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Date : 20080818

Dossiers : T-1661-07

T-1472-07

 

Référence : 2008 CF 955

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 18 août 2008

En présence de monsieur le protonotaire Kevin R. Aalto

 

ENTRE :

Dossier : T-1661-07

DATATREASURY CORPORATION

demanderesse

et

BANQUE ROYALE DU CANADA; BANQUE DE NOUVELLE-ÉCOSSE; BANQUE

TORONTO-DOMINION; BANQUE CANADIENNE IMPÉRIALE DE COMMERCE;

BANQUE DE MONTRÉAL; BANQUE NATIONALE DU CANADA; SYMCOR INC. et

INTRIA ITEMS INC.

défenderesses

ET ENTRE :

Dossier : T-1472-07

            BANQUE TORONTO-DOMINION; BANQUE DE MONTRÉAL; et

BANQUE ROYALE DU CANADA

demanderesses

et

 

DATATREASURY CORPORATION

défenderesse

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Il s’agit en somme d’une requête en vue de fixer les modalités et les conditions d’une ordonnance de non-divulgation. Toutes les parties conviennent qu’une ordonnance de non-divulgation s’impose afin de préserver l’aspect confidentiel de la technologie brevetée dont il est question dans le cadre des présentes procédures, des renseignements relatifs aux prix et aux coûts des parties, ainsi que des pratiques commerciales des parties, y compris les modalités et conditions de l’homologation et des accords de règlement.

 

[2]               Les parties s’entendent dans l’ensemble sur la forme de l’ordonnance de non-divulgation, exception faite d’un paragraphe qui soulève un profond désaccord. Par souci de simplicité, ce paragraphe est désigné comme étant la « clause restreignant la divulgation au Canada » et se trouve dans l’ordonnance de non-divulgation proposée par les défenderesses dans le dossier T-1661-07 et par les demanderesses dans le dossier T-1472-07 (collectivement appelées le « Groupe bancaire » pour plus de commodité). La clause se lit comme suit :

[traduction] 22)       Dans l’éventualité où l’une ou l’autre des parties souhaite empêcher l’exportation, la transmission ou la communication par un quelconque autre moyen, à l’extérieur du Canada, de renseignements confidentiels désignés ou de renseignements à l’usage exclusif des avocats désignés, la partie qui produit l’information doit faire parvenir une demande écrite à la partie qui la reçoit,  qui répondra par écrit à la partie qui produit l’information dans les sept (7) jours suivant la réception de la demande. Si la partie qui reçoit l’information refuse la demande, la partie qui produit l’information dispose de quatorze (14) jours suivant la réception de la réponse écrite pour signifier et déposer un avis de requête afin de demander une ordonnance empêchant la divulgation des renseignements visés à l’extérieur du Canada. Si la partie qui produit l’information ne présente pas de requête dans le délai imparti, la partie qui reçoit l’information est libre de divulguer les renseignements en question à l’extérieur du Canada, sous réserve des modalités et conditions de la présente ordonnance et de toute autre restriction applicable. Sinon, la partie qui reçoit l’information n’est pas autorisée à exporter, à transmettre ou à communiquer par un quelconque autre moyen les renseignements à l’extérieur du Canada tant que la décision définitive relative à la requête, y compris tout appel éventuel, n’est pas rendue et sous réserve de cette décision;

 

[3]               Le Groupe bancaire soutient que certains documents susceptibles d’être communiqués dans le cadre des présentes procédures ne devraient pas pouvoir être envoyés aux États-Unis. DataTreasury Corporation (« DataTreasury ») fait valoir qu’une telle restriction lui causerait un préjudice considérable puisque sa base de données documentaire centrale, ses conseillers en gestion de documents, son avocat aux États-Unis, ses témoins et ses experts se trouvent tous aux États-Unis. Il semble en effet que DataTreasury ait regroupé ces services à un seul endroit parce qu’elle est également partie à un litige l’opposant à diverses institutions bancaires et autres sociétés aux États-Unis.

 

[4]               En somme, le Groupe bancaire affirme craindre que l’envoi éventuel de certains documents aux États-Unis lui occasionne des problèmes relativement à la PATRIOT Act des États-Unis, à la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (LPRPDE) et à la règle de l’engagement tacite. Plus précisément, le Groupe bancaire exprime les préoccupations suivantes concernant une ordonnance de non-divulgation ne comprenant pas de clause restreignant la divulgation au Canada :

 

a.                   les banques canadiennes sont visées par des plaintes très médiatisées en matière de protection de la vie privée, en lien avec les lois antiterroristes;

b.                  il existe un risque que ces procédures donnent lieu à des plaintes similaires et soient très préjudiciables à la réputation du Groupe bancaire;

c.                   il n’existe aucune règle d’engagement tacite aux États-Unis;

d.                  la sécurité du système bancaire canadien pourrait être inutilement compromise si l’on permettait la sortie du pays de renseignements détaillés portant sur les réseaux qu’il utilise pour traiter les documents financiers.

 

[5]               Les parties ont déposé des dossiers volumineux pour appuyer leurs positions respectives. En réponse au dossier de requête de DataTreasury, le Groupe bancaire, et cela est tout à son honneur, n’a déposé qu’un seul dossier de requête et un seul recueil d’observations écrites au nom de tous ses membres.  Puis, DataTreasury a déposé un dossier de réponse à la requête à la suite du dossier de requête déposé par le Groupe bancaire qui comprend un élément de preuve supplémentaire sous la forme d’un affidavit. Le Groupe bancaire a enfin déposé une brève réponse à la réplique de DataTreasury qui vient non seulement contredire le dossier de réponse à la requête, mais également l’affidavit supplémentaire présenté par DataTreasury. L’affidavit en question est celui de M. Sheppard Lane, avocat général à l’extérieur des États-Unis pour DataTreasury. En dépit des plaintes de diverses parties qui affirment s’être senties prises au piège par la [traduction] « prétendue » réponse de DataTreasury (pour reprendre les termes du Groupe bancaire), tous les documents présentés ont en définitive été examinés avec soin et ont été jugés essentiels pour rendre une décision sur l’ordonnance de non-divulgation proposée.    

 

[6]               Pour donner du poids à son argumentation afin qu’une clause restreignant la divulgation au Canada figure dans l’ordonnance de non-divulgation, le Groupe bancaire a déposé l’affidavit d’Annie Thériault, une avocate appartenant au Barreau du Québec qui occupe le poste de cadre responsable de la protection des renseignements personnels au sein du secteur des risques opérationnels et des risques à la réputation de la Banque Nationale du Canada (« Banque Nationale »). Dans le cadre de ses responsabilités, elle doit notamment veiller à ce que le Groupe financier de la Banque Nationale respecte les exigences de la LPRPDE et d’autres lois applicables en matière de protection des renseignements personnels.

 

[7]               Mme Thériault, dans son affidavit, se fonde sur des renseignements et des opinions de l’avocat de la Banque Nationale pour affirmer que le Groupe bancaire pourrait devoir, pendant le processus de communication de documents et d’interrogatoires préalables, transmettre à DataTreasury un certain nombre de documents, y compris des documents portant sur la saisie, la transmission, le traitement et le stockage électroniques d’instruments financiers, parmi lesquels des chèques. Pour l’heure, le Groupe bancaire n’a pas encore commencé à transmettre de documents à DataTreasury. Mme Thériault déclare également que si les documents produits par le Groupe bancaire sont envoyés aux États-Unis, il sera contraint d’enclencher des procédures onéreuses afin d’obtenir de clients actuels leur consentement afin que soient divulgués des renseignements personnels, ce qui pourrait faire croire au public que des renseignements personnels pourraient être envoyés aux États-Unis uniquement pour accommoder DataTreasury et les inciter à déposer une plainte auprès du Commissaire à la protection de la vie privée du Canada, occasionnant du même coup un grave préjudice à la réputation du Groupe bancaire. Dans un effort pour donner encore plus de poids à son argumentation, Mme Thériault présente des résumés de conclusions d’enquête en vertu de la LPRPDE et des coupures de presse portant sur DataTreasury et ses activités recueillies grâce à une recherche dans Google.

 

[8]               Mme Thériault avance également que le Groupe bancaire a une politique de protection des renseignements personnels stricte en ce qui concerne la collecte, l’utilisation et la divulgation des renseignements personnels de ses clients et cite en exemple la politique de la Banque Nationale en matière de protection des renseignements personnels. Cette politique interdit la communication ou la production volontaires des renseignements personnels d’un client à une partie adverse dans le contexte d’un litige, mais autorise la divulgation ou la production de renseignements personnels lorsqu’une ordonnance de la Cour l’exige.

 

[9]               Pour tous ces motifs, le Groupe bancaire soutient que la clause restreignant la divulgation au Canada énoncée précédemment doit à tout prix figurer dans l’ordonnance de non-divulgation. Il importe ici de mentionner qu’une telle clause donne lieu à un protocole à respecter pour l’envoi de documents à l’extérieur du Canada. C’est à la partie qui produit l’information qu’il appartient d’enclencher le protocole en demandant que les documents ne soient pas envoyés à l’extérieur du Canada. Si la partie qui reçoit le document refuse la demande, la partie qui produit l’information est tenue de signifier et de déposer un avis de requête relativement à la divulgation du document en question. Si aucune requête n’est présentée, la partie qui reçoit le document est libre de l’envoyer à l’extérieur du Canada.

 

[10]           Nul ne peut mettre en doute la légitimité de la crainte exprimée par le Groupe bancaire. En effet, une fois que les documents sortent du territoire du Canada et se retrouvent aux États-Unis, qui sait à qui ils pourraient être communiqués et quelle emprise aura DataTreasury sur leur communication?  Cela dit, rien dans les documents déposés n’indique que DataTreasury, ses avocats ou ses conseillers divulgueraient de quelque manière que ce soit et volontairement l’information à des tiers ou enfreindraient leur obligation qui consiste à veiller à ce que les documents et les renseignements divulgués en vertu des obligations en matière de communication prévues dans les présentes procédures soient assujettis à la règle de l’engagement tacite voulant que les documents et les renseignements ne soient pas utilisés à des fins autres que celles prévues dans le cadre de ces procédures. Si la clause restreignant la divulgation au Canada se veut une tentative louable d’apaiser ces préoccupations, il y a toutefois de fortes chances, considérant les circonstances de cette instance et le volume considérable de documents que les parties entendent produire, qu’un tel protocole donne lieu à une suite sans fin de requêtes et enlise ces procédures dans d’interminables querelles et procédures interlocutoires qui verront malgré tous les documents être envoyés aux États-Unis.

 

[11]           Dans sa réponse, DataTreasury fait valoir trois arguments : en premier lieu, le Groupe bancaire n’a pas démontré qu’il y a un fondement juridique ou factuel à l’ajout d’une clause restreignant la divulgation au Canada à l’ordonnance; en deuxième lieu, les restrictions géographiques, les productions de documents assujetties à de telles restrictions ou les mécanismes prévoyant de telles restrictions lui causeraient un préjudice considérable; et, en troisième lieu, les mécanismes prévoyant des restrictions géographiques seraient prématurés et, de toute façon, redondants puisqu’il existe déjà des mécanismes pour tenter d’obtenir le même résultat (c.-à-d. le processus de gestion des instances ou une requête).

 

[12]           Sur ce dernier point, il convient de noter que la présente instance est soumise à la procédure de gestion de l’instance pratiquement depuis le départ et que toute question peut être présentée à la Cour au moyen de la tenue d’une conférence sur l’état de l’instance. Par ailleurs, nonobstant les dispositions de toute ordonnance de non-divulgation, la Cour possède le pouvoir inhérent de contrôler ses propres procédures. Lorsqu’une affaire est soumise au processus de gestion des instances, les parties peuvent, par voie de conférence sur l’état de l’instance, demander à la Cour des directives sur toute question susceptible de se présenter dans le cadre des procédures et la saisir d’une question précise concernant la production d’un document en particulier si une telle question se présente. Dans ces circonstances, une clause prévoyant précisément un « retour devant la Cour » devrait figurer dans l’ordonnance de non-divulgation afin qu’il ne subsiste aucun doute quant aux droits des parties de demander l’intervention de la Cour si elles le jugent nécessaire.   

 

[13]           Concernant son premier point, DataTreasury souligne les faiblesses relevées dans l’affidavit présenté par Mme Thériault. L’entreprise note que Mme Thériault y va essentiellement de spéculations et d’hypothèses concernant les renseignements personnels qui [traduction] « risquent » ou [traduction] « sont susceptibles » d’être envoyés aux États-Unis. DataTreasury s’en prend également au fait qu’un seul membre du Groupe bancaire a déposé un affidavit et qu’aucun des autres membres n’a jugé bon de le faire. Je rejette cependant ce dernier argument, puisque le Groupe bancaire dans son ensemble a travaillé de concert pour présenter à la Cour une position par l’intermédiaire d’un seul déposant. Il y a lieu de noter que Mme Thériault parle au nom de l’industrie bancaire dans son ensemble et que son expérience, qu’elle expose dans son affidavit, lui donne toute la crédibilité nécessaire pour ce faire. Je ne tire donc aucune conclusion du fait qu’aucun autre membre du Groupe bancaire n’a présenté d’élément de preuve et j’accepte la preuve présentée par Mme Thériault au nom de tous les membres du Groupe bancaire.

 

[14]           L’affidavit de Mme Thériault a soulevé d’autres contestations, dont une en particulier de DataTreasury qui m’apparaît fort convaincante et qui concerne la référence au Résumé de conclusions d’enquête en vertu de la LPRPDE no 313, lequel figure en pièce jointe à l’affidavit en question. Ce résumé de conclusions d’enquête en vertu de la LPRPDE porte le titre suivant : « Un avis expédié aux clients d’une banque suscite des inquiétudes à propos de la USA PATRIOT Act » et concerne la Banque Canadienne Impériale de Commerce (CIBC), qui fait partie du Groupe bancaire dans la présente instance. Dans ce résumé, la CIBC reconnaît avoir envoyé des renseignements personnels de ses clients aux États-Unis aux fins de traitement et de stockage par un tiers. La décision rendue relativement à ces plaintes en matière de protection des renseignements personnels qu’a attirées cette pratique d’impartition était qu’elles étaient non fondées.

 

[15]           En guise de réplique à ce résumé de conclusions d’enquête, DataTreasury a déposé un affidavit de M. Lane qui démontre que d’autres membres du Groupe bancaire ont également recours à des pratiques d’impartition qui comprennent le transfert de renseignements personnels aux États-Unis. De fait, le Groupe bancaire admet dans sa réplique qu’il [traduction] « envoie à l’heure actuelle des renseignements liés aux clients à des fournisseurs de services aux États-Unis aux fins de traitement ». Il explique également que les résumés de conclusions d’enquête en vertu de la LPRPDR cités dans les documents font référence à des activités précises qui procédaient de [traduction] « réalités commerciales » et que la banque en question avait au préalable envoyé un avis aux clients concernés pour les informer de la possibilité que leurs renseignements personnels sortent du pays. Si des réalités commerciales inhérentes aux activités de ces institutions bancaires peuvent les autoriser à envoyer des renseignements relatifs à des clients aux États-Unis, elles sont toutefois tenues « par la loi », dans le cadre des présentes procédures, de produire les documents qui sont pertinents. Ces documents doivent figurer dans l’affidavit d’énumération des documents. Dès lors qu’un document y figure, une partie peut obtenir de la partie adverse une copie de ce document. La partie qui reçoit le document est assujettie à la règle de l’engagement tacite. Les Règles des Cours fédérales ne comprennent aucune disposition qui empêche l’envoi de la copie du document à l’extérieur du Canada.

 

[16]           Le Groupe bancaire qualifie également la réception des documents par DataTreasury à son bureau central des litiges au Texas comme une simple question de [traduction] « commodité ». La preuve démontre toutefois que DataTreasury analyse et examine les documents à partir d’un seul site centralisé. Il ne s’agit donc pas uniquement d’une question de [traduction] « commodité » lorsqu’un volume considérable de documents risque d’être produit. Qui plus est, la clause restreignant la divulgation au Canada limite dans une certaine mesure le droit de l’avocat au Canada de montrer des documents pertinents à son client aux États-Unis et de recevoir des directives (voir, par exemple, Molson Breweries c. Labatt Brewing, 43 C.P.R. (3d) 61 (C.A.F.)).

 

[17]           DataTreasury souligne qu’aucun exemple concret de documents susceptibles de soulever des préoccupations n’a été relevé par le Groupe bancaire, qui s’est contenté de parler du spectre général de l’exportation de renseignements personnels au sujet de clients aux États-Unis et du risque que ces renseignements puissent être d’une quelconque manière utilisés à des fins qui sortent du cadre de ces procédures ou doivent être divulgués aux autorités américaines. Sur ce point, DataTreasury n’a pas tort, puisque Mme Thériault prétend dans son affidavit que l’envoi de documents aux États-Unis pourrait représenter un risque pour le système bancaire canadien, sans toutefois donner d’exemple concret. Quoi qu’il en soit, DataTreasury a assuré qu’elle n’avait aucun intérêt envers les renseignements personnels des clients du Groupe bancaire. Il est question dans cette instance du traitement électronique d’instruments financiers et non des clients qui en font usage.

 

[18]           En outre, DataTreasury assure que les renseignements personnels d’une personne peuvent être expurgés des documents puisqu’ils n’ont aucune pertinence dans ce litige et n’ont pas besoin d’être produits. Par conséquent, il n’y a pas lieu de craindre que des renseignements personnels soient d’une façon ou d’une autre rendus publics ou utilisés à des fins autres que celles prévues dans le cadre de ces procédures aux États-Unis. Ainsi, toute préoccupation que pouvait avoir le Groupe bancaire concernant la non-application de la LPRPDE à ces renseignements n’a pour ainsi dire plus lieu d’être.

 

[19]           En ce qui concerne l’argument du Groupe bancaire selon lequel il pourrait devoir entamer le processus coûteux d’obtention du consentement des clients actuels pour divulguer leurs renseignements personnels, la réponse est fort simple : puisqu’aucun renseignement personnel précis n’est nécessaire dans le cadre des présentes procédures et n’a donc pas à être produit, le Groupe bancaire n’aura à entamer aucun processus onéreux autre que le caviardage des documents.

 

[20]           Il convient également de noter qu’une organisation est autorisée, en vertu du paragraphe 7(3) de la LPRPDE, à communiquer des renseignements personnels à l’insu de l’intéressé et sans son consentement si la divulgation :

  [...] est exigée par assignation, mandat ou ordonnance d’un tribunal, d’une personne ou d’un organisme ayant le pouvoir de contraindre à la production de renseignements ou exigée par des règles de procédure se rapportant à la production de documents;

 

[...] (i) est exigée par la loi.

 

 

[21]           D’après les éléments de preuve, la Banque Nationale avise, à tout le moins, ses clients de cette disposition législative et de la possibilité qu’elle s’applique. Dans le cas présent, les documents devant être produits sont exigés « par la loi » ainsi que par les dispositions des Règles des Cours fédérales relatives à la production de documents.

 

[22]           Mise à part la clause restreignant la divulgation au Canada, les intérêts du Groupe bancaire sont protégés par plusieurs autres restrictions contenues dans l’ordonnance de non-divulgation proposée pour encadrer l’accès aux documents; en effet, l’ordonnance contient des règles limitant les personnes autorisées à avoir accès aux documents, prévoit différents niveaux de confidentialité et comprend des exigences obligeant les personnes ayant accès aux documents à signer un engagement. Le Groupe bancaire ne cite aucune disposition précise de la PATRIOT Act ou d’une quelconque autre loi qui autoriserait le gouvernement des États-Unis à saisir des documents de DataTreasury. Dans les faits, il ne s’agit que d’une possibilité, et non d’une réalité absolue. Comme il a été mentionné précédemment, plusieurs membres du Groupe bancaire procèdent déjà à des activités d’impartition dans le cadre desquelles des renseignements personnels de clients sont envoyés aux États-Unis.

[23]           DataTreasury étant partie à un litige dont est saisie la Cour, celle-ci dispose de moyens de sanctionner DataTreasury, son avocat et son conseiller si d’aventure ils ne se conformaient pas aux obligations inhérentes à l’engagement tacite et de veiller à ce que tout document reçu par le biais du processus de production de documents ne soit pas utilisé à mauvais escient.

 

[24]           D’ailleurs, cette affaire est tout indiquée pour l’ajout, en des termes très précis, de la règle de l’engagement tacite à l’ordonnance de non-divulgation afin que toute personne qui ne connaît les règles de la Cour saisisse bien l’importance de la règle de l’engagement tacite. C’est cette solution qu’avait privilégiée le protonotaire Dash, de la Cour supérieure de justice de l’Ontario, dans une affaire où l’on craignait qu’une partie assujettie à l’engagement tacite afin de garder une certaine emprise sur l’utilisation de la preuve obtenue lors de l’enquête préalable et l’accès à celle-ci ne respecte pas l’engagement du fait de l’envoi de l’information et de la preuve documentaire aux États-Unis (voir Hallstone Products Ltd. c. Canada (Customs & Revenue Agency), [2005] OJ no 5296). Le protonotaire Dash avait noté plus particulièrement [traduction] qu’« une ordonnance d’une cour canadienne pourrait avoir plus de poids pour une cour américaine qu’un engagement tacite ».

 

[25]           Tout bien considéré, aussi légitime que puisse être la préoccupation soulevée par le Groupe bancaire, qui souhaite préserver sa réputation en tant qu’institution bancaire auprès de ses clients et la sécurité de ses activités, je ne suis pas convaincu qu’une clause restreignant la divulgation au Canada devrait figurer dans l’ordonnance de non-divulgation. Pour tirer cette conclusion, je me suis appliqué à trouver un juste milieu entre les droits de DataTreasury de disposer des copies des documents et de les examiner à son bureau central des litiges au Texas et les préoccupations du Groupe bancaire concernant les répercussions qu’aura sur ses activités et sa réputation l’envoi de ses documents aux États-Unis. Je suis ainsi arrivé à la conclusion que les préoccupations du Groupe bancaire peuvent être apaisées par les dispositions suivantes :

(a)        la loi exige que le Groupe bancaire transmette les documents pertinents à DataTreasury;

(b)        tout document ainsi produit est assujetti à la clause de confidentialité de l’ordonnance de non-divulgation;

(c)        le paragraphe 7(3) de LPRPDE s’appliquera sous l’effet, à la fois, des Règles des Cours fédérales et d’une ordonnance de la Cour exigeant que les documents produits soient assujettis à l’ordonnance de non-divulgation et que ces documents soient examinés par DataTreasury sans aucune contrainte quant à l’emplacement géographique où ils peuvent être examinés;

(d)        les parties, leurs avocats et leurs conseillers doivent tous se plier aux exigences de la règle de l’engagement tacite, laquelle sera explicitement formulée dans l’ordonnance de non-divulgation;

(e)        les renseignements personnels des clients du Groupe bancaire n’ont pas à être produits et peuvent être caviardés;

(f)         l’ordonnance de non-divulgation comprendra une clause de « retour devant la Cour » autorisant une partie à soumettre à la Cour toute question précise concernant la production d’un document en particulier;

(g)        l’ordonnance de non-divulgation comprendra une exigence afin que toute personne autorisée à consulter les documents de la partie adverse signe un engagement reconnaissant le caractère confidentiel dudit document.

Les parties doivent présenter à la Cour une proposition d’ordonnance de non-divulgation conforme aux présents motifs de décision.

 

 

ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE ce qui suit :

 

1.                  L’ordonnance de non-divulgation proposée qui est jointe à l’avis de requête de DataTreasury en tant qu’annexe « A » doit être modifiée afin de comprendre :

a.                   une disposition expliquant la règle de l’engagement tacite à laquelle les parties, leurs avocats et leurs conseillers doivent se conformer;

b.                  une disposition donnant à toutes les parties le droit de revenir devant la Cour pour lui soumettre toute question précise concernant un document en particulier;

c.                   une disposition qui prévoit que les renseignements personnels de clients du Groupe bancaire n’ont pas à être produits et peuvent être caviardés;

d.                  une disposition pour que les documents produits susceptibles d’être envoyés aux États-Unis pour y être examinés soient approuvés par la Cour et soient assujettis à l’ordonnance de non-divulgation qu’elle a prononcée.

 

2.                  Les dépens afférents à la présente requête suivront l’issue de la cause.

    « Kevin R. Aalto »

Protonotaire


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIERS :                                                  T-1661-07

                                                                        T-1472-07

 

INTITULÉ :                                                   DATATREASURY CORPORATION et

BANQUE ROYALE DU CANADA; BANQUE DE NOUVELLE-ÉCOSSE; BANQUE TORONTO-DOMINION; BANQUE CANADIENNE IMPÉRIALE DE COMMERCE; BANQUE NATIONALE DU CANADA; SYMCOR INC. et INTRIA ITEMS INC.

                                                                        et

BANQUE TORONTO-DOMINION, BANQUE DE MONTRÉAL et BANQUE ROYALE DU CANADA

et DATATREASURY CORPORATION

 

REQUÊTE EXAMINÉE À TORONTO (ONTARIO) CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 369 DES RÈGLES

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                   PROTONOTAIRE AALTO

 

DATE :                                                           Le 18 août 2008                                             

 

OBSERVATIONS ÉCRITES

 

Robert H. C. MacFarlane

Andrew I. McIntosh

John H. Simpson                                                          POUR LES DÉFENDERESSES

Banque Canadienne Impériale de Commerce et Intria Items Inc.

 

John R. Morrissey

Alistair Simpson

Mark G. Biernacki                                                        POUR LA DÉFENDERESSE

Symcor Inc.

 

Ronald E. Dimock                                                        POUR LES DÉFENDERESSES

Jenna L. Wilson                                                            Banque Royale du Canada, Banque

Etienne P. deVilliers                                                      Toronto-Dominion et Banque de Montréal

Alan Macek

 

François Grenier

Alexandra Steele                                                          POUR LA DÉFENDERESSE

                                                                                    Banque Nationale du Canada

 

Brian W. Gray

Allyson Whyte Nowak

Christopher Hunter                                                       POUR LA DÉFENDERESSE

                                                                                    Banque de Nouvelle-Écosse

 

François Grenier                                                           POUR LA DÉFENDERESSE

Alexandra Steele                                                          Banque Nationale du Canada

 

Tim Glibert                                                                   POUR LA DEMANDERESSE

Shonagh McVean

Sara Chesworth

 

                        

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

BERESKIN & PARRJACKMAN & ASSOCIATES

Toronto (Ontario)                                                         POUR LES DÉFENDERESSES

Banque Canadienne Impériale de Commerce et Intria Items Inc.

 

SMART & BIGGAR

Toronto (Ontario)                                                         POUR LA DÉFENDERESSE

Symcor Inc.

                                                                                   

DIMOCK STRATTON LLP

Toronto (Ontario)                                                         POUR LES DÉFENDERESSES

                                                                                    Banque Royale du Canada, Banque

                                                                                    Toronto-Dominion et Banque de                                                                                               Montréal

 

OGILVY RENAULT S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Toronto (Ontario)                                                         POUR LA DÉFENDERESSE

                                                                                    Banque de Nouvelle-Écosse

 

LÉGER ROBIC RICHARD S.E.N.C.R.L.

Montréal (Québec)                                                       POUR LA DÉFENDERESSE

                                                                                    Banque Nationale du Canada

 

GILBERT’S LLP                                                         POUR LA DEMANDERESSE

Toronto (Ontario)

 

John H. Simms, c.r.

Sous-procureur général du Canada                               POUR LA DEMANDERESSE

 

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