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Date : 20080723

Dossier : IMM-3139-07

Référence : 2008 CF 897

Ottawa (Ontario), le 23 juillet 2008

En présence de madame la juge Simpson

 

 

ENTRE :

RI XIN AO

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Ri Xin Ao (le demandeur) sollicite le contrôle judiciaire, en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), d’une décision par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) concluait le 17 août 2007 que le demandeur n’était pas un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger (la décision).

 

LE CONTEXTE

 

[2]               Le demandeur est né dans la province de Guangdong en République populaire de Chine et, avant sa venue au Canada, avait toujours vécu en Chine. Il était chef cuisinier dans un établissement de restauration rapide et recevait un maigre salaire.

 

[3]               En janvier 2006, le demandeur a rencontré un passeur (snakehead) qui se faisait appeler « M. Joe ». Le passeur lui a dit qu’il pouvait l’aider à venir au Canada et à travailler ici en échange de 250 000 RMB (environ 36 000 $CAN à cette époque).

 

[4]               Le demandeur prétend avoir emprunté de l’argent à un gang, la clique Hung (le gang). Le demandeur soutient qu’il a par la suite découvert que ce gang était dirigé par un haut fonctionnaire, M. Zhou.

 

[5]               Le passeur s’est chargé des préparatifs du voyage et a procuré au demandeur un passeport et d’autres documents pour lui permettre de prendre l’avion jusqu’au Canada. Le 12 avril 2006, à son arrivée au Canada, un complice du passeur a récupéré ses documents de voyage et lui a dit de demander l’asile. Le demandeur en a fait la demande le jour suivant.

 

[6]               Le demandeur prétend qu’après son arrivée au Canada le gang a menacé sa famille en Chine et lui a dit qu’il tuerait le demandeur si celui‑ci ne remettait pas l’argent emprunté. Le demandeur soutient qu’à une occasion ses parents ont été agressés par des membres du gang et que sa mère a été projetée au sol et s’est blessée au dos.

 

[7]               En janvier 2007, la famille du demandeur a déménagé dans la province de Shanxi en Chine pour échapper au gang. Le demandeur déclare que sa famille n’a pas été harcelée depuis le déménagement. Cependant, il dit que la province de Shanxi est très pauvre et que sa famille a de la difficulté à subsister. Le demandeur prétend aussi que, s’il retourne en Chine, le gang le retrouvera.

 

LA DÉCISION

 

[8]               La Commission a estimé que le demandeur n’était pas crédible et a douté de l’existence même de M. Zhou et, encore plus, du fait qu’il aurait prêté de l’argent au demandeur. La Commission a déclaré :

Le tribunal doit examiner le motif qui pousserait une personne puissante et intelligente à prêter de l’argent à quelqu’un qui n’a que des études primaires. D’après le tribunal, il aurait eu de meilleurs possibilités de rendements financiers du capital investi en choisissant une personne ayant des études supérieures et plus en mesure de gagner de l’argent, une fois arrivée au Canada. Le tribunal s’est également demandé s’il était vraisemblable que M. Zhou, un agent du gouvernement chinois ayant supposément beaucoup d’influence, connaisse une personne aussi modeste que le demandeur d’asile. Selon le tribunal, le récit du demandeur d’asile manque de crédibilité et le tribunal ne croit pas que M. Zhou existe en réalité.

 

[9]               La Commission a fait remarquer que le demandeur n’a pas fourni de documents ou d’autres preuves pour corroborer son témoignage. Plus précisément, il n’a fourni aucun document, tel un rapport médical, pour appuyer ses prétentions que sa mère avait été blessée dans une agression par des membres du gang. En outre, le demandeur n’a fourni aucune coupure de presse ou autre preuve pour prouver l’existence de M. Zhou. La Commission n’a pas accepté l’explication du demandeur selon laquelle sa famille et ses amis auraient été en danger s’il leur avait demandé d’envoyer des documents.

 

[10]           La Commission a aussi jugé que le demandeur pouvait rejoindre sa famille et que, bien que les conditions économiques aient été moins favorables dans la région où ils habitaient, cela ne permettait pas au demandeur de devenir un réfugié au sens de la Convention.

 

ANALYSE

 

[11]           Le demandeur admet qu’il était un migrant économique à son arrivée au Canada. Cependant, il dit qu’en raison des menaces proférées par le gang depuis son arrivée, il est désormais une personne à protéger, en application de l’alinéa 97(1)b) de la Loi.

 

[12]           La preuve démontre que le demandeur a traité avec le gang avant même de savoir que M. Zhou en était le dirigeant. Rien ne prouve que M. Zhou a décidé de prêter de l’argent au demandeur. Ainsi, l’analyse par la Commission des motifs pour lesquels M. Zhou ne lui aurait pas prêté d’argent (citée ci‑dessus) ne pourrait pas être utilisée valablement pour mettre en doute la crédibilité du demandeur.

 

[13]           Je reconnais avec le défendeur que les conclusions quant à la crédibilité étaient mal motivées, mais le demandeur ne peut pas avoir gain de cause, car la conclusion de la Commission selon laquelle il a une possibilité de refuge intérieur (la PRI) est raisonnable.

 

[14]           Le demandeur allègue que la Commission n’a pas procédé à une analyse indépendante de la PRI. La Commission a plutôt déclaré que « sa réticence à aller se prévaloir d’une PRI jett[e] un doute sur la crédibilité de sa demande ». Je suis d’accord avec le demandeur que sa réticence à rejoindre sa famille dans une province pauvre en Chine n’a aucune incidence sur la véracité de ses allégations concernant le gang.

 

[15]           Cependant, la Commission a noté que la famille du demandeur n’avait pas été harcelée depuis son déménagement dans la province de Shanxi quelque six mois avant l’audience. La Commission a aussi indiqué que la seule opposition du demandeur à vivre dans la province de Shanxi est qu’il s’agit d’une région pauvre. La Commission a le droit de ne pas tenir compte des prétentions non justifiées et hypothétiques du demandeur selon lesquelles le gang finirait par le retrouver s’il retournait en Chine.

 

[16]           Cette décision aurait pu être beaucoup plus explicite, mais la conclusion finale était raisonnable et, pour ce motif, la demande ne peut être accueillie.


JUGEMENT

 

APRÈS avoir examiné les documents déposés et entendu les observations des avocats des deux parties à Toronto, le mercredi 27 février 2008;

 

            ET été avisée qu’aucune question n’a été soumise aux fins de certification;

 

LA COUR STATUE que, pour les motifs mentionnés ci‑dessus, la demande est rejetée.

 

 

 

« Sandra J. Simpson »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3139-07

 

INTITULÉ :                                       RI XIN AO c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 27 février 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              La juge Simpson

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 23 juillet 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

John Savaglio

 

POUR LE DEMANDEUR

Ada Mok

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John Savaglio

Avocat

Pickering (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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