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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20080826

Dossier : IMM‑237‑08

Référence : 2008 CF 971

Toronto (Ontario), le 26 août 2008

En présence de madame la juge Mactavish

 

 

ENTRE :

ALEJANDRO SANCHEZ GUTIERREZ

demandeur

 

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Alejandro Sanchez Gutierrez est un citoyen du Mexique, dont la demande d’asile a été rejetée par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) au motif qu’il pouvait se prévaloir d’une protection de l’État adéquate au Mexique.

 

[2]               M. Sanchez demande maintenant le contrôle judiciaire de la décision de la Commission, en soutenant que la Commission a commis une erreur en ne tenant pas compte de la preuve dont elle était saisie, ou en ne l’examinant pas correctement, et en concluant qu’il n’avait pas réfuté la présomption de l’existence de la protection de l’État dont il pouvait se prévaloir au Mexique.

 

[3]               Bien que je sois convaincue que certains aspects de l’analyse de la Commission étaient erronés, pour les motifs qui suivent, j’ai conclu que la conclusion de la Commission selon laquelle M. Sanchez pouvait se prévaloir d’une protection de l’État adéquate au Mexique était une conclusion qu’elle pouvait raisonnablement tirer compte tenu du dossier dont elle était saisie. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

Le contexte

 

[4]               M. Sanchez a travaillé comme pâtissier et comme vendeur d’automobiles dans l’État de Michoacan. Il soutient qu’il avait une connaissance du nom de José Luis Wong Chow, qui tenait des activités de trafic de drogue. M. Sanchez soutient que lorsque M. Wong lui a demandé de participer au trafic de drogue, il a refusé.

 

[5]               M. Sanchez soutient que M. Wong l’a alors menacé de le tuer. Il ajoute qu’au cours de plusieurs mois suivants, on l’a menacé de mort à plusieurs reprises. Après la troisième menace de mort, M. Sanchez déclare qu’il est allé présenter une dénonciation à la police judiciaire.

 

[6]               D’après M. Sanchez, la police lui a dit qu’il ne pouvait y avoir aucune enquête sans preuve à l’appui de ses allégations. Il dit qu’on lui a donné une copie du rapport de police, qu’il a placée dans une boîte à la maison qui contenait ses dossiers personnels. Comme il ne croyait pas que la police pourrait l’aider, M. Sanchez s’est alors enfui au Canada quelques jours plus tard.

 

[7]               Après quelques mois, un proche de M. Sanchez l’a avisé que quelqu’un était entré par effraction dans sa maison à Michoacan, et que bien que plusieurs objets de valeur s’y trouvaient, seul le poste de télévision avait été volé.

 

[8]               Quelque temps plus tard, en préparation pour l’audition de sa demande d’asile, M. Sanchez a demandé à un de ses proches de trouver le rapport de police dans sa boîte de dossiers. Il a alors été découvert que la boîte avait disparu. M. Sanchez a conclu que la boîte avait été volée pendant le cambriolage.

 

[9]               M. Sanchez a alors demandé à son beau‑frère de se rendre au poste de police pour obtenir une copie du rapport de police. La police a avisé le beau‑frère de M. Sanchez qu’il n’existait aucune trace de la dénonciation de ce dernier. M. Sanchez croit que les policiers ont avisé M. Wong et ses associés de sa dénonciation, et que M. Wong s’était arrangé pour faire effacer le dossier de la plainte. M. Sanchez croit aussi que M. Wong a orchestré le cambriolage à son domicile.

 

La norme de contrôle

 

[10]           La décision raisonnable est la norme de contrôle applicable aux conclusions de la Commission en ce qui a trait à l’existence de la protection de l’État : voir Hinzman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2007] A.C.F. no 584, au paragraphe 38 (C.A.F.), et Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9 aux paragraphes 55, 57, 62, et 64.

 

[11]           Lorsqu’elle contrôle une décision selon cette norme, la cour de révision doit prendre en considération la justification de cette décision, la transparence et l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi que l’appartenance de ladite décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit : voir le paragraphe 47 de Dunsmuir.

 

Analyse

 

[12]           Comme c’est souvent le cas dans les demandes d’asile présentées par les citoyens du Mexique, la Commission n’a pas effectué d’évaluation de la crédibilité du témoignage de M. Sanchez et elle n’a tiré aucune conclusion défavorable à ce sujet. En fait, elle a centré son analyse sur la question de la protection de l’État.

 

[13]           En l’absence de toute analyse de crédibilité de la Commission, il faut supposer qu’elle a accepté que le récit de M. Sanchez était vrai.

 

[14]           Ces faits rendent déraisonnables deux des conclusions de la Commission : premièrement, la conclusion selon laquelle M. Sanchez n’avait pas donné le nom de M. Wong aux policiers, et deuxièmement, la conclusion selon laquelle M. Sanchez n’avait pas attendu assez longtemps afin de découvrir quel serait le résultat de la plainte qu’il avait déposée à la police judiciaire.

 

[15]           En ce qui a trait à la conclusion portant sur la divulgation du nom de M. Wong à la police judiciaire, M. Sanchez a témoigné devant la Commission qu’il avait averti les policiers que M. Wong était l’auteur des menaces. Bien que son témoignage à ce sujet n’ait pas toujours été cohérent, la Commission ne pouvait pas simplement conclure que M. Sanchez n’avait pas avisé les policiers de l’identité de M. Wong sans au moins examiner le témoignage sous serment de M. Sanchez à ce sujet et sans donner d’explication pour le fait qu’elle a rejeté ce témoignage.

 

[16]           En ce qui a trait à la conclusion de la Commission selon laquelle M. Sanchez n’a pas donné à la police judiciaire la chance d’enquêter sur sa plainte avant de s’enfuir au Canada, la Commission n’a pas examiné le témoignage de M. Sanchez selon lequel les policiers lui ont dit qu’ils seraient incapables d’enquêter sur sa plainte si aucune preuve supplémentaire n’était présentée. Pourquoi M. Sanchez attendrait‑il le résultat d’une enquête alors qu’il était évident qu’aucune enquête n’aurait lieu?

 

[17]           De plus, comme elle a accepté que le témoignage de M. Sanchez était vrai, il était déraisonnable que la Commission ait omis de tenir compte des déclarations de M. Sanchez en ce qui a trait à la destruction des dossiers de la police au sujet de sa plainte, puisque ces déclarations portaient évidemment sur la volonté des policiers d’enquêter sur cette affaire.

 

[18]           Cela dit, la conclusion de la Commission selon laquelle M. Sanchez n’a pas donné la chance à la police judiciaire d’enquêter sur son dossier avant de s’enfuir au Canada ne constituait pas la fin de son analyse. En effet, la Commission a ensuite conclu que même si M. Sanchez n’était pas satisfait de la réponse de la police judiciaire à Michoacan, il pouvait se prévaloir de nombreuses autres possibilités de protection au Mexique. M. Sanchez ne m’a pas convaincue que les conclusions de la Commission à ce sujet étaient déraisonnables.

 

[19]           À ce sujet, la Commission a noté que M. Sanchez aurait pu demander l’aide de nombreux organismes d’État, y compris l’Agence fédérale d’enquêtes, le Bureau du sous‑procureur des enquêtes spéciales sur le crime organisé, le secrétariat de la fonction publique et le système d’assistance téléphonique pour les citoyens.

 

[20]           Comme le juge Barnes l’a mentionné dans la décision Sanchez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 134, les organismes d’État peuvent aider à offrir une protection dans les cas où la réponse initiale de la police n’est pas adéquate.

 

[21]           De plus, la Commission était bien au courant des limites de la capacité du Mexique à protéger ses citoyens contre les trafiquants de drogue; elle a noté que la protection de l’État n’était pas parfaite. En outre, la Commission a tenu compte de la preuve quant à l’efficacité des mesures prises pour protéger les citoyens au lieu de seulement examiner l’existence des lois « officielles ». La Commission a aussi reconnu que la corruption continue d’être un problème sérieux au Mexique.

 

[22]           Après avoir reconnu les limites de la capacité du Mexique à protéger ses citoyens, la Commission avait le devoir d’apprécier la preuve dont elle était saisie, afin de déterminer si la protection de l’État disponible était adéquate. C’est ce qu’elle a fait. Il ne revient pas à la Cour, dans le cadre d’un contrôle judiciaire, d’apprécier de nouveau la preuve dont la Commission était saisie.

 

[23]           Par conséquent, malgré les observations pertinentes de l’avocate de M. Sanchez, je ne suis pas persuadée que la Commission a commis une erreur en ne tenant pas compte de la preuve dont elle était saisie, ou en ne l’examinant pas correctement, en ce qui a trait à la question de la protection de l’État, ou qu’elle a commis une erreur en concluant que M. Sanchez n’avait pas réfuté la présomption de la protection de l’État dont il pouvait se prévaloir au Mexique.

 

Conclusion

[24]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

Certification

 

[25]           Ni l’une ni l’autre partie n’a présenté de question pour la certification et l’affaire n’en soulève aucune.

 


JUGEMENT

 

            LA COUR ORDONNE :

 

            1.         La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée;

 

            2.         Aucune question grave de portée générale n’est certifiée.

 

 

 

« Anne Mactavish »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM‑237‑08

 

 

INTITULÉ :                                       ALEJANDRO SANCHEZ GUTIERREZ c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 25 août 2008

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              La juge Mactavish

 

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 26 août 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

Lina Anani

 

POUR LE DEMANDEUR

Eleanor Elstub

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

LINA ANANI

Avocate

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

JOHN H. SIMS, C.R.

Sous‑procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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