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Date : 20080806

Dossier : IMM-301-08

Référence : 2008 CF 933

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 6 août 2008

En présence de madame la juge Mactavish

 

 

ENTRE :

JAIME ALEJANDRO TELLEZ ALVAREZ

 CITLALLI HERNANDEZ RINCON

ITZY JASMIN TELLEZ HERNANDEZ

demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Les demandeurs sont une famille de Mexicains dont les demandes d’asile ont été rejetées par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) au motif qu’il existait une protection adéquate de l’État au Mexique pour la famille.

 

[2]               Les demandeurs demandent maintenant le contrôle judiciaire de la décision de la Commission; ils affirment que la Commission a commis une erreur de droit lorsqu’elle leur a imposé un trop lourd fardeau quant à la preuve qu’ils devaient présenter pour réfuter la présomption selon laquelle l’État était en mesure de protéger ses citoyens.

 

[3]               Selon les demandeurs, la Commission a en outre commis une erreur lorsqu’elle a omis de tenir compte de façon appropriée du fait que les agents de persécution, dans la présente affaire, étaient des représentants de l’État ou qu’ils agissaient avec la complicité de l’État. De plus, les demandeurs affirment que la Commission a aussi commis une erreur lorsqu’elle a traité le Mexique comme une démocratie parfaitement établie et qu’elle n’a pas tenu compte des éléments de preuve pertinents; ainsi, la décision de la Commission était déraisonnable.

 

[4]               Pour les motifs qui suivent, je ne suis pas convaincue que la Commission ait commis les prétendues erreurs. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

Résumé des faits

 

[5]               Les demandeurs affirment craindre avec raison d’être persécutés au Mexique du fait des opinions politiques des demandeurs adultes, soit M. Tellez et Mlle Hernandez.

 

[6]               Lorsqu’ils étaient à l’université, M. Tellez et Mlle Hernandez étaient des étudiants activistes qui soutenaient le mouvement zapatiste. Ils étaient aussi membres et activistes du parti dénommé « Partido de la Revolution Democratica » (le PRD). Les demandeurs affirment qu’en raison de ces activités, ils sont devenus des cibles de persécution pour le parti au pouvoir au Mexique.

 

[7]               Les demandeurs affirment aussi que le fait que le père de Mlle Hernandez avait été une figure importante du PRD a aussi contribué à ce qu’ils deviennent des cibles de persécution.

 

[8]               La Commission a admis comme crédible l’allégation des demandeurs selon laquelle entre 1999 et 2004, ils ont fait l’objet de diverses menaces, de harcèlement policier et d’attaques. La Commission a aussi admis que M. Tellez avait été enlevé par des opposants aux militants de gauche en 2004, et que ces derniers avaient aussi volé la fourgonnette que M. Tellez conduisait au moment de l’enlèvement.

 

[9]               Les demandeurs eux-mêmes n’ont jamais sollicité la protection de l’État. Bien que la police ait été appelée apparemment par une tierce partie après l’enlèvement, M. Tellez n’a pas révélé à la police qu’il avait été enlevé, parce qu’il ne voulait pas que son employeur soit mis au courant de ses activités politiques et parce qu’il avait peur de perdre son emploi.

 

[10]           Apparemment, l’un des auteurs de l’enlèvement s’est enfui. Toutefois, l’autre auteur de l’enlèvement a été arrêté, et ultérieurement, il a été déclaré coupable du vol de la fourgonnette que M. Tellez conduisait au moment de l’enlèvement et il a été mis en prison. Aucune nouvelle menace n’a été reçue par les demandeurs ou leurs familles depuis 2004.

 

[11]           En 2006, les demandeurs ont été expropriés de leur maison en vue de la construction d’un nouvel aéroport. Lorsqu’ils se sont rendu compte que rien ne pouvait empêcher cela, les demandeurs ont donc décidé de quitter le Mexique et de venir au Canada.

 

[12]           La Commission a conclu que la question de la protection de l’État était déterminante pour la demande des demandeurs. Après avoir conclu qu’une telle protection était offerte aux demandeurs au Mexique, elle a donc rejeté leur demande d’asile.

 

 

La Commission a-t-elle commis une erreur dans l’application du droit relativement à la question de la protection de l’État?

 

[13]           Les demandeurs affirment que la Commission a commis une erreur de droit dans son analyse de la question de la protection de l’État, lorsqu’elle leur a imposé une norme de preuve trop élevée pour la réfutation de la présomption que la protection de l’État leur était offerte au Mexique.

 

[14]           C’est‑à‑dire que les demandeurs affirment que la Commission a commis une erreur lorsqu’elle s’est fondée sur l’arrêt de la Cour d’appel fédérale Villafranca c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] A.C.F. nº 1189, relativement à la nature et à la qualité de la preuve qu’un demandeur doit apporter pour réfuter la présomption de la protection de l’État. Pour les demandeurs, cela constitue une erreur de droit puisque la Cour suprême du Canada a opéré un revirement de jurisprudence à cet égard dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689.

 

[15]           À l’appui de cette affirmation, les demandeurs se fondent sur la décision du juge Campbell dans l’affaire Garcia c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2007 CF 79.

 

[16]           Je ne partage pas l’avis des demandeurs selon lesquels la Commission a commis les prétendues erreurs. Bien que l’arrêt Villafranca soit mentionné dans l’analyse de la Commission, il ressort de l’examen de la décision de la Commission dans son ensemble qu’elle a évalué la demande des demandeurs à la lumière de la norme prescrite par la Cour suprême dans l’arrêt Ward.

 

[17]           C’est‑à‑dire que la Commission a examiné si les demandeurs ont apporté une « preuve claire et convaincante » de l’incapacité du Mexique à les protéger.

 

[18]           Par conséquent, je suis convaincue que la Commission n’a pas commis d’erreur de droit à cet égard et, que au contraire, elle a appliqué le bon critère lors de l’évaluation de la demande des demandeurs.

 

 

La conclusion de la Commission sur la protection de l’État était‑elle déraisonnable?

 

[19]           Les demandeurs ont fait valoir plusieurs arguments pour soutenir leur allégation que la conclusion de la Commission, selon laquelle la protection de l’État leur était offerte au Mexique, était déraisonnable.

 

[20]           Premièrement, les demandeurs soutiennent que la Commission a commis une erreur lorsqu’elle a omis de tenir compte du fait que les agents de persécution craints par les demandeurs dans la présente affaire étaient soit des représentants de l’État, soit des personnes agissant avec la complicité de l’État. Citant la jurisprudence telle que la décision de la Cour Carrillo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 320 (infirmée par l’arrêt répertorié : 2008 CAF 94), les demandeurs affirment que, puisque les agents de la persécution étaient des représentants de l’État, l’obligation qui pesait sur eux de réfuter la présomption de la protection de l’État était moindre.

 

[21]           L’examen de la décision de la Commission révèle que la Commission était bien au courant du fait que les agents de persécution craints par les demandeurs, dans la présente affaire, étaient des représentants de l’État. C’est en tenant compte de ce fait que la Commission a ensuite examiné les voies de recours qui auraient pu être ouvertes aux demandeurs, s’ils avaient tenté d’obtenir la protection de l’État pendant qu’ils étaient au Mexique.

 

[22]           La Commission a aussi noté que, même si M. Tellez n’avait pas révélé à la police toute l’histoire sous-jacente à son enlèvement, la police avait semblé vouloir faire son travail, et être en mesure de le faire, vu l’assignation en justice d’au moins un des auteurs de l’enlèvement, pour le seul acte criminel dont elle avait été informée.

 

[23]           Les demandeurs affirment aussi que la Commission a commis une erreur lorsqu’elle a traité le Mexique comme une démocratie parfaitement établie, sans aussi reconnaître les problèmes de corruption et les problèmes de violation des droits de la personne qui ont cours dans ce pays, pour lesquels il existe une abondante documentation.

 

[24]           Ici, une fois de plus, l’argument n’est pas corroboré par l’examen des motifs de la Commission. Au contraire, lorsqu’elle a noté que le public est souvent méfiant envers les institutions publiques au Mexique y compris la police, la Commission a expressément reconnu le problème de la corruption largement répandue et les problèmes de violation des droits de la personne qui ont cours dans ce pays.

 

[25]           Enfin, les demandeurs affirment que la Commission a commis une erreur lorsqu’elle n’a pas tenu compte de la preuve documentaire, disant que la preuve documentaire la plus récente ne décrivait aucune violation des droits de la personne des activistes de gauche qui soit commise pour des raisons politiques.

 

[26]           La Commission est présumée avoir tenu compte de tous les éléments de preuve dont elle disposait; voir en ce sens l’arrêt Woolaston c. Canada (Ministre de la Main‑d’œuvre et de l’Immigration), [1973] R.C.S. 102. La Commission n’a aucune obligation de mentionner chaque document déposé en preuve et l’omission de la Commission de mentionner un document précis ne signifie pas qu’elle n’a pas tenu compte de ce document; voir en ce sens la décision Hassan c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), (1992) 147 N.R. 317.

 

[27]           Étant donné que les demandes d’asile mettent en jeu une analyse prospective, il n’était pas déraisonnable que la Commission concentre son analyse sur la preuve documentaire la plus récente disponible.

 

[28]           En outre, la preuve documentaire dont la Commission n’aurait pas tenu compte avait trait à une grève des enseignants dans une autre région du Mexique que celle où les demandeurs vivaient. Par conséquent, la valeur probante des éléments de preuve dont la Commission n’aurait pas tenu compte n’était pas convaincante au point de mener à l’inférence que la Commission n’avait pas dû examiner ces éléments de preuve. Voir la décision Cepeda-Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] A.C.F. nº 1425, 157 F.T.R. 35, aux paragraphes 14 à 17.

 

[29]           En conséquence, les demandeurs ne m’ont pas convaincue que la conclusion de la Commission sur la protection de l’État était déraisonnable.

 

 

Conclusion

 

[30]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

 

Certification

 

[31]           Aucune partie n’a posé de question à certifier et aucune ne se pose ici.


 

JUGEMENT

           

            LA COUR STATUE que :

 

            1.         la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée;

 

            2.         aucune question grave de portée générale n’est certifiée.

 

 

 

« Anne Mactavish »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Laurence Endale, LL.M. M.A.Trad.jur.

 

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                              IMM-301-08

 

INTITULÉ :                                            JAIME ALEJANDRO TELLEZ ALVAREZ ET AL

                                                                  c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE

                                                                  L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                    Vancouver (C.‑B.)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                   Le 16 juillet 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                  La juge Mactavish

 

DATE DES MOTIFS :                           Le 6 août 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

Warren Puddicombe

 

POUR LES DEMANDEURS

Kimberely Shane

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Elgin, Cannon & Associates

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

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