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Date : 20080811

Dossier : T‑914‑08

Référence : 2008 CF 941

Ottawa (Ontario), le 11 août 2008

En présence de monsieur le juge Lemieux

 

 

Entre :

Monsieur le juge PAUL COSGROVE

 

demandeur

 

et

 

 

le procureur général du CANADA

 

défendeur

 

 

motifs du jugement ET jugement

 

Introduction et contexte

[1]               Depuis 1989, monsieur le juge Paul Cosgrove (le juge Cosgrove) siège à la Cour de l’Ontario (Division générale), maintenant appelée Cour supérieure de justice de l’Ontario. La présente demande accélérée de contrôle judiciaire vise l’annulation de la décision suivante datée du 9 mai 2008 d’un comité d’enquête du Conseil canadien de la magistrature (le comité d’enquête et le CCM) :

 

[traduction]

Le comité d’enquête a examiné les observations que vous avez présentées plus tôt aujourd’hui et a décidé que la requête de Me Paliare sera entendue au moment de l’audience en septembre.

 

[2]               Me Paliare représente le juge Cosgrove à l’enquête instituée par le CCM à la suite de la plainte du procureur général de l’Ontario déposée conformément au paragraphe 63(1) de la Loi sur les juges (la Loi), pour trancher la question de savoir si, dans son rapport au CCM, il devrait recommander la destitution de sa fonction de juge pour l’une des raisons énoncées aux alinéas 65(2)b) à d) de cette loi dans le cadre du paragraphe 99(1) de la Loi constitutionnelle de 1967, dont la partie pertinente est rédigée comme suit :

 

99. (1) […] les juges des cours supérieures resteront en fonction durant bonne conduite, mais ils pourront être révoqués par le gouverneur général sur une adresse du Sénat et de la Chambre des Communes.

 

[3]               En annexe aux présents motifs, je reproduis dans les deux langues officielles les articles 63 à 65 de la Loi sur les juges.

 

[4]               La requête mentionnée dans la décision du comité d’enquête est une requête fondée sur la règle Boilard qui sera expliquée plus loin dans les présents motifs et l’audience de septembre est l’audience du comité d’enquête relative à l’affaire touchant le juge Cosgrove qui doit commencer le 2 septembre 2008.

 

[5]               Conformément au Règlement administratif du Conseil canadien de la magistrature sur les enquêtes (le Règlement), Me Earl Cherniak, c.r., a été nommé avocat indépendant pour présenter l’affaire au comité d’enquête et il est tenu, en vertu du paragraphe 5(2) du Règlement, de donner au juge Cosgrove, à l’égard des plaintes ou accusations que le comité d’enquête entend examiner, un préavis suffisamment long pour lui permettre d’offrir une réponse complète. Le dossier du demandeur indique que, le 29 février 2008, un avis d’accusation a été donné au juge Cosgrove.

 

[6]               Dans sa lettre de plainte au CCM datée d’avril 2004, le procureur général de l’Ontario a indiqué, comme fondement de la plainte, la décision du juge Cosgrove dans l’affaire Regina c. Yvonne Elliott, [1999] O.J. no 3265, dans laquelle il a ordonné une suspension des procédures dans un procès pour meurtre. Cette ordonnance a été par la suite infirmée par la Cour d’appel de l’Ontario le 4 décembre 2003 sous la référence 179 O.A.C. 219.

 

[7]               Le procureur général de l’Ontario a indiqué dans sa lettre de plainte que le critère de l’inaptitude à occuper la charge de juge qu’il faut appliquer pour recommander la destitution du juge Cosgrove était un critère tiré de la décision de 1990 du comité d’enquête sur la conduite de la Commission royale sur les poursuites intentées contre Donald Marshall fils :

 

[traduction]

La conduite reprochée porte‑t‑elle si manifestement et si profondément atteinte aux notions d’impartialité, d’intégrité et d’indépendance judiciaire qu’elle ébranle suffisamment la confiance de la population pour rendre le juge incapable de s’acquitter des fonctions de sa charge?

 

 

[8]               Les avocats conviennent qu’en vertu de la Loi le CCM n’a pas le pouvoir d’examiner de manière préliminaire une plainte présentée par un procureur général pour décider si la plainte est fondée, c’est‑à‑dire décider si une enquête est justifiée, contrairement à sa capacité de le faire lorsqu’une plainte est déposée par quiconque contre un juge d’une cour supérieure en application du paragraphe 63(2) de la Loi.

 

[9]               Le juge Cosgrove a contesté la validité constitutionnelle du paragraphe 63(1) de la Loi. Un juge de la Cour a conclu que ce paragraphe était inconstitutionnel dans la mesure où il donnait aux procureurs généraux provinciaux le pouvoir légal d’obliger le CCM à enquêter sur la conduite d’un juge d’une cour supérieure sans l’application de la procédure d’examen préliminaire aux plaintes présentées en vertu du paragraphe 63(2). Cette décision, publiée sous la référence 2005 CF 1454, a été infirmée par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Monsieur le juge Paul Cosgrove et al., 2007 CAF 103, demande d’autorisation de pourvoi rejetée par cette cour le 29 novembre 2007. Madame la juge Sharlow a rédigé les motifs pour la Cour d’appel fédérale, et les juges Sexton et Evans y ont souscrit.

 

[10]           Dans ses motifs, la juge Sharlow a examiné les limites du pouvoir discrétionnaire d’un procureur général d’exercer le pouvoir prévu au paragraphe 63(1) d’obliger l’institution d’une enquête. La première contrainte relevée était le rôle constitutionnel traditionnel des procureurs généraux en tant que gardiens de l’intérêt public dans l’administration de la justice. Elle a ensuite mentionné le paragraphe 63(1) comme deuxième contrainte, en déclarant ce qui suit aux paragraphes 52 et 53 :

 

52     Une deuxième contrainte se trouve dans le paragraphe 63(1) lui‑même. La lecture que je fais de cette disposition, c’est qu’un procureur général a le droit de demander l’ouverture d’une enquête sur la conduite d’un juge en application du paragraphe 63(1), mais uniquement si cette conduite est suffisamment grave pour justifier la destitution du juge pour l’un des motifs précisés dans les alinéas 65(2)a) à d). Dans le Rapport du Conseil canadien de la magistrature présenté au ministre de la Justice du Canada en vertu de l’art. 65(1) de la Loi sur les juges et concernant le juge Jean‑Guy Boilard de la Cour supérieure du Québec (2003), le Conseil écrivait (à la page 3) qu’il peut refuser de mener une enquête demandée en vertu du paragraphe 63(1), ou que le comité d’enquête peut refuser de poursuivre une enquête, si la requête présentée par un procureur général n’allègue pas un cas de mauvaise foi ou d’abus d’autorité, et si elle ne révèle à première vue aucun argument défendable en faveur d’une destitution. À mon avis, ce principe (que j’appellerai la règle Boilard) est un rappel opportun du principe général selon lequel un tribunal administratif, qui est maître de sa propre procédure, peut refuser d’aller de l’avant dans toute affaire qui échappe à son mandat ou qui constitue un abus de sa procédure.

 

53     Il est vrai qu’un procureur général, tout en agissant de bonne foi, peut présenter une requête dont le fondement est contestable. La preuve en est que ce ne sont pas toutes les enquêtes sollicitées par les procureurs généraux qui débouchent sur une recommandation de destitution et que, dans au moins un cas, la requête ne révélait pas même une apparence de fondement. Cependant, la question de savoir si la conduite d’un juge, dans un cas donné, justifie sa destitution peut donner lieu à des divergences de vues entre personnes raisonnables et bien informées. La possibilité qu’un procureur général se méprenne sur la gravité de la conduite d’un juge ne présente guère de lien avec la question de savoir si le paragraphe 63(1) est ou non constitutionnel.  [Non souligné dans l’original.]

 

[11]           À compter du paragraphe 66 de ses motifs, la juge Sharlow a décrit la procédure d’examen préalable des plaintes établie au paragraphe 63(2) qu’elle décrit comme des « plaintes ordinaires » et déclare que « [u]ne plainte ordinaire est soumise à une procédure à plusieurs niveaux qui permet de déterminer si une enquête s’impose ».

 

·        Au premier niveau, la plainte est examinée par le directeur exécutif du Conseil, qui déterminera si elle justifie l’ouverture d’un dossier. Aucun dossier n’est ouvert si la plainte est manifestement irrationnelle ou si elle constitue un abus évident de la procédure relative aux plaintes.

 

·        Au deuxième niveau, la plainte est renvoyée au président (ou au vice‑président) du comité sur la conduite des juges du CCM. Le président peut disposer de la plainte sommairement si elle dépasse le mandat du Conseil, ou si elle est insignifiante, vexatoire ou déposée dans un objet illégitime, si elle est manifestement sans fondement ou s’il ne convient pas de l’examiner de façon plus approfondie. Si la plainte n’est pas rejetée sommairement, le président peut demander des renseignements complémentaires au plaignant, au juge, ou au juge en chef dont le juge relève. La plainte peut être rejetée, réglée à la faveur de mesures correctives, ou renvoyée à un comité.

 

·        Au troisième niveau, la plainte est examinée par un comité de trois à cinq juges. Le juge à l’égard duquel la plainte est faite est invité à y répondre. Si la plainte n’est pas jugée suffisamment sérieuse pour justifier une enquête, elle peut être réglée à ce stade au moyen d’une lettre d’explications, ou encore d’une recommandation en faveur de mesures correctives. Si le comité juge la plainte assez sérieuse pour justifier la tenue d’une enquête, il recommande au CCM d’établir un comité d’enquête.

 

·        Au quatrième niveau, le Conseil étudie la recommandation du comité et décide si la tenue d’une enquête est ou non justifiée. Le juge est convié à présenter des observations sur la question.

 

[12]           La juge Sharlow a décrit les avantages du processus d’examen préalable mis en place pour les « plaintes ordinaires » :

 

77     En pratique, la procédure d’examen préalable qui est suivie pour une plainte ordinaire relevant du paragraphe 63(2) de la Loi sur les juges est avantageuse du point de vue du juge, et cela pour trois raisons. D’abord, elle permet la résolution d’une plainte sans publicité. Deuxièmement, elle permet le rejet sommaire d’une plainte qui est sans fondement. Troisièmement, elle permet la résolution rapide d’une plainte à l’aide de mesures correctives, sans que soit créé un comité d’enquête. J’examinerai successivement chacun de ces aspects.  [Non souligné dans l’original.]

 

[13]           Elle a écrit ce qui suit concernant le rejet sommaire et les mesures correctives et a conclu ce qui suit :

 

80     Rejet sommaire. La procédure d’examen préalable applicable aux plaintes ordinaires a en partie pour fonction de faciliter le rejet sommaire de plaintes qui, à première vue, sont dépourvues de fondement. S’agissant d’une demande d’enquête présentée par un procureur général en application du paragraphe 63(1), cette fonction est favorisée par la règle Boilard, qui a pour effet d’autoriser le rejet sommaire d’une plainte déposée par un procureur général si la plainte est manifestement sans fondement ou si elle ne révèle pas une conduite justifiant une destitution. La différence est qu’une plainte ordinaire qui est sans fondement peut être rejetée avant que ne soit créé un comité d’enquête, tandis que, selon la règle Boilard, la plainte d’un procureur général pourra être rejetée dès le départ par le comité d’enquête lui‑même, soit avant, soit après le début de ses travaux, ou elle pourra être rejetée ultérieurement par le Conseil. Ces différences sont, à mon avis, insignifiantes.

[Non souligné dans l’original.]

 

81     Mesures correctives. Il me semble que la possibilité d’une résolution accompagnée de mesures correctives ne sera probablement pas un facteur à considérer dans les cas où la conduite d’un juge justifierait la destitution de celui‑ci. Si un procureur général demande la tenue d’une enquête en application du paragraphe 63(1) en alléguant une conduite qui ne justifierait pas une destitution, la règle Boilard entrerait en jeu, et il n’y aurait pas de recommandation de destitution. Au cas où la conduite justifierait une destitution, il ne peut pas y avoir d’objection valide à la création d’un comité d’enquête du seul fait qu’un plaignant ordinaire pourrait se contenter d’une solution moindre.

 

82     Selon moi, les différences entre les deux procédures de traitement des plaintes sont relativement mineures au regard des éléments suivants : la garantie constitutionnelle d’inamovibilité qui est accordée aux juges des juridictions supérieures, le rôle constitutionnel des procureurs généraux et la présomption selon laquelle ils agiront en conformité avec leurs obligations constitutionnelles, la protection substantielle conférée par la nomination d’un avocat indépendant au comité d’enquête, enfin les garanties procédurales exposées dans la Loi sur les juges, dans le Règlement administratif sur les enquêtes et dans les règles de pratique du Conseil.

 

 

[14]           Il est intéressant de souligner que ce que la juge Sharlow a appelé la règle Boilard est tiré du rapport du CCM du 23 décembre 2003 au ministre de la Justice du Canada (le ministre) concernant monsieur le juge Jean‑Guy Boilard, de la Cour supérieure du Québec. Dans cette affaire, le comité d’enquête a conclu dans son rapport au CCM qu’en se récusant du procès connu sous l’intitulé R. c. Beauchamp et al., le juge Boilard n’était pas devenu inapte à remplir utilement ses fonctions au sens du paragraphe 65(2) de la Loi sur les juges; par conséquent, le comité d’enquête ne recommandait pas la destitution du juge Boilard. Le comité d’enquête a tiré une conclusion d’irrégularité à l’encontre du juge Boilard avec laquelle le CCM était en désaccord. Le CCM a souscrit à la conclusion du comité d’enquête de ne pas recommander sa destitution.

 

[15]           Dans son rapport au ministre au sujet de l’affaire du juge Boilard, le CCM a déclaré ce qui suit : « À moins qu’un juge n’ait fait preuve de mauvaise foi ou commis un abus dans l’exercice de sa charge, une décision judiciaire discrétionnaire ou encore les circonstances à l’origine de cette décision ne sauraient servir de fondement pour conclure à une situation d’incompatibilité ou de manquement à l’honneur et à la dignité ou aux devoirs de la charge prévu à l’alinéa 65(2)b), c) ou d) de la Loi sur les juges. L’exercice du pouvoir judiciaire discrétionnaire est au cœur de l’indépendance judiciaire. »

 

[16]           La règle Boilard et son objet sont énoncés dans le paragraphe suivant du rapport du CCM de décembre 2003 au ministre :

 

Dans le cas où, sans alléguer la mauvaise foi ou l’abus commis dans l’exercice d’une charge, le ministre de la Justice ou le procureur général d’une province remet en question la décision d’un juge et demande la tenue d’une enquête fondée sur l’article 63(1) de la Loi, et qu’à première vue la décision elle‑même n’indique pas l’existence de mauvaise foi ou d’un abus commis dans l’exercice d’une charge, le Conseil peut à juste titre — ce qui constitue une obligation pour un comité d’enquête constitué en vertu de l’art. 63 — se demander préalablement si un élément quelconque permet de réfuter les présomptions de bonne foi et d’examen régulier des questions en litige. Selon les circonstances, le Conseil ou le comité d’enquête doit généralement, en l’absence d’un tel élément, refuser d’examiner davantage l’affaire, pour le motif que la nature de la demande d’enquête et la preuve au dossier indiquent l’absence d’un manquement à l’honneur et à la dignité.  [Non souligné dans l’original.]

 

Le contexte de la décision du comité d’enquête du 9 mai 2008

[17]           Par souci de commodité, je reproduis à nouveau la décision en cause contestée dans la présente demande de contrôle judiciaire :

 

[traduction]

Le comité d’enquête a examiné les observations que vous [l’avocat indépendant et Me Paliare] avez présentées plus tôt aujourd’hui et a décidé que la requête de Me Paliare sera entendue au moment de l’audience en septembre.

 

[18]           Me Paliare a demandé si le comité d’enquête avait l’intention de fournir des motifs à l’appui de la décision et, dans la négative, il lui a demandé de le faire. L’avocat du comité d’enquête, Me George Macintosh, c.r. (l’avocat du comité d’enquête), l’a avisé [traduction] « que le comité ne fournira pas de motif à l’appui de la décision rendue le 9 mai 2008 ».

 

[19]           Voici ce qui a donné lieu à la décision du comité d’enquête après qu’il eut entendu les observations par voie de téléconférence.

 

[20]           Après avoir examiné l’avis d’allégation transmis au juge Cosgrove par l’avocat indépendant à la fin de février 2008, Me Paliare a écrit à ce dernier le 10 avril 2008 que son client lui avait donné pour instruction [traduction] « de présenter une requête de type Boilard au comité ». Il a ajouté ce qui suit :

 

[traduction]

Plus précisément, nous soutiendrons que la conduite reprochée et énoncée dans votre avis du 29 février 2008 au juge Cosgrove ne peut pas étayer une conclusion d’inconduite judiciaire au sens de la Loi sur les juges. En conséquence, tout comme dans l’affaire Boilard, le comité devrait refuser de procéder à l’enquête.

[Non souligné dans l’original.]

 

[21]           Il a joint un projet d’avis de requête et a indiqué que Me Cherniak convenait qu’il était approprié que l’audition de la requête ait lieu avant la date prévue pour l’audience en septembre. Il a ajouté l’observation suivante :

 

[traduction]

Je me souviens que vous avez indiqué pendant notre discussion qu’au cas où nous présenterions une telle requête, vous auriez l’intention de vous appuyer sur des parties de la transcription des procédures concernant le juge Cosgrove. Avec le respect que nous vous devons, nous sommes d’avis qu’il est à la fois inutile et inapproprié de le faire. À notre avis, notre requête est de la nature d’une requête en radiation d’un acte de procédure. Le succès ou l’échec de la requête repose sur le caractère adéquat des allégations formulées contre le juge Cosgrove.

 

[22]           Les parties pertinentes de la requête de type Boilard de Me Paliare sont reproduites dans l’annexe B jointe aux présents motifs.

 

[23]           Le 14 avril, Me Cherniak a répondu comme suit à la lettre du 10 avril de Me Paliare : [traduction] « Après un examen plus approfondi, je suis d’avis que le projet de requête devrait être entendu dès que la question de la tenue de l’enquête est tranchée après la présentation de la preuve » indiquant que, selon lui, [traduction] « l’enquête n’est pas un processus contradictoire. Le rôle du comité d’enquête consiste à faire une recommandation au Conseil canadien de la magistrature qui présente lui‑même une recommandation, non une décision. » Il a expliqué sa position comme suit : [traduction] « le comité ne sera pas en mesure d’évaluer les questions soulevées dans votre projet d’avis en l’absence de ces […] éléments de preuve », renvoyant à la décision du comité d’enquête dans l’enquête concernant le juge Matlow. Me Cherniak a conclu en disant que, si Me Paliare n’était pas d’accord avec sa position, des mesures devraient être prises pour organiser une téléconférence avec le comité d’enquête pour discuter de la requête envisagée par le demandeur.

 

[24]           Des mesures ont alors été prises pour prévoir une téléconférence. Dans une lettre datée du 17 avril 2008 à l’avocat du comité d’enquête, Me Macintosh, Me Paliare a demandé la tenue d’une téléconférence, déclarant ce qui suit :

 

[traduction]

Plus particulièrement, selon sa position, notre requête devrait être entendue et tranchée par le comité d’enquête en même temps que l’audition de tous les éléments de preuve dans l’affaire en septembre 2008. Il est inutile de vous dire que nous ne sommes pas d’accord.

 

Dans une lettre du 18 avril 2008 à l’avocat du comité d’enquête, Me Cherniak a appuyé la demande concernant la tenue d’une téléconférence.

 

[25]           Dans un courriel daté du 28 avril 2008, le juge en chef Finch, de la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique, qui est le président du comité d’enquête concernant le juge Cosgrove, a donné les instructions suivantes à l’avocat du comité d’enquête :

 

[traduction]

Maître,

 

            Les membres du comité ont examiné la meilleure manière de traiter la requête de Me Paliare.

 

            Nous avons convenu d’entendre Me Paliare et Me Cherniak par téléconférence sur la seule question de la procédure à suivre pour traiter la requête de Me Paliare. Si ces observations nous convainquent que nous devrions examiner le fond de la requête de Me Paliare avant la date d’audience de septembre, le comité peut ordonner soit une autre téléconférence, soit la présentation d’observations écrites, à cette fin.

 

            Si le comité n’est pas convaincu que nous devrions entendre des observations sur le fond de la requête de Me Paliare avant septembre, nous pouvons ordonner qu’elle soit entendue à ce moment‑là et trancher celle‑ci après avoir entendu les éléments de preuve qui seront présentés.

 

            Voici deux dates où tous les membres du comité sont libres pour la première téléconférence pour discuter de la procédure à suivre : le 9 mai et le 21 mai. L’heure proposée pour cette première audience est 7 h 30, heure avancée du Pacifique.

 

            Auriez‑vous l’obligeance de fixer la date de cette téléconférence qui convient aux deux avocats, selon les deux dates mentionnées.

 

[26]           Une copie du courriel du juge en chef Finch a été transmise à Me Cherniak et à Me Paliare.

 

Les arguments

a) L’avocat du juge Cosgrove

[27]           La prémisse fondamentale de la demande de contrôle judiciaire du juge Cosgrove repose sur la demande que son avocat a présentée au comité d’enquête : [traduction] « lui donner l’occasion de montrer, de manière préliminaire, que « l’avis d’inconduite » (auparavant appelé dans les présents motifs l’avis d’accusation daté du 29 février 2008) et les éléments de preuve sont si insuffisants pour prouver une inconduite qu’il n’existe aucune raison de poursuivre l’enquête (la règle Boilard). Le comité d’enquête a refusé. » [Non souligné dans l’original. Voir le paragraphe 2 du mémoire des faits et du droit du demandeur.]

 

[28]           L’avocat du juge Cosgrove a écrit ce qui suit aux paragraphes 3 et 4 de son mémoire :

 

            [traduction]

3.                   Le comité d’enquête a décidé qu’il se prononcerait sur la requête de type Boilard uniquement après avoir entendu tous les éléments de preuve de l’enquête. À ce moment‑là, tout l’objet de la requête de type Boilard aura été mis en échec; elle ne protégera ni l’indépendance de la magistrature ni la justice naturelle. Le comité d’enquête ne peut poursuivre son enquête s’il n’existe aucune possibilité de déclarer que le juge Cosgrove a agi de mauvaise foi ou a commis un abus dans l’exercice de ses fonctions. Dans la même veine, le juge Cosgrove ne peut pas témoigner à propos de la décision qu’il a prise à moins que la présente enquête ne réponde à l’exception stricte de la mauvaise foi à l’exemption de l’obligation de témoigner de la part des juges. Il est essentiel que le comité d’enquête tranche la requête de type Boilard avant que le juge Cosgrove ne soit appelé à témoigner. Le manquement à la justice naturelle et l’atteinte à l’indépendance judiciaire causés par la procédure proposée par le comité d’enquête ne peuvent être remédiés après coup.

 

4.         Le juge Cosgrove demande à la Cour fédérale d’exiger que le comité d’enquête entende et tranche sa requête avant qu’il ne soit tenu de présenter sa preuve.  [Non souligné dans l’original.]

 

[29]           Plus loin dans le mémoire du demandeur, l’avocat du juge Cosgrove écrit ce qui suit : [traduction] « Si l’enquête a lieu, afin de se défendre, le juge Cosgrove pourrait avoir à témoigner sur la manière dont il a rendu sa décision dans R. c. Elliott et les motifs à l’appui de cette décision. Voilà exactement le genre de danger que la règle Boilard était destinée à régler. »

 

[30]           En conséquence, l’avocat du juge Cosgrove formule comme suit la première question en litige dans la présente demande :

 

[traduction]

Le comité d’enquête a‑t‑il manqué à la justice naturelle et porté atteinte à l’indépendance judiciaire en refusant de se prononcer de manière préliminaire sur la requête de type Boilard?

 

[31]           L’avocat formule la deuxième question en litige comme suit : [traduction] « La présente demande est‑elle prématurée? » Il fait valoir que le juge Cosgrove conteste une décision interlocutoire du comité d’enquête et qu’habituellement le contrôle judiciaire de la décision interlocutoire de tribunal sera prématurée jusqu’à ce que le tribunal achève son travail. Dans les circonstances de l’espèce, il soutient que la demande n’est pas prématurée parce qu’elle ne fragmente pas indûment l’enquête et, pour qu’un contrôle judiciaire offre une réparation significative, il doit être traité de manière interlocutoire avant que le comité d’enquête ne commence l’enquête. Il s’appuie sur la décision de ma collègue la juge Tremblay‑Lamer dans Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile) c. Kahlon, 2005 CF 1000, pour soutenir que le contrôle judiciaire d’une décision interlocutoire est justifié lorsque la décision contestée « 'règle définitivement' un droit substantiel d’une partie », le facteur déterminant étant la question de savoir si le préjudice causé par la décision interlocutoire peut être corrigé par la suite. Il mentionne également l’ordonnance de ma collègue la juge Layden‑Stevenson accélérant la présente demande de contrôle judiciaire dans laquelle elle a indiqué, comme considération soulevée en vue d’une telle ordonnance, le fait qu’à moins d’accélérer la demande, celle‑ci deviendra théorique. Il fait valoir pour les mêmes raisons que la requête de type Boilard doit être tranchée à ce moment‑ci avant le début de l’enquête. Il conclut que, si l’enquête va de l’avant sans que soit examinée l’application de la règle Boilard, elle portera atteinte à l’indépendance judiciaire d’une manière qui ne pourra pas être corrigée dans une procédure ultérieure, et il est impératif que le comité d’enquête soit tenu de se prononcer sur la règle Boilard d’une manière préliminaire.

 

b) L’avocat du procureur général du Canada

[32]           Le premier moyen de défense du procureur général du Canada (le PGC) est que le juge Cosgrove vise l’annulation de la décision interlocutoire du comité d’enquête en matière de procédure, lequel a ordonné que la requête (la requête de type Boilard du juge Cosgrove) soit entendue à l’audience dont le début a été fixé au 2 septembre 2008. Il fait valoir qu’il est un principe fondamental du droit administratif que les décisions interlocutoires ne sont pas assujetties à un contrôle judiciaire immédiat en l’absence de circonstances exceptionnelles. Il s’appuie sur les arrêts de la Cour d’appel fédérale dans Zündel c. Canada (Commission des droits de la personne), [2000] 4 C.F. 255, et Szczecka c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1993), 116 D.L.R. (4th) 333, ainsi que sur d’autres décisions.

 

[33]           Il fait valoir qu’il n’existe aucune circonstance exceptionnelle justifiant le contrôle de la décision à cette étape‑ci du processus. Le préjudice qui pourrait se produire, au dire du juge Cosgrove, si l’audience de l’enquête a lieu n’est qu’une hypothèse à ce moment‑ci. La présente demande ne comporte aucun élément de preuve selon lequel le juge Cosgrove sera tenu de témoigner à l’audience à propos des délibérations se rapportant au procès de 1999 et à sa décision de le suspendre. Il souligne le fait que quatre ans et demi se sont écoulés depuis le dépôt de la plainte et demande que l’audience puisse avoir lieu et ne soit pas interrompue par une intervention judiciaire au début du processus d’enquête.

 

[34]           En réponse à l’argument du demandeur selon lequel la décision du comité d’enquête du 9 mai 2008 a porté atteinte à ses droits substantiels et qu’une atteinte irréparable serait portée à l’indépendance judiciaire si sa requête n’était pas tranchée avant le début de l’audience, l’avocat du PGC a souligné les points suivants.

 

[35]           Premièrement, il a déclaré que le comité d’enquête [traduction] « ne s’était pas prononcé sur le bien‑fondé de sa requête en rejet sommaire de la plainte. Il a simplement ordonné que la requête soit présentée à l’audience elle‑même. »

 

[36]           Deuxièmement, le PGC a écrit ce qui suit aux paragraphes 39 et 40 de son mémoire de réponse :

 

[traduction]

Il est important de garder à l’esprit que le comité d’enquête ne s’est pas prononcé sur la requête que le juge Cosgrove a dit souhaiter présenter. Il sera loisible au juge Cosgrove de présenter la requête dès le début de l’audience ou à tout autre moment pendant celle‑ci. Le comité d’enquête décidera alors, conformément au pouvoir discrétionnaire que lui a accordé le législateur de régir sa propre procédure, si la requête devrait être tranchée au moment où elle est présentée ou plus tard dans l’instance. La question relève entièrement du mandat et de l’expertise du comité d’enquête, qui examinera à la fois les observations du juge Cosgrove et celles de l’avocat indépendant pour déterminer la manière dont l’importance des intérêts mentionnés dans le rapport Boilard sera pondérée.

 

Quoi qu’il en soit, il n’est pas nécessaire de trancher cette question dans le cadre de la présente demande. La prématurité de la question est un fondement suffisant en soi pour que la présente demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

 

Analyse et conclusion

[37]           Je suis d’accord avec la prétention du PGC. La présente demande de contrôle judiciaire devrait être rejetée pour des raisons de prématurité puisque que le comité d’enquête n’a pas, dans sa décision du 9 mai 2008, tranché de quelque manière le bien‑fondé de la requête du juge Cosgrove.

 

[38]           À la lecture du dossier entourant le contexte de la décision du comité d’enquête prise par ses membres lors d’une discussion après avoir entendu les avocats du demandeur et l’avocat indépendant par téléphone, je conclus que la seule décision à laquelle le comité d’enquête est parvenu a été d’entendre la requête de type Boilard du juge Cosgrove [traduction] « au moment de l’audience en septembre ».

 

[39]           À mon avis, le comité d’enquête a pleinement conservé son pouvoir discrétionnaire à propos du moment où il entendrait la requête, c’est‑à‑dire avant le début de la présentation de la preuve par l’avocat indépendant et du moment où il se prononcerait sur la requête de type Boilard du juge Cosgrove, c’est‑à‑dire avant le début de la présentation de la preuve par l’avocat indépendant ou avant ou après la présentation de la preuve par le juge Cosgrove. Le comité d’enquête rendra ces décisions après avoir entendu les avocats des parties en personne au début de septembre 2008, au moment de l’audience. En bref, le comité d’enquête n’a pas accepté ni rejeté les positions que les avocats des parties l’exhortaient à adopter au cours de la téléconférence du 9 mai 2008.

 

[40]           Mon opinion est évidente relativement à ce qui a été communiqué à Me Cherniak et à Me Paliare concernant l’objet de la téléconférence du 9 mai 2008. Le président du comité d’enquête, le juge en chef Finch, l’a clairement indiqué dans sa directive du 28 avril 2008. L’objet de la téléconférence visait uniquement la procédure concernant le moment où la requête de type Boilard du juge Cosgrove devrait être entendue. Deux options ont été relevées :

 

·        La première option consistait à examiner le fond de la requête avant la date de l’audience de septembre auquel cas « le comité peut ordonner soit une autre téléconférence, soit la présentation d’observations écrites, à cette fin ».

 

·         La deuxième option entrait en jeu si le comité d’enquête n’était pas convaincu de la première option auquel cas « nous pouvons ordonner qu’elle soit entendue à ce moment‑là et trancher celle‑ci après avoir entendu les éléments de preuve qui seront présentés ».

 

[41]           Il est évident que le comité d’enquête n’a pas choisi la première option. En ce qui a trait à la deuxième option, le comité d’enquête a décidé qu’il entendrait le fond de la requête du juge Cosgrove à l’audience de septembre, mais n’a pas décidé à quel moment cette requête serait entendue et il n’a pas ordonné qu’elle soit tranchée après l’audition des éléments de preuve qui seraient présentés.

 

[42]           En résumé, le comité d’enquête n’a pas décidé quoi que ce soit le 9 mai 2008, sauf d’entendre la requête du juge Cosgrove [traduction] « au moment de l’audience » en septembre 2008.

 

[43]           Le comité d’enquête peut décider d’entendre la requête de type Boilard dès le départ et peut rendre une décision favorable au juge Cosgrove avant la présentation de la preuve, ce qu’il a identifié comme étant sa crainte. Compte tenu de ce qui précède, je suis d’avis que la présente demande de contrôle judiciaire est nettement prématurée.

 

[44]           Dans son argumentation, l’avocat du juge Cosgrove a soutenu que le comité d’enquête ne pouvait pas traiter la requête de type Boilard d’une manière qui répondrait à son objet constitutionnel, à savoir agir à titre de mécanisme d’examen préalable pour le rejet sommaire d’une plainte injustifiée déposée en application du paragraphe 63(1) par un procureur général. Il a indiqué qu’en raison du caractère ambigu ou incomplet de la décision, la Cour serait justifiée de donner au comité d’enquête une directive concernant le moment où il devrait entendre la requête et le moment où il devrait se prononcer sur celle‑ci. Subsidiairement, il a proposé que la Cour ajourne la présente demande de contrôle judiciaire pour que la décision du comité d’enquête puisse faire l’objet d’un contrôle (vraisemblablement si elle était défavorable au juge Cosgrove).

 

[45]           Je suis d’accord avec l’avocat du procureur général. La décision du comité d’enquête du 9 mai 2008 n’est pas ambiguë. Le comité d’enquête est également le maître de sa propre procédure, et son mandat consiste essentiellement à décider, après avoir entendu les observations et compte tenu des faits particuliers de l’espèce, de la meilleure manière de structurer sa procédure pour réaliser les objets de la requête de type Boilard du juge Cosgrove.

 

[46]           Dans les circonstances, la Cour refuse de donner des directives au comité d’enquête, étant convaincue qu’elle avait la compétence de le faire après avoir décidé que la présente demande de contrôle judiciaire était prématurée.

 

[47]           Enfin, la Cour ne peut pas, comme le propose Me Paliare, ajourner la présente demande de contrôle judiciaire afin de la faire revivre après que le comité d’enquête se soit prononcé sur la requête de type Boilard en l’espèce. Comme l’a souligné l’avocat du procureur général, la Cour serait saisie d’une décision différente et de faits différents dans des circonstances différentes.

 

[48]           Pour ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée sans frais.


JUGEMENT

 

La cour statue que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée sans frais.

 

 

 

« François Lemieux »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.

 


annexe A

 

 

 

Enquêtes obligatoires

 

   63. (1) Le Conseil mène les enquêtes que lui confie le ministre ou le procureur général d’une province sur les cas de révocation au sein d’une juridiction supérieure pour tout motif énoncé aux alinéas 65(2)a) à d).

 

 

Enquêtes facultatives

 

   (2) Le Conseil peut en outre enquêter sur toute plainte ou accusation relative à un juge d’une juridiction supérieure.

 

Constitution d’un comité d’enquête

 

   (3) Le Conseil peut constituer un comité d’enquête formé d’un ou plusieurs de ses membres, auxquels le ministre peut adjoindre des avocats ayant été membres du barreau d’une province pendant au moins dix ans.

 

 

 

Pouvoirs d’enquête

 

   (4) Le Conseil ou le comité formé pour l’enquête est réputé constituer une juridiction supérieure; il a le pouvoir de :

 

 

 

a) citer devant lui des témoins, les obliger à déposer verbalement ou par écrit sous la foi du serment — ou de l’affirmation solennelle dans les cas où elle est autorisée en matière civile — et à produire les documents et éléments de preuve qu’il estime nécessaires à une enquête approfondie;

 

b) contraindre les témoins à comparaître et à déposer, étant investi à cet égard des pouvoirs d’une juridiction supérieure de la province où l’enquête se déroule.

 

 

 

Protection des renseignements

 

 

   (5) S’il estime qu’elle ne sert pas l’intérêt public, le Conseil peut interdire la publication de tous renseignements ou documents produits devant lui au cours de l’enquête ou découlant de celle‑ci.

 

 

 

Publicité de l’enquête

 

   (6) Sauf ordre contraire du ministre, les enquêtes peuvent se tenir à huis clos.

 

 

 

L.R. (1985), ch. J‑1, art. 63; 1992, ch. 51, art. 27; 2002, ch. 8, art. 106.

 

Avis de l’audition

 

   64. Le juge en cause doit être informé, suffisamment à l’avance, de l’objet de l’enquête, ainsi que des date, heure et lieu de l’audition, et avoir la possibilité de se faire entendre, de contre‑interroger les témoins et de présenter tous éléments de preuve utiles à sa décharge, personnellement ou par procureur.

 

 

 

 

L.R. (1985), ch. J‑1, art. 64; 2002, ch. 8, art. 111(A).

 

 

Rapport du Conseil

 

   65. (1) À l’issue de l’enquête, le Conseil présente au ministre un rapport sur ses conclusions et lui communique le dossier.

 

 

 

Recommandation au ministre

 

   (2) Le Conseil peut, dans son rapport, recommander la révocation s’il est d’avis que le juge en cause est inapte à remplir utilement ses fonctions pour l’un ou l’autre des motifs suivants :

 

 

a) âge ou invalidité;

 

b) manquement à l’honneur et à la dignité;

 

c) manquement aux devoirs de sa charge;

 

 

d) situation d’incompatibilité, qu’elle soit imputable au juge ou à toute autre cause.

 

 

 

 

 

 

 

L.R. (1985), ch. J‑1, art. 65; L.R. (1985), ch. 27 (2e suppl.), art. 5; 2002, ch. 8, art. 111(A).

 

 

 

Inquiries

 

   63. (1) The Council shall, at the request of the Minister or the attorney general of a province, commence an inquiry as to whether a judge of a superior court should be removed from office for any of the reasons set out in paragraphs 65(2)(a) to (d).

 

Investigations

 

   (2) The Council may investigate any complaint or allegation made in respect of a judge of a superior court.

 

Inquiry Committee

 

   (3) The Council may, for the purpose of conducting an inquiry or investigation under this section, designate one or more of its members who, together with such members, if any, of the bar of a province, having at least ten years standing, as may be designated by the Minister, shall constitute an Inquiry Committee.

 

Powers of Council or Inquiry Committee

 

   (4) The Council or an Inquiry Committee in making an inquiry or investigation under this section shall be deemed to be a superior court and shall have

 

 

(a) power to summon before it any person or witness and to require him or her to give evidence on oath, orally or in writing or on solemn affirmation if the person or witness is entitled to affirm in civil matters, and to produce such documents and evidence as it deems requisite to the full investigation of the matter into which it is inquiring; and

 

(b) the same power to enforce the attendance of any person or witness and to compel the person or witness to give evidence as is vested in any superior court of the province in which the inquiry or investigation is being conducted.

 

Prohibition of information relating to inquiry, etc.

 

   (5) The Council may prohibit the publication of any information or documents placed before it in connection with, or arising out of, an inquiry or investigation under this section when it is of the opinion that the publication is not in the public interest.

 

Inquiries may be public or private

 

   (6) An inquiry or investigation under this section may be held in public or in private, unless the Minister requires that it be held in public.

 

R.S., 1985, c. J‑1, s. 63; 1992, c. 51, s. 27; 2002, c. 8, s. 106.

 

Notice of hearing

 

   64. A judge in respect of whom an inquiry or investigation under section 63 is to be made shall be given reasonable notice of the subject-matter of the inquiry or investigation and of the time and place of any hearing thereof and shall be afforded an opportunity, in person or by counsel, of being heard at the hearing, of cross-examining witnesses and of adducing evidence on his or her own behalf.

 

R.S., 1985, c. J‑1, s. 64; 2002, c. 8, s. 111(E).

 

 

Report of Council

 

   65. (1) After an inquiry or investigation under section 63 has been completed, the Council shall report its conclusions and submit the record of the inquiry or investigation to the Minister.

 

Recommendation to Minister

 

   (2) Where, in the opinion of the Council, the judge in respect of whom an inquiry or investigation has been made has become incapacitated or disabled from the due execution of the office of judge by reason of

 

(a) age or infirmity,

 

(b) having been guilty of misconduct,

 

(c) having failed in the due execution of that office, or

 

(d) having been placed, by his or her conduct or otherwise, in a position incompatible with the due execution of that office,

 

the Council, in its report to the Minister under subsection (1), may recommend that the judge be removed from office.

 

R.S., 1985, c. J‑1, s. 65; R.S., 1985, c. 27 (2nd Supp.), s. 5; 2002, c. 8, s. 111(E).

 

 

 

 


Annexe B

 

 

Projet de requête de type Boilard

 

 

            La requête sollicite :

1.    une ordonnance statuant qu’il n’existe aucun fondement pour mener une enquête sur les accusations contenues dans l’avis transmis au juge Cosgrove et daté du 29 février 2008 (l’avis) dans la présente affaire.

 

Les motifs de la présente requête sont les suivants :

2 …

3 …

4 …

 

5.         Toutes les accusations contenues dans l’avis se rapportent à la conduite du juge Cosgrove en salle d’audience, alors qu’il présidait le procès qu’il entendait, et aux décisions judiciaires discrétionnaires qu’il a rendues dans le cadre de cette instance.

 

6.         Lorsqu’il exerce ses fonctions judiciaires, un juge est présumé, à moins d’une preuve contraire, avoir agi de bonne foi et avoir examiné adéquatement les questions dont il était saisi.

 

7.         L’avis n’allègue pas que le juge Cosgrove a commis les erreurs alléguées de mauvaise foi ou pour un motif illégitime.

 

8.         Les accusations que contient l’avis appartiennent à l’une des deux catégories suivantes :

 

a.  les accusations selon lesquelles le juge Cosgrove a commis des erreurs de droit;

 

b.  les accusations selon lesquelles le juge Cosgrove a fait preuve de partialité à l’encontre du ministère public :

 

i.      soit en tirant des conclusions défavorables au ministère public et qui étaient sans fondement;

 

ii.  soit en menant l’instance d’une manière qui était injuste pour le ministère public.

 

9.         Aucune catégorie d’accusations ne peut soutenir une conclusion d’inconduite judiciaire. Plus particulièrement :

 

a.    les erreurs de droit, si graves soient‑elles, relèvent exclusivement des cours d’appel et non du Conseil canadien de la magistrature;

 

b.    la conduite qui pourrait donner lieu à une crainte de partialité ne constituera pas une inconduite judiciaire, à moins qu’il ne soit prouvé que la conduite ait été tenue avec la connaissance qu’elle était de mauvaise foi ou pour un motif illégitime.

 

10.     Conformément à la règle établie dans l’affaire Boilard, le Conseil ne mènera pas d’enquêtes qui ne comportent pas le fondement nécessaire :

 

À moins qu’un juge n’ait fait preuve de mauvaise foi ou commis un abus dans l’exercice de sa charge, une décision judiciaire discrétionnaire ou encore les circonstances à l’origine de cette décision ne sauraient servir de fondement pour conclure à une situation d’incompatibilité ou de manquement à l’honneur et à la dignité ou aux devoirs de la charge prévu à l’article 65(2)b), c) ou d) de la Loi sur les juges.

 

11.     En l’absence d’allégations selon lesquelles Monsieur le juge Cosgrove a eu une conduite qu’il savait être de mauvaise foi ou pour un motif illégitime, le présent comité d’enquête devrait refuser d’examiner l’affaire plus avant, au motif que l’avis ne contient aucun fondement qui permettrait de conclure à l’inconduite. En conséquence, il n’y a aucune raison de poursuivre l’enquête.

 

Les documents suivants sont exigés pour l’audition de la présente requête :

 

12.     Les documents suivants sont nécessaires pour l’audition de la présente requête :

 

a.     le présent avis de requête;

b.    l’arrêt de la Cour d’appel dans R. c. Elliott;

c.    la lettre datée du ** avril 2003 du procureur général Michael Bryant à la juge en chef Beverley McLachlin;

d.    l’avis transmis au juge Cosgrove et daté du 29 février 2008 dans la présente affaire.


Cour fédérale

 

Avocats inscrits au dossier

 

 

 

Dossier :                                        T‑914‑08

 

Intitulé :                                       monsieur le juge PAUL COSGROVE c.
le procureur général du CANADA

 

 

Lieu de l’audience :                 Ottawa (Ontario)

 

DATE de l’audience :               Le 7 août 2008

 

Motifs du jugement

Et jugement :                              Le juge Lemieux

 

Date des motifs

ET DU JUGEMENT :                       Le 11 août 2008

 

 

Comparutions :

 

 

Chris G. Paliare

Robert A. Centa

 

Pour le demandeur

Donald Rennie

Sean Gaudet

 

Pour le défendeur

 

Avocats inscrits au dossier :

 

 

Paliare Roland Rosenberg

Rothstein LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour le demandeur

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

 

Pour le défendeur

 

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