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Date : 20080819

Dossier : IMM-2319-07

Référence : 2008 CF 956

 

 

ENTRE :

HANY ZENG (alias HAN LIN HANY ZENG)

demandeur

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LE JUGE O’KEEFE

 

[1]               Il s’agit d’une demande présentée en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), sollicitant le contrôle judiciaire d’une décision datée du 16 mai 2007 dans laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu qu’il n’était pas possible pour le demandeur d’obtenir l’asile en raison de l’application de l’alinéa b) de la section F de l’article premier de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, 28 juillet 1951, R.T. Can. 1969 no 6 (la Convention).

[2]               Le demandeur a demandé l’annulation de la décision et son renvoi à un tribunal différemment constitué de la Commission pour qu’il rende une nouvelle décision.

 

Contexte

 

[3]               Hany Zeng (le demandeur), alias Han Lin Hany Zeng, a présenté une demande d’asile au Canada. Lors de l’examen de sa demande d’asile, le ministre est intervenu pour qu’il se voie refuser l’asile par application de l’alinéa b) de la section F de l’article premier de la Convention. Les parties ont convenu des faits tels qu’ils ont été énoncés dans les motifs de la Commission.

 

[4]               Le demandeur a obtenu la citoyenneté du Commonwealth de la Dominique en mai 1994, mais il a continué de se considérer comme un citoyen de la République populaire de Chine (la Chine). Le demandeur allègue avoir demandé un passeport de la Dominique pour faciliter ses déplacements à l’étranger.

 

[5]               En 1993, le demandeur a créé une société de transport maritime très rentable, la Flying Dragon High-Speed Shipping Company (la HSS), qui valait environ 100 millions de yuans (environ 12 994,146 $US) en 1997. Cette année-là, le demandeur a établi une vaste société de portefeuille, la Guangdong Flying Dragon Group Company Limited (la FDG). La HSS et la FDG étaient toutes deux établies dans la province du Guangdong.

 

[6]               En août 1997, la FDG était dans la mire de la Chengdu Lianyi Group Company (la CLG). Cette entreprise était située dans la province du Sichuan et dirigée par Haizhong Xu. En septembre, le demandeur et M. Xu sont parvenus à une entente de transfert d’actions suivant laquelle la FDG a acheté 40 % des actions des Lianyi Industries (les LI), une filiale de la CLG, pour 68 millions de yuans (la première entente de transfert d’actions). Conformément à la première entente de transfert d’actions, les paiements ont été faits suivant un calendrier des paiements et les différends devaient être réglés par arbitrage.

 

[7]               En octobre 1997, le demandeur et M. Xu ont conclu une deuxième entente (la deuxième entente de transfert d’actions). Cette entente prévoyait l’achat par les LI de 75 % de la HSS conformément à un autre calendrier de paiements, pour un coût total de 74 millions de yuans. Au début décembre, le demandeur est devenu président du conseil d’administration des LI, et M. Xu en est devenu le vice-président. L’entente n’est devenue officielle que le 25 décembre 1997.

 

[8]               M. Xu a commencé à exercer des pressions sur le demandeur pour qu’il alloue des ressources des LI à l’industrie sidérurgique locale du Sichuan et pour que les décisions prises par les LI soient approuvées par la CLG et le gouvernement provincial du Sichuan. Les deux hommes ne s’entendaient pas et les différends entre eux se sont accentués, car M. Xu voulait investir dans sa province du Sichuan, alors que le demandeur voulait investir davantage dans la province du Guangdong. Le demandeur allègue qu’en septembre 1998, on l’aurait forcé, sous la menace de violence, à signer un document modifiant la première entente de transfert d’actions. Le document modificatif exigeait du demandeur qu’il paye dix millions de yuans avant décembre 1998 ou qu’il cède ses actions des LI à la CLG. Le demandeur n’a pas signalé l’incident à la police en raison des prétendues relations étroites qu’entretenait M. Xu avec les autorités gouvernementales du Sichuan et la police provinciale.

 

[9]               Les différends et la tension entre les deux hommes n’ont pas été réglés. Le demandeur a allégué qu’en juillet 1999, alors qu’il se trouvait dans la province du Sichuan pour affaires, il aurait été amené à un motel. Il allègue que M. Xu, des autorités gouvernementales et des hommes de main s’y trouvaient et qu’ils l’ont détenu, torturé et menacé pendant plusieurs jours jusqu’à ce qu’il signe une autre entente sous l’effet de la contrainte (la troisième entente de transfert d’actions). Aux termes de cette entente, la FDG devait vendre ses actions des LI (40 %) au Sanjiu Enterprises Group (le SEG), mais les fonds seraient plutôt versés à la CLG. L’entente ne prévoyait aucune contrepartie pour le demandeur. Par suite de cet incident, le demandeur s’est caché en août 1999.

 

[10]           Des dirigeants du SEG ont mis en doute la validité de la troisième entente de transfert d’actions et ils ont commencé à se préoccuper de la gestion des LI. Ils ont donc annulé la troisième entente de transfert d’actions. M. Xu et ses amis ont persévéré et ils ont affirmé à la police de Chengdu que la FDG les avait frustrés de leurs droits de souscription d’actions dans les LI. La police a entrepris une enquête pour déterminer si le demandeur et la FDG avaient commis une fraude financière.

 

[11]           En septembre 1999, M. Xu a envoyé des hommes de main dans la province du Guangdong pour intimider les employés de la HSS. Les hommes de main ont également menacé l’épouse du demandeur. Par suite des menaces, la HSS a cessé ses activités.

 

[12]           Le 21 octobre 1999, le demandeur a quitté Hong Kong et est retourné dans la province du Guangdong pour consulter son avocat au sujet des accusations possibles de fraude. Le demandeur craignait de ne pas bénéficier d’un procès équitable et d’être condamné à la peine de mort. Il est donc retourné à Hong Kong le 30 octobre 1999. Le jour où il a appris dans les médias qu’il était recherché par la police, le demandeur et son épouse se sont enfuis au Canada en utilisant leurs passeports dominiquais. Ils sont entrés au Canada le 4 novembre 1999.

 

[13]           Entre-temps, en Chine, M. Chaohui Zhang (M. Zhang), le vice-directeur général de la FDG, a été arrêté, a subi un procès et a été reconnu coupable de fraude. Il a été condamné à treize ans d’emprisonnement et s’est vu imposer une amende de 200 000 yuans. La peine d’emprisonnement a été réduite à dix ans par un tribunal d’appel.

 

[14]           À son arrivée au Canada, le demandeur ne savait pas trop quoi faire. Il craignait que les autorités canadiennes ne le renvoient en Chine. Il n’est pas retourné à la Dominique pour des raisons semblables. Il appert que le demandeur est tout d’abord entré au Canada au moyen d’un visa de visiteur et qu’il n’y a pas demandé l’asile. Comme son visa de visiteur était sur le point d’expirer, le demandeur s’est rendu au Royaume-Uni le 19 mars 2000, où il a obtenu le statut de visiteur jusqu’au 26 septembre 2000. Il est retourné au Canada le 27 mars 2000 et il a présenté une demande de prorogation de son statut de visiteur. Le demandeur a été convoqué à une entrevue, mais il ne s’y est pas présenté, parce qu’il craignait d’être renvoyé en Chine. Le 12 janvier 2004, après avoir été arrêté par les autorités canadiennes pour avoir indûment prolongé son séjour autorisé, le demandeur a présenté une demande d’asile à l’égard à la fois de la Chine et de la Dominique.

 

[15]           Le 24 juin 2005, le ministre a délivré un « avis d’intention d’intervenir », puisqu’il avait été informé par Interpol que le demandeur était recherché en Chine pour avoir commis deux crimes de fraude contractuelle représentant 8,5 millions de dollars américains et 4,3 millions de dollars américains.

 

[16]           Dans sa décision datée du 16 mai 2007, la Commission a conclu que le demandeur devait se voir refuser l’asile parce qu’il était visé par l’alinéa b) de la section F de l’article premier de la Convention.

 

Décision de la Commission

 

[17]           La Commission a entamé son analyse en admettant, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur était bien qui il prétendait être et qu’il était un ressortissant à la fois du Commonwealth de la Dominique et de la Chine.

 

Régime législatif

 

[18]           La Commission a fait quelques commentaires introductifs au sujet du régime législatif, de son interprétation, et de la norme de preuve applicable. La Commission a examiné le régime législatif et elle a souligné que la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Ramirez c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (C.A.), [1992] 2 C.F. 306, avait clairement énoncé que les clauses d’exclusion ne devaient pas être interprétées de façon restrictive. De plus, la Cour d’appel fédérale avait jugé qu’il n’était pas nécessaire d’établir un équilibre entre les volets d’inclusion et d’exclusion de la définition de réfugié au sens de la Convention. En ce qui concerne la norme de preuve, la Commission a souligné que la Cour d’appel fédérale avait jugé que le critère des « raisons sérieuses de penser » (critère tiré de la Convention) s’appliquait aux questions de fait plutôt qu’aux questions de droit, et qu’il constituait une norme de preuve moins stricte que celle de la prépondérance des probabilités, mais quelque peu supérieure au soupçon ou à la conjecture. La Commission a aussi souligné que, pour respecter cette norme, il n’était pas nécessaire de prouver que le demandeur avait été accusé, qu’il avait été reconnu coupable ou qu’il avait fait l’objet de poursuites criminelles. La Commission a affirmé qu’il incombait au ministre d’établir l’exclusion.

 

Fraude commerciale

 

[19]           La Commission a pris note du premier mandat d’arrestation délivré par Interpol, mandat précisant que le demandeur était recherché en Chine pour avoir acquis frauduleusement 40 % des actions de la CLG en tant que représentant de la FDG. On prétendait dans le mandat que le demandeur avait enfreint l’article 224 du code criminel de la Chine, qui est semblable au paragraphe 380(1) du Code criminel canadien. La Commission a fait observer que tant la loi chinoise que la loi canadienne exigent que l’infraction comporte l’élément de mens rea. La Commission a aussi analysé une communication subséquente d’Interpol qui fournissait des détails quant aux actes précis qu’on reprochait au demandeur.

 

[20]           La Commission a noté que le témoignage du demandeur était incohérent en ce qui concerne le fait que les paiements n’avaient pas été effectués comme prévu dans l’entente de transfert d’actions. Le demandeur a tout d’abord indiqué qu’il n’était pas nécessaire de faire des paiements, puisque M. Xu et lui étaient des « amis » depuis décembre 1996, mais il a changé sa version des faits lorsqu’il a été mis en présence de documents indiquant qu’ils s’étaient rencontrés en août 1997. En ce qui concerne le témoignage du demandeur sur la façon dont il prévoyait faire les paiements en fin de compte, la Commission a souligné qu’il « n’a[vait] pas la précision ou même l’uniformité auxquelles on devrait s’attendre de quelqu’un qui est faussement accusé comme il le prétend[ait] ».

 

[21]           La Commission a également souligné que le témoignage du demandeur à l’égard d’un certificat de dépôt frauduleux de 3,1869 millions de dollars américains aux LI était absolument invraisemblable. Lorsqu’on lui a premièrement posé des questions au sujet du certificat de dépôt frauduleux, le demandeur a témoigné qu’il n’avait jamais demandé à quiconque de faire le dépôt. Cependant, le demandeur a reconnu que cela était conforme aux faits, lorsqu’on l’a mis en présence du certificat de dépôt frauduleux au dossier, certificat signé par M. Zhang, et d’une résolution autorisant M. Zhang à signer tous les documents pertinents liés à la vente, résolution adoptée par le conseil d’administration de la HSS (dont le demandeur était le président). En terminant, la Commission a jugé qu’en ce qui avait trait à la transaction susmentionnée avec les LI, il y avait une « raison sérieuse de penser que le demandeur d’asile était complice dans des activités criminelles frauduleuses liées aux LI ».

 

[22]           La Commission a également examiné la preuve portant sur l’existence d’une hypothèque d’environ 58 millions de yuans prise à l’égard de la HSS en janvier 1997. Le demandeur a premièrement nié l’existence de l’hypothèque, mais après s’être fait poser d’autres questions, il a simplement répondu que [traduction] « ce prêt devrait figurer dans les états financiers concernant la banque ». La Commission a affirmé que « [m]ême s’il ne reconna[issait] pas comme telle l’existence de l’hypothèque, il ne l’a[vait] pas vraiment niée non plus ». La Commission a également souligné que, lorsqu’il s’était vu demander de confirmer que les acheteurs de la HSS n’étaient pas au courant de l’hypothèque, le demandeur avait répondu qu’il devait vérifier les documents de façon approfondie. La Commission a déclaré : « Cette réponse laisse encore une fois croire à l’existence d’une hypothèque. » Elle a poursuivi en indiquant qu’au cours de l’audience, lorsque l’importance de l’existence de l’hypothèque s’était précisée, le demandeur l’avait niée catégoriquement.

 

Craintes du demandeur

 

[23]           La Commission a ensuite procédé à l’analyse des craintes exprimées par le demandeur selon lesquelles s’il devait être renvoyé en Chine, il ne pourrait obtenir justice, parce qu’il était persécuté. La Commission a tenu compte du témoignage du professeur Vincent Cheng Yang, un témoin expert qui a témoigné sous serment, par écrit et de vive voix, sur le fonctionnement du système de justice pénale en Chine. La Commission a fait observer que « les commentaires de M. Yang étaient tout à fait pertinents en l’espèce ». Elle a fait les observations suivantes au sujet du témoignage du professeur Yang :

Le tribunal a également retenu du témoignage de M. Yang que, même si les tribunaux en Chine peuvent à l’occasion faire preuve de moins de scrupules ou d’éthique que les tribunaux au Canada, ils se préoccupent néanmoins habituellement de la règle de droit appropriée, conformément aux procédures juridiques établies. Pour cette raison, le tribunal accorde beaucoup de poids aux conclusions des tribunaux chinois en l’espèce, sans toutefois les considérer comme concluantes.

 

 

[24]           La Commission s’est par la suite penchée sur le lien qu’avait le demandeur avec la Dominique. Elle lui a posé des questions sur la demande qu’il avait présentée en vue d’obtenir un passeport dominiquais, plus précisément pourquoi il avait utilisé un nom et une signature différents de ceux figurant sur son passeport chinois. La Commission a souligné que les réponses du demandeur pouvaient être qualifiées d’assez astucieuses, puisqu’il avait répondu aux questions en posant des questions. De plus, la Commission a affirmé : « J’estime que tous ces changements et toutes ces incohérences minent la crédibilité du demandeur d’asile comme témoin. » La Commission a aussi souligné que le demandeur avait allégué que les membres de sa famille et lui avaient obtenu des passeports dominiquais pour pouvoir voyager à l’étranger sans avoir à obtenir les visas exigés pour les citoyens chinois qui voyagent, mais qu’il avait utilisé sa citoyenneté dominiquaise lorsque cela lui avait convenu dans d’autres circonstances. La Commission a fait observer que « le demandeur d’asile sembl[ait] souvent agir en fonction de sa propre convenance ou de ses propres intérêts plutôt que de respecter les règlements et lois applicables ».

 

Crédibilité du demandeur

 

[25]           La Commission a procédé à une très longue analyse de la crédibilité du demandeur et elle a fait état de nombreux exemples précis qui soulevaient des doutes quant à la crédibilité. La Commission a finalement conclu que, compte tenu de l’ensemble du témoignage du demandeur, ce dernier avait « à bon nombre de reprises, […] tenu des propos évasifs ou n’a[vait] pas dit toute la vérité ». La Commission a poursuivi ainsi à la page 32 de sa décision :

À de nombreux moments importants, le demandeur d’asile n’a tout simplement pas dit la vérité. Cela ne peut être attribuable à la fatigue ou au stress du demandeur d’asile, ni à certains malentendus avec les interprètes, qui ont tous deux été très professionnels et compétents tout au long de l’audience. Comme le demandeur d’asile a fait de nombreuses fois des déclarations contradictoires, incohérentes, changeantes, évasives et invraisemblables, je conclus que le demandeur d’asile n’est pas un témoin crédible.

 

 

[26]           La Commission a donc conclu que, pour ces motifs, le demandeur n’avait pas qualité de réfugié.

 

Questions en litige

 

[27]           Le demandeur a soulevé les questions suivantes pour examen :

            1.         La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que le demandeur ne pouvait pas obtenir l’asile par application de l’alinéa b) de la section F de l’article premier :

    1. parce qu’elle a omis de préciser sur quels prétendus actes ou infractions criminels était fondée sa conclusion, rendant ainsi des motifs peu clairs;
    2. parce qu’elle a procédé à une mauvaise analyse juridique;
    3. parce qu’elle a rendu sa décision en l’absence de preuve crédible ou digne de foi suffisante, en ne tenant pas compte de la preuve et en parvenant à une conclusion déraisonnable;
    4. parce qu’elle a tiré à tort une conclusion défavorable relative à la crédibilité, et qu’elle a donc pris en compte des facteurs non pertinents; ou
    5. parce qu’elle a tiré une conclusion défavorable relative à la crédibilité qui était manifestement déraisonnable, ou qui n’était pas conforme à la preuve.

 

[28]           Je reformulerais les questions comme suit :

            1.         Quelle est la norme de contrôle applicable?

            2.         La Commission a-t-elle omis de préciser sur quels actes criminels était fondée sa conclusion d’exclusion?

            3.         La Commission a-t-elle commis une erreur de droit en ne faisant pas la bonne analyse juridique de l’alinéa b) de la section F de l’article premier?

            4.         La conclusion d’exclusion tirée par la Commission était-elle déraisonnable compte tenu de la preuve dont elle disposait?

            5.         La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que le demandeur n’était pas un témoin crédible?

 

[29]           Par souci de simplicité, j’ai résumé les arguments des parties sous les rubriques suivantes :

  1. Omission par la Commission de préciser sur quels actes criminels était fondée sa conclusion d’exclusion
  2. Mauvaise analyse juridique de l’alinéa b) de la section F de l’article premier
  3. Absence de preuve crédible ou digne de foi suffisante
    1. Hypothèque cachée
    2. Absence de paiements suivant l’entente de transfert d’actions
    3. Dépôt frauduleux
    4. Correspondance d’Interpol et jugements des tribunaux chinois non crédibles
  4. Erreur commise par la Commission en concluant à l’exclusion sur le fondement d’une conclusion défavorable relative à la crédibilité

 

Observations du demandeur

 

[30]           Pour ce qui est de la norme de contrôle applicable aux affaires portant sur l’alinéa b) de la section F de l’article premier, le demandeur a soutenu que, dans l’arrêt Harb c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CAF 39, au paragraphe 14, le juge Décary avait conclu que les conclusions de fait devaient être contrôlées suivant la norme de la décision manifestement déraisonnable, les conclusions de fait et de droit devaient être contrôlées suivant la norme de la décision raisonnable et les conclusions portant sur l’interprétation de la clause d’exclusion devaient être contrôlées suivant la norme de la décision correcte.

 

  1. Omission par la Commission de préciser sur quels actes criminels était fondée sa conclusion d’exclusion

 

[31]           Le demandeur a premièrement soutenu que la Commission avait commis une erreur en omettant de préciser sur quels prétendus actes et infractions criminels était fondée sa conclusion, et qu’elle avait donc rendu des motifs peu clairs. En rejetant une demande d’asile, la Commission doit fournir des motifs suffisamment clairs, précis et intelligibles; la Commission doit tirer une conclusion claire précisant sur quels actes est fondée sa conclusion d’exclusion (Mehterian c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (C.A.F.), [1992] A.C.F. no 545; Sivakumar c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (C.A.), [1994] 1 C.F. 433; Ivanov c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1210; Zrig c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2003] A.C.F. no 565 (C.A.); Iliev c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] A.C.F. no 493). Le demandeur a soutenu que la Commission avait analysé un certain nombre de prétendues infractions criminelles et qu’elle devait donc préciser exactement sur lesquelles de ces infractions était fondée sa conclusion d’exclusion. Le demandeur a souligné la conclusion de la Commission indiquant : « En ce qui concerne ces transactions, j’estime qu’il y a une raison sérieuse de penser que le demandeur d’asile était complice dans des activités criminelles frauduleuses liées aux LI », et il a allégué que les mots « ces transactions » étaient trop vagues pour satisfaire à l’obligation de la Commission. Le demandeur a également soutenu que la Commission avait cité les dispositions pertinentes du Code criminel canadien et du code criminel chinois, mais qu’elle n’avait jamais analysé la question de savoir si les transactions alléguées étaient visées par ces dispositions, ce qui rendait ses motifs encore moins clairs. Le demandeur a aussi prétendu que les seules infractions mentionnées par le ministre étaient la possession d’une hypothèque de 58,8 millions de yuans, l’omission de faire des paiements suivant l’entente de transfert d’actions et le fait qu’il aurait forcé M. Zhang à falsifier un reçu de dépôt et une lettre de remise. De plus, le demandeur a allégué que la preuve de ces prétendues infractions était insuffisante. Le demandeur a conclu qu’en raison de ces facteurs, il était évident que la Commission n’avait pas précisé les prétendues infractions criminelles sur lesquelles était fondée sa conclusion d’exclusion et que ses motifs étaient donc peu clairs.

 

  1. Mauvaise analyse juridique de l’alinéa b) de la section F de l’article premier

 

[32]           Selon le deuxième argument important invoqué par le demandeur, la Commission a procédé à la mauvaise analyse juridique de l’alinéa b) de la section F de l’article premier. Le demandeur a soutenu que l’exclusion ne devrait pas être appliquée dans le cas d’infractions économiques où une personne risque d’être condamnée à la peine de mort. L’exclusion devrait être appliquée de façon restrictive (Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982). De plus, le demandeur a allégué que l’exclusion devait seulement être appliquée dans les affaires où les crimes reprochés sont des infractions de persécution et non simplement des infractions économiques. Il a été souligné que les infractions de persécution sont presque toujours de nature violente (Brzezinski c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1re inst.), [1998] 4 C.F. 525). Les actes économiques sont uniquement considérés comme de la persécution s’ils privent une personne de sa capacité de survivre ou, par ailleurs, s’ils menacent son intégrité physique ou morale (N.K. c. Canada (Solliciteur général), [1995] A.C.F. no 889 (1re inst.)). Le demandeur a soutenu qu’il n’y avait pas de preuve d’actes de ce genre en l’espèce. Le demandeur a également soutenu que, dans l’examen de la question de l’exclusion, la gravité de l’infraction devait être examinée au regard des conséquences découlant du renvoi. De plus, selon le demandeur, cette mise en balance devait avoir lieu lors de l’analyse relative à l’exclusion et non après. Le demandeur a reconnu que cela était incompatible avec les arrêts Malouf c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1995] A.C.F. no 1506, et Gil c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1995] 1 C.F. 508, dans lesquels la Cour d’appel fédérale a affirmé qu’en tirant une conclusion quant à la demande d’asile, l’inclusion devait être examinée en tenant compte de l’exclusion. Le demandeur a soutenu que les arrêts Malouf et Gil, précités, ne correspondaient plus à l’état actuel du droit vu l’arrêt États-Unis c. Burns, [2001] 1 R.C.S. 283, rendu par la Cour suprême du Canada. Le demandeur a prétendu que dans l’arrêt Burns, précité, la Cour suprême du Canada avait affirmé que la possibilité que la peine de mort soit imposée devait désormais être un facteur pertinent dans l’examen à savoir si l’alinéa b) de la section F de l’article premier s’applique. Le demandeur a aussi souligné que, bien que la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Gil, précité, ait jugé que la peine de mort ne devrait pas faire obstacle à l’application de l’alinéa b) de la section F de l’article premier, la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Burns, précité, avait écarté ce précédent. Dans l’arrêt Burns, précité, la Cour suprême du Canada a jugé que l’extradition, dans une situation où la personne visée risque la peine de mort, porte atteinte aux articles 7 et 12 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie 1 de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) (la Charte), sauf dans des circonstances exceptionnelles. Dans l’arrêt Burns, précité, les infractions reprochées portaient sur le meurtre de trois membres d’une famille immédiate, mais la Cour suprême a néanmoins conclu qu’il n’existait pas de circonstances exceptionnelles. Il est évident que les faits en l’espèce, si on les compare à ceux de l’arrêt Burns, précité, ne donnent pas lieu à des circonstances exceptionnelles. Le demandeur a conclu son argument en affirmant qu’il risquait la peine de mort, et que la Commission n’aurait donc pas dû envisager l’exclusion.

 

  1. Absence de preuve crédible ou digne de foi suffisante

 

[33]           Le demandeur a troisièmement prétendu que la conclusion de la Commission selon laquelle il y avait des raisons sérieuses de penser qu’il avait commis une fraude était déraisonnable compte tenu de l’absence d’une preuve crédible ou digne de foi suffisante. Plus précisément, le demandeur s’est élevé contre l’absence de preuve crédible ou digne de foi relativement 1) à l’hypothèque cachée, 2) à l’absence de paiements suivant l’entente de transfert d’actions, et 3) au dépôt frauduleux. De plus, le demandeur a prétendu que la preuve sur laquelle s’était fondée la Commission, particulièrement la correspondance d’Interpol provenant de la police chinoise et les jugements des tribunaux chinois, n’était pas digne de foi.

 

    1. Hypothèque cachée

 

[34]           Le demandeur a soutenu que, pour être en mesure de l’exclure, la Commission devait être convaincue que le ministre avait présenté une preuve crédible suffisante à l’égard des éléments essentiels de la fraude dans les deux pays, notamment l’intention, le préjudice et le lien de causalité. Selon le demandeur, cela n’était tout simplement pas le cas. Pour ce qui est de l’exigence de l’intention de frauder, le demandeur a allégué que son entreprise était très rentable à la fois avant et pendant la fusion, que c’était M. Xu qui l’avait approché, et que la fusion avait été avantageuse pour les deux entreprises. Pour le demandeur, la question cruciale était la valeur de ses biens au moment de l’achat des LI par la FDG, puisque si la valeur était suffisante pour correspondre au prix d’achat, aucun crime n’avait alors été commis en vertu du droit chinois ou canadien. Le demandeur a prétendu que la seule preuve directe sur la valeur des biens au moment de la fusion était le Rapport d’évaluation des biens de la HSS pour la fin de l’année 1996. Ce rapport établissait que la HSS à elle seule valait 98,5563 millions de yuans, valeur qui était au-delà du prix d’achat des LI, et qu’il n’existait donc aucune possibilité que le demandeur ait eu l’intention de frauder. Au dire du demandeur, pour contourner cette preuve crédible, la Commission s’était fondée sur l’observation du ministre selon laquelle il existait une prétendue hypothèque de 58,8 millions de yuans, ayant été prise avant la fusion, étant donné que l’existence de cette hypothèque cachée diminuait la valeur des biens du demandeur. Par conséquent, l’existence de l’hypothèque constitue la pierre angulaire des allégations de fraude. Le demandeur a souligné les faits suivants à l’appui de la conclusion selon laquelle l’hypothèque n’existait pas et il a fait remarquer que la Commission ne s’était penchée sur aucun de ces faits dans ses motifs :

  • GS a désigné la HSS comme étant une entreprise rentable et l’acheteuse potentielle des actions des LI; par conséquent, GS n’avait de toute évidence aucune préoccupation au sujet de la propriété ou des biens de la FDG ou de la HSS;
  • La CLG a procédé à une enquête et à une vérification de la HSS avant la fusion et elle n’a trouvé aucune hypothèque;
  • KPMG a procédé à une vérification des biens de la HSS et n’a trouvé aucune indication d’une hypothèque cachée;
  • Le responsable de la gestion des actions de la ville de Chengdu et la Commission de réglementation des valeurs mobilières de la Chine ont tous deux approuvé l’opération sur titres et n’ont trouvé aucune irrégularité;
  • Rien dans les rapports annuels des LI pour les années 1997 et 1998 n’indique qu’il y avait des doutes concernant l’existence d’une hypothèque cachée;
  • Le cabinet de droit économique du Guangdong a affirmé que les ententes de transfert d’actions étaient [traduction] « légales et exécutoires »;
  • Le professeur Yang a témoigné que tous les rapports d’évaluation préparés par des comptables et des vérificateurs lors d’une opération financière devaient être présumés vrais et exacts, à moins d’indication contraire, vu les conséquences criminelles graves qui découlent de la présentation de rapports frauduleux;
  • Aucune preuve directe quelconque de cette hypothèque n’a été présentée à la Commission; et
  • Aucun des éléments de preuve dont disposait la Commission ne mentionnait même l’existence d’une preuve directe de cette hypothèque.

 

[35]           Le demandeur a maintenu qu’il n’y avait aucune preuve à l’appui de la conclusion selon laquelle l’hypothèque existait. Selon lui, la seule conclusion raisonnable était qu’aucune hypothèque n’existait et qu’il n’avait donc eu aucune intention de frauder. Par conséquent, il n’existait aucun motif d’exclusion. Vu le caractère crucial de cette preuve et l’omission de la Commission d’en faire mention, la Commission est présumée ne pas l’avoir prise en compte (Cepeda-Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] A.C.F. no 1425 (C.F. 1re inst.), au paragraphe 17).

 

    1. Absence de paiements suivant l’entente de transfert d’actions

 

[36]           Le demandeur a soutenu qu’il avait donné une explication raisonnable quant à savoir pourquoi le transfert de fonds entre les parties n’avait pas d’importance tant et aussi longtemps qu’elles continuaient à tirer avantage de l’augmentation des revenus découlant des LI, entreprise nouvellement fusionnée et enregistrée. Le demandeur a aussi soutenu que les ententes prévoyaient le paiement tardif des versements prévus.

 

    1. Dépôt frauduleux

 

[37]           Le demandeur a allégué qu’à part l’hypothèque cachée, l’autre élément clé de fraude en l’espèce était l’allégation selon laquelle il avait persuadé son vice-directeur général (M. Zhang) de fournir un document de dépôt frauduleux en 1997. Cette accusation aurait été fabriquée contre lui par M. Zhang en vue de justifier les accusations dont il faisait l’objet, de prendre le contrôle de son entreprise et de le forcer à se retirer. Selon le demandeur, même si les jugements des tribunaux chinois citaient comme preuve la confession de M. Zhang et les prétendus documents bancaires et de remise frauduleux, la confession de M. Zhang ne pouvait pas être considérée crédible pour les raisons suivantes :

  • Des pressions importantes étaient exercées pour que M. Zhang soit déclaré coupable, parce qu’il était la seule personne associée personnellement aux accusations qui avait été arrêtée et traduite en justice;
  • M. Zhang avait peu de chances d’éviter une déclaration de culpabilité et il a donc probablement tenté d’obtenir la clémence de la cour à l’égard de sa peine en [traduction] « confessant » qu’on l’avait forcé à commettre l’infraction; et
  • Il est possible que M. Zhang ait été torturé par la police chinoise.

 

[38]           Le demandeur a aussi soutenu qu’en l’absence des documents comme tels, la prise en compte de la preuve par le tribunal chinois ne pouvait être jugée comme de la preuve documentaire, parce que le processus judiciaire pénal en Chine était profondément vicié et politisé.

 

    1. Correspondance d’Interpol et jugements des tribunaux chinois non crédibles

 

[39]           Le demandeur a prétendu que les seules autres allégations dont il faisait l’objet découlaient des jugements des tribunaux sichuanais et de la correspondance d’Interpol, documents ne pouvant simplement pas être jugés dignes de foi. Le demandeur a allégué que la cour de Chengdu (la cour ayant rendu le jugement dans la présente affaire) avait été particulièrement critiquée par Amnistie Internationale pour avoir utilisé de la preuve fabriquée et pour avoir fait preuve d’incompétence dans les décisions judiciaires qu’elle avait rendues. De plus, le demandeur a indiqué que, bien que la Commission ait laissé entendre que, selon le témoignage du professeur Yang, les tribunaux chinois étaient fiables, il s’agissait là d’une mauvaise interprétation du témoignage et cela ne tenait pas compte des nombreuses déclarations contraires. Le demandeur a souligné que le témoignage du professeur Yang indiquait ce qui suit :

  • Le [traduction] « protectionnisme local » a peut-être joué un rôle dans les décisions judiciaires rendues contre la FDG et M. Zhang, et il constitue un problème sérieux en Chine;
  • Dans la région en question, il y a des cas connus d’hommes d’affaires locaux qui travaillent de connivence avec la police locale pour proférer des menaces, extorquer de l’argent, et torturer et maltraiter des personnes;
  • Il y a de nombreux problèmes d’application de la règle de droit en Chine, particulièrement dans les régions en développement;
  • L’indépendance judiciaire soulève de nombreux problèmes en Chine, plus particulièrement au Sichuan;
  • L’administration locale dans les provinces comme le Sichuan utilise divers mécanismes de contrôle sur le système judiciaire, notamment le contrôle financier et politique.

 

[40]           Le demandeur a soutenu que la Commission avait commis une erreur en se fondant sur les jugements des tribunaux chinois et sur la correspondance d’Interpol, parce que ces documents n’étaient pas crédibles. Le demandeur a également soutenu que le ministre n’avait présenté aucune preuve directe des prétendus actes de fraude et que, par conséquent, la Commission avait commis une erreur en ne tirant pas une conclusion défavorable de l’omission du ministre de présenter la meilleure preuve possible. La Commission n’est pas liée par les règles habituelles de la preuve, mais elle devrait néanmoins accorder moins de poids à la preuve indirecte par ouï-dire, particulièrement lorsqu’une preuve plus directe est ou devrait être disponible (Balili c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] A.C.F. no 628; Ekwueme c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 495). Les tribunaux devraient tirer une conclusion défavorable lorsqu’une partie n’a pas présenté la meilleure preuve possible dont elle dispose ou dont elle devrait disposer (Ali c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 609; Bond c. New Brunswick (Board of Management) (N.B.C.A.), [1992] N.B.J. No. 567; Kusi c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. no 523).

 

  1. Erreur commise par la Commission en concluant à l’exclusion sur le fondement d’une conclusion défavorable relative à la crédibilité

 

[41]           Le demandeur a quatrièmement prétendu que la conclusion de la Commission selon laquelle il n’était pas un témoin crédible était manifestement déraisonnable. Il a soutenu qu’il fallait examiner toute contradiction perçue dans son témoignage à la lumière du fait qu’il avait témoigné pendant six jours, principalement lors d’un contre-interrogatoire rigoureux. Le demandeur a aussi souligné que la conclusion de la Commission selon laquelle il était évasif était abusive, étant donné qu’il avait lui-même présenté chaque élément de preuve (autre que la correspondance d’Interpol) utilisé par la Commission pour l’exclure. En ce qui concerne les conclusions précises tirées par la Commission relativement à la crédibilité, le demandeur a fourni les réponses suivantes dans son affidavit :

  • Il a dit ne pas avoir été évasif à l’égard du non-paiement suivant l’entente de transfert d’actions, mais avoir plutôt fourni des réponses très claires dans le récit de son FRP.
  • Il a nié invariablement toute participation à la création du prétendu reçu de dépôt bancaire frauduleux et toute connaissance de ce dernier.
  • Il a indiqué que les questions lui ayant été posées au sujet de la prétendue hypothèque cachée de 58 millions de yuans n’étaient vraiment pas claires et qu’elles étaient viciées par des erreurs d’interprétation, mais qu’il avait toujours nié l’existence de l’hypothèque.
  • Il a souligné qu’en ce qui concerne son témoignage en général, toute incohérence devait être examinée à la lumière de la durée de l’audience, des questions très détaillées lui ayant été posées et des problèmes de traduction.
  • Il a dit avoir oublié le prénom anglais de son épouse, parce qu’il avait de la difficulté à se souvenir des noms anglais.
  • Il a noté que la question posée par la Commission à l’égard de son achat d’une propriété au Canada était ambiguë, puisqu’elle pouvait être interprétée comme faisant référence à une propriété actuelle ou antérieure.
  • Il a affirmé être sincèrement convaincu que ses fils avaient quitté le Canada de façon volontaire et qu’ils n’avaient pas été expulsés, puisqu’ils avaient quitté le pays en achetant leurs propres billets d’avion.
  • Il a indiqué que le moment où il avait été arrêté par les autorités de l’Immigration constituait un fait non contesté et qu’on ne devait pas lui reprocher sa mauvaise mémoire.
  • Il a affirmé que ses réponses aux questions de savoir à quel moment et comment il avait entendu parler du processus de demande d’asile n’étaient pas ambiguës.
  • Pour ce qui est des renseignements inexacts fournis aux agents d’immigration dans des demandes antérieures, il a expliqué de façon plausible que certaines des erreurs avaient été causées par ses conseillers en immigration et qu’il n’avait pas tenté d’induire la Commission en erreur.

 

Observations du défendeur

 

  1. Omission par la Commission de préciser sur quels actes criminels était fondée sa conclusion d’exclusion

 

[42]           Selon le défendeur, il n’existe aucune obligation voulant que tous les éléments de l’infraction reprochée soient établis et précisés avant qu’on puisse se fonder sur l’alinéa b) de la section F de l’article premier (Zrig, précité). La Commission n’a pas à procéder à une enquête quasi criminelle pour déterminer de quelles transactions frauduleuses précises le demandeur est coupable. Le défendeur a souligné que la Commission dans ses motifs avait clairement et précisément énoncé, sous la rubrique « Preuve de fraude », les diverses transactions sur lesquelles s’était fondé le poursuivant en Chine afin d’obtenir les mandats d’arrêt. Il a ajouté qu’il ne pouvait y avoir aucun doute à l’esprit du demandeur quant à la nature des accusations dont il faisait l’objet et qui constituaient le fondement de l’exclusion. La Commission a clairement précisé les transactions qui ont mené à l’exclusion du demandeur.

 

  1. Mauvaise analyse juridique de l’alinéa b) de la section F de l’article premier

 

[43]           Le défendeur a fait valoir que la Commission avait appliqué le bon critère juridique dans son analyse de l’alinéa b) de la section F de l’article premier. Il a soutenu que la Cour d’appel fédérale avait affirmé catégoriquement que l’exclusion suivant l’alinéa b) de la section F de l’article premier pouvait être fondée sur un crime purement économique (Xie c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (C.A.F.), [2004] A.C.F. no 1142). En outre, il a été établi qu’en prenant une décision relativement à l’exclusion, la Section de la protection des réfugiés n’a pas à se soucier des conséquences du renvoi du Canada (Xie, précité). Par conséquent, la Commission avait eu raison de ne pas se soucier de la question de savoir si l’exclusion entraînerait la possibilité de la peine de mort. Le défendeur a soutenu que le demandeur pouvait toujours se prévaloir du processus d’examen des risques avant renvoi, où la possibilité de la peine de mort serait évaluée par le gouvernement. Le défendeur a ajouté que la question de l’obtention d’assurances de la Chine ne devait pas être tranchée par la Commission, mais plutôt par le gouvernement canadien, s’il y avait extradition. Pour le défendeur, l’effet de l’arrêt Burns, précité, rendu par la Cour suprême, était que le Canada n’extraderait pas les personnes vers un pays où elles risquaient la peine de mort en l’absence de circonstances exceptionnelles, sauf si les assurances appropriées étaient obtenues du pays demandant l’extradition. Comme les questions d’assurances et de « circonstances exceptionnelles » ne relèvent ni du mandat ni de l’expertise de la Commission, cette dernière ne les a, à bon droit, pas prises en compte. La compétence de la Commission se limite à trancher la question de l’exclusion et ne s’étend pas aux conséquences du renvoi (Xie, précité). De plus, selon le défendeur, conformément à l’arrêt Xie, précité, la Commission n’était pas tenue de soupeser la nature de l’infraction commise et les conséquences potentielles. Le défendeur a soutenu que l’argument du demandeur selon lequel l’arrêt Burns, précité, devait inciter au réexamen de la question de l’exclusion était mal fondé. La Cour d’appel fédérale a confirmé que la compétence de la Commission se limite à la question de l’exclusion, en raison du régime législatif, et qu’elle ne s’étend pas aux conséquences du renvoi (Xie, précité).

 

  1. Absence de preuve crédible ou digne de foi suffisante

 

[44]           Le défendeur a soutenu que, dans l’arrêt Xie, précité, la Cour d’appel fédérale avait confirmé que la Commission pouvait se fonder sur le mandat d’arrêt pris contre le demandeur comme preuve à l’appui de la conclusion d’exclusion. Il n’est pas nécessaire d’avoir une preuve directe du crime, puisque la question n’est pas de savoir si le demandeur a bel et bien commis le crime, mais est plutôt de savoir s’il y a des raisons sérieuses de penser qu’il l’a commis (Xie, précité). Selon le défendeur, la Commission avait également le droit de se fonder sur les renseignements figurant dans les mandats d’arrêt. En ce qui a trait à l’hypothèque, le défendeur a souligné que la Commission n’avait pas conclu que l’hypothèque en question existait. En fait, la Commission avait conclu que la preuve relative à l’hypothèque était peu probante. Pour le défendeur, les arguments du demandeur à cet égard sont donc mal fondés.

 

  1. Erreur commise par la Commission en concluant à l’exclusion sur le fondement d’une conclusion défavorable relative à la crédibilité

 

[45]           Le défendeur a soutenu que la Commission avait de solides motifs pour conclure que le demandeur n’était pas crédible. Il a aussi soutenu que la Commission avait indiqué de façon très claire et explicite les problèmes précis qu’elle percevait dans le témoignage du demandeur. De l’avis du défendeur, aucune partie du témoignage du demandeur n’était exempte d’incohérences ou de réponses évasives :

    • Le demandeur a présenté des éléments de preuve entièrement contradictoires à savoir pourquoi il n’avait pas fait de paiements aux LI conformément à l’entente de transfert d’actions.
    • Le demandeur a nié avoir demandé à M. Zhang, son vice-directeur, de falsifier un bordereau de dépôt en faveur des LI, mais il a ensuite reconnu avoir donné cette autorisation après qu’on lui ait montré un document pertinent où figurait sa signature.
    • Le demandeur a témoigné de façon évasive et contradictoire à l’égard de l’existence de l’hypothèque.
    • Le témoignage du demandeur était incohérent à savoir s’il était responsable du nom modifié figurant sur son passeport dominiquais.
    • Le témoignage du demandeur relativement à ses investissements à la Dominique était vague et incohérent.
    • Le demandeur a induit en erreur les agents d’immigration du Canada dès 1996, en leur disant qu’il avait établi sa coentreprise pour être en mesure de transférer son actif commercial chinois au pays. Il a par la suite avoué que son intention était d’exploiter son entreprise chinoise par l’entremise de la coentreprise aux îles Vierges britanniques.
    • Le demandeur a menti aux autorités canadiennes de l’Immigration en affirmant qu’il possédait uniquement la citoyenneté dominiquaise et il a soutenu ce mensonge lorsqu’il a présenté une demande en vue de faire proroger son statut de visiteur au Canada.
    • Le demandeur a oublié le nom de son épouse, malgré l’avoir donné de façon volontaire la veille.
    • Le demandeur a témoigné de façon contradictoire en réponse à la question de savoir s’il avait déjà acheté une propriété au Canada.
    • Le demandeur a menti au sujet de la raison pour laquelle ses fils avaient quitté le Canada, affirmant qu’ils avaient manqué d’argent pour poursuivre leurs études, alors qu’ils avaient en fait été expulsés en raison de leur participation au crime organisé.
    • Le témoignage du demandeur relativement au moment où il a appris pour la première fois qu’il pouvait demander l’asile était incohérent.

 

[46]           Le défendeur a maintenu que les arguments du demandeur à l’égard des conclusions relatives à la crédibilité tirées par la Commission portaient principalement sur d’autres conclusions qui auraient dû, selon lui, être tirées par la Commission. Une conclusion n’est pas manifestement déraisonnable simplement parce que la preuve étaye d’autres conclusions (Sinan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2004] A.C.F. no 188, au paragraphe 11). De plus, a ajouté le défendeur, la Commission n’avait pas à mentionner tous les éléments de preuve dont elle disposait et l’omission de mentionner tous les éléments de preuve ne signifiait pas que certains d’entre eux n’avaient pas été pris en compte (Taher c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 1433, au paragraphe 14).

 

Réponse du demandeur

 

[47]           Le demandeur a soutenu que, même si la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Xie, précité, avait effectivement affirmé qu’une infraction économique pouvait justifier l’exclusion, les circonstances en l’espèce n’étaient pas semblables à celles dans l’arrêt Xie, précité. Plus précisément, le demandeur a souligné que, contrairement à l’arrêt Xie, précité, la preuve non contestée dont disposait la Commission indiquait qu’il serait susceptible d’être condamné à mort pour une infraction économique. De plus, a ajouté le demandeur, l’arrêt Xie, précité, avait été rendu avant l’arrêt Burns, précité, qui avait changé l’état du droit.

 

[48]           En ce qui concerne l’argument du défendeur relativement à l’arrêt Xie, précité, et à la possibilité qu’a la Commission de se fonder sur le mandat d’arrêt chinois, le demandeur a soutenu que la Cour d’appel fédérale dans cet arrêt avait simplement conclu que la Commission avait le droit d’accorder « un certain poids » au mandat dans des circonstances appropriées. Selon le demandeur, la Cour d’appel fédérale, dans l’arrêt Xie, précité, n’avait pas conclu, comme l’a prétendu le défendeur, que la Commission pouvait se fonder sur un mandat à l’exclusion de toute preuve contraire. Bien que la preuve directe d’un crime ne soit pas peut-être pas nécessaire dans chaque cas, l’absence d’éléments de preuve essentiels en l’espèce pouvait, à son avis, être suffisante pour contester les allégations figurant dans le mandat, particulièrement en présence d’une preuve établissant qu’on ne se préoccupait pas trop de la règle de droit en Chine, et que la police et le système judiciaire chinois engageaient des poursuites corrompues ou politisées.

 

[49]           Le demandeur a encore une fois soutenu que, même s’il était au courant des infractions qu’on lui reprochait d’avoir commis, la Commission n’avait pas précisé sur quelles infractions était fondée l’exclusion.

 

[50]           Enfin, en ce qui concerne la prétendue hypothèque et la conclusion ou l’absence de conclusion de la Commission à cet égard, le demandeur a fait valoir que l’absence d’une preuve directe de l’hypothèque entraînait l’effondrement des allégations criminelles dont il faisait l’objet, et empêchait la Commission de conclure à une intention de frauder de sa part. Par conséquent, la conclusion d’exclusion tirée par la Commission était déraisonnable.

 

Analyse et décision

 

[51]           Question no 1

            Quelle est la norme de contrôle applicable?

            La Cour a entendu la présente demande de contrôle judiciaire avant que l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] A.C.S. no 9, ne soit rendu par la Cour suprême du Canada le 7 mars 2008. Dans l’arrêt Dunsmuir, précité, la Cour suprême a fondu les normes de la décision raisonnable simpliciter et de la décision manifestement déraisonnable en une seule norme plus directe de la raisonnabilité. La Cour suprême a également simplifié les étapes à suivre en vue d’établir la norme de contrôle applicable, processus qui était auparavant connu comme l’approche « pragmatique et fonctionnelle ». La Cour suprême a proposé un processus en deux étapes au paragraphe 62 :

Premièrement, la cour de révision vérifie si la jurisprudence établit déjà de manière satisfaisante le degré de déférence correspondant à une catégorie de questions en particulier.  En second lieu, lorsque cette démarche se révèle infructueuse, elle entreprend l’analyse des éléments qui permettent d’arrêter la bonne norme de contrôle.

 

 

[52]           En l’espèce, les facteurs à prendre en compte pour établir la norme de contrôle applicable à chaque question, si elle n’a pas encore été établie, sont l’existence d’une clause privative, un régime administratif distinct et particulier dans le cadre duquel le décideur possède une expertise spéciale, et la nature de la question qui revêt une importance capitale pour le système juridique et qui est donc étrangère au domaine d’expertise du décideur; Dunsmuir, précité. Il n’existe pas de clause privative dans la LIPR, mais la loi et les règlements, ainsi que la jurisprudence dans ce domaine tendent à indiquer qu’il existe un régime administratif distinct et des décideurs qui possèdent des connaissances et une expertise spéciales. Les cours ne devraient donc pas intervenir à moins qu’il n’y ait une question de droit qui soit d’une « importance capitale pour le système juridique […] et étrangère au domaine d’expertise » (Toronto (Ville) c. S.C.F.P., section locale 79, [2003] 3 R.C.S. 77) de la Commission.

 

[53]           Cependant, la présente affaire présente un facteur de plus, soit l’interprétation de la Convention par la Commission. Dans l’arrêt Dunsmuir, précité, la Cour suprême a énoncé que « l’interprétation, par un décideur administratif, d’une autre loi que celle qui le constitue est toujours susceptible d’annulation par voie de contrôle judiciaire », mais que la jurisprudence ne permet pas de conclure que cette annulation est toujours justifiée. Il convient de souligner que la LIPR est conforme à la Convention, ce qui était l’intention du législateur le 28 juin 2002, lorsque la LIPR est entrée en vigueur. De plus, la Convention fait clairement partie d’un régime administratif relatif aux réfugiés, domaine dans lequel la Commission possède une expertise. Néanmoins, la Cour d’appel fédérale a affirmé que, lorsqu’elle interprète des principes de droit international, la Commission ne possède pas une expertise plus grande que celle de la Cour (Nagalingam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2008] A.C.F. no 670), et son interprétation est donc susceptible de contrôle suivant la norme de la décision correcte.

 

[54]           La norme de contrôle applicable à chacune des autres questions est établie ci-dessous.

 

 

[55]           Question no 2 : La Commission a-t-elle omis de préciser sur quels actes criminels était fondée sa conclusion d’exclusion?

            Il s’agit là, à mon avis, d’une question de fait. Selon l’arrêt Dunsmuir, précité, cette question est contrôlable suivant la norme de la décision raisonnable.

 

[56]           Question no 3 : La Commission a-t-elle commis une erreur de droit en ne faisant pas la bonne analyse juridique de l’alinéa b) de la section F de l’article premier?

            Cette question soulevée par le demandeur est, à mon avis, une question de droit contrôlable suivant la norme de la décision correcte. L’arrêt Dunsmuir, précité, énonce :

La cour de révision qui applique la norme de la décision correcte n’acquiesce pas au raisonnement du décideur; elle entreprend plutôt sa propre analyse […]

 

Comme il a été susmentionné, la Commission a pris une décision fondée sur son interprétation de l’alinéa b) de la section F de l’article premier de la Convention, ce qui a nécessité un examen du droit international.

 

[57]           Question no 4 : La conclusion d’exclusion tirée par la Commission était-elle déraisonnable compte tenu de la preuve dont elle disposait?

            Il s’agit là d’une question de fait et de droit contrôlable suivant la norme de la décision raisonnable. Pour tirer sa conclusion d’exclusion à la lumière de la preuve dont elle disposait, la Commission devait procéder à un examen dans un contexte où les questions de droit ne pouvaient pas être aisément dissociées des questions de fait. Dans l’arrêt Dunsmuir, précité, la Cour suprême a expliqué que la déférence s’impose habituellement d’emblée dans un tel cas, sauf si des questions constitutionnelles sont soulevées. De plus, la déférence peut être justifiée lorsque la Commission interprète sa propre loi constitutive ou une loi étroitement liée à son mandat. En l’espèce, l’interprétation par la Commission du droit international portait sur les réfugiés, ce qui est conforme à sa propre loi constitutive et exige la déférence.

 

[58]           Question no 5 : La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que le demandeur n’était pas un témoin crédible?

            Cette question soulevée par le demandeur est une question de fait contrôlable suivant la norme de la décision raisonnable. Dans l’arrêt Dunsmuir, précité, la Cour suprême a souligné que les conclusions tirées à l’égard des faits et de la crédibilité exigeraient toujours une norme élevée de déférence. Les questions liées à l’examen des conclusions relatives à la crédibilité tirées par la Commission appellent la norme déférente de la décision raisonnable (Sukhu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2008] A.C.F. no 515).

 

[59]           Question no 2 

            La Commission a-t-elle omis de préciser sur quels actes criminels était fondée sa conclusion d’exclusion?

            Le demandeur a soutenu que la Commission avait commis une erreur en omettant de préciser clairement sur quels actes criminels elle s’était fondée pour tirer sa conclusion d’exclusion. Le demandeur a cité un certain nombre de précédents à l’appui de cet argument. Ayant examiné ces précédents, je juge que seul un d’entre eux est particulièrement pertinent en l’espèce. Dans l’arrêt Sivakumar, précité, au paragraphe 33, la Cour d’appel fédérale a énoncé ce qui suit relativement à l’obligation de la Commission de préciser quelles infractions ont mené à la conclusion d’exclusion :

Vu la gravité des conséquences éventuelles du rejet, fondé sur la section Fa) de l’article premier de la Convention, de la revendication de l’appelant et la norme de preuve relativement peu rigoureuse à laquelle doit satisfaire le ministre, il est crucial que la section du statut rapporte dans ses motifs de décision les crimes contre l’humanité dont elle a des raisons sérieuses de penser que le demandeur les a commis. On peut dire que faute d’avoir tiré les conclusions nécessaires sur les faits, la section du statut a commis une erreur de droit.

 

J’accepte l’argument du demandeur selon lequel la Commission a l’obligation de préciser quelles infractions en cause appuient la conclusion d’exclusion. Cependant, à mon avis, la Commission dans la présente affaire n’a pas manqué à son obligation.

 

[60]           Tout d’abord, sous la rubrique intitulée « Preuve de fraude », aux pages 8 et 9 de la décision, la Commission a examiné les deux mandats délivrés contre le demandeur par Interpol et elle a expliqué quelles infractions on lui reprochait d’avoir commises dans chaque mandat. La Commission a ensuite souligné la disposition pertinente du code criminel de la Chine et la disposition y correspondant dans le Code criminel du Canada, soit le paragraphe 380(1). De plus, la majorité de la décision rendue par la Commission porte sur les actes précis reprochés dans les mandats d’Interpol, plus précisément l’hypothèque cachée, l’omission de faire des paiements suivant l’entente de transfert d’actions et le dépôt frauduleux.

 

[61]           Je suis d’accord avec le demandeur pour dire que la Commission n’a jamais énuméré explicitement les infractions. Toutefois, il ne s’agit pas non plus d’une situation où la Commission a omis de préciser suffisamment sur quelles infractions elle s’était fondée pour tirer sa conclusion d’exclusion. Je suis de cet avis en raison de la diligence dont a fait preuve la Commission en précisant les infractions et les actes qu’on reprochait au demandeur d’avoir commis. En outre, dans la dernière partie de sa décision intitulée « Résumé et évaluation », la Commission a encore une fois fait référence aux deux mandats d’Interpol et aux actes précis qu’on reprochait au demandeur d’avoir commis, et elle a ensuite affirmé que, même si la preuve relative à l’hypothèque cachée n’était pas concluante, « les autres accusations [avaient] été apparemment documentées de façon appropriée et convaincante devant les tribunaux chinois ». La Commission a par la suite conclu : « Il existe des éléments de preuve vraisemblables selon lesquels des crimes graves de fraude ont été commis en Chine. »

 

[62]           Pour ce qui est de l’argument du demandeur selon lequel la Commission n’a pas examiné la question de savoir si les éléments constitutifs des infractions criminelles étaient présents dans les actes criminels qu’on lui reprochait, j’estime qu’il est sans fondement. La Commission n’a pas à s’assurer que chaque élément constitutif de l’infraction reprochée est établi et précisé lorsqu’elle tire une conclusion d’exclusion (Zrig, précité). À mon avis, il n’y a pas lieu d’accueillir la demande de contrôle judiciaire pour ce motif.

 

[63]           Question no 3

            La Commission a-t-elle commis une erreur de droit en ne faisant pas la bonne analyse juridique de l’alinéa b) de la section F de l’article premier?

            Le demandeur a présenté un argument à deux volets à cet égard : premièrement, les actes criminels reprochés n’étaient pas le genre d’actes auxquels devrait s’appliquer l’exclusion suivant l’alinéa b) de la section F de l’article premier, et, deuxièmement, l’arrêt Burns, précité, rendu par la Cour suprême du Canada avait écarté les arrêts Gil et Malouf, précités, rendus par la Cour d’appel fédérale, de sorte que la Commission devait maintenant soupeser la gravité de l’infraction commise et les conséquences du renvoi. De plus, selon le demandeur, la Cour suprême avait, dans l’arrêt Burns, précité, indiqué que, lorsque le demandeur risque la peine de mort, comme en l’espèce, l’exclusion ne devrait pas être appliquée.

 

[64]           J’ai tout d’abord l’intention de me pencher sur la question de savoir si les actes criminels reprochés sont des actes auxquels peut s’appliquer l’alinéa b) de la section F de l’article premier. La section F de l’article premier de la Convention prévoit :

F. Les dispositions de cette Convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser :

 

a) qu’elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l’humanité, au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes;

 

b) qu’elles ont commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d’accueil avant d’y être admises comme réfugiées;

 

c) qu’elles se sont rendues coupables d’agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies.

 

[65]           Le demandeur a allégué que les infractions de persécution sont presque toujours de nature violente (Brzezinski, précitée) et que seuls les actes économiques qui privent une personne de sa capacité de survivre ou, par ailleurs, qui menacent son intégrité physique ou morale constituent de la persécution (N.K., précitée). Ayant examiné la jurisprudence citée, je ne suis pas convaincu qu’elle confirme les principes énoncés par le demandeur. De plus, dans la décision Xie, [2003] A.C.F. no 1372, le juge Kelen de la Cour a procédé à une analyse très approfondie de la question de savoir si un crime purement économique commis pour obtenir un gain personnel pouvait être considéré comme un « crime grave de droit commun » pour l’application de l’alinéa b) de la section F de l’article premier. La Cour dans la décision Xie, précitée, s’est fondée sur la gravité de la peine imposée pour l’équivalent au Canada du crime reproché et elle a conclu qu’une infraction de fraude de plus de 5 000 $, décrite à l’alinéa 380(1)a) du Code criminel, précité, constituait bel et bien un « crime grave de droit commun » pour l’application de l’alinéa b) de la section F de l’article premier. Vu la conclusion de la Cour dans la décision Xie, précitée, il ne fait aucun doute selon moi que l’infraction reprochée en l’espèce, et son équivalent canadien prévu à l’alinéa 380(1)b) du Code criminel, constituait un « crime grave de droit commun ».

 

[66]           Ayant conclu que les actes criminels reprochés sont des actes auxquels s’applique l’alinéa b) de la section F de l’article premier, je vais maintenant traiter de l’argument du demandeur selon lequel suivant l’arrêt Burns, précité, la Commission devait soupeser la gravité de l’infraction commise et les conséquences du renvoi.

 

[67]           La Cour d’appel fédérale a affirmé très clairement à de nombreuses reprises que la Commission n’a pas à soupeser la gravité du crime et les conséquences de l’expulsion, lorsqu’elle rend une décision en application de l’alinéa b) de la section F de l’article premier. Par exemple, au paragraphe 43 de l’arrêt Gil, précité, la Cour d’appel fédérale a affirmé :

Je ferai une dernière remarque. Un autre tribunal de la présente Cour a déjà rejeté la prétention de bon nombre d’auteurs voulant que la section Fa) de l’article premier exige un type de critère de proportionnalité qui soupèserait la persécution que risque de subir le demandeur du statut de réfugié en regard de la gravité de son crime. La question de savoir si un critère semblable convient pour l’application de la section Fb) de l’article premier me semble encore plus problématique. Comme je l’ai déjà indiqué, le demandeur auquel s’applique la clause d’expulsion risque, par hypothèse, d’être persécuté; le crime qu’il a commis est par définition « grave » et entraînera par conséquent une peine sévère qui comportera au moins une longue période d’emprisonnement et, peut-être, la mort. Notre pays est apparemment disposé à extrader des criminels qui risquent la peine de mort et je ne vois aucune raison, du moins dans le cas d’un crime de la nature de celui que l’appelant a admis avoir commis, pour laquelle nous devrions adopter une attitude différente à l’égard d’un demandeur du statut de réfugié. Il n’est pas dans l’intérêt public que notre pays devienne un havre pour les auteurs d’attentats à la bombe qui font de nombreuses victimes.

 

 

[68]           Dans l’arrêt Malouf, précité, au paragraphe 4, la Cour d’appel fédérale a confirmé sa conclusion de l’arrêt Gil, précité :

[…] L’alinéa b) de l’article 1F de la Convention ne devrait pas recevoir une interprétation différente de celles des alinéas a) et c) de cet article, c’est-à-dire qu’aucun de ces alinéas n’exigent que la Commission apprécie la gravité de la conduite du requérant au regard de la crainte présumée d’être persécuté. Dans l’arrêt Gil, 25 Imm. L.R. (2d) 209, nous avons examiné cette question en faisant précisément référence à l’alinéa 1Fb) et avons conclu que le critère de proportionnalité n’était approprié que pour les fins de déterminer si un crime grave pouvait être considéré comme un crime politique. Cette question ne se pose pas en l’espèce. Nous ne sommes pas convaincus que notre décision dans l’arrêt Gil était erronée.

 

 

[69]           Le demandeur a soutenu que l’arrêt Burns, précité, rendu par la Cour suprême du Canada après les arrêts Gil et Malouf, précités, avait changé l’état du droit, faisant en sorte qu’il fallait désormais soupeser les deux facteurs pertinents.

 

[70]           Dans l’arrêt Burns, précité, la Cour suprême du Canada a conclu que l’extradition d’une personne vers un pays où elle risquait la peine de mort portait atteinte à l’article 7 de la Charte, précitée, et qu’en l’absence d’assurances du pays où cette personne allait être expulsée, l’atteinte ne pouvait être justifiée au regard de l’article premier de la Charte, précitée. L’argument du demandeur ne me convainc pas.

 

[71]           Premièrement, il n’est tout simplement pas possible de comparer la situation dans l’arrêt Burns, précité, à celle en l’espèce. Dans l’arrêt Burns, précité, la Cour suprême a traité de l’extradition de deux citoyens canadiens aux États-Unis, où ils étaient tous deux recherchés pour trois chefs de meurtre au premier degré avec circonstances aggravantes. La présente affaire porte sur une demande d’asile. Il ne faut pas oublier les différences entre le droit en matière d’extradition et le droit des réfugiés (Gil, précité, au paragraphe 11). « La distinction entre admission et renvoi est importante parce que, comme la Cour suprême l’a écrit au paragraphe 102 de l’arrêt Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] 1 R.C.S. 3, les pouvoirs d’un État de refuser l’entrée au pays sont plus étendus que son pouvoir d’expulsion. » (Xie, précitée, au paragraphe 43, en Cour fédérale)

 

[72]           Deuxièmement, j’ajouterais comme corollaire à ma première observation que la décision faisant l’objet de contrôle en l’espèce n’est pas déterminante quant au renvoi du demandeur, contrairement à la situation dans l’arrêt Burns, précité. Comme l’a affirmé la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Xie, précité, au paragraphe 36 :

Ainsi que notre examen de l’économie de la Loi l’a démontré, l’exclusion n’a pas pour objet d’expulser des demandeurs du Canada. Elle vise à les empêcher de bénéficier du droit d’asile. Les demandeurs qui sont exclus en vertu de l’article 98 conservent leur droit de revendiquer la protection prévue à l’article 112.

 

 

[73]           En d’autres mots, le résultat découlant de la décision défavorable rendue par la Commission n’est pas l’expulsion. Le demandeur peut encore présenter une demande d’examen des risques avant renvoi. À mon avis, c’est à ce stade qu’il serait plus approprié d’examiner les arguments du demandeur relativement à l’arrêt Burns, précité. Cela ne signifie pas que j’accepte l’argument du demandeur selon lequel l’arrêt Burns, précité, a changé l’état actuel du droit régissant l’alinéa b) de la section F de l’article premier. Je juge tout simplement qu’il est préférable d’examiner ces arguments lorsque le renvoi est imminent.

 

[74]           Par conséquent, à mon avis, l’analyse juridique de l’alinéa b) de la section F de l’article premier, énoncée par la Cour d’appel fédérale dans les arrêts Gil et Malouf, précités, correspond à l’état actuel du droit. Comme la Commission avait appliqué cette analyse en l’espèce, je ne vois aucune raison de modifier sa décision. À mon avis, il n’y a pas lieu d’accueillir la demande de contrôle judiciaire pour ce motif.

 

[75]           Question no 4

            La conclusion d’exclusion tirée par la Commission était-elle déraisonnable compte tenu de la preuve dont elle disposait?

            Le demandeur a soutenu que la conclusion d’exclusion tirée par la Commission était déraisonnable, compte tenu de l’absence d’une preuve directe établissant qu’il avait commis les infractions criminelles reprochées. En outre, le demandeur a allégué que la Commission avait commis une erreur en se fondant presque exclusivement sur les mandats d’Interpol et sur les jugements des tribunaux chinois, et qu’elle n’avait pas tenu compte de la preuve appuyant sa position.

 

[76]           Je ne partage pas l’avis du demandeur selon lequel la Commission n’a pas tenu compte de la preuve portant sur l’hypothèque cachée, l’absence de paiements suivant l’entente de transfert d’actions et le dépôt frauduleux. Il ressort clairement de sa décision que la Commission a manifestement examiné toute la preuve se rapportant à ces points, mais qu’elle n’a simplement pas jugé crédibles la preuve présentée par le demandeur et son témoignage. Par exemple, en ce qui concerne l’hypothèque, la Commission a, à plusieurs reprises, relevé des divergences et des imprécisions dans le témoignage du demandeur. La Commission a souligné que les réponses fournies par le demandeur aux questions portant sur l’hypothèque n’admettaient pas son existence, mais qu’elles ne la niaient pas entièrement non plus. La Commission a également souligné : « Plus tard au cours de l’audience, lorsque l’importance de l’existence de cette hypothèque en particulier s’est précisée, le demandeur d’asile l’a niée catégoriquement. »

 

[77]           Pour ce qui est du fait que la Commission semble s’être fondée sur les mandats délivrés par Interpol et sur les jugements des tribunaux chinois, la Cour a, dans la décision Xie, précitée, traité de la même question. Dans cette décision, la demanderesse a aussi allégué que le mandat d’Interpol sur lequel s’était fondée la Commission constituait une preuve insuffisante de l’infraction reprochée. La Cour a souligné, au paragraphe 23 de la décision Xie, précitée, que la norme applicable à la preuve de la perpétration du crime par la demanderesse en matière d’immigration exigeait « quelque chose “de plus qu’une simple suspicion ou conjecture”, mais moins qu’une preuve selon la prépondérance des probabilités ». Dans la décision Xie, précitée, la Cour a conclu que l’examen de la preuve par la Commission n’avait rien de déraisonnable.

 

[78]           En l’espèce, la Commission s’est fondée sur les mandats d’Interpol et sur les jugements des tribunaux chinois pour conclure que le demandeur satisfaisait aux critères d’exclusion suivant l’alinéa b) de la section F de l’article premier. La Commission a examiné attentivement la validité des mandats d’Interpol et elle a jugé qu’ils étaient dignes de foi. De plus, la Commission a pris en compte le témoignage d’expert du professeur Yang sur les tribunaux et la police en Chine, et elle a affirmé : « Le tribunal a également retenu […] que, même si les tribunaux en Chine peuvent à l’occasion faire preuve de moins de scrupules ou d’éthique que les tribunaux au Canada, ils se préoccupent néanmoins habituellement de la règle de droit appropriée, conformément aux procédures juridiques établies. » La Commission n’a clairement pas tenu compte des mandats d’Interpol et des jugements des tribunaux chinois sans premièrement examiner s’ils étaient suffisamment dignes de foi pour être utilisés. Le demandeur n’a pas été en mesure de me convaincre qu’il y a quoi que ce soit de déraisonnable dans l’ensemble de la décision rendue par la Commission, compte tenu de la preuve dont elle disposait. À mon avis, il n’y a pas lieu d’accueillir la demande de contrôle judiciaire pour ce motif.

 

[79]           Question no 5

            La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que le demandeur n’était pas un témoin crédible?

            La Commission a conclu que le demandeur n’était pas un témoin crédible. Compte tenu de la preuve dont la Commission disposait, cette conclusion n’avait, à mon sens, rien de déraisonnable. La Commission a fait observer que le témoignage donné sous serment était présumé vrai, sauf s’il y avait une raison de douter de sa véracité. Toutefois, elle a ensuite fourni un certain nombre de motifs pour lesquels elle doutait de la véracité du témoignage du demandeur. La Commission a souligné que le demandeur manquait apparemment de connaissances dans le domaine des affaires pour un homme d’affaires aussi chevronné. Elle a aussi souligné que le témoignage du demandeur était évasif et confus en réponse aux questions ayant été posées, qu’il était rempli d’incohérences et qu’il avait souvent changé lorsque le demandeur avait été mis en présence d’une preuve contradictoire. La Commission a fourni plus de huit pages d’exemples précis où elle avait des doutes quant à la crédibilité du témoignage du demandeur. Il existait suffisamment de motifs pour qu’elle puisse conclure que le demandeur n’était pas crédible. Je ne vois aucune raison de modifier la conclusion tirée par la Commission.

 

[80]           Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

[81]           Les parties disposeront de dix jours à compter de la date de la présente décision pour soumettre à mon attention toute question grave de portée générale à certifier. Les parties disposeront ensuite de cinq jours pour répondre à toute question proposée.

 

 

« John A. O’Keefe »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Isabelle D’Souza, LL.B., M.A.Trad.jur.


ANNEXE

 

Dispositions législatives pertinentes

 

Les dispositions législatives pertinentes sont reproduites dans la présente annexe.

 

La Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, 28 juillet 1951, R.T. Can. 1969 no 6 :

 

F. Les dispositions de cette Convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser :
 

a) qu’elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l’humanité, au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes;
 

b) qu’elles ont commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d’accueil avant d’y être admises comme réfugiées;
 

c) qu’elles se sont rendues coupables d’agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies.

 

F.  The provisions of this Convention shall not apply to any person with respect to whom there are serious reasons for considering that:

 

(a) he has committed a crime against peace, a war crime, or a crime against humanity, as defined in the international instruments drawn up to make provision in respect of such crimes;

 

 

(b) he has committed a serious non-political crime outside the country of refuge prior to his admission to that country as a refugee;

 

(c) he has been guilty of acts contrary to the purposes and principles of the United Nations.

 

 

 

 

 

La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 :

 

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

 

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

 

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

 

97.(1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

 

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

 

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

 

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

 

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

 

 

(2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d’une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

 

 

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

 

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

 

97.(1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

 

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

 

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

 

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

 

 

(2) A person in Canada who is a member of a class of persons prescribed by the regulations as being in need of protection is also a person in need of protection.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2319-07

 

INTITULÉ :                                       HANY ZENG

                                                            (alias HAN LIN HANY ZENG)

c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE

                                                            L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 20 FÉVRIER 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE O’KEEFE

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 19 AOÛT 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Daniel Kingwell

 

POUR LE DEMANDEUR

Kristina Dragaitis

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Mamann & Associates

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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