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Date : 20080826

Dossier : IMM‑930‑08

Référence : 2008 CF 966

Ottawa (Ontario), le 26 août 2008

En présence de monsieur le juge Shore

 

 

ENTRE :

LEOPOLDO QUINTANA MURILLO

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.  Aperçu

[1]               La Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié n’est nullement tenue de faire un exercice de « pondération » pour savoir si un demandeur d’asile est exclu en application de la section Fb) de l’article premier de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés (la Convention sur les réfugiés). Il est raisonnable pour la SPR de recourir, comme critère de ce qui constitue un crime « grave », à l’idée que le droit canadien se fait de cette infraction (Loi réglementant certaines drogues et autres substances, L.C. 1996, ch. 19 (la LRCDAS), article 5). Toute infraction punissable en droit canadien d’un emprisonnement maximal de dix ans constitue un crime « grave ». Il faut se demander si les actes du demandeur d’asile pourraient être considérés comme des crimes en droit canadien. Les tribunaux canadiens ont toujours jugé que le trafic de drogue est un crime grave de droit commun. Tout rôle joué dans de telles activités fait d’une partie « un participant à l’infraction », en application du paragraphe 21(1) du Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C‑46 (Jayasekara c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 238, 165 A.C.W.S. (3d) 140, au paragraphe 11; Farkas c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 277, 155 A.C.W.S. (3d) 914, au paragraphe 22; Chan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] 4 C.F. 390, 190 D.L.R. (4th) 128 (C.A.F.), au paragraphe 9; Vlad c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 172, 155 A.C.W.S. (3d) 387, au paragraphe 22; Medina c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 62, 285 F.T.R. 306, aux paragraphes 22 à 24.)

 

[2]               Il n’est pas obligatoire pour la SPR de considérer la « bonne moralité » d’un demandeur d’asile aux termes de la section Fb) de l’article premier de la Convention sur les réfugiés. L’unique facteur susceptible de ressortir à l’égard de la décision de la SPR est celui de savoir si le demandeur d’asile a déjà purgé une peine en dehors du Canada pour le crime en question. La juge Judith Snider s’est prononcée sans détour sur cet argument, dans la décision Vlad, précitée :

[19]      Malheureusement pour le demandeur, la jurisprudence n’appuie pas la notion selon laquelle le dossier antérieur du demandeur ou d’autres facteurs atténuants devraient être pris en compte pour exclure le demandeur en vertu de l’article 98 de la LIPR. Au contraire, comme dans l’arrêt Xie, précité, aux paragraphes 33 à 35, la Cour d’appel fédérale a statué que d’autres facteurs atténuants, comme le danger de torture, ne jouent pas un rôle important dans la décision de la Commission d’exclure un demandeur en vertu de l’article 1F de la Convention. Le seul facteur jugé important par la Cour d’appel fédérale est le facteur qui consiste à établir si le demandeur avait déjà purgé sa peine, qui ne s’applique pas en l’espèce […]

 

II.  Introduction

[3]               Le demandeur a participé délibérément à l’importation, à la vente et à l’achat de 15 à 20 boîtes d’environ 50 kg de cocaïne et de 500 kg de marihuana alors qu’il résidait illégalement aux États‑Unis.

 

[4]               Après avoir résidé illégalement aux États‑Unis durant 13 ans, le demandeur est arrivé au Canada, où il a présenté une demande d’asile. Il prétendait que les membres d’un réseau criminel organisé chercheraient à lui nuire s’il retournait au Mexique.

 

[5]               La SPR a estimé que le demandeur était exclu de la protection au Canada en application de la section Fb) de l’article premier de la Convention sur les réfugiés. Le demandeur fait valoir que la SPR a commis une erreur, parce qu’elle n’a pas tenu compte de facteurs atténuants en concluant à l’exclusion prévue par cette disposition.

 

[6]               Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration dit que la SPR a validement jugé que le demandeur, ayant commis un crime grave de droit commun, était exclu de la protection au Canada en application de la section Fb) de l’article premier de la Convention sur les réfugiés. La SPR n’est pas tenue de s’engager dans un exercice de pondération lorsqu’elle considère une exclusion selon la section Fb) de l’article premier. Par ailleurs, la SPR ne peut pas, et en fait ne doit pas, tenir compte de la « bonne moralité » d’un délinquant pour savoir si le délinquant est exclu de la protection selon la section Fb) de l’article premier. Finalement, le ministre dit que la SPR a tenu compte de l’ensemble des preuves et circonstances portant sur la perpétration du crime, ce que montraient selon lui les motifs clairs et intelligibles de sa décision.

III.  Les faits

            Le crime commis par le demandeur aux États‑Unis

[7]               Le demandeur est un Mexicain qui vivait et travaillait illégalement aux États‑Unis depuis novembre 1995. (Formulaire de renseignements personnels (FRP), Dossier certifié du Tribunal (DCT), aux pages 259 et 265; FRP, Dossier du demandeur (DD), à la page 33.)

 

[8]               En avril 2003, le demandeur a délibérément décidé d’aider deux trafiquants de drogue, Pepe et Chuy, dans l’importation d’environ 50 kg de cocaïne et 500 kg de marihuana aux États‑Unis afin de vendre ces drogues à Memphis, au Tennessee. Plus précisément, le demandeur a accepté d’aider les trafiquants en trouvant un camion pour le transport de la drogue et de donner l’alerte en cas d’irruption de la police durant l’opération de vente. En échange, le demandeur devait recevoir la somme de 50 000 $. (Motifs de décision, DD, à la page 6; FRP, DCT, aux pages 265 et 266; FRP, DD, aux pages 33 et 34.)

 

[9]               Le demandeur et Chuy communiquaient quotidiennement et se sont rencontrés plusieurs fois jusqu’au jour de l’opération. (FRP, DCT, aux pages 266 et 267; FRP, DD, aux pages 34 et 35.)

 

[10]           Le jour de l’opération, le demandeur s’est rendu en voiture à l’endroit où les trafiquants devaient se rencontrer. Sur son chemin, il a remarqué un véhicule de police banalisé et il a alors immédiatement téléphoné à Chuy pour lui dire d’annuler l’opération. Le demandeur a alors décidé d’abandonner son propre véhicule et de suivre Chuy dans le véhicule de son ami. (FRP, DCT, à la page 267; FRP, DD, à la page 35.)

 

[11]           Selon le demandeur, la vente de la drogue ne s’est pas déroulée selon les prévisions, car des [traduction] « flics américains malhonnêtes ont volé la drogue » des chauffeurs de camion. Le demandeur a par la suite embarqué Chuy dans le véhicule de son ami. Il a plus tard acheté un billet d’autobus à son propre nom pour permettre à Chuy de s’enfuir au Texas. (FRP, DCT, à la page 28; FRP, DD, à la page 36.)

 

[12]           Le demandeur dit que, après l’échec de l’opération, il a reçu de Pepe et d’un certain Javier Corona un appel téléphonique chargé de menaces. Cet appel téléphonique l’a incité à [traduction] « enquêter » sur l’endroit où se trouvait ce Javier Corona et à rechercher une protection policière. (FRP, DCT, aux pages 268 et 269; FRP, DD, aux pages 36 et 37.)

 

[13]           En 2004, le demandeur est allé vivre à Nashville, au Tennessee. Son neveu, incarcéré dans un pénitencier fédéral, l’informa qu’on lui avait offert 50 000 $ pour l’assassiner. Le demandeur dit aussi qu’il savait qu’il était recherché par la police à Memphis, mais il n’est pas retourné à Memphis. (FRP, DCT, à la page 270; FRP, DD, à la page 38.)

 

[14]           En novembre 2004, le demandeur et sa famille sont allés s’installer à Albuquerque, au Nouveau‑Mexique. Le demandeur s’est muni d’une fausse identité, et lui ainsi que sa famille ont résidé au Nouveau‑Mexique, auprès de proches parents, dont quelques‑uns résidaient eux aussi illégalement aux États‑Unis. Le demandeur est alors retourné à Memphis. Jamais après la perpétration de l’infraction le demandeur ne s’est heurté à des difficultés ni n’a été l’objet de menaces. (FRP, DCT, à la page 272; FRP, DD, à la page 40; Déclaration de M. Savard, 7 mars 2007, DD, à la page 47.)

La demande d’asile au Canada

[15]           Le 16 février 2007, le demandeur est arrivé au Canada par le poste frontière de Surrey, en Colombie‑Britannique. (FRP, DCT, à la page 259; FRP, DD, à la page 30.)

 

[16]           Le 28 février 2007, le demandeur a présenté une demande d’asile au Canada en alléguant qu’il était exposé à un risque de représailles de la part des trafiquants de drogue qu’il avait aidés auparavant. (FRP, DCT, à la page 259; FRP, DD, à la page 30.)

 

[17]           Le 7 mars 2007, un agent d’immigration, M. Savard, a fait passer une entrevue au demandeur. Durant l’entrevue, le demandeur a déclaré ce qui suit :

  1. il avait utilisé une fausse identité pour obtenir des documents d’immigration aux États‑Unis;
  2. les trafiquants de drogue avaient passé un [traduction] « contrat » de un million de dollars pour l’éliminer;
  3. les trafiquants de drogue avaient été accusés, condamnés et arrêtés par les autorités aux États‑Unis, puis mis en liberté en février 2007;
  4. la mafia mexicaine voulait sa peau;
  5. il avait attendu trois ans avant de venir au Canada parce qu’il était résolu à obtenir une aide aux États‑Unis.

(Déclaration de M. Savard, précitée, DD, aux pages 44 à 53.)

 

[18]           Le 7 janvier 2008, l’agent Ward Hindson, de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), a téléphoné au Service de police de Memphis, Section des affaires intérieures, pour s’enquérir d’accusations d’abus de pouvoir portées par le demandeur contre les policiers de Memphis. Le lieutenant Whitney, du Service de police de Memphis, a confirmé qu’il avait examiné les archives du Service de police et a dit qu’aucune accusation du genre n’avait été portée contre les policiers désignés par le demandeur. (Déclaration solennelle de Ward Hindson, 7 janvier 2008, DD, à la page 113.)

 

[19]           Le 24 janvier 2008, le demandeur et son avocate d’alors ont été entendus par la SPR. Au cours de l’audience, M. Murillo a déclaré ce qui suit :

a.       les trafiquants avaient besoin de quelqu’un de fiable pour les aider dans l’importation de la drogue et il avait offert son aide (à la page 40);

b.      il devait recevoir la somme de 50 000 $ pour trouver un camion U‑Haul et donner l’alerte avant et pendant l’opération de vente en cas d’irruption de la police (aux pages 45 et 49 à 51);

c.       il croyait que les 15 à 20 boîtes de drogue venaient de la mafia mexicaine (aux pages 51 et 53);

d.      il avait observé les trafiquants transborder la drogue du camion vers le camion U‑Haul et il avait encaissé un chèque pour le chauffeur du camion (à la page 54);

e.       alors qu’il roulait en direction du lieu où la drogue devait être vendue, il avait vu un véhicule de la police de l’État, et il avait donc téléphoné au trafiquant pour lui dire de [traduction] « se débarrasser de la drogue » (aux pages 60 à 62);

f.        il n’avait pas souhaité utiliser son véhicule personnel pour faire le guet, car la police aurait pu le reconnaître (à la page 67).

(Transcription de la procédure, 24 janvier 2008, DCT, aux pages 1 à 124.)

 

[20]           La SPR a rendu sa décision oralement le même jour et a communiqué ses motifs écrits le 5 février 2008. (Motifs et décision, DCT, aux pages 240 à 248; DD, aux pages 4 à 12.)

 

IV.  La question en litige

[21]           La SPR a‑t‑elle commis une erreur en concluant que le demandeur était exclu de la protection, en application de la section Fb) de l’article premier de la Convention sur les réfugiés? (Bains c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1990), 109 N.R. 239, 21 A.C.W.S. (3d) 405 (C.A.F.); Adjei c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1994), 74 F.T.R. 57, 46 A.C.W.S. (3d) 484 (1re inst.), au paragraphe 3.)

 

V.  Analyse

            La norme de contrôle

[22]           La Cour a jugé que la question de l’application de la section Fb) de l’article premier de la Convention sur les réfugiés est une question mixte de droit et de fait, qui doit donc être revue selon la norme de la décision raisonnable. En l’espèce, le demandeur fait valoir que la SPR a négligé de tenir compte des facteurs atténuants quand elle a conclu qu’il était exclu de la protection. Il s’agit là d’une question de fait qui devrait elle aussi être revue selon la norme de la décision raisonnable. (Jayasekara, précitée; Lai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CAF 125, aux paragraphes 68 et 77; Ivanov c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1210, au paragraphe 6; Farkas, précitée, au paragraphe 19; Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190.)

 

La section Fb) de l’article premier de la Convention sur les réfugiés – Principes généraux

[23]           L’objet principal de la section Fb) de l’article premier de la Convention sur les réfugiés est de faire en sorte que ceux qui commettent des crimes graves de droit commun ne puissent obtenir une protection internationale dans le pays où ils demandent l’asile. L’application de la section Fb) de l’article premier de la Convention sur les réfugiés a pour effet de faire perdre au demandeur d’asile la possibilité de recourir au processus de reconnaissance du statut de réfugié au Canada et, donc, la possibilité d’être considéré comme un réfugié au sens de la Convention. (Lai, précité, aux paragraphes 22, 23 et 70.)

 

[24]           Il est bien établi en droit que le ministre a la charge de prouver qu’un demandeur d’asile est exclu de la protection, en application de la section Fb) de l’article premier de la Convention sur les réfugiés. Une audience visant à déterminer si un demandeur d’asile est ou non exclu aux termes de cette disposition ne constitue pas un procès criminel au cours duquel la culpabilité ou l’innocence doit être établie hors de tout doute raisonnable. Il suffit au ministre de montrer qu’il a « des raisons sérieuses de penser » qu’un demandeur d’asile a commis un crime grave de droit commun en dehors du Canada, avant son arrivée au Canada. Il n’appartient pas à la SPR d’établir la culpabilité ou l’innocence du demandeur d’asile. (Vlad, précitée, aux paragraphes 17 et 20; Moreno c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 1 C.F. 298, 107 D.L.R. (4th) 424 (C.A.), au paragraphe 21.)

 

[25]           Le demandeur fait valoir que la SPR a commis une erreur pour ne pas avoir pondéré les facteurs aggravants et les facteurs atténuants avant de conclure à la gravité du crime commis par lui. Plus précisément, il dit que la SPR n’a pas tenu compte de son empressement à reconnaître son rôle dans la perpétration de l’infraction, laissant de côté le fait qu’il n’était qu’un complice dans le trafic de drogue et qu’il n’avait jamais reçu la somme de 50 000 $ pour son rôle dans l’affaire. Le ministre dit que l’argument du demandeur n’a aucun fondement. (Exposé des arguments du demandeur, aux paragraphes 6 à 10, DD, aux pages 372 et 373.)

 

[26]           La SPR n’est nullement tenue de se livrer à un exercice de « pondération » pour savoir si un demandeur d’asile est exclu aux termes de la section Fb) de l’article premier de la Convention sur les réfugiés. Il est raisonnable pour la SPR de recourir, comme critère de ce qui constitue un crime « grave », à l’idée que se fait le droit canadien de cette infraction. Toute infraction punissable en droit canadien d’une peine d’emprisonnement de dix ans constitue un crime « grave ». Il faut se demander si les actes du demandeur d’asile pourraient être considérés comme des crimes en droit canadien. Les tribunaux canadiens ont toujours jugé que le trafic de drogue est un crime grave de droit commun. (Jayasekara, précitée; Farkas, précitée; Chan, précité; Vlad, précitée; Medina, précitée.)

 

[27]           Il n’est pas obligatoire pour la SPR de considérer la « bonne moralité » d’un demandeur d’asile aux termes de la section Fb) de l’article premier de la Convention sur les réfugiés. L’unique facteur susceptible de ressortir à l’égard de la décision de la SPR est celui de savoir si le demandeur d’asile a déjà purgé une peine en dehors du Canada pour le crime en question. La juge Judith Snider s’est prononcée sans détour sur cet argument, dans la décision Vlad, précitée :

[19]      Malheureusement pour le demandeur, la jurisprudence n’appuie pas la notion selon laquelle le dossier antérieur du demandeur ou d’autres facteurs atténuants devraient être pris en compte pour exclure le demandeur en vertu de l’article 98 de la LIPR. Au contraire, comme dans l’arrêt Xie, précité, aux paragraphes 33 à 35, la Cour d’appel fédérale a statué que d’autres facteurs atténuants, comme le danger de torture, ne jouent pas un rôle important dans la décision de la Commission d’exclure un demandeur en vertu de l’article 1F de la Convention. Le seul facteur jugé important par la Cour d’appel fédérale est le facteur qui consiste à établir si le demandeur avait déjà purgé sa peine, qui ne s’applique pas en l’espèce […]

 

 

[28]           La SPR peut considérer toutes les preuves qu’elle juge crédibles pour savoir si un demandeur d’asile est exclu aux termes de la section Fb) de l’article premier de la Convention sur les réfugiés. Elle a en réalité tenu compte des circonstances entourant la gravité du crime commis par le demandeur, en se fondant sur la preuve qu’elle avait devant elle. Par ailleurs, le demandeur ne conteste pas ni ne récuse les conclusions factuelles de la SPR touchant l’opération illégale ou son rôle dans cette opération. Ainsi que l’écrivait la SPR dans ses motifs :

a.       le demandeur a admis avoir apporté son aide « à une importante transaction de drogue, en aidant à la vente et à l’achat de 15 à 20 caisses de marijuana et/ou de cocaïne »;

b.      le demandeur a admis « avoir aidé à trouver le U‑Haul, avoir exploré Memphis pour faciliter la vente et avoir agi à titre de guetteur pendant la vente de la substance désignée pour veiller à ce que la police n’intercepte pas la transaction. [Il] a communiqué avec les autres trafiquants le jour même de la vente pour tenter d’éloigner la police des autres narcotrafiquants. Il allait recevoir 50 000 $ pour sa participation dans ce projet de trafic de drogue. […] »;

c.       l’opération n’a pas eu lieu parce que des [traduction] « flics américains malhonnêtes » ont volé la drogue des chauffeurs de camion et le demandeur a plus tard dénoncé ces flics malhonnêtes à de nombreux fonctionnaires des États‑Unis et du Mexique;

d.      le demandeur n’a pas purgé de peine pour ce crime en dehors du Canada.

(Lai, précité, aux paragraphes 24, 25 et 37; motifs et décision, DCT, aux pages 240 à 242; motifs et décision, DD, aux pages 6 à 8.)

 

[29]           Le demandeur se fonde sur l’arrêt Pushpanathan c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982, pour affirmer que l’objet de la section Fb) de l’article premier de la Convention sur les réfugiés est d’empêcher ceux qui cherchent à se soustraire à la justice d’obtenir l’asile et que, puisqu’il ne cherche pas à se soustraire à la justice, il ne devrait pas être exclu aux termes de cette disposition; cependant, ce précédent doit être distingué de la présente affaire. (Exposé des arguments du demandeur, aux paragraphes 15, 16 et 21, DD, à la page 373.)

 

[30]           Dans l’arrêt Pushpanathan, la Cour suprême du Canada devait interpréter la section Fc) de l’article premier de la Convention sur les réfugiés et, en particulier, devait dire si une personne qui avait plaidé coupable du crime de trafic de drogue au Canada pouvait être exclue de la définition de « réfugié » en raison de l’application de la section Fc) de l’article premier, non en raison de la section Fb). La section Fc) de l’article premier de la Convention sur les réfugiés ne parle pas de « crime grave » et la Cour n’avait évoqué la section Fb) que pour examiner « le chevauchement possible des sections Fc) et Fb) de l’article premier en ce qui concerne le trafic des drogues ». La Cour concluait que « [l]’existence de la section Fb) de l’article premier semble indiquer que même un crime grave de droit commun tel le trafic des drogues ne doit pas être inclus à la section Fc) de l’article premier ». L’arrêt Pushpanathan ne saurait donc venir en aide au demandeur. (Exposé des arguments du demandeur, au paragraphe 21, DD, à la page 374; Farkas, précitée.)

 

[31]           En outre, dans l’arrêt Zrig c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CAF 178, la Cour d’appel fédérale a explicitement rejeté l’argument du demandeur et confirmé qu’il n’est pas nécessaire qu’un crime particulier soit imputé à un demandeur d’asile ou qu’un demandeur d’asile soit accusé de ce crime pour qu’il soit exclu aux termes de la section Fb) de l’article premier. L’unique question à laquelle il faut répondre est celle de savoir s’il y a des raisons sérieuses de penser qu’un demandeur d’asile a commis un crime grave de droit commun. Dans l’arrêt Zrig, la Cour d’appel s’est exprimée sur les commentaires faits par le juge Michel Bastarache dans l’arrêt Pushpanathan :

[67]      Je ne peux lire dans les propos du juge Bastarache, avec respect pour l’opinion contraire, une intention de limiter les crimes de droit commun visés par la section Fb) de l’article premier à ceux susceptibles d’extradition en vertu d’un traité. Une telle limitation serait pour le moins surprenante puisque, d’une part, elle n’est aucunement prévue par le texte de la section Fb) de l’article premier et, d’autre part, cette limitation conduirait à une situation absurde où des criminels susceptibles d’extradition seraient exclus de la protection de réfugié, alors que les criminels non susceptibles d’extradition n’en seraient pas exclus parce que le Canada n’a pas conclu de traité d’extradition avec le pays où les crimes graves de droit commun ont été commis.

 

[68]      Je suis plutôt d’avis que les commentaires du juge Bastarache constituent seulement une indication quant à la nature et à la gravité des crimes qui peuvent tomber sous l’exclusion de la section Fb) de l’article premier, i.e. des crimes sérieux à l’égard desquels les traités d’extradition pourraient recevoir pleine application.

 

 

            La SPR n’a pas commis d’erreur en concluant que le demandeur était exclu aux termes de la section Fb) de l’article premier de la Convention sur les réfugiés

 

[32]           En l’espèce, la SPR a validement jugé que le demandeur était exclu de la protection au Canada en raison de sa participation volontaire à l’importation de 15 à 20 boîtes de cocaïne et de marijuana vers les États‑Unis. Son activité constituait un crime grave de droit commun au Canada, contraire au paragraphe 5(1) de la LRCDAS. La peine maximale qui puisse être imposée pour le trafic de substances désignées est l’emprisonnement à perpétuité, comme le prévoit le paragraphe 5(3) de la LRCDAS. (Motifs et décision, DCT, aux pages 242 et 243, motifs et décisions, DD, aux pages 7 et 8.)

 

[33]           Le demandeur ne conteste pas qu’il a volontairement transporté la drogue en aidant à trouver un camion U‑Haul, en conseillant les trafiquants à propos de Memphis et en explorant la région, en maintenant un contact quotidien avec les trafiquants et en faisant le guet en cas d’irruption éventuelle de la police au cours de la période prévue de l’opération. Son rôle dans ces activités en a fait un « participant à l’infraction », selon le paragraphe 21(1) du Code criminel. (Motifs et décision, DCT, à la page 243, motifs et décision, DD, à la page 8.)

 

[34]           Après que la SPR juge qu’un demandeur d’asile est exclu aux termes de la section Fb) de l’article premier de la Convention sur les réfugiés, il lui est impossible de dire que le demandeur d’asile est néanmoins admissible à une protection. Dans l’arrêt Xie c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 250, [2005] 1 R.C.F. 304, la Cour d’appel écrivait :

[38]      […] Dès lors qu’elle avait conclu que l’exclusion s’appliquait, la Commission avait fait tout ce qu’elle devait faire pour l’appelante et elle ne pouvait rien faire de plus pour elle. L’appelante était dès lors exclue du droit à l’asile, une question qui relevait de la compétence de la Commission, et son seul recours était de présenter une demande de protection, une question qui ressortissait au ministre. […]

 

(Sont également mentionnées les décisions suivantes : Ivanov c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1210, 261 F.T.R. 211, au paragraphe 14; Atef c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1995] 3 C.F. 86, 32 Imm. L.R. (2d) 106, au paragraphe 16.)

 

VI.  Conclusion

[35]           Le demandeur n’ayant pas avancé un argument défendable selon lequel la SPR avait commis une erreur en concluant qu’il était exclu aux termes de la section Fb) de l’article premier de la Convention sur les réfugiés, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.


 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

2.                  Aucune question grave de portée générale n’est certifiée.

 

« Michel M.J. Shore »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, juriste-traducteur


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM‑930‑08

 

INTITULÉ :                                       LEOPOLDO QUINTANA MURILLO

                                                            c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 VANCOUVER (C.‑B.)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 11 AOÛT 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       LE 26 AOÛT 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Peter Edelmann

 

POUR LE DEMANDEUR

Hilla Aharon

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Peter Edelmann

Avocat

Vancouver (C.‑B.)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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