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Date : 20080808

Dossier : IMM-48-08

Référence : 2008 CF 938

Ottawa (Ontario), le 8 août 2008

En présence de monsieur le juge Martineau

 

ENTRE :

SAMUEL NATHANIEL BAILEY

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DE l’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Le demandeur conteste la légalité d’une décision rendue le 3 décembre 2007 par la Section d’appel de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) par laquelle celle‑ci a révoqué, en vertu de l’article 197 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch.27 (la Loi), le sursis à la mesure de renvoi prise contre lui ainsi que ses droits d’appel.

 

[2]               Le demandeur, Samuel Nathaniel Bailey, est un citoyen de la Jamaïque et il est résident permanent du Canada. Le 20 novembre 2000, il a été déclaré coupable de trafic de cocaïne, en contravention de l’alinéa 465(1)c) du Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C-46. Le demandeur a plaidé coupable et a été condamné à cinq ans et trois mois d’emprisonnement. Le 12 juin 2001, un arbitre de l’immigration a statué que le demandeur était interdit de territoire au Canada pour raison de criminalité et il a pris une mesure de renvoi contre lui au motif qu’il était visé par l’alinéa 27(1)d) de l’ancienne Loi sur l’immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2 (l’ancienne Loi). Le demandeur a interjeté appel de cette décision à la Commission. En ce qui concerne le règlement de cet appel, les avocats ont recommandé conjointement qu’il soit sursis, à certaines conditions, à l’exécution de la mesure de renvoi. En mai 2002, la Commission a accordé un sursis de trois ans à l’exécution de la mesure de renvoi prise contre le demandeur, et ce, à certaines conditions, notamment que le demandeur [traduction] « ne trouble pas l’ordre public et ait une bonne conduite ». La Commission a fait savoir qu’elle réexaminerait le cas du demandeur vers la quatrième semaine de mai 2005. Entre‑temps, l’ancienne Loi a été abrogée et la nouvelle Loi est entrée en vigueur le 28 juin 2002. À ce moment‑là, le dossier du demandeur était en instance devant la Commission. Son traitement est donc soumis aux dispositions transitoires de la Loi.

 

[3]               La règle générale, énoncée à l’article 192 de la Loi, prévoit que les affaires en instance devant la Section d’appel lorsque la Loi est entrée en vigueur sont continuées sous le régime de l’ancienne Loi. Néanmoins, un certain nombre d’exceptions à cette règle d’application générale sont prévues dans la Loi. L’article 197 en est un exemple. Cet article est ainsi libellé : « Malgré l’article 192, l’intéressé qui fait l’objet d’un sursis au titre de l’ancienne loi et qui n’a pas respecté les conditions du sursis, est assujetti à la restriction du droit d’appel prévue par l’article 64 de la présente loi, le paragraphe 68(4) lui étant par ailleurs applicable ». Le paragraphe 64(1) prévoit ce qui suit : « L’appel ne peut être interjeté par le résident permanent ou l’étranger qui est interdit de territoire pour raison de sécurité ou pour atteinte aux droits humains ou internationaux, grande criminalité ou criminalité organisée, ni par dans le cas de l’étranger, son répondant ». De plus, selon le paragraphe 68(4), le sursis de la mesure de renvoi pour interdiction de territoire pour grande criminalité ou criminalité est révoqué de plein droit si le résident permanent ou l’étranger est reconnu coupable d’une autre infraction mentionnée au paragraphe 36(1), l’appel étant dès lors classé.

 

[4]               Le 13 avril 2005, la Commission a informé les parties que, le 24 mai 2005, en chambre, elle examinerait la question du sursis. Le défendeur a demandé que l’appel interjeté par le demandeur soit rejeté en raison de violations de certaines conditions de l’ordonnance de sursis qui n’avaient pas trait à la condition particulière voulant que le demandeur ne trouble pas l’ordre public et ait une bonne conduite. Un examen oral a eu lieu le 28 juillet 2006. D’entrée de jeu, le défendeur a convenu de retirer ses allégations de violations antérieures et les parties ont formulé des représentations conjointes, qui ont été acceptées par la Commission, de proroger le sursis pour une autre année, aux mêmes conditions, sous réserve de quelques changements mineurs quant aux exigences en matière de rapport. Le 2 mai 2007, la Commission a avisé les parties que, en conformité avec le paragraphe 68(3) de la Loi, elle réexaminerait, le 13 juin 2007, sans tenir d’audience, l’appel interjeté par le demandeur. Cet avis, en conformité avec l’article 26 des Règles de la Section d’appel de l’immigration, DORS/2002-230, exigeait que chaque partie transmette à la Commission une déclaration écrite portant sur le respect ou non, par le demandeur, des conditions de son sursis.

 

[5]               Dans une lettre datée du 13 juin 2007, le défendeur a demandé que le sursis du demandeur soit révoqué et que ses droits d’appel soient retirés en raison du déclenchement de l’application de l’article 197 de la Loi. Le défendeur a notamment prétendu que le demandeur n’avait pas respecté l’exigence de ne pas troubler l’ordre public et d’avoir une bonne conduite en conduisant à deux reprises, en 2002 et en 2003, un véhicule sans permis de conduire, en contravention de la Motor Vehicle Act, R.S.B.C. 1996, ch. 318 (la Motor Vehicle Act) de la Colombie‑Britannique. Le paragraphe 24(1) de la Motor Vehicle Act prévoit que personne ne doit conduire un véhicule automobile sur une voie publique à moins de détenir un permis de conduire valide délivré en vertu de cette loi. Selon le paragraphe 24(2), une personne qui contrevient au paragraphe (1) commet une infraction [Non souligné dans l’original.]

 

[6]               En ce qui concerne les allégations de violation de la Motor Vehicle Act, le défendeur a produit une déclaration solennelle faite sous serment par Leona H. Martin, agente d’immigration à CIC/ASFC à Yellowknife (Dossier certifié du tribunal, aux pages 94 et 95). Mme Martin a déclaré ce qui suit :

[traduction]

 

Le 12 juin 2007, j’ai joint le bureau des véhicules automobiles des T.N.‑O et j’ai demandé qu’il effectue une vérification quant au permis de conduire de Samuel Nathaniel BAILEY. J’ai parlé à Kelley Merilees-Keppel, directrice des Immatriculations des véhicules automobiles. Mme Merilees-Keppel m’a informée que M. BAILEY avait possédé un permis de conduire de la Colombie‑Britannique, du 12 juin 1990 au 19 juin 1991. Elle m’a également informée que M. BAILEY avait reçu deux billets d’infraction, un à Westminster (C.‑B.) en 2003, et un à Burnaby (C.‑B.) en 2002. Les deux billets lui avaient été remis en vertu de la [Motor Vehicle Act] parce qu’il avait conduit sans détenir un permis de conduire. Elle a également effectué une vérification pancanadienne de permis de conduire et elle a déclaré que M. BAILEY n’avait jamais obtenu un permis de conduire ailleurs qu’en Colombie‑Britannique.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[7]               Le jour suivant, le demandeur a répondu aux prétentions du défendeur et a prétendu que les allégations en matière de conduite de véhicule automobile n’avaient pas été soumises à la Commission lors de l’audience du 28 juillet 2006. Compte tenu que les prétendues violations [traduction] « se sont produites en 2002 et en 2003, avant le sursis supplémentaire d’un an imposé par [la Commission] », l’avocat du demandeur a prétendu que le demandeur [traduction] « ne [pouvait] pas violer les conditions de son sursis avant que celui‑ci soit accordé » [Souligné dans l’original.] De plus, il a prétendu qu’il semblait [traduction] « très vindicatif de la part du ministre de demander que les droits d’appel de M. Bailey soient révoqués en raison d’allégations futiles [ayant trait à la Motor Vehicle Act] de 2002 à 2003 […] ».

 

[8]               Le 18 juin 2007, le défendeur a répondu aux prétentions du demandeur et a reconnu que l’un de ses arguments, à savoir que le demandeur avait omis de signaler un changement d’adresse, était faux et il a retiré ses prétentions à cet égard. Néanmoins, le défendeur a réaffirmé sa position selon laquelle, en conséquence des infractions en matière de conduite automobile, le demandeur n’avait pas respecté la condition de ne pas troubler l’ordre public et d’avoir une bonne conduite. En outre, le 6 juillet 2007, le défendeur a de plus souligné que l’avocat du demandeur [traduction] « ne contest[ait] pas le fait que le demandeur [avait] été déclaré coupable en 2002 et en 2003 d’avoir conduit un véhicule sans permis de conduire valide, en contravention de la Motor Vehicle Act » [Non souligné dans l’original.] Le défendeur a déclaré qu’il n’a été mis au courant des infractions en matière de conduite de véhicule automobile que lorsque Mme Martin l’en a informé en juin de cette année‑là. Une déclaration solennelle en ce sens a été produite par David Macdonald, l’agent d’audience qui s’est occupé de l’examen du sursis en juillet 2006, attestant que s’il avait été au courant de ces violations à l’époque de l’examen oral, il aurait traité le dossier d’une autre façon. De plus, M. Macdonald a déclaré que, selon lui, la conduite d’un véhicule automobile sans permis de conduire, à deux reprises, n’est pas une violation banale ou technique d’une condition imposant de ne pas troubler l’ordre public et d’avoir une bonne conduite.

 

[9]               L’avocat du demandeur a déposé sa réponse le 16 juillet 2007. Il a reconnu que le demandeur avait reçu deux contraventions : [Traduction] « une à New Westminster (C.‑B.) le 9 novembre 2002 et une autre à Burnaby (C.‑B.), le 13 janvier 2003, pour avoir conduit sans permis, en contravention du paragraphe 24(1) de la [Motor Vehicle Act] ». L’avocat a de plus reconnu que les violations de la Motor Vehicle Act peuvent [traduction] « violer techniquement » la condition de ne pas troubler l’ordre public et d’avoir une bonne conduite. Toutefois, il a prétendu que les circonstances suivantes devraient persuader la Commission d’exercer son pouvoir discrétionnaire et de ne pas renvoyer le demandeur en raison des deux contraventions qu’il a reçues :

  • le demandeur détenait un permis de conduire de la Saskatchewan qui était venu à expiration avant qu’il reçoive la première contravention;
  • le demandeur n’a pas reçu la lettre lui rappelant de renouveler son permis de conduire (il avait tout simplement oublié de le faire);
  • le demandeur n’avait pas l’intention de cacher le fait qu’il avait reçu des contraventions;
  • le demandeur n’a pas compris qu’il était important de faire mention des rapports qu’il avait eus avec la police et (ou) avec les cours de justice;
  • le demandeur a déclaré de son plein gré que son permis avait été révoqué;
  • la vie du demandeur est complètement établie au Canada (il est arrivé au Canada en 1985, il a deux enfants, il vit avec sa sœur et il s’occupe actuellement de sa mère).

 

[10]           Dans sa décision du 3 décembre 2007, la Commission a d’abord insisté sur la prétention du défendeur selon laquelle le demandeur « [a] été déclaré coupable en 2002 et en 2003 de conduite sans permis de conduire valide, en contravention de la Motor Vehicle Act et [qu’il] ne contest[ait] pas cette déclaration de culpabilité ». La Commission a ensuite conclu qu’une violation d’une loi fédérale, provinciale, d’un règlement municipal ou d’une loi de nature réglementaire n’entraîne pas automatiquement la conclusion qu’il y a eu violation d’une condition imposant de ne pas troubler l’ordre public et d’avoir une bonne conduite. La Commission a invoqué la décision qu’elle a rendue dans Cao c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2006] D.S.A.I. no 101 (QL) (Cao) et la décision rendue par la Cour fédérale dans Avalos c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 830, [2005] A.C.F. no 1035 (Q.L.) (Avalos). La Commission a donc examiné les explications du demandeur relativement aux deux infractions aux lois provinciales.

 

[11]           En ce qui concerne la première infraction, la Commission a accepté les explications du demandeur selon lesquelles son permis de conduire était venu à expiration deux mois auparavant et qu’il n’avait pas reçu son avis de renouvellement et que c’est par inadvertance qu’il avait omis de le renouveler. Toutefois, en ce qui concerne la deuxième infraction, la Commission a déclaré qu’elle se serait attendue à ce que le demandeur, en 2003, renouvelle son permis de conduire ou se procure un nouveau permis de conduire, ce qu’il a manifestement choisi de ne pas faire. Par conséquent, la Commission a conclu que le demandeur « a enfreint en 2003 une loi provinciale, la Motor Vehicle Act; il savait ou aurait dû savoir qu’il conduisait sans avoir de permis de conduire valide, ce pour quoi il s’était fait servir un avertissement à sa déclaration de culpabilité précédente de 2002, pour une infraction similaire. En conséquence, [le demandeur] n’a pas respecté la condition de son sursis selon laquelle il ne devait pas troubler l’ordre public et devait avoir une bonne conduite ». Par conséquent, la Commission a conclu que le demandeur était visé par l’article 197 de la Loi. Par conséquent, le sursis à l’exécution de la mesure de renvoi a été annulé et l’appel a été révoqué en application de la loi.

 

[12]           Selon le demandeur, en entreprenant l’examen du sursis, le défendeur avait la charge de prouver que le demandeur avait violé une condition du sursis. Cela signifie qu’il incombait au défendeur de prouver que le demandeur n’avait pas respecté les lois fédérales et provinciales ainsi que les règlements municipaux. À cet égard, le demandeur prétend que le défendeur ne peut pas soumettre des allégations d’infraction comme preuve de condamnation. Cela découle non seulement de la présomption d’innocence consacrée dans la Charte canadienne des droits et libertés, mais également de l’obligation d’agir équitablement à l’égard du demandeur. En l’espèce, la Commission a commis une erreur en concluant que le demandeur avait été « déclaré coupable » de certaines infractions relatives à la conduite d’un véhicule automobile en 2002 et en 2003. Premièrement, le dossier ne comprenait aucune preuve directe ni aucun aveu que le demandeur avait déjà été déclaré coupable d’avoir conduit sans permis de conduire. Deuxièmement, la déclaration solennelle de Leona H. Martin constituait une preuve par ouï-dire inadmissible comme preuve de condamnation justifiant l’annulation du sursis du demandeur.

 

[13]           Pour les motifs qui suivent, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

[14]           Dans la décision Huynh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1426, [2003] A.C.F. no 1844 (QL) (Huynh), à laquelle renvoie la Commission dans la décision contestée, le juge O’Reilly s’est penché sur le sens d’une condition de sursis exigeant que le demandeur ait une « bonne conduite » :

Je souligne qu'en droit criminel, l'exigence « de ne pas troubler l'ordre public et d’avoir une bonne conduite » est une condition prescrite par la loi dans toutes les ordonnances de probation : Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C-46, alinéa 732.1(2)a). Pour « avoir une bonne conduite », une personne doit se conformer aux lois et règlements fédéraux, provinciaux et municipaux : R c. R.(D.) (1999), 138 C.C.C. (3d) 405 (C.A. T.-N.). Je ne vois rien qui s'oppose à ce que le même point de vue s'applique en l'espèce.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[15]           La décision Huynh a été citée avec approbation par la juge Mactavish dans Cooper c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1253, [2005] A.C.F. no 1519 (QL) (Cooper), au paragraphe 15. Dans la décision Cooper, à laquelle renvoie également la Commission dans la décision contestée, la question soumise à la Cour consistait à savoir si les condamnations du demandeur relativement à des infractions provinciales liées à l’utilisation d’un véhicule automobile constituaient une violation de la condition du sursis à son renvoi « de ne pas troubler l'ordre public, d'avoir une bonne conduite et de ne pas commettre d'autres infractions criminelles ». La réponse est affirmative.

 

[16]           Toutefois, dans la décision Avalos, à laquelle renvoie également la Commission, le juge Blanchard a conclu, au paragraphe 34, que l’article 197 n’empêche pas la Commission de considérer toutes explications raisonnables se rapportant au bris de condition :

Je ne peux retenir l'argument du demandeur que l'article 197 ne permet aucune analyse des circonstances entourant le bris de condition et qu'en l'espèce le demandeur n'ait pu faire valoir une explication. L'article 197 n'empêche pas la Section d'appel de considérer toutes explications raisonnables se rapportant au bris de condition. À mon avis, la Section d'appel a l'obligation de considérer les excuses apportées par le demandeur afin d'expliquer son défaut, ce qu'elle a fait en l'espèce. La Section d'appel a expressément considéré l'explication apportée par le demandeur afin d'expliquer son défaut et l'a jugée non suffisante. Conséquemment, je suis d'avis que les principes de justice naturelle ont été respectés en l'espèce.

 

 

[17]           Dans la décision Cao, à laquelle renvoie également la Commission, un tribunal de la Section d’appel est allé plus loin que le raisonnement de Avalos et a conclu comme suit aux paragraphes 16 et 19 :

Le tribunal s'intéresse au renvoi à R. c. R. (D.) dans Cooper et Huynh, ainsi qu'aux déclarations identiques faites par la juge Mactavish et le juge O'Reilly dans ces décisions : « Pour avoir une bonne conduite », une personne doit se conformer aux lois et règlements fédéraux, provinciaux et municipaux : R. c. R. (D.). Selon le tribunal, le ministre a conclu que cette déclaration voulait dire que, s'il y a eu déclaration de culpabilité en vertu d'une loi ou d'un règlement fédéral, provincial ou municipal, il y a automatiquement eu violation de la condition qui exige « de ne pas troubler l'ordre public et d'avoir une bonne conduite ». Après son examen de R. c. R. (D.) et d'autres cas de jurisprudence, le tribunal ne peut pas être d'accord avec le ministre.

 

[…]

 

À la suite de son examen de R. c. R. (D.), le tribunal est convaincu que cette décision appuie tout à fait l'assertion selon laquelle pour ne pas avoir une bonne conduite, il ne faut pas avoir respecté les lois et les dispositions réglementaires fédérales, provinciales et municipales, mais que le fait de ne pas respecter une de ces lois ou dispositions réglementaires n'équivaut pas nécessairement à un manquement à la bonne conduite.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[18]           Dans Cao, le tribunal a finalement conclu ce qui suit :

Le tribunal croit fermement qu'il n'est pas approprié de conclure, comme le ministre le souhaiterait, que, si un appelant a été déclaré coupable en vertu d'une loi ou d'un règlement fédéral, provincial ou municipal, cela suppose nécessairement qu'il y a eu violation de cette condition. Selon le tribunal, conformément à Borland et Avalos, l'appelant a le droit de présenter des éléments de preuve et de fournir des explications à l'appui d'une allégation selon laquelle une telle déclaration de culpabilité n'implique pas qu'il y a eu violation de la condition, et il faut déterminer s'il y a eu violation en s'appuyant sur la preuve et les arguments relatifs à cette question particulière. Toujours selon le tribunal, il est important de souligner que la Cour fédérale, dans Cooper et Huynh, examinait des décisions de la SAI dans le cadre desquelles cette dernière avait conclu que l'appelant avait enfreint la condition de ne pas troubler l'ordre public et d'avoir une bonne conduite en commettant des infractions provinciales après qu'elle lui avait donné la possibilité de faire valoir son point de vue au cours d'un réexamen oral. Le tribunal est d'avis qu'il s'agit d'une situation très différente de celle où l'on demande à la SAI de conclure qu'il y a eu violation de la condition simplement parce qu'il a été prouvé qu'il y a eu déclaration de culpabilité.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[19]           Je souligne que le juge Campbell a confirmé, dans le cadre d’un contrôle judiciaire, le caractère raisonnable de l’approche adoptée par la Commission dans Cao c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile c. Ali, 2008 CF 341, [2008] A.C.F. no 518 QL. En outre, le juge Campbell a établi une distinction entre ce qui a été dit dans Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration c. Stephenson, 2008 CF 82, [2008] A.C.F. no 97 (QL) (Stephenson), où la juge Dawson a affirmé qu’il fallait se garder de suivre sans réserve la décision Cao.

 

[20]           Cela étant dit, la jurisprudence établie par la Cour dans Huynh et Cooper, et plus récemment dans Stephenson, a toujours statué que pour « avoir une bonne conduite », une personne doit se conformer aux lois fédérales et provinciales ainsi qu’aux règlements municipaux [Non souligné dans l’original.] Je m’arrête ici pour souligner que, selon les alinéas 175(1)b) et c) de la Loi, la Commission « n’est pas liée par les règles légales ou techniques de présentation de la preuve » et « elle peut recevoir les éléments qu’elle juge crédibles ou dignes de foi en l’occurrence et fonder sur eux sa décision ». Compte tenu de cette approche souple prévue par la loi quant aux considérations en matière de preuve, je ne suis pas convaincu par la prétention du demandeur que la Commission a commis une erreur lorsqu’elle a examiné la déclaration de Mme Martin. Aux fins de l’affaire dont la Commission était saisie, le défendeur pouvait très bien faire valoir que le demandeur avait violé le paragraphe 24(1) de la Motor Vehicle Act. Je suis également d’avis que la Commission était saisie d’une preuve suffisante, directe et indirecte, pour raisonnablement conclure que le demandeur n’avait pas respecté la Motor Vehicle Act.

 

[21]           En l’espèce, la déclaration solennelle de Mme Martin constitue une preuve que le demandeur a reçu deux contraventions, une en 2002 et une en 2003, pour avoir conduit sans permis de conduire, et ce, en contravention de la Motor Vehicle Act. Mme Martin a de plus affirmé sous serment que le demandeur n’avait obtenu aucun permis de conduire ailleurs au Canada. Je souligne que le demandeur n’a jamais nié le fait qu’il conduisait, en 2002 ou en 2003, un véhicule automobile sans détenir un permis de conduire valide de la Colombie‑Britannique. Au contraire, le demandeur a admis de plein gré qu’il avait reçu des contraventions pour avoir conduit sans permis de conduire le 9 novembre 2002 et le 13 janvier 2003. En outre, le demandeur a admis volontiers que son permis était venu à expiration deux mois avant qu’il reçoive la première contravention à New Westminster (C.‑B.) le 9 novembre 2002. Il a également admis qu’il conduisait toujours sans permis lorsqu’il a reçu la deuxième contravention à Burnaby (C.‑B.), le 13 janvier 2003. En outre, l’avocat du demandeur a soumis à la Commission que [traduction] « les violations de la [Motor Vehicle Act] constituaient techniquement un non-respect de la condition de ne pas troubler l’ordre public et d’avoir une bonne conduite, mais, compte tenu des circonstances de l’affaire de M. Bailey, la Commission ne devrait pas considérer cette violation comme étant suffisamment grave pour rejeter l’appel de M. Bailey » [Non souligné dans l’original.] Manifestement, il s’agit d’un aveu de la part du demandeur que, à deux reprises, il a commis l’infraction de conduite sans permis et, ce faisant, il n’a pas respecté la loi provinciale pertinente en 2002 et en 2003.

 

[22]           La Cour d’appel fédérale a décidé en 2005 que « c'est néanmoins l'infraction elle-même qui constitue la violation de la condition » de ne pas troubler l’ordre public et d’avoir une bonne conduite. À cet égard, on peut établir une violation sans qu’il y ait déclaration de culpabilité « lorsqu'il y a d'autres preuves évidentes du comportement fautif » Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CAF 417, [2005] A.C.F. no 2046 (QL), au paragraphe 28 (Singh). En l’espèce, compte tenu de la preuve claire et convaincante soumise à la Commission, il n’était pas, selon moi, déraisonnable que la Commission conclut, en l’absence de preuve d’une condamnation, que le demandeur « a enfreint en 2003 une loi provinciale, la Motor Vehicle Act; il savait ou aurait dû savoir qu’il conduisait sans avoir de permis de conduire valide, ce pour quoi il s’était fait servir un avertissement […] en 2002 […] » (c’est‑à‑dire, lorsque le demandeur a reçu une contravention le 9 novembre 2002). Compte tenu du contexte factuel particulier de l’espèce, je suis également d’avis que la conclusion de la Commission selon laquelle le demandeur a violé la condition d’avoir une bonne conduite n’est pas déraisonnable. Par conséquent, la présente demande doit être rejetée.

 

[23]           Le demandeur a proposé deux questions à certifier :

1.         L’article 175 de la Loi autorise‑t‑il la Commission à tenir compte d’allégations d’une accusation [portée en vertu d’une loi provinciale] comme preuve de la violation de la condition de ne pas troubler l’ordre public et d’avoir une bonne conduite, ou doit‑on prouver qu’il y a eu violation [à la loi provinciale] par la preuve directe d’une condamnation avant qu’un sursis soit révoqué par application de l’article 197 de la Loi?

 

a.       Une condamnation [en vertu de la loi provinciale] est‑elle exigée pour que l’application de l’article 197 de la Loi soit déclenchée [lorsqu’on allègue qu’il y a eu violation de la condition de ne pas troubler l’ordre public et d’avoir une bonne conduite]?

 

 

[24]           Il est manifeste que la première question ne permettrait pas de trancher un appel en l’espèce. En ce qui concerne la deuxième question, la déclaration faite par la Cour d’appel fédérale dans Singh, au paragraphe 15, est déterminante, car en l’espèce, même s’il n’y a pas preuve directe d’une condamnation, il y a « d'autres preuves évidentes du comportement fautif ». Par conséquent, aucune question ne sera certifiée.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la présente demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question n’est certifiée.

 

 

« Luc Martineau »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Claude Leclerc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-48-08

 

INTITULÉ :                                       SAMUEL NATHANIEL BAILEY c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 28 juillet 2008

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE    LE JUGE MARTINEAU

ET ORDONNANCE :                      

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 8 août 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Micah Rankin

 

POUR LE DEMANDEUR

Helen Park

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Rankin & Bond

Avocats

Vancouver (C.-B.)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims c.r.

Sous‑procureur général du Canada

Vancouver (C.‑B.)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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