Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Date : 20080812

Dossier : T-700-06

Référence : 2008 CF 943

Ottawa (Ontario), le 12 août 2008

En présence de monsieur le juge Russell

 

 

ENTRE :

BRUNO COSTABILE

demandeur

et

 

L’AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA

défenderesse

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue par l’Agence du revenu du Canada (l’ARC) (autrefois appelée l’Agence des douanes et du revenu du Canada) le 24 mars 2006 (la décision) par laquelle celle‑ci a rejeté la demande, présentée par M. Costabile, de modification de ses déclarations de revenus T1 et T2 pour les années 1999 et 2000 et d’établissement d’une nouvelle cotisation à l’égard de ces déclarations en vertu du paragraphe 152(4.2) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) (la Loi). Le demandeur s’est représenté lui‑même tout au long de l’instance.

 

 

L’HISTORIQUE

 

[2]               Le demandeur, M. Bruno Costabile, est l’unique actionnaire de deux sociétés qu’il exploite à partir de sa résidence. À ce titre, il devait soumettre des déclarations T1 pour ses revenus personnels et des déclarations T2 pour les revenus de ses sociétés. Après avoir soumis des déclarations en avril 2000, le demandeur, réalisant qu’il avait commis un certain nombre d’erreurs, a demandé à modifier ses déclarations et a demandé que l’ARC établisse une nouvelle cotisation à leur égard. La correspondance qui a été échangée entre le demandeur et l’ARC avant la demande d’équité est volumineuse. Mme Helen Wong, coordonnatrice en matière d’équité, Validation et Exécution, au bureau des services fiscaux de Toronto‑Est de l’ARC, a donné un compte rendu détaillé de cette correspondance dans son affidavit, lequel n’est pas contesté de façon importante par le demandeur et dont je me suis servi, en partie, ci‑dessous. Comme je l’explique dans mes motifs, les déclarations de revenus des sociétés T2 du demandeur sont frappées de prescription et le ministre n’a pas le pouvoir discrétionnaire d’établir une nouvelle cotisation à leur égard, malgré la demande faite par M. Costabile. Par conséquent, il n’est pas nécessaire que je décrive la correspondance échangée entre le demandeur et l’ARC à propos des déclarations T2.

 

            Les déclarations des revenus T1 1999 et 2000 du demandeur

 

[3]               La déclaration de revenus T1 1999 du demandeur a été produite le 15 mai 2000 et une cotisation a été établie à son égard le 5 juin 2000. Le demandeur a déclaré un revenu brut d’entreprise de 68 652 $ et un revenu d’entreprise net de 40 003 $. Il a produit une demande de redressement de sa déclaration de revenus le 27 juin 2000. Le 12 septembre 2000, l’ARC a établi une nouvelle cotisation à l’égard de la déclaration du demandeur en ramenant son revenu d’entreprise de 40 003 $ à 12 944 $ et en autorisant une déduction de 5 700 $ pour une perte autre qu’une perte en capital au titre des autres années, comme l’avait demandé le demandeur.

 

[4]               La déclaration de revenus T1 du demandeur pour l’année 2000 a été produite le 30 avril 2001 et une cotisation a été établie à son égard le 25 mai 2001. Le demandeur a déclaré un revenu brut d’entreprise de 99 958 $ et un revenu d’entreprise net de 66 541 $. En août 2001, le demandeur a présenté une demande de redressement à l’égard de sa déclaration T1 pour l’année 2001, en vue de faire réduire son revenu d'entreprise net, de 66 541 $ à 13 971 $, et en vue de déclarer une perte autre qu'une perte en capital s'élevant à 5 000 $ à l'égard d’autres années. En réponse à cette demande, la Section de la vérification de l’ARC a examiné les déclarations de revenus du demandeur pour 1999 et 2000 et, dans une lettre datée du 6 février 2002, la vérificatrice, Mme S. Laurin, a demandé au demandeur de produire ses reçus, ses documents et ses renseignements originaux quant à ses déclarations de revenus T1 pour 1999 et 2000. La lettre comprenait également une liste détaillée des documents et des renseignements que l’ARC exigeait que le demandeur produise.

 

[5]               Le 24 avril 2002, comme elle n’avait pas reçu les documents exigés et malgré qu’elle ait accordé une prorogation de délai au demandeur, la vérificatrice a envoyé une lettre au demandeur dans laquelle elle se proposait de rejeter sa demande de redressement pour l’année 2000 et d’établir une nouvelle cotisation à l’égard de sa déclaration pour l’année 1999 afin de ramener le montant du revenu net d’entreprise au montant déclaré par le demandeur dans sa déclaration originale. Le 29 avril 2002, l’ARC a reçu des reçus pour les années d’imposition 1999 et 2000. Comme il est souligné dans la note versée au dossier de la vérificatrice, le demandeur n’a pas soumis tous les documents et tous les renseignements exigés (notamment une ventilation des dépenses applicables) et, par conséquent, les dépenses réclamées par le demandeur ne pouvaient pas être conciliées avec les reçus fournis. De plus, la majeure partie des dépenses était étayée par des relevés de compte de carte de crédit et un certain nombre des reçus de caisse fournis avaient trait à des articles personnels (comme des articles d’épicerie, des couches, des débarbouillettes pour bébé, des vêtements et des produits d’hygiène personnelle).

 

[6]               Le 30 avril 2002, la vérificatrice a informé le demandeur que les reçus et les documents reçus ne pouvaient pas être conciliés avec l’état des résultats des activités de l’entreprise et que tous les renseignements exigés n’avaient pas été fournis. Elle a de plus mentionné que les documents fournis à l’appui des revenus bruts d’entreprise ne constituaient pas une preuve acceptable des revenus. Le demandeur s’est vu accorder 30 jours additionnels pour soumettre à nouveau les reçus.

 

[7]               L’ARC a reçu des documents additionnels de la part du demandeur le 3 juin 2002. Le 13 juin 2002, la vérificatrice a envoyé une autre demande de renseignements, expliquant que les documents que le demandeur avait envoyés n’étaient pas suffisants et exposant en détail les renseignements exigés.

 

[8]               Le demandeur a soumis d’autres documents que l’ARC a reçus le 19 août 2002. Le 12 septembre 2002, la vérificatrice a envoyé une autre lettre au demandeur dans laquelle elle mentionnait que les documents soumis ne lui permettaient pas de poursuivre son examen. Le demandeur s’est vu accorder un délai supplémentaire de 15 jours pour fournir les renseignements.

 

[9]               Dans une conversation téléphonique qui a eu lieu le 21 octobre 2002 entre l’ARC et le demandeur et dont la tenue est confirmée par une lettre, datée du 12 novembre 2002, émanant de la vérificatrice, le demandeur a informé le ministère qu’il était propriétaire‑exploitant d’une société appelée Personal Group Realty Incorporated. La vérificatrice a également souligné que le demandeur était propriétaire d’une deuxième société appelée Energy Labs Inc. qu’il exploitait à partir de sa résidence principale et que, bien que Energy Labs ait réclamé des dépenses locatives, le demandeur n’avait déclaré aucun revenu locatif. La vérificatrice a examiné les états financiers des deux sociétés et a informé le demandeur que d’autres renseignements étaient nécessaires afin de s’assurer qu’il n’y avait pas double emploi des revenus et des dépenses dans ses déclarations de revenus des particuliers et ses déclarations de revenus des sociétés.

 

[10]           Dans une lettre datée du 28 janvier 2003, la vérificatrice a informé le demandeur que sa demande de redressement de ses revenus d’entreprise pour 2000 était refusée car une détermination précise de son revenu d’entreprise net ne pouvait pas être faite parce qu’il n’avait pas fourni tous les documents et tous les renseignements qu’on lui avait demandés. À ce titre, une nouvelle cotisation serait établie à l’égard de la déclaration T1 du demandeur afin de rétablir le revenu d’entreprise net déclaré à l’origine. Toutefois, la vérificatrice a également informé le demandeur que si tous les documents étaient reçus à une date ultérieure, le ministère examinerait la déclaration du demandeur et effectuerait peut-être un redressement.

 

[11]           L’ARC a reçu d’autres documents de la part du demandeur le 12 février 2003. Celui‑ci a été informé dans une lettre datée du 18 février 2003 que les renseignements ne suffisaient toujours pas à étayer sa demande de rajustement.

 

[12]           Par conséquent, le 27 février 2003, le ministère a établi de nouvelles cotisations à l’égard des déclarations T1 pour 1999 et 2000. La déclaration du demandeur pour 1999 a fait l’objet d’une nouvelle cotisation dans laquelle le revenu d’entreprise net a été établi à 40 003 $, tel qu’il avait été déclaré à l’origine. La demande de réduction du revenu d’entreprise net T1 pour 2000 soumise par le demandeur a été rejetée, mais le montant de 5 000 $ de perte autre qu’une perte en capital au titre d’autres années a été accepté.

 

[13]           Le demandeur n’a déposé aucun avis d’opposition relativement aux nouvelles cotisations pour 1999 et 2000.

 

[14]           Après que l’ARC eut établi les nouvelles cotisations, le demandeur a soumis d’autres documents à l’ARC, notamment des dépenses d’entreprise liées à sa déclaration de revenus T1 pour les années d’imposition 1999 et 2000. Dans une lettre datée du 12 mai 2003, la vérificatrice a informé le demandeur que, comme les déclarations de revenus de ses sociétés et ses déclarations de revenus des particuliers portaient sur des activités liées, l’ARC n’avait été en mesure de déterminer les revenus et les dépenses applicables liés à chaque déclaration que lorsque les déclarations T2 du demandeur avaient été soumises. La vérificatrice a également informé le demandeur que le ministère exigerait des renseignements et des documents additionnels afin d’examiner le redressement qu’il avait demandé. La vérificatrice a énuméré une liste de renseignements et de directives sur la manière selon laquelle ceux‑ci devaient être soumis afin d’être examinés.

 

[15]           Le 2 juin 2004, l’ARC a reçu la déclaration T1 modifiée du demandeur pour l’année 2000, datée du 4 mai 2004, dans laquelle celui‑ci demandait que d’autres redressements soient apportés à ses déclarations, soit la déclaration d’une perte nette d’entreprise de 26 528 $, de dépenses d’emploi de 17 022 $ et d’une perte nette de 43 550 $ au titre de la « ligne 236 ». Le demandeur a également demandé que, de cette perte, un montant de 40 000 $ soit appliqué à sa déclaration T1 pour 1999. La demande de redressement soumise par le demandeur le 2 juin 2004 quant à ses déclarations pour 1999 et 2000 a été examinée en novembre 2004. Dans une lettre datée du 6 décembre 2004, le demandeur a été informé que, comme il n’avait fourni aucun des documents exigés dans la lettre de la vérificatrice datée du 18 février 2003, aucun redressement ne serait apporté à ses déclarations.

 

[16]           En juin 2005, le demandeur a envoyé à l’ARC des documents qu’elle avait déjà demandés et il s’est excusé pour le retard.

 

[17]           Le 7 juillet 2005, Mme Janine Menard, chef d’équipe à la Section de la validation et de l’exécution, a envoyé une lettre au demandeur concernant ses déclarations T1 modifiées pour 1999 et 2000 et ses déclarations pour l’une de ses sociétés pour 1999 et 2000. La lettre mentionnait notamment ce qui suit : [traduction] « Après avoir examiné ces renseignements, nous avons décidé que nous ne pouvons pas apporter de redressements à ces déclarations à ce moment‑ci car vous ne nous avez pas envoyé tous les reçus et tous les renseignements que nous vous avons demandés à de nombreuses reprises depuis février 2002. »

 

[18]           Le 12 juillet 2005, dans une conversation téléphonique qu’elle a eue avec le demandeur, Mme Menard lui a mentionné les documents qu’il devait soumettre relativement à ses demandes d’établissement de nouvelles cotisations et elle l’a informé que, si les dépenses n’étaient pas étayées, les cotisations initiales ne pourraient pas être modifiées. Selon l’affidavit de Mme Wong, le demandeur a déclaré qu’il ne voulait pas embaucher un comptable en raison des coûts et qu’il ne voulait pas trier lui-même les reçus parce que cela prendrait trop de temps. Mme Menard a informé le demandeur que si les reçus n’étaient pas soumis de façon ordonnée, l’ARC les lui retournerait et n’envisagerait plus d’apporter quelque redressement que ce soit. Le demandeur a demandé à rencontrer une personne qui travaille à l’ARC et Mme Menard a accepté d’envoyer le dossier au bureau régional de l’ARC dès que le demandeur aurait soumis les documents exigés.

 

[19]           En août 2005, le demandeur a soumis ses livres comptables ayant trait à ses déclarations T1. À ce moment‑là, ses déclarations pour 1999 et 2000 étaient frappées de prescription.

 

 

            Le premier examen fondé sur l’équité

 

[20]           Les déclarations T1 modifiées du demandeur pour 1999 et 2000 ainsi que ses livres comptables ont été envoyés afin d’être soumis à un examen fondé sur l’équité. Dans une lettre datée du 28 décembre 2005, la première demande d’allègement fiscal pour raisons d’équité a été rejetée par Mme Sauvé, directrice de la Vérification au bureau des services fiscaux de Toronto‑Est. La lettre souligne que le demandeur avait soumis plusieurs déclarations modifiées différentes quant à ses déclarations T1 pour 1999 et 2000, dans lesquelles il apportait des modifications à ses revenus et à ses dépenses de travailleur autonome. Comme l’indique la lettre, le demandeur n’a pas soumis de reçus et de factures détaillés de manière à valider toutes les dépenses qu’il réclamait à l’égard de ses revenus d’entreprise et, par conséquent, la directrice de la Vérification a conclu que l’ARC n’était pas capable de concilier les reçus soumis avec les montants réclamés à titre de dépenses d’entreprise pour les années d’imposition 1999 et 2000. La directrice de la Vérification a également souligné que, malgré les nombreuses demandes de [traduction] « soumission ordonnée de renseignements complets », les réclamations du demandeur ont été jugées [traduction] « désordonnées ». Elle a conclu que le demandeur n’avait pas fourni assez de documents pour permettre au ministère d’établir de nouvelles cotisations à l’égard de ses déclarations T1 pour 1999 et 2000. En ce qui concerne ses déclarations T2, la directrice de la Vérification a déclaré que le ministère ne pouvait pas établir de nouvelles cotisations à l’égard de ces déclarations parce que ces nouvelles cotisations étaient prescrites par les dispositions d’équité et qu’aucune autre disposition dans la Loi de l’impôt sur le revenu ne permettait l’établissement de ces nouvelles cotisations.

 

[21]           Le demandeur a demandé une révision de la première décision. Un examen de deuxième niveau a été effectué par la directrice du bureau des services fiscaux de Toronto‑Est, Mme Deborah Danis (la directrice). La demande de redressement présentée par le demandeur quant à ses déclarations pour 1999 et 2000 a été refusée. C’est cette décision qui fait l’objet du présent contrôle.

[21]

LA DÉCISION FAISANT L’OBJET DU PRÉSENT CONTRÔLE

            Le deuxième examen fondé sur l’équité

 

[22]           La directrice a confirmé les conclusions du premier examen et a conclu qu’aucun allègement fondé sur les dispositions de l’équité n’était justifié dans le cas du demandeur, et ce, pour les raisons suivantes :

 

a) De nombreuses modifications importantes ont été soumises quant aux déclarations de revenus des particuliers et aux déclarations de revenus des sociétés du demandeur;

b) Les documents ne pouvaient pas être conciliés avec les montants réclamés dans les déclarations de revenus des particuliers et les déclarations de revenus des sociétés du demandeur;

c) Certaines dépenses n’étaient que des estimations et n’étaient pas étayées de façon adéquate par les documents;

d) Les revenus et les pertes déclarés par le demandeur au cours des dix années antérieures suscitaient des doutes concernant sa capacité de satisfaire à ses besoins essentiels de subsistance et les montants de revenus nets déclarés au départ par le demandeur étaient plus raisonnables;

e) Le motif de rupture du mariage avancé par le demandeur comme justification du fait qu’il n’a pas soumis les documents plus tôt a été rejeté car la vérification a été entreprise des années plus tard et ce motif n’a pas été mentionné dans les demandes d’équité antérieures;

f) On ne savait pas exactement quels documents soumis par le demandeur avaient trait aux déclarations T2 et quels documents avaient trait aux déclarations T1;

g) On se demandait comment le demandeur pouvait soumettre des déclarations modifiées T1 et T2 fiables et [traduction] « être incapable de trier et de classer ses livres comptables de manière à ce que des vérificateurs expérimentés puissent les concilier avec ce qui était demandé et les vérifier ».

 

LA QUESTION EN LITIGE

 

[23]           La question en litige dans la présente demande consiste à savoir si le ministre n’a pas respecté les principes de l’équité procédurale ou s’il a commis une erreur de droit en refusant d’accorder la réparation prévue au paragraphe 152(4.2) de la Loi.

 

LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES

 

152(4.2) Malgré les paragraphes (4), (4.1) et (5), pour déterminer à un moment donné après la fin de la période normale de nouvelle cotisation applicable à un contribuable -- particulier, autre qu'une fiducie, ou fiducie testamentaire -- pour une année d'imposition le remboursement auquel le contribuable a droit à ce moment pour l'année ou la réduction d'un montant payable par le contribuable pour l'année en vertu de la présente partie, le ministre peut, sur demande du contribuable:

 

a) établir de nouvelles cotisations concernant l'impôt, les intérêts ou les pénalités payables par le contribuable pour l'année en vertu de la présente partie;

 

b) déterminer de nouveau l'impôt qui est réputé, par les paragraphes 120(2) ou (2.2), 122.5(3), 122.51(2), 127.1(1), 127.41(3) ou 210.2(3) ou (4), avoir été payé au titre de l'impôt payable par le contribuable en vertu de la présente partie pour l'année ou qui est réputé, par le paragraphe 122.61(1), être un paiement en trop au titre des sommes dont le contribuable est redevable en vertu de la présente partie pour l'année.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

164(1.5) Malgré le paragraphe (1), le ministre peut, à la date de mise à la poste d’un avis de cotisation d’un contribuable pour une année d’imposition, ou après cette date, rembourser tout ou partie d’un paiement en trop par le contribuable pour l’année si, selon le cas :

 

a) la déclaration de revenu du contribuable — particulier, autre qu’une fiducie, ou fiducie testamentaire — pour l’année en vertu de la présente partie a été produite au plus tard le jour qui suit de dix années civiles la fin de l’année d’imposition;

 

b) une cotisation a été établie, ou un montant déterminé de nouveau, en application des paragraphes 152(4.2) ou 220(3.1) ou (3.4), à l’égard du contribuable.

152(4.2) Notwithstanding subsections 152(4), 152(4.1) and 152(5), for the purpose of determining, at any time after the expiration of the normal reassessment period for a taxpayer who is an individual (other than a trust) or a testamentary trust in respect of a taxation year,

 

 

 

 

 

 

 

 

(a) the amount of any refund to which the taxpayer is entitled at that time for that year, or

 

 

 

 

(b) a reduction of an amount payable under this Part by the taxpayer for that year,

the Minister may, if application therefor has been made by the taxpayer,

 

(c) reassess tax, interest or penalties payable under this Part by the taxpayer in respect of that year, and

 

(d) redetermine the amount, if any, deemed by subsection 120(2) or (2.2), 122.5(3), 122.51(2), 127.1(1), 127.41(3) or 210.2(3) or (4) to be paid on account of the taxpayer's tax payable under this Part for the year or deemed by subsection 122.61(1) to be an overpayment on account of the taxpayer's liability under this Part for the year.

 

164(1.5) Notwithstanding subsection 164(1), the Minister may, on or after mailing a notice of assessment for a taxation year, refund all or any portion of any overpayment of a taxpayer for the year

 

 

 

(a) if the taxpayer is an individual (other than a trust) or is a testamentary trust and the taxpayer’s return of income under this Part for the year was filed on or before the day that is ten calendar years after the end of the taxation year; or

 

(b) where an assessment or a redetermination was made under subsection 152(4.2) or 220(3.1) or 220(3.4) in respect of the taxpayer.

 

 

LA NORME DE CONTRÔLE

 

[24]           La Cour suprême du Canada, dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, a récemment fusionné la norme de la décision manifestement déraisonnable et la norme de la décision raisonnable simpliciter en la norme de la décision raisonnable, de telle sorte qu’il n’y a maintenant plus que deux normes de contrôle : la norme de la décision raisonnable et la norme de la décision correcte. Comme la Cour suprême l’a affirmé dans cette décision, il n’est pas nécessaire d’apprécier dans tous les cas des quatre facteurs compris dans l’analyse relative à la norme de contrôle. Au contraire, lorsque la jurisprudence antérieure établit clairement quelle est la norme de contrôle applicable, la cour de révision peut adopter cette norme.

 

[25]           Dans Lanno c. Canada (Agence des douanes et du revenu), 2005 CAF 153 (Lanno), la Cour d’appel fédérale a jugé que la norme de contrôle applicable à une décision du ministre rendue en vertu des dispositions d’équité était la norme de la décision raisonnable simpliciter. Cette norme a depuis été appliquée par la Cour lorsqu’elle contrôle les décisions de ce genre rendues par le ministre. Compte tenu de Dunsmuir, de Lanno et de la jurisprudence antérieure de la Cour, je suis convaincu que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable. Toutefois, en ce qui concerne la prétention du demandeur selon laquelle on ne lui a pas donné l’occasion de discuter des résultats de l’examen fondé sur l’équité avec le ministère, cette question est une question d’équité procédurale, laquelle est une question de droit susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte (Dunsmuir, précité). Lorsqu’on conclut qu’il y a eu manquement à l’équité procédurale, la décision est annulée.

 

L’ANALYSE

 

[26]           Le demandeur conteste la décision par laquelle le ministre a rejeté sa demande de modification de ses déclarations T1 et T2 pour les années d’imposition 1999 et 2000 et sa demande d’établissement d’une nouvelle cotisation par l’ARC à l’égard de ces déclarations. Comme le prévoit le paragraphe 152(4.2), une des « dispositions d’allègement » prévue par la Loi, le ministre, après la fin de la période normale de nouvelle cotisation de trois ans, peut établir une cotisation ou une nouvelle cotisation à l’égard d’une déclaration de revenus aux fins d’un remboursement ou d’une réduction des montants dus par le contribuable. Toutefois, cette disposition d’allègement ne s’applique qu’aux particuliers et qu’aux fiducies testamentaires. C’est ce qui ressort clairement du libellé du paragraphe 152(4.2) qui prévoit ce qui suit : « Malgré les paragraphes (4), (4.1) et (5), pour déterminer à un moment donné après la fin de la période normale de nouvelle cotisation applicable à un contribuable -- particulier, autre qu'une fiducie, ou fiducie testamentaire -- pour une année d'imposition […] » [Non souligné dans l’original.] Ce ne sont pas toutes les dispositions relatives à l’équité comprises dans la Loi qui ne s’appliquent qu’aux particuliers, autre que les fiducies, et qu’aux fiducies testamentaires. Par exemple, les paragraphes 220(3.1) et (3.2) s’appliquent à tous les contribuables. Toutefois, comme les sociétés ne sont pas comprises dans le libellé de l’article 152(4.2), une société ne peut pas demander un remboursement à l’égard d’une année d’imposition plus de trois ans après qu’elle a soumis sa déclaration de revenus pour cette année d’imposition. Le demandeur n’a invoqué aucun fondement juridique ni aucun autre motif qui permettrait de mettre en doute ou de réfuter cette position. Par conséquent, selon moi, les déclarations T2 pour 1999 et 2000 en litige en l’espèce sont prescrites et le ministre n’avait pas le pouvoir d’établir de nouvelles cotisations à l’égard de ces années malgré que le demandeur en ait fait la demande.

 

[27]           En ce qui concerne ses déclarations T1, le demandeur prétend que l’ARC n’a pas tenu compte de certaines dépenses. Il prétend que certains reçus n’ont pas été pris en compte parce qu’ils ne portaient aucun tampon indiquant s’ils avaient été acceptés ou refusés, et que, lorsque qu’on ne trouvait pas les reçus soumis comme preuve de dépenses, d’autres preuves de paiement (comme des relevés de carte de crédit et des relevés bancaires) ont été soumises, mais n’ont pas été prises en compte. Selon le demandeur, les agents de révision n’ont pas suivi ou n’ont pas pris en considération les lignes directrices du ministère sur la preuve raisonnable des dépenses. Il prétend également que les reçus de dépenses qu’il a soumis ont été mal gérés et mal classés par l’ARC. Enfin, le demandeur prétend qu’on ne lui a pas donné l’occasion de discuter avec le ministère de l’examen fondé sur l’équité.

 

[28]           Le demandeur insiste particulièrement sur le fait qu’il a soumis dans le délai prescrit une preuve suffisante de revenus. Le rapport de vérification qui figure à la page 39 du dossier de demande de la défenderesse indique que le client [traduction] « a déclaré un revenu brut de 68 652 $ ». Le demandeur affirme qu’il a fourni d’autres renseignements et d’autres preuves, émanant de ses employeurs, quant à un revenu brut modifié de 37 379,51 $ pour l’année 1999, mais que ceux‑ci n’ont jamais été pris en compte par l’ARC qui a sans cesse insisté sur la question des dépenses. De plus, pour l’année d’imposition 2000, il a déclaré un revenu brut de 11 700 $ (voir la page 40 du dossier de demande de la défenderesse), mais ce montant n’a pas non plus été accepté et l’ARC a continué d’insister sur la question des dépenses.

 

[29]           La défenderesse affirme que le ministre a fait certains redressements au revenu, mais que les redressements ne peuvent être faits que si les documents appropriés sont fournis. Le demandeur a été informé quant à savoir quels documents étaient exigés et il a eu tout le loisir de fournir les documents nécessaires pour permettre au ministre de faire des redressements au revenu.

 

[30]           Après avoir examiné le dossier sur ce point il est clair, selon moi, que le ministre a bel et bien tenu compte des renseignements et des documents que le demandeur a soumis quant à son revenu brut déclaré. La note au dossier de la vérificatrice, aux pages 39 et 40, fait état des montants que le demandeur a initialement déclarés à titre de revenu brut. Aux pages 44 à 47, la vérificatrice fait également mention des prétentions du demandeur et des conversations qui ont eu lieu entre le ministère et le demandeur à propos de ses demandes de redressement de son revenu déclaré. Par exemple, les notes au dossier mentionnent ce qui suit :

 

                        [traduction]

 

9 oct.   Documents non reçus. Nous avons demandé des documents à l’appui des revenus bruts dans la lettre initiale, datée du 6 février 2002, que nous avons envoyée au client. Huit mois se sont écoulés et le client n’a toujours pas soumis les documents nécessaires pour étayer ses revenus bruts […]

 

17 oct. […] Le client a disposé d’assez de temps pour soumettre les documents à l’appui de son revenu brut. Si on se fie aux renseignements soumis antérieurement, le montant des dépenses du client serait moins élevé que le montant initialement réclamé […]

 

[…]

 

 

21 oct. J’ai appelé le client. Le client a déclaré qu’il avait un relevé émanant de REMAX quant à ses revenus pour les années d’imposition 1999 et 2000. Il a déclaré que les revenus étaient nuls. Le client a déclaré qu’il était propriétaire d’une entreprise grâce à laquelle il tirait des revenus provenant de la vente d’immeubles. L’entreprise est connue sous le nom de The Personal Group Realty Inc. Le client mentionne qu’il a également tiré des revenus de cette entreprise et que, selon lui, c’est de là que provenait le problème. Il a subi une perte en capital et le montant aurait dû être exclu de ses revenus bruts pour 2000. J’ai expliqué au client que son revenu et les dépenses connexes faites par la société sont des dépenses de la société. Il doit déclarer les revenus que la société lui a versés. Le client ne savait pas vraiment ce qui était déclaré et il a affirmé qu’il examinerait cette question avec son comptable [...] Le client a déclaré qu’il enverrait par télécopieur les documents reçus de REMAX et qu’il obtiendrait des documents ayant trait aux dépenses liées au bureau à domicile. J’ai dit au client que je demanderais qu’on me transmette les déclarations de revenus de la société qui figurent dans nos dossiers afin de déterminer ses autres sources de revenu.

 

[…]

 

 

28 oct. J’ai parlé à J. Menard (agente, Services à la clientèle T1). Nous devrions communiquer avec le client afin d’obtenir des renseignements supplémentaires. Il semble qu’une partie des revenus soient liés à la société et qu’une partie des revenus soient liés à des affaires personnelles. Nous devrions demander au client de soumettre une ventilation des revenus selon les revenus liés aux affaires personnelles et les revenus liés à la société, y compris les sources des revenus et les montants des revenus. Nous devrions demander les états financiers de la société pour 2001. Nous sommes incapables de déterminer le revenu brut ou le revenu net en se fondant sur les renseignements fournis […]

 

[31]           Selon moi, il ressort clairement du dossier que le ministre a examiné les autres renseignements et les autres preuves de revenu brut soumis par le demandeur, mais que, comme la défenderesse l’a affirmé, le ministre n’a pas pu effectuer une évaluation adéquate parce que le demandeur n’avait pas soumis les documents appropriés.

 

[32]           La défenderesse invoque les lignes directrices ministérielles mentionnées dans la Circulaire d’information archivée IC-92-3, qui mentionne que le ministre exercera son pouvoir discrétionnaire de proroger la période normale de cotisation applicable à un particulier ou à une fiducie testamentaire lorsqu’il « est persuadé que le remboursement ou la réduction aurait été accordé si la déclaration ou la demande avait été soumise à temps et à condition que la cotisation à établir soit conforme à la loi et qu’elle n’ait pas déjà été accordée ».

 

[33]           La défenderesse souligne que la décision du ministre d’accorder ou non un allègement fondé sur l’équité est une décision de nature discrétionnaire qui appelle la retenue de la part de la Cour et que le demandeur n’a pas réussi à démontrer que la décision en l’espèce était déraisonnable. La défenderesse prétend que le demandeur n’a pas fourni assez de renseignements financiers à l’appui de sa demande d’examen administratif de la décision par laquelle on a refusé de lui accorder un allègement fondé sur l’équité. La défenderesse prétend de plus que le ministre a observé les principes de l’équité procédurale et que sa décision n’est entachée d’aucune erreur de droit.

 

[34]           Selon moi, le demandeur n’a pas réussi à démontrer que la décision du ministre était déraisonnable et je ne suis pas convaincu que le ministre a omis de tenir compte d’éléments de preuve dont il disposait lorsqu’il a rendu sa décision.

 

[35]           L’essence de la décision du ministre est qu’il était incapable d’effectuer une évaluation adéquate des déclarations du demandeur parce que les renseignements et les documents soumis n’étaient pas classés et étaient incomplets. Par conséquent, le demandeur n’a pas dissipé les doutes du ministre quant à l’exactitude des déclarations T1 et T2 modifiées. Le ministre a donc rejeté la demande du demandeur visant à modifier ses déclarations et il a refusé d’établir une nouvelle cotisation.

 

[36]           Compte tenu des nombreuses demandes de renseignements et de l’omission du demandeur de fournir ces renseignements de manière à permettre au ministère d’effectuer une évaluation, je ne peux pas affirmer que la décision du ministre était déraisonnable. Le ministre a formulé une demande de renseignements très détaillée dans la lettre datée du 12 novembre 2002 qu’il a envoyée au demandeur. Comme le ministre n’a pas reçu les renseignements, il a demandé d’autres renseignements et d’autres documents au demandeur à un certain nombre de reprises. Toutefois, le demandeur n’a pas fourni tous les renseignements et tous les documents exigés.

 

[37]           Enfin, le demandeur conteste le fait qu’il n’a pas eu l’occasion [traduction] « de discuter du résultat ou de l’examen de l’ordonnance d’équité » et prétend qu’il [traduction] « a tenté sans succès d’informer le ministère que les revenus n’étaient pas exacts et de justifier des dépenses ». Lorsqu’il exerce le pouvoir discrétionnaire que lui confèrent les paragraphes 152(4.2) et 220(3.1) de la Loi, le ministre est tenu d’agir équitablement. Ses pouvoirs doivent être exercés en conformité avec les règles de l’équité procédurale, mais la Loi ne fait mention d’aucune règle précise d’équité procédurale en ce qui concerne les demandes d’allègement soumises en vertu de la Loi.

 

[38]           Je dois également rejeter les prétentions du demandeur sur cette question. Le demandeur a eu l’occasion de soumettre des renseignements et des documents lorsqu’il a présenté sa demande fondée sur les dispositions d’équité. Selon moi, le ministre n’était pas tenu de demander d’autres renseignements, d’autres documents ou d’autres observations de la part du demandeur en l’espèce. Par conséquent, selon moi, compte tenu des faits de l’espèce, le ministre n’a pas violé les règles de l’équité procédurale. Par conséquent, je dois refuser d’intervenir et rejetter la demande de contrôle judiciaire présentée par le demandeur.

 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.                  La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens en faveur de l’ARC.

 

 

 

« James Russell »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-700-06

 

INTITULÉ :                                       BRUNO COSTABILE

c.

L’AGENCE DES DOUANES

ET DU REVENU DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 22 juillet 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE RUSSELL

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 12 août 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

Bruno Costabile

LE DEMANDEUR (pour son propre compte)

 

Surksha Nayar Sarin

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Bruno Costabile

11105, avenue Sheppard Est

Scarborough (Ontario)

 

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

 

 

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.