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Federal Court

 

Cour fédérale

 


 

Date : 20080828

Dossier : IMM-672-08

Référence : 2008 CF 978

Toronto (Ontario), le 28 août 2008

En présence de monsieur le juge Harrington

 

Entre :

MARK LABOK

demandeur

 

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

Défendeur

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Mark et Elena se sont mariés deux fois; une fois en Russie en 1955 et une autre fois au Canada en 2006. Mark, parrainé par Elena, a demandé qu’il lui soit permis, pour des motifs d’ordre humanitaire, de rester au Canada pendant que sa demande de résidence permanente était examinée. Cette permission lui a été refusée. Il s’agit du contrôle judiciaire de cette décision.

 

[2]               Mark Labok et Elena Voikhansky ont divorcé en 1976. Mme Voikhansky et leur fille Svetlana se sont installées en Israël et ensuite au Canada. Elles sont toutes les deux Canadiennes.

 

[3]               M. Labok a commencé à leur rendre visite à elles et à des amis en 1993, mais il rentrait toujours en Russie. Il est revenu ici la dernière fois en 2003; il a déposé une demande d’asile et il a commencé à cohabiter avec Elena et s’est remarié avec elle en 2006. Le désistement de sa demande d'asile a été prononcé.

 

[4]               En 2006, il a présenté une demande de résidence permanente. La règle normale veut que de telles demandes soient faites de l’extérieur du Canada. Toutefois, l’article 25 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés permet au ministre de lever les obligations applicables en cas de circonstances d’ordre humanitaire. M. Labok, avec le parrainage de son épouse, a présenté sa demande conformément au guide IP 5 « Demande présentée par des immigrants au Canada pour des motifs d'ordre humanitaire ». Il faut se rappeler qu’une telle demande n’entraîne pas nécessairement le sursis au renvoi du demandeur du Canada. Un agent d’immigration a informé M. Labok qu’une nouvelle politique d’intérêt public, énoncée dans un document intitulé IP 8 « Catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada » était entrée en vigueur en 2005. Si certaines conditions sont remplies, le ministre sursoit automatiquement au renvoi du Canada pendant l’examen de la demande. Toutefois, l’une des exigences est que le demandeur détienne un titre de voyage ou un passeport valide.

 

[5]               Par l’intermédiaire de son ancien avocat, M. Labok a répondu à l’agent; il a écrit qu’il avait fait sa demande conformément au guide IP 5, plutôt que selon le guide IP 8, parce que son passeport avait expiré et qu’il n’était pas en mesure d’obtenir un nouveau passeport du consulat de la Russie au Canada. Il semble qu’une condition préalable était qu’il renouvelle son passeport interne, et cela pouvait se faire seulement s’il était en Russie.

 

[6]               Enfin, à la suite des résultats défavorables de la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, une décision défavorable sur l’examen des risques avant renvoi a été rendue. Tout était prêt pour le renvoi de M. Labok, mais la juge Dawson a rendu une ordonnance de sursis.

 

[7]               Lors de l’audience, l’avocat de M. Labok a soulevé les trois points suivants :

a.       l’agent a omis de mentionner qu’il s’agissait ici d’une demande de parrainage;

b.      l’agent a omis d’examiner la raison pour laquelle le guide IP 8 ne s’appliquait pas;

c.       vu les difficultés auxquelles il devrait faire face en Russie en raison de sa religion juive, l’agent a arbitrairement fait peu de cas de la photocopie d’un rapport de police.

 

[8]               Il n’est pas nécessaire que j’examine sur le fond les premier et troisième points. Je suis convaincu que l’analyse faite par l’agent de la situation de M. Labok au Canada était déraisonnable. La question qui se pose est de savoir si M. Labok subirait des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives s’il devait quitter le Canada et demander un visa de résident permanent par la voie normale. L’agent a conclu que le mariage actuel de M. Labok à une Canadienne n’entraînait pas automatiquement que sa demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire soit accueillie. Cela est vrai selon le guide IP 5, mais non pas selon le guide IP 8, à condition que les exigences techniques soient remplies. En fait, on peut se demander pourquoi une personne obtiendrait le sursis à son renvoi si elle détient un document de voyage valide, mais qu’elle courrait le risque d’être renvoyée si elle n’en détient pas un.

 

[9]               En ce qui concerne les attaches de M. Labok avec le Canada, l’agent, après avoir mentionné son mariage, a dit :

[traduction]

Toutefois, je conclus qu’il aurait été raisonnable que le demandeur et son épouse aient prévu qu’il y aurait une séparation étant donné que le statut d’immigrant du demandeur n’avait pas encore était établi au moment de leur mariage.

 

 

En ce qui a trait à l’intérêt supérieur des enfants, c’est‑à‑dire la fille de M. Labok et les enfants de celle‑ci, l’agent a simplement déclaré [traduction] « Je ne suis pas persuadé que l’intérêt supérieur de l’un ou l’autre des enfants ne serait pas respecté si le demandeur devait quitter le Canada et faire sa demande de résidence permanente selon la voie normale. » Il n’y a aucune explication sur la raison pour laquelle il en va de l’intérêt supérieur de la fille de M. Labok et de ses petits‑enfants qu’il soit exclu de la vie dont il jouit actuellement avec eux.

 

[10]           L’adoption de la politique d’intérêt public énoncée dans le guide IP 8 ne libère pas un agent, qui examine une demande selon le guide IP 5, de l’obligation de tenir compte des éléments qui lui sont soumis simplement parce que, techniquement, le demandeur n’est pas admissible. L’objectif du programme est de promouvoir l’unité des familles. Cela est, à tous égards, cohérent avec les objectifs énoncés à l’alinéa 3c) de la Loi sur l’immigration, c’est‑à‑dire « faciliter la réunion au Canada des citoyens canadiens et résidents permanents avec leurs proches parents de l’étranger ».

 

[11]           C’était certainement à tort que l’agent a déclaré qu’il aurait été raisonnable que M. Labok et son épouse [TRADUCTION] « aient prévu qu’il y aurait une séparation ». Bien que cette possibilité eût été prévisible, il était aussi prévisible qu’on aurait pu faire preuve d’une certaine compassion. M. et Mme Labok avaient le droit d’espérer et aucune raison adéquate n’a été donnée pour expliquer la raison pour laquelle cet espoir a été éteint. L’âge (75 ans) et la situation financière de M. Labok ont été évoqués, mais l’agent n’en a pas tenu compte.

 

[12]           Les motifs donnent presque à penser que, si la demande de parrainage dans la catégorie des époux n’entre pas dans le champ d’application du guide IP 8, automatiquement, les attaches avec le Canada sont insuffisantes. L’agent a indûment restreint son pouvoir discrétionnaire. Les motifs d’ordre humanitaire qui ont mené à l’adoption des politiques du guide IP 8 soit n’ont pas été saisis, soit n’ont pas été pris en considération. Il s’ensuit que la décision était déraisonnable; voir l’arrêt R. c. Sheppard, 2002 CSC 26, [2002] 1 R.C.S. 869, particulièrement aux paragraphes 31 et 32.

 


 

ordonnance

 

            La demande de contrôle judiciaire est accueillie. L'affaire est renvoyée à un autre décideur pour nouvel examen. Il n’y a aucune question à certifier.

 

 

« Sean Harrington »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Mario Lagacé, jurilinguiste

 


COUR FÉDÉRALE

 

avocats inscrits au dossier

 

 

Dossier :                                            IMM-672-08

 

INTITULÉ :                                           MARK LABOK c. LE MINISTRE DE LA

    CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                      Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                    Le 27 août 2008

 

motifs de l’ordonnance

Et ordonnance :                            Le juge Harrington

 

DATE DES MOTIFS :                           Le 28 août 2008

 

 

comparutions :

 

Hart A. Kaminker

 

POUR LE DEMANDEUR

Leanne Briscoe

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

avocats inscrits au dossier :

 

Hart A. Kaminker

Toronto (Ontario)

 

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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