans pour permettre au négociateur en chef de traités pour le gouvernement fédéral d’entamer des négociations pour la sélection des terres en vue d’un traité avec les Sto:lo.

 

[63]           Après cette date, les demanderesses ont été avisées que des mesures imminentes seraient prises au sujet des terres, notamment quand le MDN est retourné devant le Conseil du Trésor pour obtenir des instructions concernant les autres terres de la BFC de Chilliwack et quand la vente de ces terres à SIC allait être imminente.

 

[64]           Toutefois, on a tenté une fois en 2000 d’engager d’autres négociations. Le gouvernement fédéral a offert de discuter des terres restantes de la BFC de Chilliwack avec le négociateur de traités pour les Sto:lo dans le contexte du déclenchement de négociations d’un traité définitif. Cependant, le négociateur a fait savoir qu’il n’avait pas le mandat de discuter de ces terres comme point de départ des négociations et a conseillé au gouvernement fédéral de communiquer directement avec les collectivités ayant un intérêt pour les terres de la BFC de Chilliwack. Cela ne s’est pas produit.

 

[65]           Les défendeurs soutiennent que les actes des demanderesses au cours des négociations montrent qu’elles ne se sont pas acquittées de leur obligation réciproque de faire leur part en matière de consultation (R. c. Douglas, 2007 BCCA 265, 278 D.L.R. (4th) 653, au paragraphe 45). Il est établi que les Autochtones « ne doivent pas contrecarrer les efforts déployés de bonne foi par la Couronne et ne devraient pas non plus défendre des positions déraisonnables pour empêcher le gouvernement de prendre des décisions ou d’agir dans les cas où, malgré une véritable consultation, on ne parvient pas à s’entendre » (Nation haïda, précité, au paragraphe 42).

 

[66]           Par exemple, lors d’une rencontre ayant eu lieu le 12 septembre 1997, le chef Steven Point, au nom des demanderesses, a réitéré la demande que toutes les terres leur soient rendues et que les terres soient retenues jusqu’à la conclusion du processus de traité. En outre, selon les demanderesses, le rapport soumis le 17 mai 2000 au Conseil du Trésor au sujet de la stratégie d’utilisation des terres qu’elles proposaient pour la BFC était fondé sur la prémisse suivante : [traduction] « Notre plan est fondé en premier lieu sur le fait que les terres appartiennent à la réserve Douglas [le sujet de la revendication particulière] et se base sur notre propriété des terres. » (page 480 du dossier des demanderesses, volume 2) Par conséquent, la position des demanderesses au cours de la période de consultation n’a pas changé.

 

[67]           En toute déférence, je ne souscris pas à la caractérisation que font les défendeurs de la conduite des demanderesses. Il est vrai que les demanderesses ont cru tout au long des négociations, et croient encore aujourd’hui, qu’elles détiennent un titre ancestral sur les terres au cœur du litige. Il ne s’agit pas d’une « position » que les demanderesses doivent changer afin de s’acquitter de leur part d’une obligation réciproque quelconque. En effet, c’est parce qu’elles ont cette conviction qu’elles se sont engagées dans le processus de la CTCB et c’est aussi parce qu’elles croient que leur revendication relative à la réserve Douglas est fondée qu’elles ont participé au processus de revendication particulière.

 

[68]           L’obligation réciproque qui incombe aux peuples autochtones a été décrite dans l’arrêt Halfway River First Nation c. British Columbia (Ministry of Forests), 1999 BCCA 470, 178 D.L.R. (4th) 666, au paragraphe 161, comme étant l’obligation :

[traduction]

[…] d'exprimer leurs intérêts et leurs préoccupations après avoir eu la possibilité d'examiner l'information fournie par la Couronne et de participer de bonne foi à la consultation de toutes les façons possibles. Ils ne peuvent faire obstacle au processus consultatif en refusant de rencontrer leurs interlocuteurs, en refusant de participer ou en imposant des conditions déraisonnables […]

 

(Voir également R. c. Douglas, précité.)

 

[69]           Je suis consciente que la Nation sto:lo a éprouvé une certaine réticence à participer au processus au début. Par exemple, une lettre datée du 16 juillet 1996 a été envoyée par SIC, sur l’ordre du Conseil du Trésor, aux demanderesses dans le but d’obtenir leurs commentaires sur les modalités de la stratégie de réutilisation de la BFC de Chilliwack. Le chef Steven Point a répondu que les demanderesses n’étaient pas prêtes à participer à un processus qui pourrait diminuer d’une quelconque façon leurs droits ancestraux ou leur porter atteinte (pages 98 à 103 du dossier de SIC, volume 2).

 

[70]           Cependant, hormis certaines hésitations initiales, rien dans le dossier ne prouve que les demanderesses ont refusé de rencontrer les interlocuteurs ou de participer ou ont imposé des conditions déraisonnables. Elles ont fait part de leurs préoccupations aux défendeurs, elles ont fait des suggestions au fil des consultations, notamment qu’une partie des terres soit séparée et leur soit remise tout comme une partie des terres devait être séparée et transférée à SIC. Parmi les conditions mises de l’avant lors des négociations, je n’en vois aucune qui puisse être considérée comme étant déraisonnable. Elles ont présenté leur propre stratégie d’utilisation des terres au Conseil du Trésor et elles ont participé à environ 26 rencontres.

 

[71]           Malgré les tentatives de bonne foi faites par les parties concernées, comme il arrive parfois dans des négociations, aucune entente n’a été conclue. L’obligation de consultation ne comporte pas l’obligation de parvenir à une entente (Nation haïda, précité, au paragraphe 42). La conduite requise est celle qui est conforme au processus de réconciliation. Selon la preuve dont j’ai été saisie, je constate qu’on a « procéd[é] à de véritables consultations », tant de la part du Canada que de la part des demanderesses (Nation haïda, précité, au paragraphe 42), dans un esprit de compromis qui fait partie intégrante du processus de conciliation (Taku, précité, au paragraphe 2).

 

[72]           Le processus de consultation « ne donne pas aux groupes autochtones un droit de véto sur les mesures susceptibles d’être prises à l’égard des terres en cause en attendant que la revendication soit établie de façon définitive » (Nation haïda, précité, au paragraphe 48) et, à un certain moment, le gouvernement aura à prendre une décision. En 2000, tant la position de la Couronne que celle des demanderesses s’étaient apparemment cristallisées.

 

[73]           À mon sens, la façon de faire a permis de conserver l’honneur de la Couronne. En particulier, la stratégie d’aliénation de 2000 représentait un compromis provisoire qui mettait en balance tant l’intérêt des demanderesses à préserver une certaine partie des terres en attendant le règlement définitif de leur revendication que l’intérêt de la Couronne à développer les terres fédérales excédentaires. Selon cette stratégie, un tiers des terres restantes de la BFC de Chilliwack serait retenu pour une période de deux ans pour permettre au négociateur en chef de traités pour le gouvernement fédéral d’entamer des négociations pour la sélection de terres en vue d’un traité avec les Sto:lo. Les demanderesses soutiennent que deux ans ne suffisent pas à conclure des négociations de traité et soulignent que le premier traité issu du processus encadré par la CTCB a été ratifié par la Première nation de Tsawwassen en 2007, après 14 ans de négociations.

 

[74]           Les négociations avec la Couronne concernant les terres en question ont essentiellement commencé en 1995 et, bien qu’il y ait des doutes quant à la date à laquelle le gouvernement a réellement été prêt à vendre les terres de la BFC de Chilliwack, dans les faits, les terres ont été retenues pendant plus de deux ans. Il s’agit d’une période raisonnable pour entamer des négociations; on n’exigeait pas la finalisation d’un traité. J’ajouterais que, entre le moment où les demanderesses ont reçu l’avis concernant la stratégie d’aliénation de 2000 et le moment où elles ont été informées que le MDN retournerait devant le Conseil du Trésor pour obtenir des directives en 2002, elles semblent n’avoir fait aucun effort pour continuer les négociations au sujet des terres.

 

[75]           Compte tenu de ce qui précède, je conclus que le Canada s’est entièrement acquitté de son obligation de consultation en l’espèce. Je suis d’avis que la conduite du Canada était tout à fait conforme à la préservation de l’honneur de la Couronne en l’espèce et qu’il a tenté de mettre en balance les intérêts de la société et ceux des peuples autochtones d’une manière conforme aux principes énoncés dans l’arrêt Nation haïda, précité, au paragraphe 45. Le processus dans lequel s’est engagé le Canada, notamment les propositions présentées ainsi que l’étendue et la profondeur des consultations menées, appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir, précité, au paragraphe 47).

 

 

2)         La Cour a‑t‑elle compétence sur la défenderesse SIC?

 

[76]           Les demanderesses soutiennent que SIC est un mandataire de la Couronne et est donc liée par le principe de l’honneur de la Couronne et doit consulter les demanderesses lorsqu’elle aliène un bien immeuble au nom du gouvernement du Canada pour lequel les demanderesses ont fait connaître leur intérêt. La défenderesse SIC prétend que la Cour n’a pas compétence dans le cadre du présent contrôle judiciaire pour lui ordonner de consulter les demanderesses ou lui interdire d’une autre façon d’aliéner le lot C comme bon lui semble et conteste l’affirmation des demanderesses selon laquelle SIC est un mandataire de la Couronne.

 

[77]           À l’appui de leur argument selon lequel la Cour a compétence sur SIC, les demanderesses invoquent la décision rendue par mon collègue le juge Michael Phelan dans Bande indienne de Musqueam c. Canada (Gouverneur en conseil), 2004 CF 1564, 135 A.C.W.S. (3d) 362, dans laquelle SICL et SIC demandaient de ne plus être des parties défenderesses dans cette demande au motif qu’elles n’étaient pas un « office fédéral » au sens de l’article 2 et, par conséquent, outrepassaient la compétence conférée à la Cour aux articles 18 et 18.1 de la Loi. Lorsqu’il a rejeté la demande, le juge Phelan a fait observer ce qui suit au paragraphe 32 :

Bien que les défenderesses [SICL et SIC] en question possèdent bon nombre des caractéristiques d'une société privée, leur organisation et leur mandat comportent certains aspects publics non négligeables. Ainsi, la société mère est un mandataire de la Couronne et la filiale agit comme mandataire ou représentante de la société mère. Les deux défenderesses ont les mêmes politiques, qui sont conformes aux politiques du gouvernement. SICL, la société mère, rend compte de ses activités au Parlement par l'entremise du ministre et elle respecte les objectifs de la Couronne fédérale. C'est la Couronne fédérale qui définit le mandat des deux défenderesses SIC.

 

 

[78]           Cependant, cette décision ne vient pas trancher l’affaire dont je suis saisie. Le paragraphe cité ci‑dessus a été écrit dans le contexte d’une requête visant à faire radier SICL et SIC des parties défenderesses et, en conséquence, le principe juridique applicable était de savoir si le contrôle judiciaire, y compris la question de la compétence sur les parties, n’avait « aucune chance d’être accueilli ». Par conséquent, la question de la compétence de la Cour n’a pas été tranchée en fin de compte.

 

[79]           Dès lors, il incombe à la Cour de prendre une décision au sujet de sa compétence sur SIC. La compétence d’accorder des réparations est limitée à « tout office fédéral » (paragraphe 18(1) de la Loi). L’article 2 de la Loi définit « office fédéral » de la manière suivante :

Conseil, bureau, commission ou autre organisme, ou personne ou groupe de personnes, ayant, exerçant ou censé exercer une compétence ou des pouvoirs prévus par une loi fédérale ou par une ordonnance prise en vertu d'une prérogative royale, à l'exclusion de la Cour canadienne de l'impôt et ses juges, d'un organisme constitué sous le régime d'une loi provinciale ou d'une personne ou d'un groupe de personnes nommées aux termes d'une loi provinciale ou de l'article 96 de la Loi constitutionnelle de 1867.

 

[80]           Comme l’a statué la Cour dans la décision Larny Holdings Ltd. (exploitant une entreprise du nom de Quickie Convenience Stores) c. Canada (Ministre de la Santé), [2003] 1 C.F. 541, 2002 CFPI 750, au paragraphe 26, en citant Brown et Evans, Judicial Review of Administrative Action in Canada (Toronto, Canvasback Publishing, 1998, édition en feuilles mobiles), au paragraphe 2:4310, « la source de la compétence […] – et non pas la nature du pouvoir exercé ou de l'office l'exerçant – est le premier facteur déterminant quant à savoir si elle fait partie de la définition [figurant au paragraphe 2(1) de la Loi] ».

 

[81]           Les demanderesses soutiennent que le pouvoir de SIC d’aliéner des terres au nom du Canada découle d’un certain nombre de sources, notamment le mandat original confié à SIC par le Cabinet, la Politique du Conseil du Trésor sur l’aliénation des biens immobiliers excédentaires (la Politique du Conseil du Trésor) ainsi que les modalités de transfert de biens immeubles établies par le Conseil du Trésor. Ces sources d’autorité découlent à leur tour d’une prérogative de la Couronne et des pouvoirs conférés au Conseil du Trésor et au gouverneur en conseil par l’article 16 de la Loi sur les immeubles fédéraux et les biens réels fédéraux, L.C. 1991, ch. 50.

 

[82]           La Politique du Conseil du Trésor établit les procédures à suivre pour l’aliénation de terres de la Couronne. Cette politique a été énoncée en vertu des paragraphes 7(1), 9(1.1) et 9(2) de la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. 1985, ch. F‑10, et du paragraphe 16(4) de la Loi sur les immeubles fédéraux et les biens réels fédéraux. La Politique du Conseil du Trésor est particulièrement pertinente pour SIC, notamment l’« Appendice B – Éléments du processus d’aliénation stratégique », qui prévoit ceci :

Il devrait aussi élaborer une stratégie d'aliénation et formuler une recommandation demandant l'approbation de la stratégie d'aliénation à l'autorité appropriée. Pour les ventes à la CLC, le document doit également préciser les principes du développement futur, selon le cas, et faire état de l'imposition de conditions/limites au plan de réaménagement proposé, s'il y a lieu. (page 97, dossier de SIC, volume 1)

 

[83]           La Loi sur les immeubles fédéraux et les biens réels fédéraux, qui régit l’acquisition, l’administration et l’aliénation des immeubles et biens réels par le gouvernement du Canada, prévoit au paragraphe 16 l’autorisation pour la disposition ou la location d’immeubles fédéraux de la façon suivante :

16. (1) Par dérogation aux règlements d’application du paragraphe (2), le gouverneur en conseil peut, sur la recommandation du Conseil du Trésor et sous réserve des conditions et restrictions que lui‑même juge indiquées :

 

16. (1) Despite any regulations made under subsection (2), the Governor in Council may, on the recommendation of the Treasury Board, in accordance with any terms and subject to any conditions and restrictions that the Governor in Council considers advisable,

 

a) autoriser la disposition ou la location d’immeubles fédéraux ou de biens réels fédéraux dans les cas qui ne sont pas déjà prévus sous le régime d’une autre loi;

 

[…]

(a) authorize the disposition or lease of federal real property or federal immovables for which disposition or lease there is no provision in or under any other Act;

 

. . .

 

 

[84]           Par conséquent, bien que la Politique du Conseil du Trésor établissant le processus pour l’aliénation de terres de la Couronne et le pouvoir d’aliéner ces terres avec l’approbation du gouverneur en conseil soient énoncés dans les lois mentionnées ci‑dessus, on ne peut affirmer que l’un ou l’autre confère pouvoirs et compétences à SIC. Bien que ces instruments autorisent le Canada à vendre des terres à SIC, ils ne sont pas ce qui confère à SIC le pouvoir de se situer de l’autre côté de la transaction. Ces instruments ne confèrent aucune compétence ni aucun pouvoir à SIC. Au contraire, SIC tire sa compétence et ses pouvoirs des clauses de sa propre constitution en société. Quand SIC décidera d’aliéner les terres en question, si elle le fait, elle n’aura pas besoin de l’approbation du Gouverneur en conseil et n’est pas assujettie à la Politique du Conseil du Trésor.

 

[85]           Finalement, je conclus que le mandat de SIC, lequel, comme l’a mentionné le juge Phelan, tire sa source de la Couronne fédérale, ne peut être interprété comme étant une source de pouvoir ou de compétence au sens de l’article 2 de la Loi. Le mandat est décrit dans le document intitulé « Société immobilière du Canada limitée, Résumé du plan d’entreprise, 2003‑2004 à 2007‑2008 » à la section 2.1 (page 63 du dossier de SIC, volume 1). Selon celui‑ci, SIC a le même mandat que la société mère, lequel lui a été confié par le gouvernement en 1995 et a été confirmé en 2001. Aux termes du mandat, « [SIC] respecte les critères de durabilité de l’environnement, voit au respect du patrimoine et se soucie des revendications territoriales des Premières nations ». Le fait que SIC adhère largement à ces principes directeurs ne peut en aucune façon être interprété comme une attribution de pouvoirs ou de compétences.

 

[86]           Par conséquent, je ne peux pas conclure que la Cour a compétence sur SIC. En de telles circonstances, je ne crois pas qu’il soit nécessaire de déterminer si SIC est un mandataire de la Couronne dont l’honneur lui commanderait de consulter les demanderesses.

 

[87]           Pour ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens.

 


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE que la présente demande de contrôle judiciaire soit rejetée avec dépens.

 

 

« Danièle Tremblay‑Lamer »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Elisabeth Ross, traductrice

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                                    T‑754‑07

 

INTITULÉ :                                                   Première nation Tzeachten et al.

                                                                        c.

                                                            Le Procureur général du Canada et al.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Les 24, 25 et 26 juin

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          La juge TREMBLAY‑LAMER

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 30 juillet 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Mme Clarine Ostrove et M. Elwood

 

POUR LES DEMANDERESSES

Steven Postman, M. Semple, M. Whittaker

 

Simon Margolis, Ryan Dalziel

 

POUR LE DÉFENDEUR,

Procureur général du Canada

 

POUR LES DÉFENDERESSES,

Société immobilière du Canada limitée et

Société immobilière du Canada CLC limitée

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Clarine Ostrove et Bruce Elwood

Mandell Pinder

Avocats

422‑1080, rue Mainland

Vancouver (Colombie‑Britannique)  V6B 2T4

 

POUR LES DEMANDERESSES

John H. Sims,

Sous‑procureur général du Canada

 

M. Simon Margolis

Bull, Housser & Tupper

Avocats

3000‑1055, rue West Georgia

Vancouver (Colombie‑Britannique)  V6E 3R3

POUR LE DÉFENDEUR,

Procureur général du Canada

 

POUR LES DÉFENDERESSES,

La Société immobilière du Canada limitée et Société immobilière du Canada CLC limitée

 

           

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.