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Date : 20080813

Dossier : T-2223-07

Référence : 2008 CF 947

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Vancouver (Colombie-Britannique), le 13 août 2008

En présence de monsieur Roger R. Lafrenière, protonotaire

 

ENTRE :

SHIELDS FUELS INC.

demanderesse

et

 

MORE MARINE LTD., MORECORP HOLDINGS LTD.,

KERRY MORRIS, M.V. « GULF RANGER »,

ET LA BARGE « MM ORCA »

défenderesses

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

LE PROTONOTAIRE LAFRENIÈRE

 

[1]               La demanderesse, Shields Fuels Inc. (Shields), sollicite une ordonnance selon les paragraphes 223(1) et 226(1) et l’article 227 des Règles des Cours fédérales, demandant que les défenderesses More Marine Ltd. et Morecorp Holdings Ltd. (les sociétés défenderesses) fournissent des affidavits supplémentaires de documents présentant les états financiers des deux entreprises pour les années 2007 et 2008, y compris les bilans mensuels et l’état des résultats.

Contexte

[2]               Shields est une entreprise vendant des produits pétroliers à divers clients sur la côte de la Colombie-Britannique. Le 20 décembre 2007, elle a intenté un recours en dommages et intérêts pour bris de contrat à l’encontre des sociétés défenderesses, de leur président et de la barge « MM Orca » (la barge de la défenderesse). Elle demande également à la Cour de rendre une injonction permanente interdisant aux défenderesses de transporter le combustible converti appartenant prétendument à Shields à bord de la barge de la défenderesse. La barge de la défenderesse a été saisie peu de temps après le dépôt de la poursuite.

 

[3]               Les défenderesses ont déposé leur défense ainsi qu’une demande reconventionnelle le 6 février 2008, niant que la défenderesse More Marine Ltd. avait conclu un contrat de transport avec Shields et que Shields avait subi des dommages-intérêts. Dans leur demande reconventionnelle, les défenderesses revendiquent un privilège sur les stocks de combustible se trouvant à bord de la barge de la défenderesse « MM Orca » et demandent le paiement de dommages-intérêt pour la saisie illégale et continue de la barge de la défenderesse.

 

[4]               Peu après avoir signifié leurs affidavits de documents le 1er mai 2008, les défenderesses ont envoyé une ébauche de défense et une ébauche de demande reconventionnelle modifiées (qui ont depuis été déposées avec le consentement des parties). Au sous-alinéa 14(e) de la demande reconventionnelle, les défenderesses allèguent que Shields a fait saisir la barge de la défenderesse afin de tirer avantage des défenderesses [traduction] « alors que la demanderesse savait ou aurait dû savoir que les sociétés défenderesses n’avaient pas les moyens de payer un cautionnement ».

 

[5]               Lors de l’interrogatoire préalable tenu le 8 mai 2008, les représentants des défenderesses ont affirmé que More Marine Ltd. [traduction] « ne possédait pas les fonds » et que sa capacité financière était insuffisante pour fournir le cautionnement de 10 000 $ exigé pour la libération de la barge de la défenderesse. Shields a donc demandé que les sociétés défenderesses produisent leurs états financiers des années 2007 et 2008 afin de fouiller la question de leurs moyens financiers lors d’un interrogatoire préalable.

 

[6]               Après plusieurs demandes, les défenderesses ont produit un bilan non vérifié daté du 31 mai 2008. Shields est d’avis que ces documents sont insuffisants pour lui permettre d’interroger les défenderesses sur leur capacité de fournir un cautionnement. Selon le directeur des finances de Shields, pour être en mesure de calculer si les sociétés défenderesses possèdent les liquidités nécessaires, il est indispensable qu’elles fournissent à tout le moins les bilans mensuels et l’état des résultats pour la période en question ou, subsidiairement, qu’elles produisent leurs comptes débiteurs et le livre comptable des décaissements ou un registre équivalent de l’argent reçu et décaissé.

 

[7]               Le 18 juin 2008, les défenderesses ont déposé les sûretés suffisantes pour permettre à la barge de la défenderesse d’être libérée.

 

[8]               Dans son affidavit déposé en contestation de la requête, M. Kerry Morris, président des sociétés défenderesses, déclare que les défenderesses ont produit tous les registres financiers pertinents qui sont ou qui étaient en leur possession. M. Morris déclare que les rapports produits sont les seuls rapports utilisés par les parties défenderesses. Il explique que tant les registres des comptes à payer que ceux des comptes clients sont mis à jour au moment où le paiement est fait ou est reçu, [traduction] « puis disparaissent ». Il affirme que ni les employés actuels des défenderesses ni lui-même ne possèdent la connaissance nécessaire du système comptable pour produire des rapports différents. Afin d’établir si les rapports particuliers demandés par Shields pourraient être produits, les défenderesses devraient engager un consultant ou l’ancien employé ayant mis en place le système de déclaration financière des sociétés défenderesses, ce qui entraînerait des coûts pouvant aller de 500 $ à 750 $.

 

[9]               Lors de l’audience sur la requête, l’avocat de Shields a affirmé que sa cliente avait offert d’envoyer un technicien à ses propres frais pour récupérer les renseignements de la base de données des sociétés défenderesses, mais que les défenderesses ont décliné cette offre.

 

Analyse

[10]           La seule question en litige soulevée par la présente requête est de savoir si les défenderesses doivent être contraintes de produire des documents qui n’existent pas à l’heure actuelle.

 

[11]           L’avocat des défenderesses reconnaît qu’en temps normal, si un document pertinent existe en format électronique, il devrait être produit. L’avocat ne conteste pas que les renseignements comptables en possession des défenderesses sont pertinents, mais plaide que, les rapports n’existant pas dans la forme demandée par Shields, les parties défenderesses ne devraient pas être contraintes à dépenser du temps et des ressources pour créer des documents sur mesure.

 

[12]           Les articles 222 à 226 visent la production de documents « en la possession, sous l’autorité ou sous la garde » d’une partie. Les données électroniques et les renseignements les plus pertinents étant sous la « garde » d’une partie sont ceux pouvant être consultés par les utilisateurs de l’ordinateur d’une partie dans le cours normal des activités d’une entreprise, également connus sous le terme de données actives.

 

[13]           Les articles ne doivent toutefois pas être interprétés d’une façon si étroite qu’ils empêcheraient une partie d’obtenir d’autres renseignements pertinents, comme des données d’archives étant encore facilement accessibles et n’étant pas désuètes. En exerçant son pouvoir discrétionnaire d’ordonner ou non la production des documents, la Cour doit tenir compte des coûts engendrés pour créer le registre par rapport à la pertinence et à la valeur probante que pourrait revêtir ledit registre.

 

Conclusion

[14]           En fonction des éléments de preuve qui m’ont été présentés, je ne peux conclure que les parties défenderesses ont fait les efforts raisonnables pour trouver ou générer les rapports demandés par Shields. Les renseignements demandés par Shields sont des archives de registres comptables de base qui devraient être accessibles à une société dans le cours normal de ses activités. Le témoignage de M. Morris n’est pas très utile, puisqu’il admet ne pas connaître le système comptable des défenderesses et les différents rapports qui pourraient être créés à l’aide du logiciel disponible. Comme il semble exister un programme pouvant imprimer un rapport dans une forme lisible à peu de frais pour les parties défenderesses, je conclus que la requête de la demanderesse doit être accordée.


ORDONNANCE

            LA COUR ORDONNE :

 

1.                  Que d’ici le 21 août 2008 inclusivement, les défenderesses fournissent à la demanderesse un affidavit supplémentaire de documents faisant état des bilans mensuels pour chacune des sociétés défenderesses pour chaque mois du 31 décembre 2007 au 31 juillet 2008 ou qu’elles fournissent une liste des reçus de caisse et des débours faits par les sociétés défenderesses entre le 1er décembre 2007 et le 31 juillet 2008;

 

2.                  Les défenderesses devront d’ici le 21 août 2008 inclusivement fournir les copies des documents énumérés dans l’affidavit supplémentaire de documents à l’avocat de la demanderesse;

 

3.                  Advenant le défaut des défenderesses de rendre un affidavit supplémentaire de documents décrivant les documents mentionnés au paragraphe 1 d’ici le 21 août 2008, elles devront, entre le 21 août et le 31 août 2008, collaborer et fournir un accès complet à un spécialiste des technologies de l’information indépendant engagé par la demanderesse afin de lui permettre de produire lesdits registres;

 

4.                  Tous les registres produits par le spécialiste des technologies de l’information indépendant devront être placés dans une enveloppe scellée et être envoyés à l’avocat des défenderesses afin qu’il les énumère dans un affidavit supplémentaire de documents; Le spécialiste en technologies de l’information indépendant devra traiter les renseignements reçus de façon confidentielle, sauf pour les parties aux présentes;

 

5.                  Les coûts relatifs à l’embauche de ce spécialiste seront initialement payés par la demanderesse, mais constitueront des dépens suivant l’issue de la cause;

 

6.                  Dès la réception des documents, l’avocat des défenderesses les inscrira dans un affidavit supplémentaire de documents et fera parvenir cet affidavit, de même que les nouveaux documents, à l’avocat de la demanderesse;

 

7.                  Les dépens de la présente requête sont accordés à la demanderesse, quelle que soit l’issue de la cause.

 

 

« Roger R. Lafrenière »

protonotaire

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-2223-07

 

INTITULÉ :                                       SHIELDS FUELS INC. c.

MORE MARINE LTD., MORECORP HOLDINGS LTD.,

KERRY MORRIS, le M.V. « GULF RANGER »,

                                                            ET LA BARGE « MM ORCA »

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 11 août 2008

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE:    LE PROTONOTAIRE LAFRENIÈRE

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 13 août 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

 

David F. McEwen, c.r.

 

POUR LA DEMANDERESSE

J. William Perrett

 

POUR LES DÉFENDERESSES

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Alexander Holburn Beaudin & Lang LLP

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LA DEMANDERESSE

 

J. William Perrett Law Corporation

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LES DÉFENDERESSES

 

 

 

 

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